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« Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (8)

Publié le mardi 15 décembre 2015 à 01h49min

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 « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (8)

Il est aujourd’hui le 1er vice-président du MPP, en charge de l’orientation politique. Autrement dit, il est le bras droit (mais ce serait une erreur de le limiter à cela) de Roch Marc Christian Kaboré. Il a été, autrefois, bien plus qu’une éminence grise du régime en place depuis le 15 octobre 1987 : un homme de l’ombre. L’ombre de Blaise Compaoré. Une légende auréolée de mystères (et le pluriel s’impose).

En 2005, Salif Diallo avait été le directeur national de la campagne de Blaise. Et à cette occasion, il s’était entretenu avec Serge Mathias (correspondant au Burkina Faso du mensuel Continental) sur un sujet qui faisait déjà débat : la candidature de Blaise Compaoré à la présidentielle. A la question : « Que répondez-vous à ceux qui jugent la candidature de Blaise Compaoré illégale ou illégitime ? », Salif Diallo avait répondu alors : « Juridiquement, ceux qui contestent la candidature du président Compaoré ne sont pas fondés à le faire et ne croient pas eux-mêmes à leur argumentation juridique. Ils vont d’ailleurs à l’encontre d’une chose évidente puisque le constituant avait précisé le caractère non rétroactif de la limitation des mandats consacrée par l’article 37 de la Constitution au cours de la révision de la loi fondamentale en 2000*. De plus [et ce « de plus » vaut désormais son pesant d’or], du point de vue politique, nous pensons que lorsqu’on est bon démocrate, on doit s’en remettre à la volonté populaire. Il faut éviter de chercher les raccourcis pour la conquête du pouvoir en démocratie. Aujourd’hui, le peuple burkinabè est le seul maître de son destin et doit pouvoir choisir son candidat ».

En 2005, face à une opposition divisée (onze candidats affrontaient Compaoré), Blaise l’emportera avec 80 % des suffrages exprimés. Paramanga Ernest Yonli sera reconduit à la primature et Diallo poursuivra ses activités de ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques. Cependant, on le dira malade. On le dira, aussi, en conflit avec le chef de l’Etat. On le dira en opposition avec un certain nombre de cadres du parti et de personnalités du gouvernement. On le dira… Autant de rumeurs qui alimenteront les discussions sur son départ du gouvernement.

Le 27 janvier 2008, Diallo avait enregistré à Radio Bobo l’émission de la RTB alors intitulée « Tapis d’honneur ». Il y racontera que le 15 octobre 1987, c’est Blaise Compaoré « qui était programmé pour mourir »**. Il ajoutera alors : « Nous devons tirer les leçons de cette période, faire une introspection et amener le pays dans le sens de l’apaisement ». Il dira encore, répondant à la question de savoir s’il ambitionnait « d’être un jour locataire du palais de Kosyam » : « Il faut être sérieux. Je ne suis pas dans la dynamique d’une pareille ambition. L’ambition personnelle fragilise les pouvoirs. On peut me considérer comme non partant. Je ne suis candidat ni aujourd’hui, ni demain ». Et il ajoutera : « Blaise Compaoré dirige avec pondération et intelligence. Sa succession n’est pas à l’ordre du jour ».

Le 23 mars 2008, dimanche de Pâques, Diallo va cependant perdre son portefeuille de ministre. Dans un entretien accordé à Jeune Afrique (30 mars 2008), il dira que son départ du gouvernement de Tertius Zongo avec lequel il n’entretenait pas les meilleurs rapports, a été décidé « d’un commun accord ». « Voilà plus de dix-huit ans que je suis au gouvernement, expliquera-t-il. Après tout ce temps, le risque de devenir moins efficace est bien réel. En politique, il faut savoir prendre du recul ».

Ce recul, Diallo va le prendre loin de Ouaga. C’est au cœur de l’Europe, à Vienne, qu’il sera nommé ambassadeur. Loin du débat politique burkinabè. Pas assez, cependant, pour que celui dont on disait « il est derrière tout alors qu’il voudrait être devant »*** cesse d’interférer dans la vie politique du pays. A tel point, d’ailleurs que Roch Kaboré souhaitera prononcer son éviction du parti présidentiel qu’il présidait tandis que Diallo en était le vice-président. Diallo prônait alors une « refondation » qui n’était pas à l’ordre du jour. Il ira plus loin encore dans un entretien accordé à L’Observateur Paalga en juillet 2009. Alors que Zéphirin Diabré avait lancé un « forum de l’alternance », Diallo jugera que « la question de l’alternance n’est pas une question taboue qu’il faut contourner […] Pour moi, le meilleur moyen de créer une alternance dans notre pays, dans la paix et la stabilité, c’est de réformer profondément les institutions actuelles pour approfondir la démocratie en donnant des chances égales à tous les partis politiques. C’est pourquoi ma suggestion est d’aller aujourd’hui vers un régime parlementaire qui nous éviterait une patrimonialisation de l’Etat ». A noter que Ousséni Ilboudo, directeur des rédactions de L’Observateur Paalga s’était déplacé jusqu’à Vienne pour recueillir les propos de celui qui était alors secrétaire à l’organisation et aux questions politiques du CDP.

