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Fraude aux concours de la fonction publique : Le procureur demande la peine maximale

Publié le dimanche 11 octobre 2015 à 22h21min

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Fraude aux concours de la fonction publique : Le procureur demande la peine maximale

Les 23 prévenus dans le dossier des fraudes aux concours de la fonction publique, session 2015, ont comparu en correctionnelle le 09 octobre 2015 au tribunal de grande instance de Ouagadougou. Au bout d’un procès marathon de plus de douze heures, le dossier a été mis en délibéré. Le verdict est attendu pour le 23 octobre. Le procureur dans son réquisitoire a demandé la peine maximale pour l’ensemble des prévenus.

Des prévenus qui avouent leur faute avec détails et demandent pardon, certains qui reconnaissent les faits en partie, d’autres qui nient en bloc, des prévenus qui changent de version à chaque étape de la procédure, d’autres qui chargent leurs co-prévenus… Au cours de ce procès, on aura tout entendu, ou presque.
Le très attendu procès des fraudes aux concours de la fonction publique a donc eu lieu ce vendredi 09 octobre. Pendant que de nombreux Ouagalais étaient à la place de la révolution ou au cimetière de Gounghin pour accompagner les victimes du dernier coup d’Etat à leur dernière demeure, d’autres se bousculaient pour accéder à la salle d’audience du palais de justice de Ouagadougou. Les concours concernés par ces fraudes sont : Agents itinérants de santé (AIS), Contrôleurs des douanes, agents techniques d’élevage, assistants des affaires économiques, ENAREF cycle B et C.
A 8h37mn, le ministre de la fonction publique, du travail et de la sécurité sociale, Augustin Loada, fait une entrée discrète dans la salle. Quelques minutes plus tard, il repart tout aussi discrètement.
Dès l’ouverture du procès, les différents conseils des présumés fraudeurs soulèvent des exceptions et demandent au tribunal de prononcer la nullité de la procédure et par conséquent de libérer les prévenus. Après une première suspension, l’audience reprend à 9h37. Le tribunal rejette l’ensemble des exceptions soulevées par les différents conseils des prévenus.

Des orientations, pas des corrigés ?

Les 23 prévenus dont sept femmes sont appelés à la barre, par vagues. Le premier appelé, celui par qui tout serait parti dit ne pas reconnaître les faits qui lui sont reprochés. Il s’agit de Issouf Tou, le directeur du cabinet chargé de la confection des épreuves des concours directs de la fonction publique depuis 2000, par entente directe avec l’Etat. M. Tou reconnait avoir communiqué avec des candidats et d’autres personnes mises en cause dans cette affaire de fraude. Mais, il affirme avoir simplement donné des explications, des orientations, souvent des exemples à ces derniers, mais jamais les corrigés d’une quelconque épreuve.
Pourtant, devant le parquet, il aurait reconnu les faits tout comme à la police. Six autres prévenus vont nier les faits à eux reprochés au nombre desquels Ouezin Louis Oulon. Son petit frère et sa petite sœur qu’il est accusé d’avoir « aidés et soutenus » en connaissance de cause en feront de même.

Une rencontre au cimetière

Les autres prévenus, eux reconnaissent les faits qui leur sont reprochés. Seydou Compaoré est contrôleur des impôts. Il a expliqué à la barre comment et où il recevait les sujets et leurs corrigés, soit de Hyppolite Kabré, soit de Issouf Tou qu’il aurait rencontré à plusieurs dans ce cadre dont deux fois au centre culturel Jean Pierre Guingané et une autre fois dans un cimetière non loin du domicile de ce dernier. Il affirme également lui avoir remis une enveloppe contenant trois millions de francs CFA. Les trois appartiennent à la même formation politique.
Seydou Compaoré reconnait également avoir transmis les sujets reçus et leurs corrigés à son ami Lassana Ouédraogo, un contrôleur du trésor (qui voulait aider ses frères et amis), mais aussi à Saïdou Birba, directeur du cabinet Birba formation. M. Birba, lui, dit avoir remis les épreuves reçues à ses petits frères, à sa secrétaire, à deux autres dames, à un de ses formateurs ainsi qu’à notre confrère Ouezin Louis Oulon (qui nie avoir reçu quoi que ce soit). C’est ce formateur qui aurait transmis « le pétrole » à plus de dix personnes.

