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Cyr Payim Ouédraogo, Directeur de publication de « Infos Sciences-Culture » : « Un journal ne doit pas être lié aux politiciens, sinon sa mort est certaine »

Publié le vendredi 27 novembre 2015 à 02h18min

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Cyr Payim Ouédraogo, Directeur de publication de « Infos Sciences-Culture » : « Un journal ne doit pas être lié aux politiciens, sinon sa mort est certaine »

Ces dernières années, le Burkina a enregistré la naissance de plusieurs organes de presse. Le dernier né des journaux papier est intitulé « Infos Sciences-culture » et le n°000 a été mis sur le marché le 15 septembre 2015. Ce bimensuel s’inscrit dans la spécialisation et s’intéresse aux questions de culture, de sciences et de technologies. Son directeur de publication a fait ses armes chez le « doyen » de la presse burkinabè, L’Observateur Paalga, Cyr Payim Ouédraogo. Dans cet entretien, il présente ce journal et ses ambitions. Sur le financement, il soutient que son « canard » n’est adossé ni à des politiciens, ni à des opérateurs économiques… Le vrai partenaire le plus sûr n’étant autre que le public, les lecteurs !

Veuillez-vous présenter à nos lecteurs ?
Je suis Cyr Payim Ouédraogo, journaliste, directeur de publication du bimensuel Infos Sciences-Culture (ISC), un journal spécialisé dans les domaines de la science et de la culture. Le n°000 de ce journal est tombé le 15 septembre 2015 et le lendemain c’était le putsch. Donc, le numéro suivant qui devait paraître le 30 septembre a été victime de la crise. Alors, nous avons fait paraître un numéro double prenant en compte celui du 30 septembre et du 15 octobre. Ensuite, le numéro 003 qui est sorti le 30 octobre comme prévu. Infos-Sciences-Culture est situé sur la route de Kamboinsé au niveau de la maison de Lavigerie.

Pourquoi avez-vous opté pour la spécialisation, chose rare dans l’espace médiatique burkinabè ?

Nous avons opté d’aller dans la spécialisation parce que dans tous les pays, le développement a été basé en grande partie sur les fruits des résultats d’une certaine révolution scientifique et technologique. Nous nous sommes dit qu’au Burkina, il y a plein de résultats de recherche, malheureusement ces résultats ne sont pas connus. Les gens ont tendance à toujours partir chercher les solutions dans les pays du Nord alors qu’ils ont des solutions juste à côté d’eux. En créant ce journal, c’était de porter un projecteur sur tout ce qui est science, technologie et comme nous avons été moulés depuis longtemps dans la culture, on ne pouvait pas faire autrement que de continuer aussi dans la culture.
Nous nous sommes intéressés aux sciences depuis une dizaine d’années, bien après la culture. Voilà pourquoi, nous avons décidé de continuer à manifester notre intérêt sur ces deux domaines. Dans dix à quinze ans, vous verrez que d’autres médias spécialisés viendront nous rejoindre. Et même les autres médias vont accorder plus d’importance à des rubriques scientifiques parce ça booste les chercheurs à faire davantage, à produire des résultats encore plus probants. C’est une autre forme de pression qu’on met ainsi sur leurs épaules. C’est pourquoi Infos sciences-culture est fier aujourd’hui de jouer le rôle de pionnier au Burkina et même dans la sous-région et ainsi de faire œuvre utile. On veut montrer aussi qu’un journal spécialisé peut survivre au niveau du paysage médiatique.

Après quatre numéros, comment se porte le journal sur le marché ?

