LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Wendinminté Ouédraogo, écrivain : « Certains proverbes du terroir moaga expriment des pensées économiques »

Publié le jeudi 18 juin 2015 à 23h45min

PARTAGER :                          
Wendinminté Ouédraogo, écrivain : « Certains proverbes du terroir moaga expriment des pensées économiques »

Inspecteur du trésor affecté à la trésorerie régionale des missions diplomatiques et consulaires, il a été piqué par le virus de la littérature. Pour son premier essai (un recueil de proverbes du territoire moaga), c’est un document en 2 tomes cumulés de 500 pages qu’il a publié. Lui, c’est Wendinminté Ouédraogo. Dans l’interview qui suit, il parle de sa passion pour les lettres, de son œuvre disponible dans plusieurs librairies et supermarchés de la place. Lisez !

Lefaso.net : Vous avez décidé de publier un recueil de proverbes du royaume moaga. Pourquoi cet intérêt pour les proverbes ?

Wendinminté Ouédraogo : L’idée m’est venue suite à une comparaison des pensées économiques, philosophiques, en somme, toutes les connaissances reçues au lycée et à l’université. Il m’est venu alors à l’idée que certaines pensées sont similaires aux proverbes du terroir moaga. Et c’est pour soutenir le combat des uns et des autres dans la valorisation de notre culture qui est notre identité que j’ai décidé d’apporter ma pierre en m’intéressant aux proverbes.

Après Ouagadougou, vous avez dédicacé votre livre à Kaya. Pourquoi cela ?

Merci beaucoup pour cette question. La dédicace à Ouagadougou et à Kaya rentre dans le cadre des activités de promotion de mon ouvrage. Je vois le livre comme un produit qui est mis sur le marché et quand on sait que le marché a ses exigences, le produit doit bénéficier d’un accompagnement pour mieux le faire connaître aux potentiels clients qui sont ici les lecteurs. C’est la raison pour laquelle nous avons initié des actions visant à présenter l’œuvre au public. Car si aucune communication n’est faite sur le livre, il apparaîtra comme un produit qui n’existe pas. Et un livre qui n’est pas connu n’est pas encore sorti du tiroir.
En plus des cérémonies de dédicace que j’ai déjà organisées et je compte en organiser si j’ai la chance d’avoir des partenaires pour m’accompagner, parce qu’une cérémonie de dédicace a un minimum de charges qu’il faut supporter, des communications sont faites sur les ondes, dans certaines chaines de télévision et au niveau de la presse écrite. Mon intention est de faire de mon mieux pour que l’ouvrage soit connu tant au niveau national qu’international. Déjà, j’adresse mes sincères remerciements à toutes les personnalités qui m’ont accompagné et qui continuent de m’accompagner dans cette expérience.
Au Burkina Faso, la culture de la lecture n’est pas développée et de mon point de vue, c’est parce que le livre n’a pas été vulgarisé et est vu comme le loisir pour une certaine classe sociale. C’est une appréhension qu’il faut travailler à briser pour que le livre devienne le compagnon de tout le monde. Il suffit de constater (même si aucune étude ne fonde cela) que les pays développés sont les pays où la littérature est abondante et les pays pauvres sont ceux où la littérature est maigre pour réaliser la place combien importante du livre dans un pays. C’est fort de toutes ces convictions, que mon souhait est d’avoir davantage d’espaces pour inviter les uns et les autres à épouser le livre. Pour cela, je lance un appel aux amoureux du livre, de la culture et des proverbes en particulier, qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales, à m’accompagner pour donner plus de visibilité à l’ouvrage.

Comment votre livre a-t-il été accueilli ?

Par rapport à l’accueil de mon ouvrage par le public, je dois dire qu’il me donne une entière satisfaction surtout pour une première expérience. L’ouvrage a été accueilli dans tous les milieux comme s’il était attendu. Les appréciations qui me reviennent aussi sont positives. Je reçois régulièrement des félicitations et encouragements des professeurs d’université, des Hommes politiques, des religieux de tout bord et de l’ensemble des lecteurs. Je profite de l’espace que vous m’offrez pour traduire à mes lectrices et à mes lecteurs, toute ma reconnaissance pour l’intérêt qu’ils accordent à cet ouvrage édité en deux tomes. D’ailleurs, l’accueil dont l’ouvrage a bénéficié en moins d’une année de parution me conforte dans l’idée qu’en réalité, et contrairement à ce que l’on pense quotidiennement, les africains en général et les burkinabè en particulier aiment leur culture. Nous ne devons pas cesser de la valoriser. Comme le dit le Président Barack Obama dans son livre L’audace d’espérer « c’est avec le langage des valeurs que les gens dressent la carte de leur monde ». Il ajoute : « comme nombre de conservateurs, je crois également au pouvoir de la culture pour favoriser à la fois la réussite individuelle et la cohésion sociale, et je pense que nous négligeons les facteurs culturels à nos risques et périls ».