« Je connais M. Birba comme formateur, pas comme dealer »

« Je connais M. Birba comme formateur, pas comme dealer. Je suis embarqué dans un tourbillon que je ne comprends pas. C’est un rapport client qu’il y a eu entre nous, entre un formateur et quelqu’un qui cherchait à former ses petits frères », soutient Ouezin Louis Oulon, à la barre, la main sur le cœur.
Pourtant, Saïdou Birba dit même être allé chez le directeur de la télévision nationale entre 00heure et 4heures pour remettre le « pétrole » aux enfants et leur donner des explications sur les chiffres romains. Ces derniers devaient composer le même jour à 7h. Il déclare aussi que les « enfants » de Oulon sont venus à son bureau à Paspanga pour recopier les corrigés de l’ENAREF, le 03 août à 21h. Tout ceci se faisait à l’insu de leur grand-frère, soutiennent-ils. Oulon se dit même étonné d’apprendre à la barre que M. Birba connait chez lui. Faux, rétorque ce dernier qui dit l’avoir trouvé au salon dans la nuit du 08 au 09 aout.
La seule preuve matérielle, c’est la copie d’un chèque de 100 000 f émis par Oulon au nom de Birba Saïdou. Ce montant correspond aux frais de formation de ses trois frères, selon lui. Il s’agit de frais de carburant, soutient Birba. La date de signature du chèque est également sujette à polémique. Le signataire parle du 11 juillet avec la date du 03 août, le destinataire, lui dit avoir reçu ce chèque le 03 août.

Le téléphone a joué un grand rôle

Que d’éléments troublants dans cette affaire. Mais, il y a eu très peu de preuves matérielles.Tout ou presque se serait passé via le téléphone ou l’e-mail dans cette affaire. Et généralement entre minuit et 6heures du matin, le jour de composition de l’épreuve concernée. Certains soutiennent qu’on leur a dicté des réponses au téléphone. Aussi, la plupart des présumés coupables ou leurs complices disent avoir reçu gratuitement les épreuves. Seulement trois personnes auraient payé le concours de l’ENAREF cycle B à 2,5 millions et l’ENAREF cycle C à 1,5 million. C’est cet argent qui aurait permis à Seydou Compaoré de se mettre en règle vis-à-vis de Issouf Tou, selon ses dires.

L’Etat ne s’est pas constitué partie civile

Après les débats, place au réquisitoire du procureur et la plaidoirie des avocats. Mais, d’abord, la parole est à la partie civile, représentée par l’Agent judiciaire du trésor. Ce dernier retiendra que certains prévenus sont restés constants dans leurs déclarations, d’autres par contre ont voulu se prêter à un jeu de dupe. « Sont de ceux-là Issouf Tou qui a reçu de mirobolantes sommes d’argent de l’Etat pour ce travail. Il a voulu passer outre pour se faire davantage d’argent, illicitement », regrette Urbain Somé.
Certes, il y a des préjudices énormes causés par cette situation dont la violation du principe de l’égal accès aux emplois de l’Etat. Mais, l’Etat ne se constituera pas partie civile dans ce dossier, soutient l’agent judiciaire du trésor.

Un dossier vide ?

Dans le balai des plaidoiries des différents conseils des prévenus, tous évoquent le manque d’éléments matériels ou intentionnels et parlent d’infraction non établie ou non constituée. Certains diront même que ceux qui ont reçu les sujets ou leurs corrigés ne sont pas punissables puisque la loi dit que « celui qui communique, transmet, diffuse ou vend des épreuves, leurs corrigés ou les solutions », pas celui qui reçoit.
En tous les cas, les différents avocats se sont évertués pendant quatre heures à démontrer que le dossier est vide. Les éléments constitutifs de fraude manqueraient au dossier d’où l’infraction impossible, selon certains. Ainsi, ils demandent la relaxe de leurs clients puisque le doute doit bénéficier aux prévenus. Au pire des cas, certains avocats demandent la condamnation avec sursis de leur client. Ce, pour leur permettre de poursuivre leur carrière dans la fonction publique.
Le procureur, lui, dans son réquisitoire, a demandé l’application de la peine maximale pour l’ensemble des prévenus, soit un an de prison ferme et une amende de 1 000 000f, comme le prévoit l’article 308 du code pénal. Une peine qui pourrait, malgré tout, s’avérer légère aux yeux de l’opinion publique.
A 21h10, le dossier est mis en délibéré. Le verdict est prévu pour le 23 octobre 2015. Le parquet sera-t-il entendu ?

Moussa Diallo
Lefaso.net

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