Les ventes que nous avons pu réaliser durant ce délai relativement court sont satisfaisantes. Demander plus, c’est comme si on demandait à un bébé de se lever et commencer à courir. Pour notre âge, franchement, ce que les uns et les autres ont pu acheter dans les alimentations, dans les kiosques à journaux, avec les revendeurs ou ailleurs, ça met une pression sur nous. Si les gens se comportent de la sorte, ça veut dire que vous n’avez plus d’autre choix que de continuer à être excellent. Même côté abonnement, nous sommes à plus d’une trentaine d’abonnés en moins de deux mois d’existence. L’abonnement concerne aussi bien le journal papier que la version électronique notamment le PDF. Pour le PDF, on a des abonnés du Burkina, du Golf arabe, de la France, de la Côte d’Ivoire… donc pour nous, quand les gens manifestent déjà ainsi leur adhésion à ISC qui est nouveau, on ne peut qu’être satisfait.

Quel est le retour que vous avez des scientifiques ?

Déjà, il y a des scientifiques qui sont au niveau du comité éditorial du journal, il y a des professionnels culturels notamment des artistes qui sont parties prenantes de notre projet. Nombreux sont les scientifiques, les directeurs de recherche, les chercheurs notamment les chargés de recherche, les responsables d’institutions qui sont déjà abonnés. Et toutes les fois qu’on a rencontré les chercheurs, ils nous ont manifesté leur joie. Ils se disent que maintenant, ils ont un journal où ils peuvent faire passer des articles qu’ils détiennent et qu’ils veulent publier. Je pense que chez ceux pour qui on s’engage aujourd’hui, d’une manière générale, il y a une satisfaction.

L’information scientifique que vous traitez est-elle accessible au lecteur lamda ?

L’information est accessible à tout le monde. C’est une revue spécialisée qui doit permettre au citoyen lamda d’avoir des informations qui concernent les sciences, la culture, les technologies. Dans notre approche, comme on va vers les experts de la science et des technologies, on peut avoir l’impression que notre première cible, c’est eux. Non. Nous constituons une passerelle et nous permettons au grand public de pouvoir comprendre, de pouvoir savoir et donner aussi leur point de vue sur ce que nos chercheurs font dans leurs laboratoires, sur certaines expérimentations qui se font en dehors des labos, par exemple au niveau des champs pour les producteurs et nous cherchons aussi à porter l’information à tous ceux-là qui doivent être au parfum des dernières technologies que le Burkina a pu jusque-là produire.
Mais, nous allons au-delà, ce n’est pas que des technologies burkinabè qu’on va présenter puisqu’on a l’ambition de couvrir la sous-région et même au-delà. Notre objectif, c’est de pouvoir être un journal spécialisé de référence au niveau de l’Afrique, qui va sortir des informations purement africaines pour le reste du monde. Et que les autres ne viennent pas à chaque fois pour parler de nos réalités, en ignorant nos contextes culturels.

On constate aussi une forte présence d’ISC sur les réseaux sociaux…

Nous sommes sur Facebook, sur Twitter. Nous avons reçu des félicitations des acteurs qui disent avoir été séduits par notre manière de communiquer sur les réseaux sociaux. Il y a des acteurs culturels qui ont félicité ISC pour cette stratégie. Nous comptons consolider cette stratégie en mettant en place un comité spécial Réseaux sociaux. Ce n’est pas quelque chose de courant dans les autres médias. C’est parce que nous avons une vision lointaine de ces réseaux et nous estimons que cette équipe doit pouvoir évoluer techniquement en suivant de près ce qui se passe sur les réseaux sociaux.
Notre site web est en construction, ce site est bilingue. Ce sera une première. Juste après l’article en Français, il y aura un article en Anglais qui suit sur la même page. C’est quelque chose d’assez original. Nous faisons ça parce que nous voulons nous intéresser au marché anglophone.

Que répondez-vous à ceux qui estiment que créer un journal papier au moment où le journal papier est en crise, c’est s’engager dans une voie sans issue ?

