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Elections couplées du 29 novembre : L’instinct de survie pour les partis de l’ancienne majorité

Publié le samedi 21 novembre 2015 à 11h50min

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Elections couplées du 29 novembre : L’instinct de survie pour les partis de l’ancienne majorité

Annoncées comme les consultations électorales les plus ouvertes au Burkina depuis 1978, la campagne pour les scrutins du 29 novembre se déroule dans une bonne ambiance. Les violences que certains observateurs redoutaient se limitent pour l’instant à quelques affiches déchirées. On note cependant que selon l’épaisseur de leurs portefeuilles, les partis font plus ou moins du bruit et déplacent plus ou moins les foules. Mais foules qui s’agitent, amassent-elles électeurs ? Si oui, les partis de l’ancienne majorité pourraient surprendre à la proclamation des résultats, car eux aussi réunissent des foules ici et là.

La surprise pourrait se limiter cependant à des postes de députés arrachés là où on attend le moins ces partis, notamment le CDP, l’ADF/RDA et la NAFA. On pense aux provinces du Kadiogo, du Houet, du Boulkiemdé ou encore du Boulgou où la concurrence entre partis est des plus rudes et où les formations politiques de l’ancienne majorité ont le plus de difficultés à être visibles.

De fait, les grandes artères des villes capitales de ces provinces sont inondées d’affiches publicitaires avec des palmes d’or pour le MPP, l’UPC et l’UNIR/PS dans une moindre mesure. Les partis alliés d’hier au pouvoir sont par contre les parents pauvres de cette guerre des affiches et doivent souffrir en plus de voir que les quelques rares qu’ils apposent, sont détruits par on ne sait qui. Pour sûr, les actes d’hooliganisme se poursuivent contre ces partis notamment contre le CDP obligé de tenir des réunions dans un siège du parti en lambeaux et qui trouve difficilement des espaces sécurisées pour coller les quelques affiches qu’il a pu confectionner.

Une rareté des affiches symptomatique de la rareté des ressources que connaissent ces partis de l’ex majorité. Les coûts du procès à Abuja contre les dispositions d’exclusion du nouveau code électoral (article 135) sont passés par là sans oublier que depuis l’insurrection populaire, certains bras financiers du CDP ont été contraints à l’exile. S’il en reste au pays, ce n’est pas le Pérou pour leurs affaires. Par ailleurs, le coup d’Etat avorté du général Gilbert Diendéré, n’a rien arrangé à l’image et aux affaires des partisans de Blaise Compaoré.

En effet, la proclamation de l’éphémère Conseil National de la Démocratie (CND) avait laissé entendre clairement que ces partis auraient été les principaux bénéficiaires d’une nouvelle transition politique. A contrario, l’échec du coup d’Etat a provoqué d’autres départs en exile, des emprisonnements et le gèle des comptes bancaires de certains partis et personnalités de l’ancienne majorité. On pense au CDP et à la NAFA. Conséquence, ces partis se retrouvent sans ressources pour battre campagne et la demande de levée de ces gèles n’ayant pas abouti, la subvention que l’Etat a versée aux formations politiques ne peut pas être touchée. Ce sont autant d’obstacles qui compliquent la vie de ces partis et particulièrement leurs activités de campagne. Tout se passe comme si l’insurrection populaire et le coup d’Etat manqué du 16 septembre ont concouru à un ostracisme organisé et systématisé des partis de l’ex majorité que les insurgés d’octobre voudraient voir boycotter les élections, végéter dans l’inactivité si n’est pas tout simplement condamnés à mort.

Or des élections auxquelles n’auraient participé que les partis de l’ancienne opposition, auraient un goût d’inachevé pour un processus démocratique à la recherche de nouveaux repères. C’est pourquoi le refus de boycotter ces élections par les partis de l’ancienne majorité, est non seulement un refus de se complaindre dans des jérémiades de victimisation, mais aussi une onction de légitimation de la refondation démocratique post insurrection au Burkina. Cette volonté de rester dans les normes républicaines, malgré l’environnement très hostile à la limite de l’arbitraire, est une passerelle que le nouveau pouvoir devrait se saisir pour donner des chances à la réconciliation nationale de se construire. Elle est également, cette volonté de rester dans le jeu républicain de la part des partis de l’ancienne majorité, l’expression d’une survie politique plutôt qu’une ambition de revenir illico presto aux affaires. Sans doute a-t-elle besoin de montrer, l’ancienne majorité, que les caractérisations du genre « forces du mal », « diable », procède d’une stigmatisation caricaturale des erreurs qu’elle a pu commettre et que son bilan à la tête du pays n’est pas aussi négatif que les brocardes qu’on en fait.

En tout cas le CDP tente de fidéliser son électorat en mettant en avant, sur le plan infrastructurel, un bilan de plus de 3.150 km de route bitumées, plus de 7.100 km de pistes rurales construites, 15.272 km de routes réseaux classés et près d’une quinzaine de sociétés qui boostent actuellement la production minière dans le pays. Sur le plan de l’éducation, l’ancienne majorité peut aussi se vanter d’avoir poussé le taux de scolarisation de 32% à 85% entre 1988 et 2014, construit un CEG dans chaque chef lieu de département, multiplier le nombre d’universités publiques par 5 et conçu un programme ambitieux de développement de l’enseignement technique et professionnel. Dans d’autres secteurs sociaux, l’ancienne majorité a des acquis à faire valoir, comme la santé où la distance d’accessibilité à un centre (CSPS) à été réduite de 17 km à 8 km à la ronde en 25 ans. L’accès à l’eau potable (87% de la population en zone urbaine et 39% en zone rurale) s’est aussi amélioré. Des acquis que la gangrène de la corruption et d’autres crimes économiques et de sang qu’on reproche au régime de Blaise Compaoré, ne sauraient occulter.

Cependant, entre avoir des acquis à défendre dans son bilan et gagner les élections du 29 Novembre, il y a un fossé qui ne saurait être franchi à la légère. C’est pourquoi, à la question de savoir que peuvent faire les partis de l’ancienne majorité dans ces élections, la réponse c’est d’éviter le ridicule en transformant l’instinct de survie en rôle d’arbitre du jeu politique national. Ce sera chose faite si aux résultats des élections, par alliance, ces partis arrivaient à constituer deux groupes parlementaires de 20 à 32 députés. Ils disposeraient alors d’une bonne minorité de blocage, un moyen d’avoir du poids au parlement à défaut de participer peu ou prou à la gestion de l’exécutif dans le jeu des alliances prévisibles que le nouveau président devra faire pour avoir une bonne majorité pour gouverner.

A défaut, pourquoi ne pas espérer pour le CDP, le parti le plus en vue de l’ex majorité, le statut institutionnel de chef de file de la prochaine opposition ?

Derbié Terence Somé
Pour Lefaso.net

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