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Elections en Afrique :Quel ministre ose défier un chef d’Etat ?

Publié le lundi 8 décembre 2003 à 11h29min

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En France, l’élection présidentielle est prévue pour 2007. La
classe politique est déjà en ébullition. Ce n’est pas encore la
veillée d’armes, mais chacun, par anticipation, affûte ses armes.

Comme pour dire qu’en politique aussi, il faut savoir partir à
point en auscultant les intentions de l’adversaire, en épiant ses
moindres petits gestes et en disséquant ses petites phrases.
Dans le camp présidentiel, ce n’est pas encore le séisme.

Cependant, comme en prélude à une campagne présidentielle
qui s’annonce âpre, Nicolas Sarkosy, ministre de l’Intérieur, vient
de jeter un petit grain de sable dans le couscous de Jacques
Chirac. En réaction à une éventuelle candidature du chef de
l’Etat en 2007, M. Sarkosy a estimé, de façon subtile, que les
Français en auront assez d’un président peu soucieux
d’alternance.

En fait, Nicolas Sarkosy, en termes plus courtois, fait siens, les
propos tenus par Lionel Jospin lors de la précédente campagne
présidentielle. Ce dernier avait en effet indiqué sans détours
que l’âge avancé de Chirac était un handicap pour de nouvelles
ambitions présidentielles. Toujours est-il que Nicolas Sarkosy,
en annonçant déjà les couleurs, veut prouver qu’on peut être
ensemble sans perdre son identité et que la solidarité
gouvernementale ne doit pas signifier renoncement à sa vision
sur la manière de conduire le pays. Bien entendu, si le ministre
français peut se permettre ces écarts de langage sans courir le
risque d’être limogé, c’est qu’il évolue en terrain favorable.

En
effet, la France est un pays où l’environnement institutionnel et
les différents mécanismes qui le sous-tendent, constituent un
socle sur lequel viennent se briser toutes les tentations aux
intimidations. Si Sarkosy était candidat en 2007, il ne ferait que
rééditer l’exemple de tant d’autres hommes du sérail
présidentiel qui, par le passé,s’étaient démarqués du chef de
l’Etat en présentant leur précandidature.

En France, on est
coutumier des campagnes au cours desquelles parfois deux
candidats, pourtant issus du même moule politique ne se font
pas de cadeaux en échangeant des propos assassins. Par
ailleurs, en France, la conviction est fortement ancrée dans les
esprits que la conduite d’un ministère n’est pas un métier, ni
même une fonction, mais une mission. Loin d’être une fin en
soi, exercer une fonction ministérielle est l’insigne honneur fait à
un citoyen choisi parmi tant d’autres, pour servir la Nation et non
pour se servir de la Nation, en faisant partager ses idées et en
s’enrichissant de celles des autres.

Enfin en France en
particulier, et dans certaines démocraties occidentales en
général, n’est pas toujours ministre qui le veut. Il faut avoir une
base arrière. En un mot, avoir un fief et un électorat. Il faut aussi
un projet de société. Et Dieu seul sait combien Nicolas Sarkosy
qui n’est pas un foetus en politique, en a. Ce n’est pas un
hasard en tout cas, s’il occupe un poste hautement stratégique
en France, celui de ministre de l’Intérieur. Il ne serait d’ailleurs
pas étonnant que ce dernier, le moment venu, rende le tablier
pour être libre dans sa stratégie de conquête de l’Elysée.

De
son côté, Jacques Chirac réfléchira longtemps avant de
remercier un tel ministre populaire et conscient de l’être s’il veut
éviter le risque d’une fracture au sein de la majorité
présidentielle. Mais, c’est tout ce remue-ménage où les
courants d’idées s’expriment et s’entrechoquent librement à
l’intérieur comme à l’extérieur des partis, qui fait le charme de la
démocratie. Un charme qui permet à un ministre de ne pas
renoncer à ses ambitions pour plaire au chef de l’Etat et qui est
conscient que son avenir ne réside pas forcément dans le
gouvernement.

En Afrique, qui oserait franchir cette ligne rouge ?
Quel ministre, oserait se mettre en réserve de la République en
défiant le chef de l’Etat pour ne pas dire le chef tout court dont il a
contribué à monarchiser le pouvoir et en faisant souvent
l’apologie du culte de la personnalité du chef ? On l’a vu au
Cameroun où un ancien ministre croupit actuellement dans les
geôles pour avoir manifesté des velléités de présidentiable.

En
Afrique, la perception que se font la plupart des présidents de
leur fonction et la manière parfois consentante dont nous les
acceptons comme tels, font que les rapports entre les chefs
d’Etat et leurs collaborateurs sont ceux du suzerain et de ses
vassaux. Du reste, en Afrique, assez précautionneux pour
dissuader tout clin d’oeil vers leur trône, certains chefs d’Etat
évitent d’appeler dans leur gouvernement de fortes têtes.

Ils
préfèrent s’entourer de personnages sans relief, sans poids
politique. Vite propulsés dans les sphères corruptogènes de
l’Etat, de tels individus sont l’objet d’intimidations et de chantage.
Pour ne pas hypothéquer leur avenir politique sinon leur avenir
tout court, ces opportunistes n’ont d’autres choix que de
contribuer à ce que le chef de l’Etat devienne le seul référentiel
incontournable pour toute la Nation. Même si par la suite, ils
doivent le regretter. L’exemple du Togo est là pour l’attester.

Mais, il n’y a pas que ceux qui arpentent les allées du pouvoir
qui sont dans le collimateur des chefs d’Etat. En Mauritanie, un
ancien président, adversaire de Ould Taya et candidat
malheureux à la dernière présidentielle, a maille à partir avec la
justice de son pays. Au Rwanda, la candidature de l’ancien
premier ministre, Faustin Twagiramungu à l’élection
présidentielle a été invalidée, officiellement pour cause de
déviance ethnique. Les exemples sont légion en Afrique où la
seule alternative offerte aussi bien aux opposants qu’aux
partisans, c’est d’être ombilicalement tributaires du chef de
l’Etat. Leur succès ou leur échec dépend de la volonté de ce
dernier. Seules les candidatures alibi suscitées pour
accompagner les chefs d’Etat et servir de faire valoir aux yeux de
l’extérieur sont tolérées.

Le Pays

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