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Abbé Fulgence Coly, secrétaire général de la Fondation Jean-Paul II : "Le prochain Pape sera aussi bon que Jean-Paul II

Publié le mardi 19 avril 2005 à 07h20min

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Le Pape Jean-Paul II a été inhumé dans la crypte de la Basilique Saint-Pierre de Rome, vendredi 8 avril 2005. L’Abbé Fulgence Coly, secrétaire général de la Fondation Jean-Paul II a pris part en tant que représentant de cette institution aux obsèques du Pape.

Dans cet entretien, l’Abbé Fulgence nous parle de ces "moments d’intenses émotions", de la canonisation du Pape, de l’avenir de la Fondation Jean-Paul II.

Sidwaya (S.) : Qu’est-ce que la Fonction Jean-Paul II ?

Abbé Fulgence Coly (Ab. F. C.) : La Fondation Jean-Paul II est une fondation qui a été créée par le Pape Jean-Paul II en 1984. C’est une institution de développement et de solidarité. Le Pape en créant cette institution voulait justement depuis le début, être vraiment présent en milieu sahélien. Il voulait vraiment créer un instrument de développement et de solidarité pour les Sahéliens. Ceci, suite aux problèmes de grande sécheresse des années 70 qui se sont répercutés au mieux sur notre pays. Sécheresse dont on a ressenti les conséquences vers les années 80.

Le Pape, venu en milieu sahélien, au Burkina Faso, avait lancé le fameux appel historique de Ouagadougou le 10 mai 1980. Il avait demandé à toutes les populations du monde de jeter un regard sur les populations du Sahel qui souffraient à l’époque de grande sécheresse ou de la désertification. L’on se souvient encore des problèmes de manque d’eau, les animaux et les hommes qui mourraient de soif et de faim.

Alors le Pape avait invité toutes les personnes de bonne volonté à travers le monde à apporter un appui aux Sahéliens dans la résolution des problèmes de pauvreté. Dès les premières années, il y a eu de grandes collectes qui ont été faites. Ces collectes ont servi à créer la Fondation Jean-Paul II pour le Sahel. La Fondation a un capital bloqué et les intérêts générés serviront à venir au secours des populations du Sahel qui souffrent de la pauvreté et de tous les problèmes y afférents.

S. : Comment se fait l’intervention pratique de la Fondation sur le terrain ?

Ab. F. C. : Dès les premières années, une structure avait été mise en place avec un conseil d’administration. La gestion de ce conseil a été confiée aux évêques du Sahel. Ils ont eu à s’organiser dès le début afin de voir comment utiliser cet argent. L’idée est donc venue de créer cette fondation qui a son siège à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. Cet emplacement est central parce que la Fondation intervient dans les 9 pays du Sahel. Depuis le Tchad jusqu’au Sénégal en passant par le Niger, le Burkina, le Mali, la Guinée Bissau, le Cap-Vert, la Gambie et la Mauritanie. Le Conseil d’administration est chargé de gérer le patrimoine de la Fondation.

Le secrétariat général a pour rôle d’exécuter les décisions du conseil d’administration qui concerne essentiellement le financement des projets. Les projets sont soumis par les associations, les diocèses, toutes personnes qui s’organisent en communauté peuvent solliciter à la Fondation des financements. Dès le début, l’accent a été mis sur le projet de formation, ensuite sur des projets de réalisation surtout dans les domaines de la protection de l’environnement, la récupération des terres, l’irrigation, l’hydraulique (forages).

La formation s’articule autour des programmes d’alphabétisation pour le changement de comportements à l’endroit des populations à la base. Par exemple, sensibiliser les gens aux problèmes de feu de brousse, de déboisement, etc. Nous encourageons beaucoup les groupements surtout ceux, en milieu rural, à s’organiser pour lutter contre la pauvreté grâce à de petits projets de jardin potager, fruitier. La Fondation Jean-Paul II intègre en fait tous les aspects qui contribuent à améliorer les conditions de vie des populations. La santé n’est pas laissée-pour-compte et les domaines techniques de l’artisanat. Nous soutenons les projets de formation à la base pour aider surtout les personnes en milieu rural à faire face aux problèmes de la pauvreté.

Voilà 20 ans que la Fondation existe. Nous venons justement de faire un rapport de 20 ans d’activités au Saint-Père. Au moment où nous nous apprêtions à faire parvenir ce rapport à la secrétairerie d’Etat du Vatican, nous avons appris que sa santé se dégradait de plus en plus. Néanmoins, nous avons relevé que son œuvre a porté des fruits pendant ces vingt (20) années d’activités et que notre souhait est que cette œuvre puisse continuer.