Pour Roch Kaboré, patron du CDP, le moment était venu de mettre Diallo sur la touche. Il sera suspendu des organes et instances du parti. Peu de temps. Le 24 décembre 2009, Diallo adressera au BPN une lettre d’autocritique reconnaissant que ses propos « n’ont pas été précédés d’un débat formel au sein du parti et qu’il a ainsi agi en violation des principes organisationnels relatifs à la discipline interne au CDP ». Le 27 février 2010, sa suspension sera levée.

Les années 2008 à 2010 seront donc celles où le destin de Diallo ne va cesser de basculer. Expression de la métamorphose politique et sociale du Burkina Faso, parfois difficile à gérer. D’abord, parce que la région Ouest-africaine était en ébullition ; ensuite, parce que le pays était confronté à une crise de croissance, occasion pour les riches de devenir plus riches et pour les pauvres d’enrager de le rester. En 2008, la « lutte contre la vie chère » va rythmer la vie du pays ; la « crise alimentaire » aura permis de dégager Diallo en touche alors qu’il était en charge de l’agriculture ; laissant penser que tout allait bien, il n’avait pas alerté sur la situation agricole.

En 2009, ce sera le « drame burkinabè » : les inondations du « mardi noir », le 1er septembre ; des dizaines de milliers de sinistrés, plus encore de mécontents et l’occasion, une fois encore, de dénoncer le « lobby des hommes d’affaires », ces transporteurs, importateurs, distributeurs alliés du pouvoir qui surfent sur les pénuries pour, dit-on, faire grimper les prix des produits alimentaires mais aussi du ciment, des briques, du gaz butane et propane…****. 2010 sera une année électorale : campagne soft et résultat sans surprise. Mais la tempête va éclater en 2011.

* La révision constitutionnelle du 11 avril 2000 résultait des soubresauts consécutifs à « l’affaire Norbert Zongo » qui avaient conduit le pouvoir exécutif à mettre en place un collège des sages afin de calmer le jeu et de réfléchir à une révision de la Constitution. Le débat va porter notamment sur l’article 37 qui, désormais, limitera à deux le nombre de mandats (dont la durée était ramenée de sept à cinq ans) et envisageait que la révision de cet article ne puisse intervenir que par voie référendaire afin qu’il « ne soit pas changé au gré des humeurs ». Ce sera un retour aux dispositions originelles de la Constitution de 1991, la limitation du nombre de mandats ayant été supprimée par la loi constitutionnelle de 1997. En 2005, certains commentateurs considéraient que Blaise Compaoré ayant été élu en 1991 et 1998 ne pouvait donc pas être à nouveau candidat en 2005 compte tenu de la limitation des mandats fixée par la Constitution de 2000, ce qui était faire abstraction de la non-rétroactivité de la loi.

** Officiellement, le 15 octobre 1987, jour de l’assassinat de Thomas Sankara, Salif Diallo était au domicile de Blaise Compaoré, numéro deux du CNR, ministre d’Etat délégué auprès de la présidence du Faso et ministre de la Justice depuis le 4 septembre 1987. C’est ensemble que Diallo et Compaoré vont se rendre au Conseil de l’Entente où ils vont constater la mort du leader révolutionnaire.

*** On disait aussi de Salif Diallo qu’il était « l’homme des dossiers secrets et aussi un homme d’action qui a été de toutes les batailles de la Révolution », « l’homme des dossiers spéciaux, d’aucuns disent occultes ».

**** C’est pourquoi lors du premier congrès du MPP, en avril 2014, Salif Diallo avait insisté sur le « programme social-démocrate » de son parti « qui consacre l’économie de marché, mais une économie de marché régulée qui interdit les monopoles, les pillages ».

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 14 décembre 2015 à 17:31, par Sidpawalemdé Sebgo En réponse à : « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (8)

    Quel que soit ce qu’on pense de Salif diallo, on ne peut pas dire qu’il a manqué de courage. Beaucoup de ceux qui tirent à boulets rouges aujourd’hui sur les RSS oublient que dans le contexte de l’époque, Salif Diallo avait tout à perdre (y compris la vie si le clan l’avait identifié comme un danger) à faire cette sortie.
    Un telle prise de position, à un moment ou le clan Compoaré semblait n’avoir pour options que sauter le verrou constitutionnel pour que Blaise continue ou le remplacer par son frère, était risqué. Surtout quand on sait que Salif ayant été au cœur du pouvoir faisait peur à François et à ses soutiens. L’affaire Zongo a montré comment ils "résolvaient" ce genre de problèmes...

    Ouaga-la-rumeur raconte que "l’opposition" entre les RSS et le clan aurait commencé en 1998 avec l’affaire Norbert Zongo, quand le cercle avait proposé à Blaise de livrer son frère à la justice pour sauver le régime. Vrai ou faux, ces épisodes david Ouédraogo et Norbert Zongo ont au moins montré le manque de discernement de François Compaoré, et donc son peu de qualification pour diriger le Burkina. La montée du clan François depuis 2008, associée au refus de Blaise Compaoré d’annoncer son retrait en 2015 ne pouvait donc qu’aboutir à un clash avec les compagnons historiques de Blaise.

