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L’interdiction des gadgets publicitaires, un remède à la corruption électorale ?

Publié le samedi 7 novembre 2015 à 00h05min

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L’interdiction des gadgets publicitaires, un remède à la corruption électorale ?

Ce 8 novembre, le mercure de l’ambiance politique devrait monter d’un cran au Burkina avec l’ouverture officielle de la campagne électorale. Quelles que soient les couleurs que prendra cette campagne, il manquera un véritable indicateur de la force de frappe financière des candidats en lice : les t-shirts, pagnes, casquettes et autres gadgets publicitaires des partis en compétition. La faute à la loi Cheriff qui interdit leur circulation 90 jours avant le scrutin.

On comprend la volonté de rupture que cette loi veut instaurer d’avec le passé des campagnes électorales où se sont les gadgets qui parlent plus que les idées. Instaurer une chance égale pour tous les partis et tous les candidats en limitant autant que faire se peut les inégalités liées au déséquilibre des moyens financiers entre concurrent au suffrage des électeurs est un bon principe. Les observateurs seront donc attentifs de voir comment cette volonté de nivèlement des moyens des candidats et des partis par le bas va s’expérimenter sur le terrain. Le législateur de la transition est-il tombé dans un idéalisme puéril ou a-t-il vraiment trouvé la panacée au problème de la corruption électorale ?

En attendant la réponse à cette question, il est évident aux yeux des professionnels de la communication et du marketing que cette loi avec ses restrictions sur la campagne électorale n’a pas que de bons côtés. En effet, en supprimant l’utilisation de gadgets publicitaires, elle limite les moyens de séduction de l’électorat et les outils de visibilité des partis et candidats en lice. Or justement, la campagne électorale est un moment privilégiée pour cette opération de marketing indispensable auprès des électeurs. Un marketing qui implique des opérations de communication au besoin d’établir une relation de confiance entre les électeurs, les partis et les candidats de leur choix.

Dans cette logique, les T-shirts, les pagnes, les casquettes et autres gadgets sont des supports de communication d’autant plus propices à accrocher l’électorat que nous sommes dans un pays en développement où les médias ne sont pas accessibles à tous et là où ils sont accessibles, leur message n’est pas toujours bien compris. A ce propos, il est évident que n’importe quel gadget, sous forme d’objet utilitaire est plus parlant à un électorat à plus de 60% analphabètes qu’un bon spot radiophonique, télévisuel ou un encart dans un journal. C’est dire combien l’absence de gadget durant la campagne va limiter cette relation de proximité des candidats avec les électeurs.

Des meetings il y en aura, des discours on en entendra, des affiches on en verra, mais toutes ces manifestations resteront à l’étape d’agitation brute des foules avec un déficit à la fois de singularisation des électeurs que permet l’offre d’un gadget, quel qu’il soit. De fait, recevoir un gadget, fut-il d’utilité médiocre, est pour bien de personnes, une marque d’attention qui valorise et peut créer l’indispensable relation de confiance entre un parti, un candidat et ses électeurs. Ce n’est pas de la corruption électorale entendue dans le sens de d’altérer le sens de jugement du citoyen.

Par contre, les T-shirt, les pagnes et autres casquettes arborés par les militants des partis, renforcent le sentiment d’appartenance à un même groupe, motivation supplémentaire d’aller à la conquête d’autres adhérents au groupe. C’est dire qu’à côté des idées qui séduisent les militants, les programmes politiques qui suscitent des sympathisants, les gadgets, les dons en nature et en espèce, sont un moyen supplémentaire de motivation des électeurs.

Au Burkina et dans bien d’autres pays en voie de développement, ce sont ces gadgets et autres dons en nature qui renforcent l’attachement à un parti et à ses candidats. Ailleurs, dans les vieilles démocraties, ce sont des parrainages, des financements à des fondations, des lobbyings auprès des groupes d’intérêts économiques qui intensifient les relations de prédilection des électeurs pour un candidat, son parti, ses idées et son programme.
Faire des dons quelle que soit leur nature pour appâter les électeurs n’est donc pas une invention de l’Afrique, du Burkina, encore moins de Blaise Compaoré et de son parti. La pratique a existé sous les trois précédentes républiques en Haute Volta. Elle existe en Europe, en Amérique, en Asie… et n’est qu’une illustration du fait qu’en démocratie pluraliste, les partis et candidats en compétition ont la volonté de se distinguer les uns des autres non pas seulement par les idées mais aussi par une marque d’attention singulière pour les électeurs.