S. : Des associations d’autres confessions bénéficient-elles des œuvres de la Fondation ?

Ab. F. C. : Naturellement. Le Pape a créé la Fondation pour toutes les populations vivant dans la zone sahélienne. Chrétiens, musulmans, toutes les confessions religieuses ont accès au financement de la Fondation sans discrimination. Il a même utilisé ce mot dans son acte de création de la Fondation. Il voulait bien que cet instrument de développement et de solidarité soit au profit de toutes les populations sans discrimination.

Cela veut dire qu’à la Fondation nous recevons des projets provenant de partout. Pourvu que tout le monde respecte les domaines d’intervention de la Fondation. La Fondation Jean-Paul II vient beaucoup plus au secours de personnes qui ne sont pas chrétiennes. Tout le monde le sait, quand on regarde le Sahel, la majorité des pays sont de confessions musulmanes exceptée le Burkina qui a un taux de chrétiens relativement élevé.

S. : Vous avez été mandaté pour représenter la Fondation aux obsèques du Pape. Comment avez-vous vécu ce temps de prière et de ferveur religieuse ?

Ab. F. C. : Je suis allé le 5 avril dernier, mandaté par le conseil d’administration de la Fondation pour participer aux obsèques du Saint-Père. J’y étais au nom de tous les Sahéliens. Je suis passé devant la dépouille du Saint-Père. Je me suis retrouvé au milieu de toute cette foule innombrable de personnes, venues de par le monde entier, pour rendre hommage au Saint-Père.

A cet instant j’ai senti devant la dépouille du Saint-Père une forte émotion et je ne pouvais m’empêcher de reconnaître en lui, l’homme de Dieu. J’ai été rendre hommage à l’homme de Dieu, lui exprimer toutes les reconnaissances des populations du Sahel et du conseil d’administration de cette Fondation que lui-même a créée. Durant ces obsèques, j’ai été impressionné aussi par le fait de voir que le Pape, qui a pratiquement sillonné tout le monde entier à l’exception de la Chine et de la Russie, de milliers d’hommes a reçu les hommages.

Et c’est là que je me suis dis que lorsque l’homme faisait le tour du monde, on ne voyait pas en lui l’homme de Dieu dont je parlais tout à l’heure. Mais c’est au moment de ses obsèques qu’on a vraiment perçu qu’il était un homme de Dieu. Il a justement porté le message de Dieu à toute l’humanité. Et l’humanité, à ses obsèques, est venue spontanément lui rendre hommage. Qui aurait pensé que tous ces chefs d’Etat, ces responsables de religion, de confessions différentes seraient venus spontanément aux obsèques ? De cela, on sent que tous ceux vers qui le Pape est allé ont reconnu en lui le messager de Dieu. C’est l’impression que j’ai eue sur la place Saint-Pierre de Rome.

En outre, j’ai découvert qu’effectivement pendant que le Pape portait le message au monde entier, certains étaient contre les différentes positions que prenaient le Pape Jean-Paul II. C’était peut-être au nom de la politique mais au moment de ces obsèques, ces personnes ne se sont pas cachées pour venir rendre hommage à ce grand homme. C’est une reconnaissance pour moi que son message est véridique. Que son message a même porté des fruits mais, la vie de ce monde moderne est telle que les gens se ferment devant la vérité. Mais ils sont venus reconnaître que c’était un homme de vérité en lui rendant hommage.

C’est l’impression que j’ai eue en présence de tous ces chefs d’Etat. Le Pape a été contre toutes les deux guerres du Golf. Cependant, tous ces gens qui ont agi contre sa position sont tout de même venus lui rendre hommage. On ne peut pas savoir ce qu’ils ont pu se dire entre eux au moment de ces crises.

La conclusion s’impose que même si certains ont réagi contre ses messages, ceux-ci ont passé.

S. : A ces obsèques, certains fidèles ont réclamé que le Pape Jean-Paul II soit fait Saint tout de suite. Alors quelles sont les conditions pour qu’un homme soit canonisé ?

Ab. F. C. : Je ne te le dirais pas dans les détails mais en général il y a des enquêtes qui se font et il faut qu’il y ait des preuves vérifiées par les enquêteurs sur la vie de la personne. Il y a des signes qui doivent être constatables au niveau des populations.

Comme quoi, en évoquant le Pape Jean-Paul II, ces signes sont été réalisés. Certains parlent de miracles. Mais je crois qu’il faut laisser l’Eglise suivre le processus normal pour déclarer quelqu’un saint. L’Eglise a toujours fait cela. Donc, je ne pense pas qu’on puisse faire des pressions extérieures pour déclarer quelqu’un saint. Le Vatican va suivre la procédure habituelle pour permettre de déclarer la sainteté d’une personne. Mais nous, nous pouvons donner notre point de vue personnel par rapport au vécu de la personne. Mais il y a une procédure à suivre et il faut des signes visibles constatés par des personnes désignées.

