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« Le rendez-vous de Touba » : De la culture et du sport, en attendant la recherche sur les origines

Publié le lundi 14 décembre 2015 à 00h50min

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« Le rendez-vous de Touba » : De la culture et du sport,  en attendant la recherche sur les origines

Touba est un village de la commune de Madouba dans la province de la Kossi. Avant- dernier village avant le Mali, il est une riche cuvette au service de l’intégration des peuples. Au mali, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Niger…on trouve également des villages Touba. Quel lien y a-t-il entre ces différents peuples ? Sont- ce les frontières coloniales qui ont ainsi dispersé un groupe ? La réponse à ces questions constitue le combat de Servace Maryse Dabou qui a initié « Le rendez-vous de Touba ». Ceci pour célébrer l’amitié et partager les valeurs culturelles, socio- éducatives entre les Touba d’Afrique. Le projet qui est à sa 2e édition se tiendra du 15 au 20 décembre 2015 à Touba. En attendant, le promoteur nous parle davantage de son projet « panafricain ».

Lefaso.net : « Le rendez-vous de Touba » répond à quel objectif ?
Servace Maryse Dabou :
C’est avant tout pour créer un espace de rencontres, d’échanges, de dialogue, de partage de culture de savoir-faire, et aussi de pratiques dans la perspective d’une vie paisible des communautés qui paraissent séparées par des frontières , mais qui ont en commun un passé, la même langue. Dans la zone du projet les Bwa sont l’ethnie majoritaire avec les Dafing. De l’autre côté de la frontière, au Mali, il y a les mêmes peuples. Il y a aussi que les pratiques culturelles, ancestrales, sont à peu près les mêmes ; d’où l’idée de créer un espace de rencontre.

Je me suis demandé pourquoi le nom de mon village se trouve ailleurs. Il y a Touba en Côte d’ivoire, au Sénégal, au Mali, en Guinée Conakry, et au Burkina. Pour ce que je connais. On m’a soufflé qu’il y a un Touba au Bénin, au Niger…Cela m’a amené à chercher une activité qui pourrait rassembler l’ensemble des peuples de ces Touba et chercher à savoir s’il y a une possibilité de partager les cultures, les réunir sur un même espace géographique. Ce n’est pas exclu qu’un jour, on puisse avoir un Touba Sénégal, mali, Guinée Conakry, Côte d’ivoire ? « Le rendez-vous de Touba » peut donc être un tournant et c’est ce que je cherche dans le long terme.

Mais en attendant le rendez-vous ne peut pas s’exporter sans qu’on ne découvre d’abord ce qui est fait à Touba Burkina. C’est pourquoi nous avons pensé avec l’ensemble des organisateurs du village, qu’il y a des pratiques culturelles traditionnelles qui tendent à disparaitre et qu’il faudrait les promouvoir.

L’un des objectifs, c’est donc de faire revivre les pratiques culturelles et ancestrales qui tendent à disparaitre ?

Exactement. Il y a de belles pratiques culturelles que nous avons vécues à l’enfance. Une fois à l’école, à l’université, ou que nous avons commencé à travailler, on constate qu’elles disparaissent dans le village. Au clair de lune, pendant que certains enfants luttaient, ou faisaient leur jeu de cache, les jeunes filles chantaient, les vieillards faisaient leurs séances de causeries… ce sont des choses qui apportaient la cohésion dans le village, de la vie, de l’animation.
S’il n’y a plus tout cela, cela veut dire que c’est notre culture qui s’en va, alors qu’on dit que la culture est l’âme du développement, l’âme d’un peuple. Si vous n’avez plus votre âme, que vous reste-t-il ? Rien du tout. C’est pour cela que nous avons pensé qu’il était mieux de commencer par Touba, commencer par faire adopter l’initiative par les populations, avant de l’exporter et faire venir des Touba des autres pays. Il faudrait que nous obtenions un bon tronc auquel viendront se greffer des branches suffisamment florissantes et prometteuses d’avenir.

Les Touba des autres pays ont-ils les mêmes réalités socioculturelles que ceux du Burkina ?

Je cherche encore à découvrir les Touba des autres peuples. J’en appelle d’ailleurs à la bonne volonté de toute personne qui peut nous aider à faire de l’investigation dans ce sens. Ce que je sais c’est que le Touba du Mali et celui du Burkina, il y a quand même des similitudes dans la pratique culturelle.
Ce que je sais aussi c’est que dans tous les Touba, il y a des musulmans, des chrétiens et des animistes. Le Touba le plus connu est d’ailleurs celui du Sénégal avec le Magal de Touba.
Mais je suis vraiment curieux de découvrir le lien qu’il y a entre l’ensemble de ces Touba et je souhaite que le rendez-vous de Touba soit également un plateau sur lequel on vient partager cette connaissance.

Justement au-delà des activités festives, y aura-t-il des réflexions qui seront menées dans ce sens ?

