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Transition : De la nécessité de fermer la parenthèse

Publié le vendredi 2 octobre 2015 à 14h36min

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Transition : De la nécessité de fermer la parenthèse

Un rapide coup d’œil rétrospectif sur l’histoire politique du Burkina Faso fait ressortir que le pays a maintes fois connu des soubresauts opérés sous la conduite de la population et/ou de l’armée.

A titre de rappel :
-  03 janvier 1966, il y a eu un soulèvement populaire provoqué entre autres par la politique d’austérité du Président Maurice YAMEOGO et qui l’a contraint à la démission. Ce qui a permis la montée au pouvoir de l’armée à travers le lieutenant-colonel Aboubacar Sangoulé LAMIZANA ;
-  08 février 1974, la constitution adoptée par référendum le 14 juin 1970 est suspendue par le lieutenant-colonel Aboubacar Sangoulé LAMIZANA et l’Assemblée nationale dissoute, entraînant le retour sur la scène politique de l’armée ;
-  25 novembre 1980, une grève générale entraine la prise du pouvoir par le Conseil militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN) avec à sa tête, le Colonel Saye ZERBO ;
-  07 novembre 1982, renversement de situation avec la prise du pouvoir par le Conseil provisoire de salut du peuple (CPSP) du commandant Jean Baptiste OUEDRAOOGO ;
-  17 mai 1983, arrestation et emprisonnement du Premier Ministre d’alors, le capitaine Thomas SANKARA entraînant le soulèvement d’une partie de l’armée ;
-  4 août 1983, putsch du Conseil national de la révolution installant le capitaine Thomas SANKARA Président
-  15 octobre 1987, coup d’Etat entrainant la mort du capitaine Thomas SANKARA, la dissolution du Conseil national de la révolution et l’avènement du Front Populaire.
-  30-31 octobre 2014 soulèvement populaire suite à la tentative de modification de l’article 37 de la constitution du Burkina Faso portant sur la limitation du nombre de mandats présidentiels ;
-  16 septembre 2015, putsch du général Gilbert DIENDERE à la tête du Conseil National pour la Démocratie (CND) ;

L’instauration du multipartisme, une législation favorable à l’émergence des organisations de la société civile et à son financement, ajouté à l’histoire mouvementée du Burkina Faso, ont fortifié la conscience politique du peuple burkinabè.

L’insurrection des 30-31 octobre 2014 a conduit à la mise en place de « la transition » avec des organes pour la conduire et rétablir l’ordre institutionnel normal à travers les élections présidentielles et législatives programmées initialement pour le 11 octobre 2015. Cette transition a eu du mal à trouver ses marques, elle a même quelquefois pêché par ses hésitations et ses accointances. Elle a été décriée, saluée. Elle a fait l’objet de folles rumeurs quant à des velléités de prolongement. Néanmoins, tous les acteurs se préparaient pour l’échéance du 11 octobre 2015.

Que ne fut la surprise et la consternation de la population d’apprendre que le régiment de sécurité présidentielle (RSP) a fait encore parler de lui en prenant en otage d’abord le conseil des ministres puis le président et deux ministres le 16 septembre 2015, presqu’à la veille de la campagne électorale.

Ce coup de force inapproprié et inopportun a été la goutte d’eau de trop pour toutes les composantes de la société burkinabé encore meurtries par les sacrifices qu’elles ont consenties les 30 et 31 octobre 2014, toutes les couches socio professionnelles et politiques assoiffées de justice, d’égalité, de démocratie et pressées de sortir de la transition.

Unies par la forte conscience d’une communauté de destin, la population dans toute sa composante, les forces de défense et de sécurité ont réagi à ce énième coup de force qu’on espère être à son épilogue.

Il faut reconnaître que cette interruption du processus de transition est une parenthèse dans la parenthèse qui a eu le mérite entre autres, de renforcer la fibre patriotique du Burkinabè, de réconcilier le citoyen lambda et l’armée burkinabè, de régler définitivement l’épineuse question du RSP, de confirmer le rôle et la place de la chefferie traditionnelle dans la gestion et la résolution des conflits ainsi que dans la société avec les autorités religieuses.

Néanmoins, il convient de rester vigilant et de garder à l’esprit que cette interruption si l’on n’y prend garde, peut-être la porte ouverte à toutes les possibilités, à tous les appétits même de ceux qui n’ont pas faim.

En effet, les évènements des 30 et 31 octobre ont mis à nu la situation réelle et les disfonctionnements de certaines structures vitales et stratégiques du pays (SONABEL, SONABHY, etc.), l’état d’insatisfaction des travailleurs et des besoins des jeunes et entrainé :
-  une reconfiguration de la scène politique et une recomposition des acteurs conduisant à des mutations/glissements de rôles traditionnellement dévolus ;
-  un ralentissement dans le fonctionnement des institutions ;
-  une léthargie économique ;
-  une fuite des capitaux ;
-  une frilosité des investissements nationaux et des investisseurs internationaux ;
-  une culture de revendication corporatiste tout azimut.