S. : D’aucuns disent qu’il faut au minimum deux miracles pour déclarer la sainteté d’une personne. Est-ce exact ?

Ab. F. C. : Si vous commencez par des mesures mathématiques, on ne s’en sortira pas. Lorsque vous parlez de deux miracles, il faut déjà définir les signes ou les manifestations qui peuvent être déclarés comme miracles. Alors là, on ne s’en sort pas. Je crois qu’à ce niveau, il y a des commissions désignées pour ça. Des décisions sont prises en respectant des choses concrètes qui ont été vérifiées.

S. : Comment voyez-vous la succession de Jean-Paul II ? N’y a-t-il pas un risque que son successeur se pose en contradiction des positions de Jean-Paul II sur des sujets tels que l’avortement , l’euthanasie, le célibat des prêtres...?

Ab. F. C. : Nous sommes en Eglise. Et en Eglise, il y a beaucoup de concertations, de travail en équipe. En un mot, en communion. Pour utiliser les termes d’Eglise, c’est la collégialité épiscopale. Vous avez les cardinaux qui constituent le collège des cardinaux qui sont plus proches du Pape. C’est parmi ces cardinaux qu’est choisi le nouveau Pape. Vous avez aussi le collège épiscopal qui est l’ensemble de tous les évêques du monde entier y compris les cardinaux puisqu’ils sont aussi évêques.

En Eglise, c’est un travail de concertation. Il ne faut pas comparer l’Eglise à une structure étatique où parfois, il y a un chef qui décide de tout. Il est sûr que Jean-Paul avait son charisme, ses priorités. Le prochain Pape aussi aura son charisme et verra aussi les priorités de l’Eglise. Mais, le Pape ne travaille jamais tout seul. Il est entouré de tous ses collègues avec lesquels, bien sûr, il réfléchit, il travaille et il prend des décisions.

Je n’ai pas peur du choix qui doit être fait sur le prochain Pape. Pour moi, ce n’est pas la personne qui compte, c’est la fonction papale qui compte. Et le prochain Pape va faire un travail, aussi bon que celui de Jean-Paul II. Mais, tout dépend de la réaction et de la sensibilité des gens pour mesurer l’impact du travail du Pape. Cela est relatif. Seul Dieu peut apprécier le travail que fait quelqu’un.

Je suis persuadé que le prochain Pape fera un bon travail. Il sera à la place de Pierre et vicaire du Christ. Il va porter le témoignage de la même Evangile de Jésus Christ et travaillera dans l’esprit de l’Evangile. Il ne peut pas être en contradiction avec le Pape Jean-Paul II. Le Christ a laissé l’Evangile et tous ces hommes de Dieu agissent selon l’Evangile. Le prochain Pape en fera de même. Et toutes les décisions sont prises en fonction du contenu de l’Evangile. Mais, en tout état de cause, l’Eglise évolue avec son temps et le monde.

S. : Comment voyez-vous l’avenir de la Fondation après le décès de Jean-Paul II ?

Ab. F. C. : En passant devant la dépouille du Saint Père pour lui rendre hommage, personnellement, je me suis dit que de là-haut, il va veiller sur toutes les œuvres qu’il a créées. Parlant de signes de ce qu’il a fait et de ce qu’il fera après sa mort, pour que justement il soit déclaré saint, il doit continuer à veiller sur le peuple qu’il a aimé, les œuvres qu’il a créées pour venir en aide aux populations, en particulier les pauvres. Durant son pontificat, il a été l’homme de tous et il s’est donné à tous. Il a mis en place des structures pour venir au secours des laissés-pour-compte et des plus démunis.

Ma prière pour la Fondation est qu’il continue de veiller sur son œuvre car c’est lui qui l’a créée. J’ai bien foi que le Pape Jean-Paul II va veiller sur la Fondation. Dans son homélie, le cardinal Ratzinger qui a présidé la cérémonie des obsèques du Saint Père, a dit des paroles applaudies spontanément par la foule. Il disait en italien que nous pouvons penser que le Pape, en ce moment, est à la fenêtre du Père ; qu’il nous voit ; et qu’il est en train de nous bénir. C’est dire que nous avons foi que Dieu lui a donné la récompense de grand serviteur. Il l’a fait entrer dans son royaume. D’où il va continuer à veiller sur les œuvres qu’il a laissées.

Interview réalisée par Daouda Emile OUEDRAOGO (ouedro 1@yahoo.fr)
Sidwaya

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