Je pense que si les Burkinabè, les Africains comprennent qu’un journal qui se spécialise, ça veut dire que les ministères concernés doivent d’abord communiquer au niveau du journal spécialisé avant d’aller ailleurs. Il ne faut pas que ce soit le contraire. Si ça se passe ainsi, les journaux spécialisés doivent pouvoir survivre comme les journaux qui font de la généralité. Chacun doit pouvoir se faire une place au soleil. Nous sommes convaincus qu’ISC ira très loin parce que nous avons un rêve qui ne s’arrête pas au Burkina. On traite les rêveurs de fous, mais ce sont les rêveurs qui font avancer ce monde. Voilà pourquoi au niveau des médias, nous préférons qu’on nous considère comme des rêveurs, comme des fous parce que nous avons notre petite révolution à faire.

Pour le financement, qui soutient ISC ?

Rires. On entend du tout. On a appris qu’on a reçu 100 millions de je ne sais qui, on dit qu’il y a une dame de la science qui nous finance, malheureusement cette dame n’est pas encore abonnée. A ISC, on est en train de la traquer pour qu’elle s’abonne. Mais, pour moi si on a la volonté, on peut aller très loin. Même si je suis au départ de l’idée, c’est une aventure collective puisque tous ceux qui sont à mes côtés font des sacrifices. Nous avons dit que nous paraissons tous les 15 jours, nous avons respecté cette parution sauf celle du 30 septembre et nous comptons respecter nos engagements jusqu’au bout. Le journal est ouvert à tous et il y a des gens qui nous approchent pour apporter leur contribution. Mais, nous pensons que la principale force d’un média c’est le public. La force d’un journal ne doit pas être lié aux politiciens, aux opérateurs économiques parce que tout ça fait que rapidement votre ligne éditoriale est menacée et votre mort est certaine. Et je ne souhaiterais pas que de telles choses arrivent aux médias burkinabè qui sont beaucoup respectés pour tout ce qu’ils arrivent à faire avec beaucoup de dignité et d’intégrité. ISC aussi s’inscrit dans ce cadre. Nous savons les différents dangers qui guettent les médias burkinabè, nous n’allons pas aussi facilement nous faire avoir.

Un message aux lecteurs et partenaires d’ISC ?

Je remercie Lefaso.net pour l’intérêt vis-à-vis d’ISC, l’intérêt vis-à-vis de la science et de la culture. Je pense que le partenariat ISC-Lefaso.net ne fera que grandir davantage les deux secteurs.
Je profite lancer un appel à l’ensemble de la population burkinabè et même de la sous-région d’adopter ISC parce que nous voulons faire les choses avec beaucoup de sérieux, avec beaucoup de rigueur. Nous faisons ça parce que nous aimons. On fait ça parce que c’est la passion. Il faudra qu’en retour, on ressente que l’intérêt est là, que par exemple les acteurs concernés notamment les artistes, les acteurs du Showbiz, les mélomanes, le public, les scientifiques, les inventeurs, les créateurs, les innovateurs, les autorités en charge de ces questions sachent qu’on est prêt à accompagner les deux secteurs. ISC fera des efforts pour élever le niveau de compréhension sur les sciences et la culture. Nous avons prévu, dans les universités et les établissements secondaires, de mettre en place des clubs ISC, les doter d’abonnements gratuits pour qu’ils puissent, petit à petit, aimer les sciences et la culture. En faisant ces efforts, je pense que dans dix à quinze ans, ce sera les prochains dirigeants de notre pays et vous allez voir comment la métamorphose va s’opérer ; vous allez voir aussi qu’on aura contribué à apporter notre modeste pierre à la construction de ce pays que nous aimons tous.

Entretien réalisé par Moussa Diallo
Lefaso.net

Qui est Cyr Payim Ouédraogo ?

