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Abraham Nignan(RPF) : "Blaise Compaoré ne doit pas se présenter à la présidentielle de 2005"

Publié le samedi 16 avril 2005 à 11h49min

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La classe politique nationale vient de s’agrandir avec un nouveau parti, le Rassemblement patriotique du Faso (RPF). Son leader, un jeune compatriote qui a passé 23 ans de sa vie à parcourir le monde. De retour dans son "Bayiri natal", il a tenu à s’investir dans le landerneau politique burkinabè.

Homme de conviction, d’un franc-parler qui peut déranger parfois, Abraham Nignan dans cet entretien à Sidwaya dit non à une candidature de Blaise Compaoré à la présidentielle de novembre 2005. Un autre son de cloche qui intervient dans un contexte préélectoral marqué par des appels de plus en plus pressants, à travers le Burkina "profond", à une candidature du président Compaoré.

Sidwaya (S.) : S. : Qu’est-ce qui vous a motivé à vous investir dans le landerneau politique burkinabè ?

Abraham Nignan (A.N) : Je suis un citoyen burkinabè qui est allé à l’aventure à la quête d’un mieux-être. J’ai pu constater de visu les difficultés auxquelles sont confrontés les patriotes burkinabè dans les différents pays où j’ai séjourné. Toutes ces tournées m’ont permis de comprendre leurs attentes et leurs situations, éventuellement ce qu’ils peuvent faire pour la mère-patrie et vice-versa. J’ai parcouru l’Afrique, l’Europe pendant 23 ans. J’ai pu ainsi rencontrer de nombreux Burkinabè vivant à l’étranger et échanger avec eux. Par la suite, j’ai décidé de m’installer définitivement au Burkina Faso pour faire partager toute l’expérience acquise lors du séjour à l’étranger. L’idée de militer dans un parti politique à germer en moi dès le bas âge. Etant issu d’une famille nombreuse, j’ai toujours été à la tête de toutes initiatives visant à améliorer le sort des jeunes de ma région natale (le Ziro).

"L’opposition burkinabè est étouffée. La classe politique nationale est faite de mandiants guidés par leurs intérêts égoïstes".

Je dois dire que les compatriotes à l’étranger rencontrent pas mal de difficultés. Je me suis toujours demandé ce qui peut pousser un natif burkinabè à aller vivre ailleurs.

Au Burkina, j’ai parcouru toutes les provinces pour me mettre au parfum des problèmes que vivent la jeunesse et l’ensemble des composantes du peuple burkinè. Suite aux constats de terrain, j’ai décidé, de concert avec des camarades, de créer un parti politique, le Rassemblement patriotique du Faso (RPF). Nous sommes un jeune parti qui a vu le jour en février dernier.

Le Burkina n’est pas un pays réellement démocratique. De ce point de vue, nous sommes beaucoup en retard par rapport à bien d’autres pays. Nous avons créé le RPF pour guérir la démocratie burkinabè de sa maladie. Notre ambition est donc de rétablir la "vraie" démocratie dans ce pays.

S. : Qu’avez-vous prévu pour permettre à la démocratie burkinabè de retrouver ses lettres de noblesse ?

A.N. : Nous demandons au président actuel de ne pas se présenter à l’élection présidentielle de novembre 2005. S’il accepte d’y être candidat, cela n’augurera rien de bon pour le Burkina. Ce sera la catastrophe si jamais il veut encore briguer le fauteuil de Président du Faso. La réalité n’est pas ce qu’il croit dans le Burkina profond.

Des gens m’ont dit de faire attention parce que dans ce pays, soit on te tue ou on te crée des ennuis. Je réponds que je ne viens pas à la politique pour avoir de l’argent. Je viens plutôt pour défendre la jeunesse.

S. : Vous voulez dire que vous êtes contre une éventuelle candidature de Blaise Compaoré à sa propre succession en novembre 2005 ?

A.N. : Nous refusons d’entendre parler d’un second mandat au pouvoir actuel. Parce que ce serait un désastre pour le Burkina entier. Je suis contre la candidature de Blaise Compaoré à la prochaine élection présidentielle.

S. : Avez-vous les moyens de l’en empêcher ?

A.N. : Merci, jusqu’à présent, il ne s’est pas encore déclaré candidat. Mais si jamais il le faisait, ce jour, nous descendrons dans la rue pour manifester contre sa candidature. C’est tout ce que nous pouvons faire. D’autant plus nous soutenons que la démocratie est confisquée dans ce pays depuis le 15 octobre 1987.

S. : Seriez-vous candidat à la présidentielle du 13 novembre 2005 ?

A.N. : Pas du tout. Je ne peux pas être candidat si M. Blaise Compaoré l’est. Dans les cas de figure actuelle, personne ne peux le battre. C’est-à-dire que ce sont des élections déjà “ torpillées ”.

S. : Ne pensez-vous pas que refuser d’aller aux élections sous prétexte qu’elles sont "gagnées d’office", relève d’un aveu de faiblesse ?

