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Décision de la Cour de la CEDEAO : Les avocats de l’ex-majorité donnent des « clarifications »

Publié le mercredi 15 juillet 2015 à 23h25min

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Décision de la Cour de la CEDEAO : Les avocats de l’ex-majorité donnent des « clarifications »

72 heures après la décision de la Cour de justice de la CEDEAO, les avocats de la partie requérante ont donné des « clarifications » sur ledit arrêt au cours d’une conférence de presse organisée par l’ex-parti au pouvoir, le CDP, ce mercredi, 15 juillet 2015 à son siège à Ouagadougou. Pour les organisateurs de la rencontre, il était important de convier les avocats pour venir donner le contenu du jugement aux fins d’une « retranscription objective et non polémique de la situation ».

« Nous avons introduit une requête auprès de la Cour de la Communauté CEDEAO, en date du 21 mai 2015 pour lui dire de constater que la loi modificative qui a été entreprise relativement au code électoral, viole un certain nombre de dispositions relatives aux droits de l’homme et viole les instruments internationaux et communautaires auxquels l’Etat du Burkina a souscrits. Nous avons également relevé, bien sûr, que nonobstant le fait que la Cour ne puisse statuer sur la constitutionnalité ou la légalité de cette loi, au regard des textes internes, que cette loi modificative violait également les dispositions de la Constitution et même de la Charte qui a été adoptée. Subséquemment à cette requête au fond, nous avons également introduit une requête à procédure accélérée. C’est une possibilité que la Cour offre à tout justiciable, de demander que sa requête soit examinée en urgence au regard du péril imminent. Et la Cour a accédé à notre demande, c’est la raison pour laquelle ce dossier a connu un traitement accéléré.
L’audience était fixée pour le 30 juin. Effectivement, tous les conseils constitués ont effectué le déplacement. Et je tiens à souligner que nous sommes arrivés à Abuja le 28 juin. Le 29 juin nous nous sommes présentés à la Cour comme cela se fait (lorsqu’on va plaider devant une juridiction, on se présente au responsable de la juridiction), nous avons fait le tour du greffe pour constater si l’Etat du Burkina avait déposé un mémoire en réplique. Jusqu’à midi, il n’y avait aucun mémoire, donc nous sommes repartis et le lendemain, le 30 juin, nous sommes revenus à l’audience. L’audience était prévue pour 10 heures et c’est autour de 9 heures 45 que le greffe de la Cour nous a communiqués le mémoire en réplique de l’Etat burkinabè qui a été déposé le 29 juin au soir à 15 h30 (si je ne m’abuse). Vu l’urgence, nous ne pouvions pas demander le renvoi du dossier pour connaissance du mémoire. Donc, nous n’avons eu aucun inconvénient à ce que le dossier puisse être retenu, quitte à ce qu’on apporte des réponses orales. Lorsque nous avons parcouru ce mémoire, nous avons vu que l’Etat burkinabè soulevait l’incompétence d’abord de la Cour, ensuite l’irrecevabilité des requérants et au fond, disait le recours non fondé. Bien entendu, vous avez parcouru le jugement qui a été rendu et la Cour nous a suivis à sa décision rendue le 13 juillet, où elle a reconnu sa compétence, la recevabilité des requérants, parce que remplissant les conditions nécessaires ». C’est le résumé fait par le porte-parole du collège des avocats de la partie requérante, Me Salembéré de la Société Civile Professionnelle d’Avocats. Le décor ainsi planté, l’avocat a scruté la décision dans son fond en indiquant que le jugement est « assez clair » et ne souffre pas de tergiversations. Précisant que sur la forme même de la requête, la Cour a rejeté « l’exception d’incompétence et d’irrecevabilité » soulevée par la défense. Il affirme que le code électoral du Burkina, tel que modifié par la loi du 7 avril 2015 est une « violation du droit de libre participation aux élections ».
C’est pourquoi, dit-il, la Cour a ordonné, en conséquence, à l’Etat burkinabè de « lever tous les obstacles à une participation aux élections consécutives à cette modification et a condamné l’Etat du Burkina aux dépens ».

« C’est déjà salutaire que l’Etat burkinabè prenne acte de cette décision »

