LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Yacouba Camara, Directeur Général du Fonds de développement de l’électrification : « L’électricité pour tous se poursuit normalement sous la transition »

Publié le mercredi 16 septembre 2015 à 09h30min

PARTAGER :                          
Yacouba Camara, Directeur Général du Fonds de développement de l’électrification : « L’électricité pour tous  se poursuit normalement sous la transition »

Porté à la tête du Fonds de développement de l’électrification (FDE) en janvier 2015, l’actuel Directeur Général Yacouba Camara joue pleinement sa partition dans la mise en œuvre des opérations d’électricité pour tous dans ce contexte sociopolitique particulier de Transition. Partagé entre la volonté de préserver les acquis et le souci de combler les insuffisances, ce juriste d’affaires spécialiste des questions d’énergie passe en revue le processus d’électrification rurale au Burkina Faso notamment son évolution sous cette période transitoire, relève les enjeux et les défis.

Sidwaya (S.) : Quels sont les principaux indicateurs susceptibles de témoigner d’une avancée certaine dans la mise en œuvre du programme national d’électrification rurale dénommé « Electricité pour tous » au Burkina Faso ?

Yacouba Camara (Y.C.) : L’électricité pour tous vise à assurer un accès universel des populations burkinabè à l’électricité. Et cela passe par la couverture électrique des zones actuellement non desservies notamment celles rurales. L’un des indicateurs permettant d’apprécier les efforts consentis en matière d’électrification des zones rurales est le nombre de localités électrifiées. Cet indicateur permet d’évaluer la performance des actions engagées et d’apprécier l’efficacité de la politique de promotion de l’accès au service de l’électricité par les ménages en zone rurale à travers le mécanisme de subvention et de facilités de paiement pour les branchements. En plus de ce dernier, d’autres indicateurs sont également considérés. Il s’agit notamment du taux d’accroissement des ménages raccordés et du taux d’accroissement du nombre des infrastructures sociocommunautaires raccordées. Cela participe de la volonté du FDE d’accompagner le bien être socio-éducatif et sanitaire des populations des zones rurales électrifiées par leur prise en compte dans la couverture du réseau.

S. : Dans l’exécution du Programme spécial d’urgence de la Transition (PSUT) par le gouvernement, quelles sont les actions majeures que le FDE entend mettre en œuvre pour sa contribution au vaste processus de démocratisation de l’électricité au Burkina.

Y.C. : Au cours de cette période transitoire, l’électricité pour tous suit son cours normal. Sept (7) actions majeures seront réalisées par le FDE. Celles-ci consistent à électrifier dix (10) localités sur financement TDE 2015, à achever l’électrification des huit (8) localités sur financement TDE 2014, à démarrer les travaux d’électrification du Projet d’Accès au Secteur de l’Electricité (PASEL), à démarrer la mise en œuvre du Projet d’Electrification rurale décentralisée des provinces du Ziro et du Gourma (ZIGO), à démarrer la mise en œuvre du Projet d’électrification rurale décentralisée par énergie renouvelable sur financement de la Banque Islamique de Développement (BID), à mettre en œuvre le Projet pilote d’électrification par kits solaires photovoltaïques sur financement du Conseil de l’Entente et en fin à finaliser l’élaboration de la deuxième phase du contrat plan Etat-FDE 2016-2020.

S. : Quels sont les principaux défis auxquels l’électrification rurale se trouve aujourd’hui confrontés au Burkina Faso ?

Y.C. : Le défi majeur demeure celui de la mobilisation des financements. Certes, beaucoup d’efforts sont faits aussi bien par l’Etat que par les partenaires techniques et financiers ; mais les défis restent énormes. L’électrification pour tous ne saurait être une réalité que si des financements conséquents sont mobilisés à son profit. Et pour y arriver, il faudra d’une part accentuer le plaidoyer auprès des partenaires techniques et financiers et d’autre part, réussir à intéresser le secteur privé à l’électrification rurale, afin de diversifier les sources de financements. Un autre défi concerne celui de l’accès des ménages à l’électricité. Puisque les ressources sont limités, la plupart des localités électrifiées bénéficient d’un réseau minimum de distribution ; ce qui ne permet pas de satisfaire une grande partie des demandes de branchements. Un besoin d’extensions se pose alors avec acuité dans toutes les localités rurales électrifiées sur financement du FDE.

