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Pasqua mort, « les copains et les coquins » de la République sont orphelins.

Publié le jeudi 2 juillet 2015 à 17h00min

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Pasqua mort, « les copains et les coquins » de la République  sont orphelins.

Michel Poniatowski, qui sera par la suite ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur de Valéry Giscard d’Estaing, avait, en 1972, fustigeant les « gaullistes », dénoncé la « République des copains et des coquins ». Cette République-là est désormais orpheline (mais pas pour longtemps). Pasqua est mort. C’était le « parrain » des gaullistes et il avait fait des Hauts-de-Seine un fief et un tiroir-caisse. Mais c’était aussi le « parrain » des réseaux politico-mafieux français en Afrique. Et un sacré « réac » qui rêvait d’être le leader d’une ultra-droite populiste. Qui ne manque pas, d’ailleurs, de chefaillons.

Quand on lit une biographie consacrée à Pasqua, l’index des noms cités a des allures de Who’s Who de la corruption « Made in France ». C’est une revue des effectifs de tous ceux qui, depuis vingt ans au moins, jouent (avec plus ou moins de bonheur) à cache-cache avec la justice. Il faut dire qu’ils ont dépensé une énergie considérable pour imaginer, mettre en place, faire fonctionner, épurer, reconstruire… des réseaux tout à la fois politiques et mafieux, réseaux dont la finalité est, pour les uns : le pouvoir, pour les autres : l’argent, pour beaucoup : le pouvoir de l’argent. William Abitbol, qui a été un des hommes liges de Pasqua, disait que « la politique est un océan d’argent liquide ». Il ajoutait : « Moi, contrairement à Jacques Chirac, je ne me suis pas baigné dedans ». Mais c’était après que Pasqua, orphelin de De Gaulle et du SAC (milice privée au service des ultras du « gaullisme »), ait renié Chirac pour Balladur pour tenter de jouer solo au nom des « gaullistes » historiques. Abitbol était d’ailleurs passablement désapprouvé par son patron qui disait, sans rire : « Je ne connais pas de gaullistes qui aient fait fortune ». Certes, peut-être pas des gaullistes ; mais des « pasquaïens », il y en a des paquets.

Le mardi 12 février 2002 – drôle de date : deuxième jour de la deuxième semaine du deuxième mois de la deuxième année du deuxième millénaire – il avait tenu à La Mutualité son premier meeting de candidat à la présidentielle (finalement, il n’y participera pas ; Chirac va triompher face à Le Pen alors que Lionel Jospin était battu dès le premier tour). Et tenu un discours dans lequel il avait annoncé vouloir « débarrasser » la France de « l’esprit soixante-huitard ». Rétablissement de l’autorité de l’Etat, rétablissement de la peine de mort, prestation de « serment » pour les nouveaux citoyens français, généralisation des référendums d’initiative populaire, diminution de 40 %... du nombre des députés et de 50 % du nombre des ministres. Pasqua, qui avait déjà échoué à « terroriser les terroristes », va échouer à éradiquer « l’esprit soixante-huitard », mort (si tant est qu’il ait jamais existé) depuis que les publicitaires des agences ayant pignon sur rue à Neuilly-sur-Seine (la ville dont Pasqua a échoué à devenir le maire en 1983, le jeune Sarkozy ayant appliqué une des règles de vie de son ex-mentor : « La politique, ça se fait à coups de pied dans les couilles ») en ont fait leur fonds de commerce.

Pasqua venait de chez Ricard. Ce qui en faisait, en France, un homme sympathique mais pas nécessairement un gentleman. Pasqua c’est d’ailleurs un nom qui sonne comme une marque d’apéro : il débute comme « pastis » et se termine par l’eau qui va avec : « aqua ». Jusqu’à la fin des années 1980, sa notice dans le Who’s Who le présentait comme « Administrateur de sociétés. Ancien député. Ancien ministre. Sénateur ». Par la suite, elle sera beaucoup plus laconique : « Homme politique ».

Sa « distraction » : les « Voyages ». Il aurait pu préciser : « en Afrique ». Le 4 juillet 1988, avec Pierre Messmer, ancien Premier ministre « gaulliste », il avait créé France-Afrique-Orient (FAO) qu’ils installèrent, luxueusement, au 3 du boulevard de Latour-Maubourg, dans le VIIè arrondissement de Paris. Messmer, président ; Pasqua et Michel Aurillac (ex-ministre de la Coopération sous la première cohabitation), vice-présidents ; Bernard Bled (patron de l’administration à la mairie de Paris), trésorier ; Bernard Guillet (indéracinable « conseiller diplomatique » de Pasqua), secrétaire. FAO œuvrait « en faveur d’un resserrement des échanges avec l’Afrique et l’Orient dans les domaines politique, culturel, social et économique, mais aussi et surtout par le développement des contacts et des rapports personnels ». Pour ce qui est « des rapports personnels », Pasqua était un champion. Dans les années 1990, il se rendait en Afrique toutes les six semaines, au titre de président du Conseil général des Hauts-de-Seine. A Libreville comme à Ouaga, Bongo et Compaoré ne cessaient de me parler de lui. Au Gabon, il faisait construire des salles de classe et Bongo était ravi de l’empressement de Pasqua à son égard ; au Burkina Faso, il se désolait de ce que René Monory (qui venait de lui ravir la présidence du Sénat), « n’ait pas été dévoré par un lion » lors de ses parties de chasse (raconté avec la gouaille de Pasqua par Compaoré, cela valait de l’or). Pasqua est ainsi devenu « Pasqua l’Africain ». Grâce à SEM 92, chargé de la « coopé » des Hauts-de-Seine, mais aussi des réseaux corses.