A.N. : Ce n’est pas une faiblesse. On sait à l’avance qui va remporter les élections. Etes-vous d’avis qu’on peut nommer les membres chargés de l’organisation des élections et permettre qu’un autre candidat les remporte pour accéder au fauteuil de président du Faso. Si jamais M. Blaise Compaoré dit qu’il laisse la chance aux autres Burkinabè de briguer le fauteuil du président du Faso, dans ce cas, nous prendrions des dispositions pour aller aux élections.

S. : Est-ce une façon pour vous d’affirmer que la transparence ne sera pas de mise à la présidentielle de novembre prochain ?

A.N. : Mais... Elle ne le sera nullement. C’est là tout le sens de notre combat. Pourquoi participer à des élections avec quelqu’un qui est déjà vainqueur à l’avance.

S : Que pensez-vous des multiples appels à la candidature de Blaise Compaoré à l’élection présidentielle du 13 novembre, largement relayés par la presse nationale ?

A.N. : C’est des faits de propagande. Si le président actuel veut épargner ce pays de la “ catastrophe ”, il doit se retirer de la scène politique et partager son expérience avec son successeur pour permettre au Burkina d’aller de l’avant. Le parti majoritaire peut s’organiser et trouver un autre candidat à la présidentielle de novembre 2005.

S. : Voulez-vous empêcher le citoyen burkinabè qu’il est de jouir de ce que les règles de droit lui autorisent ?

A.N. : Il faut qu’il quitte le pouvoir pour aider ses successeurs à donner un autre souffle à ce pays. Cela lui fera d’ailleurs du bien, car il a déjà donné tout ce qu’il peut au Burkina, et il est temps qu’il prenne du recul, et ne plus être sous le feu de l’action.

Si on a semé du piment alors qu’on promet au peuple de récolter des pommes de terre, cela relève de l’utopie. C’est pourquoi la jeunesse entend à travers notre parti , prendre son destin en main pour dire mille fois non à la candidature de Blaise Compoaré.

S. : Quel est l’idéal politique que défend le RPF pour l’intérêt général ?

A.N. : Nous proposons à la jeunesse burkinabè d’avoir l’amour du travail, de cultiver un climat d’entente et de fraternité avec les pays voisins et la communauté internationale. Le RPF prône le respect mutuel entre tous les Burkinabè quel que soit leur statut social. Le combat du RPF vise à permettre à tous les jeunes , à tous les bras valides, notamment ceux issus de couches sociales défavorisées, d’avoir leur pain en ayant la possibilité de contribuer dignement au développement du Burkina, par un travail. Nous avons un rêve : un Burkinabè, un gagne-pain.

S. : Quelle lecture faites-vous des faits et gestes de la classe politique nationale à l’orée des scrutins électoraux ?

A.N. : J’ai honte de parler de la classe politique burkinabè. Et c’est dommage ! Elle est constituée en partie, de "mendiants". C’est-à-dire que les gens viennent en politique pour avoir de l’argent. Ce n’est pas ce que nous voulons pour ce pays des hommes intègres. L’opposition burkinabè est étouffée par ses adversaires et par ses propres faits et gestes, par moments. Il nous faut donc mobiliser les femmes et les hommes de ce pays pour amorcer l’alternance démocratique au Burkina Faso.

S. : Sur quelles forces compte le RPF à cet effet ?

A.N. : La jeunesse constitue le fer de lance du RPF. Le parti prône l’égalité d’accès de tous à l’emploi. Le RPF s’insurge contre les injustices de toutes natures que vivent dans leur chair, de nombreux citoyens ou sympathisants de ce pays.

S. : La jeunesse actuelle, au regard des difficultés qu’elle rencontre dans sons quotidien, est-elle prête à se mobiliser pour soutenir l’action du RPF ?

A.N. : Depuis 15 ans, je n’ai pas vu de leader politique, aller dans le sens des idéaux que mon parti défend. Voilà pourquoi , un groupe d’hommes et de femmes patriotes, à créer le RPF pour être le porte-flambeau de cette couche importante qui représente l’avenir du Burkina. Pourtant, partout où j’ai été, la jeunesse s’est fortement mobilisée et à exprimer son soutien au RPF. Modestement, je puis dire que le RPF en dépit de sa jeunesse extrême, a déjà une force de frappe non négligeable. Des jeunes de toutes les catégories socioéconomiques, issus de la société civile, de la mouvance comme de l’opposition, du Burkina d’en bas comme du Burkina d’en haut, conscients de la gravité de la situation, ont exprimé leur sympathie au RPF. Nous recevons pas mal de félicitations, d’engagement, de sympathie, de tous les milieux.

S. : Avez-vous foi en ce jeu de passe-passe...

A.N. : Avec le temps, nous saurons distinguer les vrais militants des faux. Nous sommes fiers, en tout état de cause, de la jeunesse burkinabè qui se bat contre les adversités de toutes natures pour son bien-être.

