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Accord, vous parlez d’un projet d’accord ?

Publié le mardi 22 septembre 2015 à 15h00min

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Accord, vous parlez d’un projet d’accord ?

Je n’ai pas pour habitude de m’exprimer publiquement sur un sujet aussi complexe que cliquant. Je ne suis ni juriste, ni diplomate, ni spécialiste des négociations. Bref, je ne connais absolument rien à la résolution des crises d’une telle ampleur. La seule chose, serais-je tenté de dire, que je sais pertinemment est que dans de telles négociations il faut faire des compromis et aller à l’essentiel pour aboutir à un consensus.

L’essentiel en occurrence dirions-nous est de préserver la paix au Burkina Faso. En tous les cas c’est le sentiment que je lis çà et là des commentaires des uns et des autres laissés dans les réseaux sociaux et forum consacré à la crise actuelle que vit mon pays. Et pourtant la question que moi je me pose est la suivante : La paix certes, mais à quel prix et quelle condition ?

La presse nous a présenté un projet d’accord en 13 points de la CEDEAO sous l’égide de son président en exercice le président Sénégalais Macky Sall. Eh bien analysons ensemble et point par point ce projet. Peut-être arrivons-nous à répondre à la question suivante : l’objectif que vise ce projet d’accord est-il en phase avec les préoccupations du peuple Burkinabé à savoir nous garantir une paix durable ? A quel prix et à quelle condition ?

La CEDEAO nous propose :

1 – La Libération sans condition de toutes les personnalités détenues suite aux évènements du 17 septembre 2015

L’institution reconnait-elle avec cette proposition que ces personnalités avaient été arrêtées injustement ? En effet dans ce point il est clairement précisé sans condition ? Par contre aucun délai n’est indiqué. La CEDEAO ne dit pas sans délai et ne dit pas également dans quel délai si délai il y a ? Sans cette précision, on est en droit de poser des questions quant à sa mise en œuvre. Si les personnalités en question ont été arrêtées injustement, ce que je crois, alors elles devront être libérées certes sans condition mais aussi et surtout sans délai.

2 – La restauration des institutions de la transition et du Président Michel Kafando dans ses fonctions de président de la transition

Idem qu’en 1 quant à la mise en œuvre de ce point. Il faudra être plus précis et indiqué à mon avis la restauration immédiat des institutions de la transition et de son président.

Certes le président Kafando récupère ses fonctions. Mais le RSP garde sa capacité de nuisance puisqu’aucun point ne traitre la question de la dissolution de ce régiment. La seule proposition qui aborde ce sujet, le point 9, déplace le problème et renvoi son traitement à plus tard. En conséquence, le président détient à mon avis, un pouvoir qui ressemble à une coquille vide. Il ne peut compter ni sur le reste l’armée, ni sur le Forces de sécurité et de défense, ni sur une quelconque légitimité n’étant pas élu. Cela d’autant plus que la frange de l’armée restante semble pour l’instant incapable de prendre ses responsabilités et reste sur une position qui pour ma part est complètement floue. J’en veux pour preuve que dans les autres régions du pays les manifestants n’ont pas subi de violences lors des évènements récents et certains responsables ont même clairement indiqué qu’ils attendaient les instructions de la haute hiérarchie militaire.

En d’autres termes ces derniers ne savaient pas eux même quelle était la position de leurs premiers responsables vis-à-vis du CND. Dans ces conditions le risque de revenir à la case de départ, avec un RSP qui déciderait par exemple que les résultats des élections ne le convenaient pas ou sur un autre saut d’humeur avec de nouvelles revendications, est bien réel. N’oublions pas qu’il a été à la source de toutes les crises qu’a subies la transition durant l’année écoulée.