Peut-on dire que ce recueil est un ensemble exhaustif des proverbes du terroir moaga ou est-ce une sélection ? Si oui pourquoi ?

C’est prétentieux de dire qu’il est exhaustif parce que le corpus que j’ai réuni est beaucoup plus large que ce qui a été publié. Le choix des proverbes de mes deux documents puisqu’il s’agit de tomes 1 et 2 de près de 500 pages, c’est en fonction du message véhiculé et de la richesse de ses proverbes parce qu’il y a des proverbes qui se ressemblent. Ce que j’ai essayé de retenir c’est ce que je pense du proverbe. Il faut dire que c’est à Ouagadougou, au centre nord, à Bobo-Dioulasso et des documents des devanciers publiés que j’ai rassemblé ces proverbes. Dans certaines régions, on se rend compte que beaucoup de proverbes ne sont pas couramment dits. Pour ma part, je reste convaincu qu’il y a une richesse dans les proverbes et que l’on peut continuer de l’explorer.

On le sait, votre livre est dans les rayons des librairies. Combien de temps avez-vous pris pour l’écrire ?

Au tout début, c’était au niveau personnel puisque j’ai fait le village et ayant eu la chance de côtoyer les vieux qui parlaient toujours avec des expressions proverbiales. Mon premier pas a consisté à écrire ce qui me revenait à l’esprit, par la suite j’ai pris attache avec des personnes engagées dans la valorisation de la culture burkinabè. Il s’agit notamment de Boussoum-Wayalgin Naaba Salem, sa majesté Naaba sansé et les parents, à qui je n’ai pas manqué de dire merci dans mon document. Au fur et à mesure, je suis tombé sur des documents de mes devanciers tel L’abbé Konvolbo Pierre qui a élaboré un document très riche en la matière. Cela m’a permis de faire un croisement et de retenir des proverbes.
En terme de temps, c’est après 13 ans que j’ai pu publier ces 2 livres avec bien attendu le concours des personnes de bonne volonté et si vous le constatez, la préface est signée par Mahamoudou Ouédraogo, ancien ministre de la culture. Egalement la sous-commission qui est dans le domaine de la valorisation des langues m’a apporté son soutien ainsi que Jules Kinda, professeur d’université. Il y a au passage le directeur général du trésor et de la comptabilité publique en son temps, Moumounou Gnankambary.

Quelle est la particularité des proverbes dans la culture moaga ?

L’homme n’est pas forcément le matériel que nous voyons. Quand vous parlez de l’invention de certains rois, il y a un esprit qui sous-tend tout cela. Cet esprit est la conviction, l’idéal et la vision. Les sociétés africaines sont de tradition orale. A partir de là, je me suis dit que pour nous connaitre, il fallait mettre l’accent sur l’oralité. En plus de cela, quand on sait ce que pense une société, on peut la cerner. L’idée du livre consiste à élucider ce que pensent nos sociétés sur certaines valeurs d’aujourd’hui. Si l’on prend l’exemple de la corruption, d’aucuns disent que c’est une culture de l’occident mais la question est de savoir si nos cultures n’avaient pas connaissance de cette pratique ? On parle de l’image de la femme, est-ce que réellement c’est ce qu’on pense de la femme ?
Pour avoir l’esprit tranquille, c’est mieux de se connaitre et savoir réellement ce que la société pensait de tous ces éléments pour maintenant amorcer une lutte qui puisse être bénéfique. Par exemple, quand on prend le cas de la corruption, il est difficile de trouver un concept qui correspond au nom en mooré. Mais en fouillant dans les proverbes, facilement on le retrouve. Le proverbe qui dit : « quand une bouche mange ce qui est bon, elle ne doit pas être ingrate envers la personne qui lui a offert à manger » signifie que lorsque tu as les faveurs de quelqu’un si ça t’amène à te taire sur ce que la personne fait d’anormal quelque part il y a l’effet de la corruption. Dans la société moaga et dans beaucoup d’autres sociétés, la corruption n’était pas ignorée.