Nous avions prévu des séances de sensibilisation sur des thèmes divers. Des causeries pour rechercher les traces des Touba, mais j’avoue que c’est très délicat. C’est très tôt pour le moment de vouloir parler de l’origine des Touba lors de ce rendez-vous. C’est au fur et à mesure que cela pourra venir et j’espère que des chercheurs et des historiens vont s’associer à nous et nous aider à en savoir davantage sur l’origine des Touba. Pour l’instant ce que nous faisons, ce sont des sensibilisations sur des thématiques diverses. Comme le VIH SIDA et les autres IST, la sécurité routière, et des animations que nous propose un de nos partenaires pour faire un éveil de conscience sur un certain nombre de problèmes.
Mais nous avons des conférences qui seront données sur la tolérance religieuse. Nous devons apprendre à nous accepter dans nos différences et savoir que la différence de l’autre ne doit pas ôter de nous le lien familial, culturel.

Peut-on dire que l’intégration des peuples Touba partira du Burkina ?

Justement, c’est mon rêve. Que l’intégration africaine des peuples tant prônée par la CEDEAO, l’Union africaine et l’UEMOA puisse trouver dans le rendez-vous de Touba, une espèce de créneau pour ouvrir la voie à une intégration des peuples comme ils le veulent. Je souhaite également que l’intégration que nous recherchons à Touba puisse servir d’exemple afin que des bailleurs éventuels, des personnes ressources qui sont soucieuses de voir les peuples se fréquenter, se frotter sans couacs, qui sont soucieux de voir les peuples africains circuler, les cultures se croiser sans accrocs, trouvent en nous des ressources humaines compétentes, capables de donner un coup de pouce à l’émergence de cette intégration.

Les frontières héritées de la colonisation ont souvent brisé des liens séculaires entre des peuples africains. Est-ce le fait de retrouver des Touba un peu partout en Afrique de l’ouest qui vous conforte dans cette idée de l’unicité de certains peuples qui survit au-delà des frontières ?

Justement. Même quand on dit que les frontières sont fermées, c’est juste de nom. Nos champs se côtoient, nos parents se fréquentent, nous avons marié leurs sœurs, ils ont marié nos sœurs, ils ont nos parents avec eux, c’est difficile de séparer des gens qui sont liés par le sang. Surtout liés par des racines, qui sont la culture que nous partageons, les pratiques ancestrales que nous avons en commun, la langue que nous avons en commun, l’appartenance à un même groupe sociologique. Le fait qu’il y ait des Touba un peu partout me conforte dans l’idée de croire que le colon a fait ses frontières pour ses besoins, mais pas pour que les peuples africains se retrouvent ensemble. Et c’est pour cela que nous devons être fiers de nous retrouver, et faire en sorte que ces frontières ne soient qu’artificielles, nous permettant de briser ce lien colonial.

Quelles sont les autres activités qui seront organisées à l’occasion de cette 2e édition ?

En dehors des compétitions de chants et danses traditionnelles, il y a des pratiques anciennes que nous voulons ré-initier dans le village. Des danses particulières de femmes qui se font la nuit, par exemple des jeunes filles qui entourent les concessions avec des pilons. Mais il y aura aussi des nuits de contes, des projections de films, des séances de balafons.
Outre l’aspect culturel, il y a le volet sport. Il y a une coupe de l’intégration de Touba qui normalement se joue entre les villages du Burkina et ceux du Mali. Mais cette fois, la coupe va se jouer entre les villages de la commune de Madouba ; nous aurons également un cross populaire, une course féminine et du football féminin.

Des communautés étrangères sont-elles invitées pour cette édition ?

En raison de ce qui prévaut dans la sous-région (Insécurité et attaques djihadistes, Ndrl), il faut être prudent à vouloir impliquer des communautés étrangères surtout dans une zone frontalière. Elles seront représentées, mais en termes de participation massive, nous devons encore patienter.

Comment se prépare l’événement à quelques jours de son début ?

Cette édition se prépare dans un contexte assez difficile, d’autant plus que l’on vient de sortir des élections. Toutes les bonnes volontés qui auraient pu nous assister techniquement et financièrement ne sont plus à même de le faire. Mais d’autres ont pu faire des gestes pour permettre d’aller sur le terrain pour rencontrer les paysans, échanger avec eux et préparer l’édition.

Un dernier message ?

Je tiens à remercier toutes les personnes qui nous ont tendu la main, qui nous ont donné des conseils, des stratégies pour améliorer l’événement. Je félicite les populations à la base qui croient en ce projet. Cela se matérialise par leur acceptation volontaire à faire des cotisations, qui avec un pot de mil, qui avec un pot de sel, qui avec un pot de fonio, du poisson, de l’argent…c’est ainsi, je crois, que nous réussirons à convaincre les gens que le développement peut se faire de façon endogène.
J’appelle les institutions sous régionales et continentales qui œuvrent dans le domaine de l’intégration des peuples à nous accompagner. Nous invitons le public à se rendre à Touba pour partager avec nous ces savoir-faire, ces avoir-être. C’est une façon pour nous aussi de contribuer au rayonnement de la culture africaine, de la culture burkinabè et au développement du sport local.

Entretien réalisé par Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net

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