Les avocats jugent cette décision conforme non seulement à ce que leur ont demandé leurs clients mais également à la requête qu’ils ont introduite devant la Cour. Donc, « entière et pleine satisfaction ».
« Cette décision n’est pas une décision uniquement pour nos requérants mais une décision qui concerne tout le peuple du Burkina, qui va au-delà du Burkina parce qu’elle peut servir de jurisprudence dans le monde et particulièrement en Afrique et pour la communauté CEDEAO », s’est félicité le porte-parole des avocats pour qui, au-delà des polémiques qui sont engagés autour de l’interprétation de ce texte, le droit reste le seul repère auquel lui et ses confrères s’en tiennent.
Sur la réaction de l’autre partie, Me Salembéré déclare que c’est déjà salutaire que l’Etat burkinabè prenne acte de cette décision et qu’elle en tire toutes les conséquences. « Mais dans ce communiqué du gouvernement, il y a quelque chose de pernicieux. Il a extrait du jugement, des parties que l’Etat pense l’arranger. Pour nous, en tant que juristes, hommes de droit, une décision de justice, ce ne sont pas les développements qui doivent être exécutés ; c’est le dispositif du jugement. Le dispositif est clair. Donc, tous les ‘’attendus’’ qui sont dans le jugement, la Cour essaie d’expliquer. Mais lorsqu’on sort un ‘’attendu’’ de son contexte, forcément, on a des interprétations erronées. Une décision de justice, c’est le dispositif qui est exécutoire. Et le dispositif, c’est la partie du jugement où commence… ‘’Par ces motifs…’’. Par ce motif, tout ce qui suit doit être exécuté », a-t-il déploré.
Pour l’avocat, la Cour a d’abord dit que le Code électoral est une « violation du droit de libre participation aux élections » et a ensuite ordonné. « Elle ne demande pas ; elle ordonne en conséquence. C’est une injonction », relève-t-il.
Comme conséquence, Me Salembéré indique que l’Etat burkinabè étant partie prenante à des instruments internationaux et que la loi ayant violé tous ces instruments, la Cour ordonne que les citoyens et les formations politiques qui ne peuvent prendre part aux élections du fait de cette loi doivent être rétablis dans leur droit. « C’est aussi simple que de l’eau de roche. Cela veut dire qu’aucun parti politique, aucun individu ne peut voir sa candidature rejetée sur le fondement de cette loi modificative ». Donc, le gouvernement, ayant pris acte de cette décision, affirme-t-il, ne peut rejeter une candidature sur le fondement de cette disposition. Et pour Me Ouattara, le Burkina ne saurait se soustraire des instruments juridiques auxquels il est partie. « L’Etat burkinabè est engagé au travers des instruments internationaux qu’il a ratifiés, auxquels il a adhéré. Nous ne pouvons pas aujourd’hui méconnaître cette décision parce que tous ces textes font partie de notre législation et sont sources de droit. Une quelconque réforme ou révision ne saurait violer cette décision », a-t-elle soutenu.

‘’ La révision de l’article 37 n’est pas anti-constitutionnelle ’’

« Je m’excuse mais lorsque j’entends des juristes, des grands-frères, faire certaines déclarations, je me demande si ce sont des déclarations en tant que juristes ou des déclarations politiques », s’est interrogé Me Salembéré pour qui la loi visée tend à instituer un déni d’opinion inacceptable. Il se réfère à des passages de la décision, notamment le point 28, avant de demander que les « grands-frères » disent le droit et n’essaient pas de « mélanger » politique et droit. « Les juristes qui ont la bonne foi et qui sont acteurs de cette transition, ont reconnu que l’Etat du Burkina a perdu ce procès. Et, il n’en saurait être autrement parce, voyez-vous, le dispositif final ? En droit, celui qui est condamné aux dépens, c’est celui qui a perdu le procès. Et lorsque je prends la disposition finale, c’est clair….’’ Condamne l’Etat du Burkina aux entiers dépens’’. On ne peut pas dire que l’Etat a gagné et il est condamné aux dépens. Ça, c’est le minimum d’honnêteté juridique que nous juristes nous pouvons avancer », a-t-il martelé.
A en croire le porte-parole, si la décision n’est pas exécutée, ce serait dommage du point de vue diplomatique que financier. « Refuser, ce n’est pas seulement s’exposer à la communauté internationale mais exposer également la paix sociale…. », a appuyé Me Ouattara qui a, en outre, félicité la « voie de sagesse choisie par l’ex-majorité qui est celle du droit ». Selon elle, l’exclusion conduit à des situations comme celles qu’ont connues certains pays qu’elle n’a pas nommés.
Réagissant à la disposition de la charte africaine visée par le code électoral, les requérants ont noté qu’elle ne peut s’appliquer dans le cas d’espèce parce qu’il n’y a pas de « changement constitutionnel ». De leur analyse, la question de la révision de l’article 37 était une question d’opinion. « Si on estime qu’il y a des personnes qui ont commis des infractions, qu’on les poursuive ces personnes », a lancé Me Salembéré.

Possible recours de l’ex-majorité pour dédommagement ?

Pour sa part, Eddie Komboïgo, président du CDP, dit être confiant en ce qui concerne l’application de la décision par l’Etat burkinabè. D’ailleurs, il exhorte « tous ceux qui sont chargés de mettre en application » cette décision à le faire pour le bonheur du pays. Selon lui, le seul censeur en politique, doit rester le peuple.
Même lancée pour Hermann Yaméogo, président de l’UNDD, pour qui, c’est une « grande course » qui a été gagnée avec cette décision à travers laquelle également, affirme-t-il, le barreau burkinabè grave en « lettres d’or », son nom dans les annales de l’histoire. Pour lui, les avocats ont défendu le droit, malgré les regards hostiles auxquels ils étaient confrontés.
Sur une possible action en dommage-intérêt de la part l’ex-majorité, le président du CDP, Eddie Komboïgo a expliqué qu’en plus des pertes matérielles, il y a eu des pertes en vies humaines pendant les événements. ‘’ Et ce qui importe pour le CDP, c’est que des gens ont perdu la vie ce jour-là. Notre plus grand regret, c’est cela. Si on pouvait demander dédommagement, on allait faire en sorte que ces personnes qui ont perdu la vie recouvrent leur vie. Le matériel peut s’acheter ’’, a-t-il laissé entendre en substance.

Oumar L. OUEDRAOGO
Lefaso.net

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