S. : Comment entendez-vous améliorer les relations entre les Coopératives d’électricité (COOPEL) et le FDE afin de mieux dynamiser leur pleine adhésion et leur entière participation aux opérations « Electricité pour tous » étant donné que les rapports n’ont pas toujours été au beau fixe ?

Y.C. : Il convient de rappeler que les rapports entre le FDE et les Coopel ainsi que les autres opérateurs intervenant dans l’électrification rurale sont réglementés par Loi 053-2012/AN du 17 décembre 2012 portant réglementation générale du sous-secteur de l’électricité au Burkina Faso. En effet, l’article 48 stipule que « les activités de production et de distribution de l’électricité dans le second segment s’exerce librement dans le respect des dispositions de la présente loi, sous le contrôle du FDE et de l’Autorité de Régulation du Sous-secteur de l’Electricité ». A ce titre, le FDE est en droit d’élaborer des outils de contrôle et de les soumettre aux Coopel. Ces outils participent, en outre, à l’amélioration de la gestion coopérative. Si par moment les rapports ne sont pas au beau fixe, c’est certainement parce que le contrôle révèle souvent des irrégularités dans la gestion de certaines Coopel. Il faut préciser que le FDE à travers l’Etat apporte des subventions d’exploitation aux Coopel dont les systèmes électriques fonctionnent par une centrale diésel autonome.

S. : Quels sont vos constats de l’expérimentation de l’affermage dans l’exécution des projets d’électrification rurale ? Comment comptez-vous améliorer les insuffisances s’il y en a ?

Y.C. : Selon les paradigmes qui ont été élaborés pour la mise en œuvre de la politique d’électrification rurale en 2003, l’affermage et le modèle Coopel sont tous deux des approches complémentaires. En effet, la Coopel joue un rôle administratif et le fermier, un rôle technique. Cette approche a été expérimentée il y a maintenant plus de dix ans. C’est une approche qui a eu le mérite d’être partagée avec d’autres pays de la sous-région avec quelques réaménagements dans une moindre mesure. Avec du recul, nous pensons qu’il s’agit d’une des meilleures approches jamais implémentée. Toutefois, comme toute autre approche, des insuffisances ont été constatées après plus d’une dizaine d’années de mise en œuvre de cette approche. D’abord du point de vue de l’efficacité de l’intervention de certains fermiers mais également de la cherté de leurs prestations. Pour venir donc à bout de ces insuffisances, d’autres modèles, tel que le regroupement des localités pour une gestion fermière groupée, sont en train d’être expérimentés. Du reste, une étude sur l’optimisation de l’approche coopérative d’électricité et l’exploitation des infrastructures par des fermiers a été commanditée. Les résultats qui en sortiront nous permettront certainement d’opérer les réajustements nécessaires afin d’aboutir à une synergie d’action entre les différentes parties prenantes de l’électrification rurale dans notre pays. La finalité de cette étude pour nous est la pérennisation des infrastructures et la sécurisation des financements consentis par l’Etat et ses partenaires au développement.

S. : Quel bilan dressez-vous du financement, en partie, du Programme national d’électrification rurale par la Taxe de développement de l’électrification (TDE) collectée par la SONABEL ?

Y.C.  : La TDE qui est un prélèvement de deux (2) F CFA sur chaque kWh vendu et recouvré par la SONABEL. Elle constitue une source importante et permanente de financement des investissements en milieu rural. Introduite en 2010, cette taxe a permis de mobiliser sur la période 2010-2013, la somme de près de huit milliards trois cent millions de francs CFA, favorisant ainsi l’électrification de cinquante localités à travers les treize régions du Burkina. À la faveur de cette taxe, une dizaine de localités rurales sont annuellement électrifiées.