S. : Que pensez-vous des partis politiques qui durent le temps d’une élection ?

A.N. : Je n’ai pas de considération pour ces partis, car ils ne le méritent pas. Un parti politique doit être vivant et apte à interpeller la majorité au pouvoir sur des questions brûlantes. On ne crée pas un parti politique pour aller rien qu’à une élection, il sert plutôt à aider son peuple. Pour cela, on ne doit pas attendre d’être installé sur le fauteuil présidentiel pour faire percevoir au peuple et à la communauté internationale, ce dont on est capable. Un parti politique digne de ce nom, fait des critiques et des suggestions aux gouvernants de manière à assurer une meilleure gestion de la chose publique. Mais il est malheureux de constater qu’au Burkina, des partis politiques n’assument leur rôle d’interpellateur qu’à l’approche d’un scrutin électoral. Voilà pourquoi, je dis qu’au Burkina, il y a fort peu de partis politiques viables. Et c’est peu dire.

S. : Au sujet de la question de la pauvreté au Burkina Faso, qu’entendez-vous faire en dehors du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté, en cours d’exécution ?

A.N. : Le préalable de l’action du RPF, est que le président actuel doit accepter de rendre le tablier.

Cela permettra de remettre les pendules de la démocratie à l’heure dans ce pays. Donc, je dis que le président Compaoré est un obstacle à la bonne marche de la démocratie. Un groupe de personnes s’est emparé du pouvoir d’Etat, et ne veut plus le lâcher par peur pour sa survie. Je les rassure sur ce point qu’ils ont tort d’avoir ce sentiment. Le combat du RPF est d’amener donc Blaise Compaoré à comprendre la nécessité pour lui de céder maintenant le fauteuil de président du Faso. A la commémoration de la Journée nationale de pardon, j’ai éteint ma télévision pour éviter de suivre toute cette mascarade. Car le pardon doit être précédé de la reconnaissance de la faute et de la demande de pardon par le fautif lui-même.

S. : Croyez-vous les patriotes burkinabè sont capables à eux seuls, sans coalition, de réaliser le changement qu’ils souhaitent ?

A.N. : Les patriotes, sans exagéré, sont prêts à assumer le “ changement ” au Burkina. Et cela, en gardant du respect pour les acteurs actuels et passés de la vie de notre pays.

S. : Etes-vous venu dans la politique pour faire fortune ou à contrario pour défendre un idéal, une vision ?

A.N. : Je défends l’idéal de la justice sociale débarrassée de toutes les hypocrisies politiques, les valeurs que devrait incarner le pays que nos ancêtres nous ont légué : celui des hommes intègres... J’ai fait beaucoup de choses au cours de ma vie et de mes tournées à travers le monde. Aujourd’hui, j’ai tout ce qu’il faut pour vivre décemment. Je ne viens pas à la politique pour chercher à manger. D’autant plus que j’ai la possibilité d’aller partout dans le monde pour peu que je le veuille. J’ai un réseau de relations très dense. Mais je hais l’injustice, je cultive plutôt l’amour de mon peuple. Le RPF invite donc les jeunes patriotes à prendre leur destin en main au lieu de le laisser confisquer par des responsables peu soucieux de l’avenir de la jeunesse.

S. : Quelle sera la contribution du RPF à la consolidation de la démocratie au Burkina Faso ?

A.N. : La consolidation de la démocratie impose que l’Etat accepte de modifier les textes fondamentaux. Nous pensons qu’il faut changer les termes de la constitution qui donne le droit au président Compaoré de se présenter comme candidat à l’élection du 13 novembre 2005. Nous voulons un Blaise Compaoré qui soit un peu à l’image de Alpha Oumar Konaré, ou encore de Abdou Diouf, Mandela et bien d’autres. Nous n’avons pas besoin qu’un ancien président du Burkina sorte du trantran politique par la grande porte.

S. : N’y a-t-il pas un risque pour vous de ne jamais parvenir à la magistrature suprême du Burkina tant que vous subordonnerez la participation du RPF aux scrutins électoraux, à une "démission éventuelle" de l’actuel locataire du palais présidentiel ?

A.N. : Ce n’est pas le pouvoir pour le pouvoir qui intéresse le RPF. L’avenir de toutes les composantes de notre peuple se trouve au centre du programme de société défini par notre parti. Notre souci est de travailler à faire oublier le cauchemar de la pauvreté au quotidien, de l’insécurité, de la criminalité et partant, de convaincre les jeunes à aller à prendre leur avenir réellement en main.

S. : Pour cela, il faut avoir l’appareil d’Etat en main... ?

A.N. : Mais, l’alternance est un leurre actuellement au Burkina Faso, étant donné que la démocratie est confisquée. Nous refusons de rentrer dans ce jeu à la poupée russe. Le président de parti que je suis , ne prend pas de décision sans consulter la base. Je parle au nom de la position de toutes les composantes de mon parti. Mais, pour l’heure, nous pensons qu’il est impossible pour le RPF d’aller aux élections présidentielles dans les conditions actuelles. Pour les scrutins locaux, en fonction de l’évolution du contexte politique national, nous ferons ce qu’il est utile d’observer comme attitude.

Entretien réalisé par : El Hadj Ibrahiman SAKANDE (ibra.sak@caramail.com)
S. Nadoun COULIBALY (coulibalynadoum2002@yahoo.fr)
et Régine ZERBO

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