3 – Le retrait des militaires du gouvernement

Je ne sais pas pour vous. Mais moi ce point m’intrique énormément ? vise-t-il en particulier le premier ministre Isaac ZIDA. Je suis tenté de le croire pour ne pas répondre par l’affirmative. En effet, le RSP nous a indiqué par la voix de son général, pour ne pas le nommé Gilbert Diendéré, qu’il avait le soutien de toute l’armée. Par ailleurs lors de la mise en place des institutions de la transition, c’est cette même armée qui avait souhaité prendre activement part et avait désigné ses représentants. Pourquoi demandé maintenant le retrait des militaires du gouvernement et oublier ceux qui siègent au sein du CNT. Le RSP souhaiterait-il se débarrasser de toute personne qui ne partage ses positions ? Auquel cas il n’est pas prêt à accepter toutes les décisions que pourrait prendre le président Kafando ?

Tout comme le point précédent, je peux souscrire à une-t-elle proposition à la seule condition que le RSP en contrepartie perdre toute influence dans la gestion des affaires de l’état ce qui est loin d’être le cas et nous ramène encore à la question de sa dissolution.

4 – La poursuite du processus électoral et l’organisation des élections présidentielle et législatives, au plus tard le 22 novembre 2015

Rien de bien important à dire sur ce point. Le point 2 à lui seule suffit puisqu’il consacre la restauration des organes de la transition qui avait déjà pour objectif principal l’organisation d’élection transparente, juste et équitable. Par conséquent il s’agit de revenir à la situation avant le coup d’état à la seule différence que le délai précédemment fixé par la transition est repoussé.

5 – La commission électorale nationale indépendante (CENI) devra prendre les dispositions nécessaires en tenant compte de la nouvelle date fixée pour les élections

Cette proposition rejoint le point précédent et je note que le coup d’état aura en plus du lourd et catastrophique bilan humain, réussi à retarder le retour à un ordre institutionnel normal sans garantie aucune de l’atteinte des objectifs qu’elle s’est fixé c’est-à-dire rétablir la démocratie. La démocratie ce n’est pas imposé le point de vue d’une frange minoritaire de la population. La démocratie ce n’est pas non plus empêcher cette même population de s’exprimer comme se fût le cas ces derniers jours. Bien au contraire si on retient la définition selon laquelle « la démocratie c’est la gestion du peuple par le peuple », il faut l’inviter à s’exprimer. Si le CDP était convaincu qu’une majorité du peuple adhèrerait et partagerait sa position, ses responsables auraient pu mobiliser leur adhérents et sympathisants pour exprimer de façon pacifique leur volonté et faire reculer le gouvernement de la transition.
On ne peut pas se dire démocrate, affirmer lutter pour la démocratie avec la force des armes.

6 – Le gouvernement s’attèlera activement à la préparation des élections durant la période restante de la transition

La CEDEAO impose à l’exécutif non seulement son calendrier mais aussi et surtout les tâches qu’il devra mener jusqu’au terme de son mandat.

7 – Le Conseil national de la transition s’abstiendra de légiférer sur des sujets autres que ceux relatifs à l’organisation des élections et la mise en œuvre du présent accord
Pareil ! La CEDEAO impose au CNT qui est l’organe législatif de la transition les tâches qu’il devra mener jusqu’au terme de son mandat.

Laisser la CEDEAO dicter à l’ensemble des organes de la transition les tâches qui sont de sa responsabilité jusqu’à la transmission du pouvoir s’est mettre entre parenthèses les textes de lois de notre constitution et de la charte de la transition qui fixe la responsabilité de chaque organe de la transition. C’est surtout perdre d’une certaine manière sa souveraineté. Si les responsabilités des organes de la transition doivent être redéfinies cela doit se faire dans le cadre d’une concertation nationale. Mais en aucun cas résulté des exigences d’un régiment de l’armée qui voudrait mettre sous tutelle nos institutions.

8 – Les personnes dont les candidatures ont été invalidées sur la base des articles 135 et 166 de la loi électorale du 7 avril 2015 seront autorisées à participer aux prochaines élections. A cet égard, les dispositions seront prises avant le 30 septembre 2015

Avec ce point on revient au débat de l’exclusion ou c’est selon de l’inclusion. En ce qui me concerne, les articles 135 et 166 du code électoral qui pouvaient en effet poser un problème ont été recadrés par la décision de la cour de justice CEDEAO (même si je partage l’analyse de certains qui considère cette décision comme étant à l’origine de nos problèmes) et appliqués avec discernement par les membres du conseil constitutionnel. Au risque de me répéter je ne suis pas juriste. Il s’agit donc d’un avis personnel sans pour autant vouloir refaire le débat ici.