Interdire donc les gadgets publicitaires pendant la campagne électorale, c’est comme casser le thermomètre pour espérer soigner la fièvre. Le thermomètre mis hors d’usage, la fièvre ne disparait pas pour autant. C’est le médecin qui ne peut plus en mesurer l’ampleur. Le président de la commission électorale nationale indépendante (CENI), Maître Barthélémy Kéré, a vu juste quand il a fait remarquer qu’ « à quoi sert de supprimer les gadgets si des enveloppes d’argent vont être distribuées la nuit. » Disons-le tout net, il est plus pernicieux, plus immorale de décider un électeur à choisir un candidat, un parti pour de l’argent que pour un gadget. Le gadget est un simple outil de marketing. Pas l’argent directement donné à un tiers. Or à l’absence des gadgets publicitaires, c’est avec de l’argent que les candidats et les partis tenteront d’intensifier les relations de prédilection qu’ils sont amenés à créer avec leurs militants, leurs sympathisants et leurs électeurs.

Si oui, les campagnes électorales pourraient coûter plus cher que si la distribution de gadgets était autorisée et le déséquilibre de moyens entre les partis et les candidats que le législateur de la transition a voulu corriger sera un échec. C’est comme si la loi, le principe ou la tendance sous Blaise Compaoré « est élu qui distribue le plus de gadgets » aura été remplacé par « est élu qui distribue le plus de billets de banque ». Voila qui s’appelle aller de mal en pie. Tout le contraire de ce que veut la loi sur l’interdiction des gadgets durant la campagne électorale.

Derbié Terence Somé
Pour lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 6 novembre 2015 à 18:14, par COB En réponse à : L’interdiction des gadgets publicitaires, un remède à la corruption électorale ?

    Nul comme article. Il faut penser à l’esprit de loi et faire des propositions. Aucune loi n’est parfaite.

  • Le 6 novembre 2015 à 18:20 En réponse à : L’interdiction des gadgets publicitaires, un remède à la corruption électorale ?

    POUR cette loi à 1000 % !!!
    « Au Burkina et dans bien d’autres pays en voie de développement, ce sont ces gadgets et autres dons en nature qui renforcent l’attachement à un parti et à ses candidats. » = INVITATION à la CORRUPTION = plus jamais ça ! Ce n’est pas le moyen de développer la démocratie ! La liberté du peuple se gagnera avec l’ ÉDUCATION du peuple !

  • Le 6 novembre 2015 à 18:21, par DOUNDOOZI N’ZIKA En réponse à : L’interdiction des gadgets publicitaires, un remède à la corruption électorale ?

    An ! Haaaannn ! Vous avez interdit les gadgets publicitaires seulement, c’est à dire les calendriers, montres, boucles d’oreilles, agendas, etc. !? OK ! Bien ! Moi, je vais utiliser les gadgets alimentaires (distribution de vivres, de carburants, etc.). Ça au moins, ce n’est pas interdit. Et celui qui tente de me chercher noise, je le convoque partout partout !!! Il ne veut pas que le peuple mange et boive.

    Voilààà ! Il y a aussi les gadgets vestimentaires (pagnes, T-shirts, chemises, casquettes, sombrero, etc.) qui ne sont pas interdits ! Que celui qui veut que le peuple marche nu me croise face à face et on va aller devant le peuple qui va arbitrer ! Espéce d’antidémocratique !!! Nonnnn ! J’ai trouvé !! Je ne parle plus ! Tant pis et Tampico pour celui qui ne sait pas contourner les interdictions de secourir et soutenir le peuple !

  • Le 6 novembre 2015 à 18:30, par burkinabe En réponse à : L’interdiction des gadgets publicitaires, un remède à la corruption électorale ?

    Ton parallèle de thermomètre cassé est inadapté.

    C ’est plutôt adapté de parler par exemple du fusil qu’on est arrivé a retiré chez un braqueur.

    Certe il peut toujours braquer mais au moins de ses outils est hors service.

    Comme inconvenient de cette mesure moi j’aurai plutôt penser au fait que l’argent va moins circuler et là c’est pas bon pour l’économie. Mais malheureusement ces gadgets importés le plus souvent génère beaucoup de fuite de capitaux ... appauvrissement du pays.

    En resumé l’interdiction des gadgets est toute bénef. pour le pays.

  • Le 6 novembre 2015 à 18:57 En réponse à : L’interdiction des gadgets publicitaires, un remède à la corruption électorale ?

    Bien ecrit mais on sent en toi quelqu’un qui est reluctant pour le changement. laisse tomber ta peur et experimente cette nouvelle donne qui ne permet pas l achat de conscience ou la publicite gratuite dans une democratie en construction. L’attention aux electeurs c’est la realisation des projets. nous devons en etre les portes paroles expliquer et eclairer a la base le contenu de chaque programme politique

  • Le 6 novembre 2015 à 21:48, par OZ En réponse à : L’interdiction des gadgets publicitaires, un remède à la corruption électorale ?

