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Opération 7000 tonnes de vivres : Bon, mais insuffisant

Publié le mercredi 13 avril 2005 à 07h27min

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Le gouvernement a décidé de voler au secours des populations menacées par la famine, en mettant à leur disposition 7 000 tonnes de vivres à moindre prix. Cette opération fait suite à deux précédentes : celle initiée en novembre 2004 qui avait consisté à distribuer gratuitement 500 tonnes de vivres dans 19 départements des 3 provinces les plus durement touchées (Oudalan, Séno, Soum).

Ensuite, aux mois de février et mars 2005, 2000 tonnes de vivres furent rendues disponibles dans 8 provinces (Gnagna, Lorum, Namentenga, Oudalan, Sanmatenga, Séno, Soum, Yagha) à un prix social de 55 F CFA le kg soit 5 500 F CFA le sac de 100 kg. Pour la présente opération, le sac de 100 kg de maïs, mil, sorgho coûtera, dans les régions du Nord, du Sahel, du Centre-Nord et dans la province de la Gnagna, 10 000 F CFA.

La démarche du gouvernement est à saluer à sa juste valeur, mais elle est insuffisante. D’abord, l’Etat reconnaît qu’au moins 100 000 tonnes de vivres sont nécessaires pour éviter la famine là où celle-ci menace. Mais ce sont 7 000 tonnes qui sont mises à la disposition des populations exposées. Ensuite, 10 000 F CFA le sac, c’est cher pour des gens aux revenus très modestes, pour ne pas dire des misérables. L’agriculture est leur principale source de revenus. Or cette année, il n’a pas bien plu dans les régions concernées, d’où la baisse sensible des revenus.

Sans compter que certains n’apprendront même pas la bonne nouvelle. Enfin, aucune précaution, malgré les promesses et menaces gouvernementales, ne pourra empêcher les commerçants véreux d’accaparer le maximum de vivres. Des vivres qu’ils réinjecteront dans le circuit plus tard à un prix exorbitant. Le profit est leur objectif et ils utiliseront toutes sortes de subterfuges pour éviter les pièges.

Les problèmes alimentaires au Burkina sont récurrents. Et aux maux récurrents, l’Etat doit apporter des solutions structurelles. Apparemment, le secteur céréalier est entré indûment dans le gouffre du libéralisme. C’est un secteur où l’Etat doit faire sentir sa présence, par un interventionnisme soft. L’arme alimentaire ne doit pas être laissée entre les mains de commerçants guidés par leurs intérêts personnels. Il est inconcevable que le sac de 100 kg de mil coûte 23 000 F CFA dans un pays où le SMIG, en 1996, était de 26 192 F CFA.

L’Office national des céréales (OFNACER) qui jouait un rôle de régulateur sur le marché céréalier a été très tôt, à tort ou à raison, démantelé. Le système de péréquation des prix des produits alimentaires a subi le même sort. Le libéralisme concernant ce type de produits est allé à un rythme qui a étourdi plus d’un.
L’Etat a un devoir plus que moral de protéger les plus faibles des affres de la disette.

La notion d’Etat ne renvoie à aucune réalité pour un citoyen dont la faim noue les boyaux et qui est obligé, la nuit, pour pouvoir s’endormir, de mettre sous le ventre une couverture pour maintenir fermement des intestins qui se tordent. Certes, un effort certain est fait pour améliorer la production agricole. Le Programme de la petite irrigation villageoise (PPIV) est une trouvaille plus que salutaire, en ce qu’il permet une production en toutes saisons.

Seulement, les producteurs sont laissés à eux-mêmes quand il s’agit d’écouler leurs productions. Au moment où dans certaines contrées on crie à la famine, dans d’autres, ce sont des tonnes de vivres qui attendent d’être écoulées. Les statistiques officielles indiquent que le Burkina a enregistré un excédent céréalier de 430 180 tonnes en 2004. Et c’est aux producteurs que l’Etat laisse la charge d’organiser leurs circuits de distribution.

Cela correspond à une vision trop idyllique des capacités organisationnelles des paysans qui ignorent tout, pour la plupart d’entre eux, de l’agro-business. A cette limite subjective, se greffe le mauvais état des routes qui ne favorise pas les échanges interrégions de biens et de marchandises. Dans un système de production agricole embryonnaire, le rôle de la puissance publique doit être de premier ordre.

L’interventionnisme de l’Etat devrait d’autre part viser à mettre au pas les spéculateurs qui organisent souvent des pénuries artificielles, en stockant dans leurs magasins des vivres pour faire envoler les prix. D’autres poussent l’ignominie jusqu’à vendre les semis aux agriculteurs, en se réservant le droit d’acheter la production à leurs conditions et à leur prix. Face à ces chevaux de retour de l’esclavage, il n’y a que l’Etat pour redonner aux paysans leur dignité.

L’arme alimentaire est une arme très redoutable, qu’il ne faut pas laisser entre les mains de n’importe quel quidam. Champions du libéralisme sauvage qui écrase les faibles, les Européens et les Américains se préoccupent toutefois
du sort de leur production agricole comme de la prunelle de leurs yeux. C’est un secteur qui tracte les autres secteurs d’activités et dans un pays en développement comme le Burkina, il devrait bénéficier de toutes les attentions possibles.

Le Pays

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