Mais qu’à cela ne tienne il faudra trouver d’autres textes de lois qui pourront être plus claires et permettront de responsabiliser nos politiques. Car il n’est pas concevable de laisser nos politiques agir sans qu’ils ne soient tenus pour responsable de leurs actes surtout en cas de manquement grave aux articles de la loi fondamental qu’est la constitution.

Pour résumer si pour ma part ce point peut faire l’objet d’un compromis exceptionnel il faut craindre qu’il fasse jurisprudence et soit la source de problèmes futurs. Par conséquent il faudrait peut-être indiquer explicitement le caractère exceptionnel de cette disposition et surtout clarifier nos textes et ceux de la CEDEAO sur le sujet.

9- Toutes les questions nécessitant un traitement à long terme, tel que la réforme du secteur de la sécurité et de la défense, y compris le RSP, seront laissées à l’appréciation du président et du gouvernement issus des prochaines élections

La réforme de l’armée et des forces de défense et de sécurité certes ne peut être traité en si peu de temps et nécessite un traitement judicieux car il s’agit d’une question délicate. Toutefois cette question et plus précisément celle de la dissolution du RSP est la question qui a cristallisé toutes les crises qu’a connues la transition et par conséquent reste pour moi la pierre angulaire d’un véritable accord. Si une réponse adéquate n’est donnée à l’influence et à la capacité qu’a le RSP de s’ingérer dans la conduite de l’état il sera impossible d’aller vers un consensus.

10 – La cessation immédiate, de toutes les violences et autres violations des droits
humains, notamment les entraves aux libertés de mouvement et d’expression

Rien n’à dire sur ce point. Il s’agit là d’un prérequis indispensable pour un retour vers une situation apaisée et normale.

11- Les forces de défense et de sécurité assureront pleinement les missions de protection des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire national

Ce point n’est pas du tout clair. Est-ce à dire que le RSP perd un certain nombre de ses prérogatives et notamment la protection du chef de l’état. Je ne sais pas et ne le crois pas.
Pire il ne traitre pas de la question de la dissolution du régiment de sécurité présidentiel et ne remet pas en cause son influence sur les institutions de la transition ni sa capacité à intervenir dans sa bonne marche.

12 – L’acceptation du pardon et l’adoption d’une loi d’amnistie au plus tard le 30
septembre 2015 sur les évènements consécutifs au coup d’Etat du 17 septembre 2015

La CEDEAO propose au peuple du Burkina Faso d’accorder son pardon sur les évènements consécutifs au coup d’état du 17. En lisant entre les lignes ce point je comprends ici que l’organisation reconnait une faute qu’elle considère comme grave du bout des lèvres (Puisque en réponse à cette forfaiture elle propose d’accorder l’amnistie, qui est une prérogative du chef de l’état). Mais d’un autre côté j’ai l’impression que le problème est traité avec une telle légèreté en ce sens qu’elle ne donne pas le sentiment de condamné le coup d’état. Pire elle s’attèle à réhabiliter le plus rapidement possible ses auteurs.

Pour l’illustrer mon propos, c’est comme si je vous offensais aujourd’hui et je vous demandais de m’accorder votre pardon dès demain, sans aucun regret ni avec l’assurance que je ne recommencerais pas. Et par-dessus tout que notre grand frère qui reconnait que j’ai commis une bêtise ne me reprend pas mais vous demande à vous de faire le premier pas… Alors je vous pose la question êtes-vous prêt à m’accorder votre pardon ?