    Il n’y a aucun autre remède à la corruption électorale qu’une volonté politique réelle d’intégrité. Il faudra seulement êtes vigilant et observer, voir si certains partis perpétuent les "manières" du CDP, de refiler un billet à chaque personne qui vient assister à un meeting, par exemple. On sait tous quels sont les partis qui ont les moyens de ces pratiques, le MPP en tête de liste, l’UPC ensuite, et peut-être le parti d’Ablassé Ouédraogo si en effet le CDP le soutient. Les avoirs du CDP ont été gelés, mais rien n’empêche à de l’argent de l’étranger de venir soutenir les pires pratiques d’achat de conscience. À l’époque de Compaoré, c’était François en personne qui faisait le tour des villages pour arroser, cent mille au chef du village, cent mille à l’association des femmes, cent mille à l’association des jeunes qui ne profitait jamais de cette "manne" parce qu’une main plus âgée récupérait le "don" au passage.
    L’interdiction des gadgets met a priori tous les candidats à égalité quant à leur visibilité. Aux partis de bouger leurs culs pour se faire entendre dans les coins les plus reculés du pays. Quant aux achats des consciences, difficile de les éviter quoiqu’on fasse, mais il est possible de les dénoncer. Quoi qu’il en soit, il ne peut y avoir égalité entre les partis dans le mesure où leurs moyens financiers sont disproportionnés.
    Mais quelque chose a changé, et l’information politique circulera beaucoup plus que M. Somé ne le suppose. Souhaitons un maximum de débats télévisés traduits dans les langues vernaculaires.

  • Le 7 novembre 2015 à 11:59, par Un citoyen En réponse à : L’interdiction des gadgets publicitaires, un remède à la corruption électorale ?

    Belle réflexion pour moi. L’esprit de la loi demeure noble quand bien nous nous devons de reconnaitre que l’interdiction de gadgets publicitaires à elle seule ne ferme pas tous les canaux de corruption. Elle y contribue et ce n’est déjà pas mal. La réflexion doit continuer sur comment parvenir à débarrasser notre processus électoral de toute corruption afin que tous les candidats soient sur le même pied. Allez, positivons !

  • Le 7 novembre 2015 à 13:45, par Spartacus En réponse à : L’interdiction des gadgets publicitaires, un remède à la corruption électorale ?

    La meilleure façon d’avoir un électorat convaincu et engagé c’est par les idées et non pas par des gadgets importés qui contribuent à déséquilibrer notre balance commerciale.Cet article méprise l’intelligence du peuple libre du Burkina Faso en la réduisant à quelque chose qui se marchande avec des gadgets.
    Vive les lois courageuses !vive la démocratie !

  • Le 7 novembre 2015 à 15:22, par Kalonji rock En réponse à : L’interdiction des gadgets publicitaires, un remède à la corruption électorale ?

    "Faire des dons quelle que soit leur nature pour appâter les électeurs n’est donc pas une invention de l’Afrique, du Burkina, encore moins de Blaise Compaoré et de son parti. La pratique a existé sous les trois précédentes républiques en Haute Volta. Elle existe en Europe, en Amérique, en Asie… et n’est qu’une illustration du fait qu’en démocratie pluraliste, les partis et candidats en compétition ont la volonté de se distinguer les uns des autres non pas seulement par les idées mais aussi par une marque d’attention singulière pour les électeurs". vrai ou faux ?

  • Le 8 novembre 2015 à 09:13, par TINDACIDA En réponse à : L’interdiction des gadgets publicitaires, un remède à la corruption électorale ?

    Bravo pour cette initiative. Cela fait plus de 3 décennies que les politiciens nous donnent des gadgets publicitaires à la place des projets de développement promis lors des campagnes.
    Plus rien ne sera comme avant ça se sent et déjà. Plus de gadgets, tu viens mentir tu repars comme tu es venu et par la petite porte. BURKINA FASO TERRE BÉNIT DE NOS ANCÊTRES BIENTÔT SOURCES D’INSPIRATION DE TOUTES LES NATIONS. AMEN

  • Le 10 novembre 2015 à 22:24, par OUED the citizen En réponse à : L’interdiction des gadgets publicitaires, un remède à la corruption électorale ?

    Franchement, ton article ressemble à une restauration de la pratique désuète du CDP d’antan. Les candidats devraient plutôt travailler à gagner la confiance du peuple à travers l’exposition de leurs projets de société. Ne méprisons pas l’intelligence de nos parents s’il vous plait ! N’est pas intellectuel et et sage celui qui a seulement amassé des diplômes scolaires et universitaires, mais celui qui, malgré son analphabétisme, est intelligent et doté de la capacité de discernement. En effet, établir une communication franche et respectueuse suffit largement pour se faire comprendre. La suppression des gadgets nous aide au contraire à préserver la dignité de l’électeur. C’est un moyen efficace de rompre avec le passé des campagnes déséquilibrées ou la corruption électorale faisaient ses beaux jours. Avez-vous pris part à l’insurrection populaire ? Si non, je vous comprends !

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