Quand la deuxième cohabitation le ramènera au gouvernement (ministre de l’Intérieur ; 1993-1995), il lui faudra un homme de confiance pour maintenir ses « contacts et rapports personnels » avec l’Afrique. Ce sera son fils unique Pierre-Philippe. Omniprésent en Afrique centrale : Angola, Cameroun, Congo, Gabon (le carré d’as de la compagnie Elf dans le golfe de Guinée). Ce fiston rêvait alors de faire de Sao Tomé & Principe une zone franche « gérée » par ses amis corses ! Quand j’avais interrogé Pasqua père sur cet activisme de son fils en Afrique, il m’avait rétorqué : « Il a ses propres activités et, contrairement aux stupidités que j’ai pu lire sur lui, il ne travaille pas à mes côtés. Heureusement pour lui, d’ailleurs ! ». Effectivement, Pasqua était place Beauvau et Pasqua fils en Afrique. Avec dans son sillage « les copains et les coquins » qui avaient besoin de son papa et de sa position – officielle en France, officieuse en Afrique – pour faire du business. Toutes les sortes de business.

Charles Pasqua est mort. Il avait débuté dans le Ricard, poursuivi dans l’Americano (dont il a été l’importateur en France) avant de finir dans les eaux troubles de l’affairo-politisme. Il avait été gaulliste, chiraquien, balladurien et, pour finir, pasquaïen. Roi des « barbouzes » du SAC et « parrain » des réseaux corses en Afrique et ailleurs, il a laissé son nom aux « lois Pasqua » qui, le 24 août 1993, ont durci l’immigration en France, aux « charters Pasqua-Pandraud », Robert Pandraud étant son ministre de la Sécurité. Il avait prôné, en 1988, une alliance électorale avec le FN ; « même préoccupations, même valeurs » disait-il. Il a férocement réprimé en 1986 les manifestations lycéennes et étudiantes contre la loi Devaquet sur la réforme de l’université au cours desquelles Malik Oussekine a été tué par les « flics voltigeurs » inventés par Pasqua. Son nom est associé à toutes les affaires politico-affairo-judiciaires des années 2000 : Elf, Fondation Hamon, Casino d’Annemasse, GEC-Alstom, Sofremi, « pétrole contre nourriture », « Angolagate », pôle universitaire Léonard de Vinci de Nanterre… En 2009, il promettait de « faire sauter la République » par ses révélations ; mais comme il le disait lui-même : « Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent ».

Il va y avoir du monde derrière le corbillard de Charles ; la foule des mis en examen et la bande des « copains et des coquins » : Auchi, Abid, Balkany, Dubois, Falcone, Feliciaggi, Gaydamak, Guelfi, Guillet, Léandri, Marchiani, Maugein, Mondoloni, Pavlopoulos, Poussier, Safa, Schuller, Sirven, Tomi… Sans oublier le fils, Pierre-Philippe, rentré de son exil en… Tunisie (celle de Ben Ali) et sorti de prison ; mais aussi Claude, cousin de Charles, lui aussi condamné à de l’emprisonnement avec sursis dans une affaire de marchés truqués.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 2 juillet 2015 à 20:14, par Bêb-Riîmda En réponse à : Pasqua mort, « les copains et les coquins » de la République sont orphelins.

    Pierre Philippe Pasqua...ne sera pas derrière le corbillard de son défunt père...car mort le 11 février 2015. Charles Pasqua mi bourreau, mi aimable...quand il rencontrait ces nègres qu´il avait aidés à s´ installer au pouvoir ! Ce type n´a jamais aimé ni l´Afrique...encore moins les Africains. Il a été du côté des dictateurs, des gens qui ont fait du mal à tout un continent ! Un des derniers piliers de la Françafrique s´est en allé !

  • Le 2 juillet 2015 à 22:05, par Amadoum En réponse à : Pasqua mort, « les copains et les coquins » de la République sont orphelins. ET APRES ?

    A quoi nous sert une telle histoire ?
    Que quelqu’un m’explique pourquoi nous devons etre soumis a une telle torture quand le pays a de serieux problemes. L’article peut etre profond mais l’audience n’y est pas ! Pourquuoi ne l’avoir pas publie dans le Figaro ou une autre publication Francaise ?

    Si les leaders Africains sont dignes et partiotes, aucun dirigeant de quelque autre pays ne pourra mettre du sable dans le couscous africain. Tous ces assassinats et intrigues politiques qui se jouent depuis sur notre continent ont la benediction de nos leaders.
    Il est grand temps d’arreter de blamer les autres pour nos problemes !

  • Le 3 juillet 2015 à 09:07, par Kôrô Yamyélé En réponse à : Pasqua mort, « les copains et les coquins » de la République sont orphelins.

    - Contrairement aux 2 précédents forumistes, je présente toutes mes condoléances à la famille de Mr. PASQUA et à l’Etat Français, comme je l’avais aussi fait lorsque Mr. FOCCART, son maître et sa référence, était décédé.

    Oui, ils ont travaillé pour leur État la France, et ils ont été patriotes. Certains travaillent contre leurs États et c’est le cas de nombreux dirigeants africains. Si on accuse ces messieurs de Françafricains et d’avoir entretenu la Françafrique, c’est qu’il y avait des Françafriqués qui les ont écouté et accepté. Là-dessus, il n’y a rien à les reprocher.

    - Paix à leurs âmes.

    Par Kôrô Yamyélé

  • Le 3 juillet 2015 à 17:05, par l’éveillé En réponse à : Pasqua mort, « les copains et les coquins » de la République sont orphelins.

    sacré koro yamyélé !!!!!au fond tu as raison

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