13 – Les médiateurs nationaux auront pour mission de veiller à la bonne application du présent accord.
Sans commentaire

Pour finir, l’objectif de cet accord de mon point de vue n’est absolument pas en phase avec les préoccupations du peuple Burkinabé à savoir lui garantir une paix durable. Au mieux ce projet d’accord déplacera la crise. Je m’explique…
Pour aboutir à cette conclusion, je me suis posé la question suivante à qui profite les différents points de cette accord ?

Si les points 4, 5, 10 et 11 vont dans la bonne direction et s’inscrivent en droite ligne des préoccupations du peuple. Il s’agit simplement de préalable pour l’instauration d’un climat apaisé ou de disposition pratique d’organisation.

Les points 1, 2 qui semblent favorables à la transition sont imprécis et donc suscite des questions quant à leur mise en œuvre. Par ailleurs l’obstacle majeur qui se posait à la transition n’est pas résolus à savoir la question de la réforme de l’armée et plus précisément celle de la dissolution du RSP. Cette dernière malgré le retour des institutions garde la main et donc peux intervenir en conséquence à tout moment selon son bon vouloir.

Quant aux autres points ils sont clairement en faveur du RSP et/ou de l’ancien régime.
Alors peuple du Burkina disons non avec la toute dernière énergie à cet accord. Car au vue de tout ce qui précède, si la question centrale de la dissolution du RSP n’est pas traitée aucun véritable accord ne peut être obtenu. Les autres propositions pourront sous certaines conditions faire l’objet de compromis pour une fois de plus montrer au monde entier notre volonté d’aller vers un monde meilleure, de paix, plus juste, plus équitable et sans rancœur ou envie de vengeance.

Dieu bénisse le Burkina !!!

Contribution d’un compatriote ordinaire.

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Vos commentaires

  • Le 22 septembre 2015 à 21:13, par waro maguy En réponse à : Accord, vous parlez d’un projet d’accord ?

    Chapeau bas mon frère !

  • Le 23 septembre 2015 à 08:11, par wari En réponse à : Accord, vous parlez d’un projet d’accord ?

    Très belle analyse, la question de la dissolution du RSP reste effectivement le préalable à tout compromis pour garantir la bonne marche des institutions une fois qu’un accord aura été trouvé.
    Merci à toi !

  • Le 23 septembre 2015 à 14:06, par WELL En réponse à : Accord, vous parlez d’un projet d’accord ?

    Drôle de CEDEAO ! Ces vampires assoiffés de sang, qui allaient allumer un feu au Burkina Faso ! Ces fauves qui n’ont pitié que d’eux-mêmes !
    Macky Sall, s’il te plait, accorde l’amnistie à Karim Wade, plaide aussi pour la cause de Laurent Bagbo !
    Kadre Désiré, je ne te reconnais plus ! J’ai perdu confiance en toi !

    Dieu a sauvé mon Cher Pays le Burkina Faso ! Merci Seigneur !

  • Le 23 septembre 2015 à 14:08, par WELL En réponse à : Accord, vous parlez d’un projet d’accord ?

    Drôle de CEDEAO ! Ces vampires assoiffés de sang, qui allaient allumer un feu au Burkina Faso ! Ces fauves qui n’ont pitié que d’eux-mêmes !
    Macky Sall, s’il te plait, accorde l’amnistie à Karim Wade, plaide aussi pour la cause de Laurent Bagbo !
    Kadre Désiré, je ne te reconnais plus ! J’ai perdu confiance en toi !

    Dieu a sauvé mon Cher Pays le Burkina Faso ! Merci Seigneur !

  • Le 23 septembre 2015 à 14:16, par WELL En réponse à : Accord, vous parlez d’un projet d’accord ?

    Drôle de CEDEAO ! Ces vampires assoiffés de sang, qui allaient allumer un feu au Burkina Faso ! Ces fauves qui n’ont pitié que d’eux-mêmes !
    Macky Sall, s’il te plait, accorde l’amnistie à Karim Wade, plaide aussi pour la cause de Laurent Bagbo !
    Kadre Désiré, je ne te reconnais plus ! J’ai perdu confiance en toi !

    Dieu a sauvé mon Cher Pays le Burkina Faso ! Merci Seigneur !

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