Des efforts ont certes été fait par la transition pour régler certaines préoccupations, des mesures sociales ont été prises, des états généraux de la justice ont été tenus, un rapport élaboré par la commission de la réconciliation nationale et des réformes (CRNR) existe et constitue une sorte de baromètre pour tous les acteurs à venir, certains dossiers portant sur des crimes de sang et des crimes économiques sont ouverts, des enquêtes sont en cours sur des personnes physiques et morales, etc.

La transition ne peut pas tout faire, ni tout régler au risque de vouloir légitimer ce pour quoi, les uns et les autres se sont offusqués le 16 septembre 2015. Perdurer dans la transition s’est courir le risque de la confusion de rôle au sein des acteurs de développement ;
-  Perdurer dans la transition s’est renforcer le déficit économique du Burkina Faso ;
-  Perdurer dans la transition c’est ralentir la décentralisation, mécanisme majeur de développement ;
-  Perdurer dans la transition c’est ralentir le fonctionnement des institutions ;
-  Perdurer dans la transition c’est nourrir les velléités de pouvoir de certains ;
-  Perdurer dans la transition c’est fragiliser le niveau de sécurité du pays ;

C’est pourquoi à mon humble avis, il est nécessaire de refermer la grande parenthèse de la transition en proposant une date pour les élections tout en poursuivant les dossiers en cours. L’administration est une continuité et les dossiers pendants en justice ne doivent pas en principe en souffrir. Le peuple burkinabè sait ce qu’il veut, connaît le modèle de société qu’il veut.

Plus jamais de coup d’Etat constitutionnel au Burkina Faso ;

Plus jamais de coup de force au Burkina Faso.

Ouagadougou le 02 octobre 2015

Rimpougnooma

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Vos commentaires

  • Le 2 octobre 2015 à 17:33, par eliane En réponse à : Transition : De la nécessité de fermer la parenthèse

    Nous sommes dans l’impasse : comment faire pour avoir des élections crédibles,ouvertes,et incontestablement irréprochable ?

  • Le 2 octobre 2015 à 18:18, par LEBGATROPTARD En réponse à : Transition : De la nécessité de fermer la parenthèse

    FIXER VITE UNE DATE POUR LES ELECTIONS

    LEBGATROPTARD

  • Le 2 octobre 2015 à 21:20, par Sheiky En réponse à : Transition : De la nécessité de fermer la parenthèse

    Très juste.
    En énumérant les crises du Faso depuis l’indépendance, vous avez omis de noter qu’avant la révolution, ses crises n’ont pas été aussi sanglantes. C’est depuis la prise du pouvoir des commandos sans formation politique (suivez mon regard) que notre pays a connu les plus grands crimes de sang. Ceux qui savent, que Blaise et Diendéré qui ont été à la base de la majorité des assassinats. On se rappelle du désarroi de Tom Sank qui était par contre le meilleur soldat et le plus patriotique mais qui usait rarement de l’arme.
    Quelques grands défis qui attendent le Faso ont été énumérés. Tous les efforts et sacrifices du Peuple Burkinabé auront été vains si le prochain pouvoir n’a pas un plan stratégique de mise en oeuvre des grands chantiers avec comme socle une lutte féroce contre la corruption et la prédation. Ils existent partout, à la différence qu’un pays pauvre ne peut s’offrir le luxe de nourrir ces maux sous peine de rester dans le sous développement.
    L’homme qu’il faut à la place qu’il faut, une justice équitable et compétente pour tous, une économie libéralisée, une éducation de haut niveau et pour tous, maintenir le socle culturel et la cohésion sociale, cultiver la compétence, bannir les criminels au col blanc...
    Tels doivent être les bases de travail du futur.

    QUE DIEU BENISSE LE FASO

  • Le 3 octobre 2015 à 06:33, par Sidpawalemdé Sebgo En réponse à : Transition : De la nécessité de fermer la parenthèse

    Je valide entièrement cette analyse. Je voudrais même ajouter que la tendance actuelle des autorités de la transition à prendre certaines décisions qui vont engager le prochain exécutif est dangereuse et contre-productive.

    Ainsi, pour rester dans l’actualité, on a appris qu’avant le putsch du général, celui-ci avait été invité (en vain) par trois fois chez le président de la transition. Objectif : Le nommer à la tête d’une nouvelle institution en charge du renseignement et du contre-terrorisme. Si cela avait pu se faire, cela aurait rendu Diendéré encore plus "intouchable", imaginons la situation dans laquelle se serait trouvé le prochain président.

    Des élections au plus vite, SVP !

  • Le 5 octobre 2015 à 19:24, par RANCE En réponse à : Transition : De la nécessité de fermer la parenthèse

    Analyse très pertinante, la décision que le gouvernement de la transition (GT) à pris et qui m’a beaucoup choqué est l’instauration de la journée continue pour les services publiques ; cette décision devrait revenir au gouvernement établis après les élections après une analyse profonde de la situation du service publique, je pense que ce GT a pris cette décision à la légère, cherchant plutôt à se rendre populaire, dans quel but ???? That is the question.

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