S. : Quels sont les principaux chantiers ouverts actuellement par le FDE ? Bénéficient-ils du soutien des Partenaires techniques et financiers (PTF) étant donné que le Burkina Faso traverse une période transitoire ?

Y.C.  : Le FDE a su en l’espace de dix années de fonctionnement bénéficier de la confiance des partenaires technique et financiers au regard de l’efficacité et de l’efficience dont il fait montre dans la mise en œuvre des projets d’électrification rurale. Cette période transitoire n’a pas altéré les relations que le FDE entretient avec ses partenaires qui continuent d’apporter leurs contributions pour l’électrification de nouvelles localités à travers le pays. Trois (3) principaux projets sont actuellement ouverts. Il s’agit du Projet d’Accès au Secteur de l’Electricité (PASEL). Financé par la Banque mondiale à hauteur de vingt-cinq (25) millions de dollars US, le PASEL permettra à terme, l’électrification de plus d’une centaine de localités à travers les treize régions du Burkina d’ici à 2018. Il y a ensuite le Projet d’Electrification rurale décentralisée des provinces du Ziro et du Gourma (ZIGO) qui bénéficie du financement de la facilité énergie II de l’Union européenne pour un montant de 7, 136 millions d’euro. Il permettra l’électrification de quarante-cinq (45) localités en milieu rural d’ici à 2018. Enfin, le Projet d’électrification rurale décentralisée par énergie renouvelable, notamment solaire, sur financement de la Banque Islamique de Développement (BID). Financé par la Banque islamique de développement pour un montant de six (6) millions de dollars US, il permettra d’électrifier quarante-une (41) localités rurales d’ici à 2018.

S. : Au regard des difficultés de fourniture d’électricité rencontrées sur le réseau de la SONABEL auquel la plupart de vos projets sont raccordés, certains n’hésitent pas à penser que les activités du FDE sont des « coups d’épée dans l’eau ». Que répondez-vous à un tel pessimisme ?

Y.C.  : Il y a lieu de préciser que les activités du FDE sont complémentaires à celles conduites par la SONABEL, l’objectif étant de tout mettre en œuvre pour apporter l’énergie électrique au plus grand nombre de Burkinabè. En effet, malgré les difficultés que vous avez évoquées, l’électrification de nouvelles localités tant par la SONABEL que par le FDE est en cours. Les difficultés de fourniture de l’électricité ne sauraient donc donner un coup d’arrêt au programme d’électrification rurale engagé depuis 2003. En tout état de cause, le Gouvernement travaille à accompagner la SONABEL afin d’atténuer et d’enrayer à termes les difficultés liées à la production de l’électricité.

S. : Quelle assurance adressez-vous aux partenaires (bailleurs de fonds, COOPEL, entreprises d’affermage) du FDE et aux populations qui attendent l’électricité pour se réaliser sur le plan socio-économique afin qu’un vent d’optimisme s’empare de toutes les parties prenantes ?

Y.C. : L’électricité constitue un levier certain de développement économique et social. Ainsi, tant qu’il y aura des zones rurales non couvertes par le réseau électrique et des populations qui aspirent à un mieux-être et au développement de façon globale, nous irons partout où il faut pour mobiliser les financements nécessaires à la mise en œuvre de projets d’électrification rurale au profit des populations rurales. Tout est mis en œuvre pour que les fonds reçus de l’Etat et des partenaires financiers soient utilisés dans la transparence. Il sied de rappeler que les missions du FDE visent, entre autres, de promouvoir une couverture équitable du territoire national en énergie électrique en développant l’électrification rurale, de faciliter l’accès des populations rurales à l’électricité en servant de fonds de garantie et en intervenant sous forme de subvention dans les investissements ou sous forme d’appui aux études. Le Fonds a aussi en charge la recherche des financements auprès des Partenaires Techniques et Financiers pour atteindre les objectifs fixés en matière de taux d’électrification rurale. Ce sont des objectifs nobles pour développer les localités rurales grâce à leur électrification. Leur atteinte requiert l’implication réelle et une synergie d’action de toutes les parties prenantes.