  • Le 14 décembre 2015 à 19:03, par troll En réponse à : « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (8)

    Quand on pense qu’en 1986 Salif Diallo, selon les propres dires de M. Béjot, travaillait déjà avec Blaise, n’est-on pas en droit de se demander quelle part de responsabilité Salif Diallo a dans la mort du Président Sankara... personnellement je souhaite que la justice se pose cette question.

  • Le 14 décembre 2015 à 19:18, par justement juste En réponse à : « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (8)

    On peut me dire que les RSS ont changé. Est ce pour cela qu’il faut écarter et oublier leurs gaffes du passé ? Je dis non. On attend la justice qu’ils ont promis. Cette justice doit découvrir tous les criminels et les sanctionner tous. Nous on vous attend. Commencez vite pour nous convaincre sinon.... ngaw !

  • Le 14 décembre 2015 à 21:38 En réponse à : « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (8)

    Internaute n° 1, bien au contraire monsieur Jean-Pierre BEJOT démontre à travers l’écrit que Salif Diallo n’est rien d’autre qu’un revanchard qui, après avoir participé à toutes les tueries et après s’être viré, a profité du contexte pour faire partir son ami et frère diable. Mais étant donné que c’est une affaire de diable, nous on regarde faire....

  • Le 15 décembre 2015 à 08:58, par oudraogo En réponse à : « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (8)

    ALLONS SEULEMENT
    CELUI QUI PEU FAIRE NOS AFFFFF EST LE BIENVENUE

  • Le 15 décembre 2015 à 09:18, par Le vrai ga En réponse à : « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (8)

    les RSS sont de vrais gas. ils ont eu des brouilles entre eu, mais ils se sont pardonné et marche aujourdhui mains dan la main. c’est ça que le burkinabe doit voir pour avancé au lieu d’insulter et pagler bla bla bla partout.

  • Le 15 décembre 2015 à 10:53, par Le Fair Play Citizen En réponse à : « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (8)

    Quelles sont les intentions véritables de ce Monsieur ?
    A vrai dire, je pense que le Burkinabè est tolérant, croit vite sur parole, pardonne donc et attend de voir la suite. Tant que les erreurs du passé ne se répètent plus, le Burkinabè fini par enterrer la hache de guerre et les rancœurs.
    Alors, quels sont véritablement les vrais intentions de ces écrits sur le passé de Salif Diallo et autres ?
    Franchement cherchons à aller de l’avant.

  • Le 15 décembre 2015 à 13:11, par Sidpawalemdé Sebgo En réponse à : « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (8)

    Internaute n°5 : De mon point de vue, TOUS ceux, militaires ou civils, qui ont participé d’une manière ou d’une autre au pouvoir d’état sous la révolution ou la rectification, sont solidairement responsables des crimes politiques qui ont été commis pendant ces périodes. Je parle des morts, mais aussi des carrières brisées et des emprisonnements arbitraires et autres brimades. Cela fait beaucoup de monde en dehors de Salif Diallo...

    On peut citer parmi ceux qui sont encore de ce monde : Arsène Bongnisan Yé, Naboho Kanidoua, Achille Tapsoba, l’ancien ministre Palm, Roch Kaboré, Simon Compaoré, Jean Léonard Compaoré, Arba Diallo, Béatrice Damiba, Etienne Traoré, Valère Somé, Soumane Touré, Adama Touré, Pierre Ouédraogo, Gilbert Diendéré, et j’en passe. C’est dire que si on doit demander des comptes, il n’y a pas de raison de s’arrêter à Salif Diallo.

    Mais responsable et coupable, ça fait deux. Et il faudrait alors établir clairement qui a fait quoi car assimiler l’appartenance à un régime à une culpabilité ne tient pas devant un tribunal. Donc si vous affirmez, comme par exemple Valère Somé dans son dernier livre, que Salif Diallo a du sang sur les mains, il faut le prouver car lui dit le contraire. Cela serait d’ailleurs bon pour le Burkina qu’on fasse enfin un grand déballage de ce qui s’est vraiment passé dans ces périodes troubles, pour tourner la page et regarder vers l’avenir.

  • Le 16 décembre 2015 à 09:42, par Bebrigda En réponse à : « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (8)

    Les Burkinabè doivent résolument comprendre qu’aucun Etat ne peut se construire dans le mensonge. Certains hommes politiques ont passé tout le temps à tromper le peuple : ils s’érigent en bourreaux du peuple pour après simuler une opération de sauvetage de celui-ci. Il faut que la justice ait le courage de convoquer tous ceux sur lesquels pèsent de gros soupçons de crimes de sang et de crimes e économiques pour faire la lumière sur ces différents dossiers. Ce sera en tout cas l’occasion de leur faire payer leurs actes s’ils sont coupables ou de les blanchir dans le cas contraire. Les hommes comme les Salif ont leur nom cité dans beaucoup de dossiers compromettants et il faut qu’un jour ils s’expliquent devant la justice.

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