Le directeur de publication du bimensuel Infos Sciences-Culture est un produit du département de communication et journalisme de l’Université de Ouagadougou. Dans les années 2000, il intègre le quotidien L’Observateur Paalga. En 2007, il est promu rédacteur en chef du magazine L’Observateur dimanche. Fils d’une vedette de la chanson burkinabè (Maurice et les mauricettes), Cyr Payim Ouédraogo fait partie des experts du ministère de la culture. Il a aussi pratiqué sous la révolution comme petit chanteur mais également comme instrumentiste-soliste-organiste de certains groupes musicaux. Dans ce cadre, il est souvent sollicité pour des formations en critique d’arts au profit des journalistes.
Il est aussi consultant dans le domaine des sciences. Après l’université de Ouagadougou, Cyr Payim est allé à l’Université de Michigan pour renforcer ses connaissances sur l’information scientifique. Il a aussi bénéficié d’autres formations dans ce domaine dans plusieurs pays africains. A ce titre, il est souvent sollicité pour des formations de ses jeunes confrères.
Au niveau associatif, il a contribué à la mise en place le RICH (Réseau d’information sur l’hygiène, l’eau potable et l’assainissement), en étant le premier président de ce réseau. Il a aussi participé à la mise en place du RECOAB (Réseau des communicateurs ouest-africains en biotechnologie).
Cyr Payim Ouédraogo est chevalier de l’ordre du mérite des arts, des lettres et de la communication depuis 2014.

Portfolio

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Vos commentaires

  • Le 27 novembre 2015 à 05:49, par Boris En réponse à : Cyr Payim Ouédraogo, Directeur de publication de « Infos Sciences-Culture » : « Un journal ne doit pas être lié aux politiciens, sinon sa mort est certaine »

    Félicitation à toi Cyr !
    Et bon vent au nouveau-canard-né.
    Que le Seigneur vous accompagne !
    Amen !

  • Le 27 novembre 2015 à 11:08, par Bazie Thomas d’Aquin En réponse à : Cyr Payim Ouédraogo, Directeur de publication de « Infos Sciences-Culture » : « Un journal ne doit pas être lié aux politiciens, sinon sa mort est certaine »

    L’eau au Burkina a toujours été problématique, la priorité qu’on en fait actuellement m’envoie à une réflexion sérieuse. Sommes nous conscient que Dieu n’a rien à avoir dans notre mauvaise organisation, lui qui nous fait tomber du ciel près de 200 milliards de mètres cube d’eau chaque saison hivernale et cela depuis la nuit des temps et nous ne sommes même pas capable d’en retenir pour traverser la saison sèche. Utilisons nos ingénieurs et toute personne ressource exerçant dans le domaine de l’hydraulique, associons nos politiques et nos vaillants agriculteurs pour mettre en place un programme pour la rétention, la distribution de l’eau potable. Nous avons essentiellement besoin d’une retenue de plus de 10 milliards de mètres cube à Ouahigouya, une de 2.5 milliards à Gaoua, l’achèvement du barrage de Samandéni et son extension pour atteindre 5 milliards de mètres cube. nous avons encore besoin du curage des barrages de Bagré, de Kompienga et un véritable réseau de tuyauterie qui va permettre d’interconnecter les retenues et les barrages. c’est la solution que nous avons pour capitaliser nos eaux de pluie et le tout couronné par une véritable sensibilisation pour un changement de comportement afin d’éviter les gaspillages et aussi comment parvenir à ne consommer que de l’eau potable en maîtrisant les techniques de filtrage qu’elles soient traditionnelles ou modernes pourvu que plus personne ne boive de l’eau malsaine au Faso

  • Le 27 novembre 2015 à 11:27, par yambia En réponse à : Cyr Payim Ouédraogo, Directeur de publication de « Infos Sciences-Culture » : « Un journal ne doit pas être lié aux politiciens, sinon sa mort est certaine »

    bien dit. le 25 novembre, 1 quotidien de la place était heureux d’afficher en couverture et en gros caractères, les résultats de sondage qui arrange certainement son candidat et le 26 novembre, il n’a pas été fichu de mettre 1 seul mot sur le grand meeting du rival de son candidat tenu le 25/11/15. Ca fait pitié.

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