Quelles sont les thématiques abordées dans votre recueil ?

Je ne me suis pas particulièrement intéressé à des thématiques bien données mais dans l’organisation du document, il y a des thématiques qui m’ont permis d’organiser le document. Comme je l’ai dit au tout début, c’était de recueillir un ensemble de pensées pour permettre à ceux-là qui veulent travailler là-dessus, d’avoir le maximum de matériaux pour approfondir la réflexion. Dans l’organisation de tout le document, un proverbe est souvent conçu autour d’un mot que j’appelle « mot clé ». Quand on prend le thème de la femme et de l’enfant dans le document, nos sociétés font beaucoup attention à ces deux thématiques. Pourquoi ? Je n’en sais rien mais je me dis que ceux qui vont exploiter le document apporteront la lumière sur cela.

Le moaga est reconnu pour être féodal avec la femme et le moins romantique, était-ce dans le sens de faire attention ou cette vision même est erronée ?

En essayant de classifier les proverbes, je n’ai pas essayé de donner un point de vue particulier par rapport aux jugements. L’idée de la femme est donnée telle que pense la société. En parcourant les proverbes qui parlent de la femme, on aura la confirmation ou pas de la qualification du moaga de féodal. Le contraire sera un jugement d’office sans aller au fond des choses. Quand on regarde la place de la femme dans une famille royale, on comprend aisément le rôle combien important qu’elle occupe dans la famille. Il y a un proverbe qui dit que quand un homme prétend qu’il n’a pas peur de la femme, c’est peut-être parce qu’il n’a pas encore croisé une lionne. Ceci pour dire que même si l’homme se vante souvent, il y a des fois où il reconnait ses limites face à la femme. Aussi, il y a un autre proverbe qui dit que « la femme ne dépasse pas sa tresse ». Là c’est le caractère féodal qui est mis en exergue et qui veut dire que la femme quel que soit ce qu’elle devient, elle reste soumise à l’homme. Il appartient à cette dernière de se battre comme elle l’a toujours fait pour sortir « des griffes » de l’homme.

Vous êtes inspecteur du trésor, qu’est-ce qui vous a motivé à aller à la littérature ?

Ce qui m’a particulièrement amené dans la littérature, c’est comme je l’ai dit tantôt c’est vraiment notre identité, notre culture. En cela, je précise que la culture n’est pas l’image qu’on veut nous véhiculer tous les jours. La culture c’est l’art vestimentaire, la danse traditionnelle et l’identité quant à elle, est dans la pensée. Un proverbe dit que l’enfant intelligent paye les galettes de sa mère et lorsque vous prenez ce proverbe, il y a une pensée économique parce qu’il rejoint un peu ce qu’on a voulu faire de « produisons et consommons burkinabè » et d’autres pensées économiques.

Votre premier ouvrage lancé, comment entrevoyez- vous les perspectives ?

Mon souhait est de continuer à publier des livres parce que la littérature est un moyen d’expression comme la peinture, la danse. Chacun choisit le moyen qui lui convient le plus, moi c’est la littérature. Mon recueil je le considère comme un travail de départ qui va nourrir mes réflexions prochaines. J’ai des projets en cours et s’il plaît à Dieu, ils seront appréciés par le public. Il ne faut pas écrire pour écrire mais écrire pour apporter un plus au public.

J’invite pour cela les lecteurs à lire le document afin de s’imprégner de son contenu. Je remercie l’équipe de leFaso.net qui se bat pour tenir la population informée et je puis vous confier que dès que j’arrive au bureau le matin, c’est la première page que j’ouvre pour pouvoir prendre le pool de la cité. J’encourage cette équipe et je prie Dieu pour qu’elle grandisse et porte le Burkina hors de nos frontières. Lorsque je vois le chapeau de Faso.net, je sais que c’est quelqu’un qui se sent Burkinabè, homme intègre au départ et maintenant qui cherche à aller vers les autres cultures.

Interview réalisée par Jacques Théodore Balima
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Dédougou : Le festival des masques signe son retour
Burkina / Musique : Patrick Kabré chante Francis Cabrel