Propos recueillis par Koumia Alassane KARAMA
In SIDWAYA

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 16 septembre 2015 à 17:11, par Hamadou Gambari DIALLO En réponse à : Yacouba Camara, Directeur Général du Fonds de développement de l’électrification : « L’électricité pour tous se poursuit normalement sous la transition »

    Du courage. Sans électricité aucun développement à long terme n’est envisageable. Il suffit de faire la petite expérience avec les femmes en milieu rural, qui, grâce à l’énergie des plateformes multifonctionnelles de l’OCADES, arrivent à faire de nombreuses AGR dignes de véritables industries rurales . Les difficultés ne manqueront pas, c’est la logique des actions dans les pays du tiers-monde, mais M. CAMARA, allons seulement, faites de ces difficultés des opportunités comme le disait CHURCHILL :"Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté".

  • Le 16 septembre 2015 à 17:25, par Bella En réponse à : Yacouba Camara, Directeur Général du Fonds de développement de l’électrification : « L’électricité pour tous se poursuit normalement sous la transition »

    Bon vent à toi mon grand frère. Que Dieu t’assiste.

  • Le 13 octobre 2015 à 21:47, par Oeil de lynx En réponse à : Yacouba Camara, Directeur Général du Fonds de développement de l’électrification : « L’électricité pour tous se poursuit normalement sous la transition »

    Les paroles sont belles. Cependant, il me semble que le FDE ne joue pas tout à fait le rôle qu’il devrait jouer. Le principal rôle que la loi a confié au FDE est d’accompagner les COOPELS et les opérateurs de l’électrification en leur servant éventuellement de fonds de garanti. Ce rôle d’assistant des opérateurs est depuis dilué dans le rôle politique que le gouvernement fait jouer au FDE. Cela est compréhensible, quand on voit que toute la chaine de l’électrification est marquée par la présence à tous les échelons de l’administration du ministère chargé de l’Energie ainsi que du FDE de cadres de la SONABEL, la supra entreprise d’Etat.
    Question à Yacouba CAMARA : n’y a-t-il pas un mélange des genres dans le sous-secteur de l’électrification par le fait de la trop grande proximité des acteurs étatiques de l’entreprise SONABEL ? Est-il possible dans ces conditions de faire de l’électrification rurale véritable ? Le FDE n’usurpe-t-il pas le rôle d’opérateur en électricité à travers l’utilisation des fermiers ? En tout état de cause, je pense que le FDE doit faire une introspection sereine pour améliorer l’impact de ses actions en se conformant à son rôle premier de financier et d’assistance aux opérateurs en électricité. Un juriste comme Yacouba CAMARA peut relever ce défi. Il en est capable pour peu qu’il le veuille.

  • Le 10 novembre 2015 à 10:20, par Philippe BURGUET En réponse à : Projet d’électrification de l’école de Kamboinsé

    Bonjour Monsieur,

    Je suis membre d’une petite association qui se nomme DABA en Limousin(France) .
    D.A.B.A est le sigle de : Développement de l’Agriculture Burkinabé Alternative, ce qui traduit sa préoccupation de « L’ agroécologie, comme base scientifique d’ une agriculture alternative », respectueuse du patrimoine que constituent le sol, l’écosystème, et soucieuse de leur préservation durable.
    L’association est née le 20 décembre 2005
    L’Association DABA a pour objectif :
    - d’aider au financement de micro-projets, en particulier les projets agricoles s’inscrivant dans une logique de développement durable.
    - DABA s’est diversifiée en soutenant d’autres types de projets, notamment ceux des femmes.
    - DABA soutient l’Ecole de Kamboinsé en parrainant la classe de CM2 et en suivant les enfants poursuivant des études au collège.

    Nous avions en projet avant les Evénements politiques du pays, un projet avec Electricien Sans Frontière pour aider à l’électrification de l’école de Kamboinsé afin d’élargir les périodes d’études des enfants le soir. Pour convaincre notre partenaire ESF, nous aurions besoin de connaitre exactement les projets et échéances de ces projets menés par l’état dans ce village. Nous avions l’information que l’électricité n’était pas très loin de cette école.

    Merci de votre collaboration
    Cordialement

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique