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Ram Ouédraogo : “Depuis 1991, c’est le fauteuil du président du Faso que je convoite”

Publié le jeudi 31 mars 2005 à 07h34min

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Candidat malheureux à la présidentielle de 1998, M. Ram Ouédraogo s’est encore placé dans les starting block cette année. Il croit en sa chance, tout comme il se voit un destin national. Rien ne laissait entrevoir chez Ram la fibre politique.

Il a plutôt évolué dans le milieu du show-biz où il excellait dans l’organisation de spectacles. Né en Côte d’Ivoire, il n’a effectivement fait le choix qu’en 1991 pour son retour définitf dans son « Bayiri ». Année des effervescences démocratiques. Depuis lors, Ram semble se plaire dans ses habits d’homme politique.

Premier dirigeant d’un parti écologiste dans notre pays, il s’est vite séparé des Verts version 1998 pour le Rassemblement des écologistes du Burkina (RDEB) qu’il dirige. C’est donc sous cette bannière qu’il se représentera en novembre 2005 à la présidentielle au Burkina.

En attendant cette échéance, Sidwaya l’a reçu en invité de la rédaction le 22 mars dernier. L’actualité nationale et internationale, ses chances d’être président du Faso, chef du gouvernement dès novembre et bien d’autres sujets ont meublé ces deux heures d’horloge passées rapidement avec M. Ram Ouédraogo.

Sidwaya : Votre sentiment sur le décès du Médiateur du Faso ?

Ram Ouédraogo (R.O.) : Je voudrais m’incliner sur la mémoire du Médiateur du Faso. Il était quelqu’un de très respectable. Paix à son âme et que son travail se poursuive avec d’autres collaborateurs. Pour nous, c’est une grande perte pour la nation.

Sidwaya (S) : Comment trouvez-vous les rencontres que le président du Faso a initiées avec les différentes couches socioprofessionnelles du pays ?

R.O. : Je voudrais avant toute chose remercier les Editions Sidwaya et tous les amis dont la plupart ont été mes collaborateurs à des moments donnés. C’est un honneur pour moi d’être invité ici ce matin. Maintenant, en ce qui concerne les différentes rencontres du chef de l’Etat avec les corps constitués et autres, je dis que c’est une bonne chose. C’est une bonne chose parce que le chef de l’Etat a fini par comprendre que la démocratie, c’est un échange direct avec les populations. Les dossiers qui lui parviennent au bureau, les commentaires qui lui sont faits sont souvent en déphasage avec la réalité. On peut dire ainsi que ces rencontres sont en quelque sorte un désaveu du gouvernement. Vis-à-vis, les gens ont pu dire ce qu’ils avaient envie de dire, soulever leurs problèmes pour que le chef de l’Etat puisse prendre le pouls de la situation.

S. : Dites-nous ce que vous entendez par désaveu ?

R.O. : Oui, je dis que c’est une sorte de stratégie.

Vous n’allez tout de même pas me dire qu’un gouvernement qui est en place avec une trentaine de ministres, un chef de gouvernement qui apparemment maîtrise les dossiers, le chef de l’Etat ait encore besoin d’aller rencontrer les populations pour comprendre leurs problèmes et de façon sectorielle ? Si on prend le secteur de la santé, le ministre est censé maîtriser entièrement son département. Il en est de même pour le commerce, l’agriculture, etc.

Mais si le « patron » éprouve encore le besoin d’aller rencontrer les corps constitués, cela veut dire qu’il n’est pas très sûr des résultats qui lui parviennent ou alors, il voudrait lui-même entendre et voir. C’est en cela que je dis que c’est un désaveu du gouvernement en quelque sorte. Sinon en principe, le chef de l’Etat appelle directement ses collaborateurs et on lui dit exactement la situation, ils en discutent et il prend la décision. Mais il a lui-même exprimé le besoin d’aller écouter sur place, donc cela revêt d’autres aspects. L’aspect marketing politique. Sinon dans le fond, ce n’est pas aujourd’hui que le chef de l’Etat va chercher à comprendre les problèmes qui sont posés depuis un certain temps à ces corps constitués. Si vous prenez les syndicats, ils ont dit ce qu’ils pensaient, l’ordre des avocats, ainsi de suite, chacun a posé ses problèmes. Mais est-ce que ces problèmes sont nouveaux ? C’est en cela que je dis que ça revêt d’autres aspects.

S. : Il reçoit quand même le monde paysan chaque année...

R.O. : Regardez ! Lorsqu’il reçoit les paysans, ceux-ci posent des problèmes. L’année suivante, ce sont les mêmes problèmes et ainsi de suite. Il ne s’agit pas de recevoir des cahiers de doléances. Il s’agit de régler les problèmes qui sont posés. Recevoir les paysans, les écouter, c’est déjà une bonne chose. Mais encore faut-il régler leurs problèmes. Le dialogue est une chose et résoudre les problèmes en est une autre.

S. : Mais ce contact direct entre le chef de l’Etat et la base est coutumier chez les dirigeants, que ce soit en Europe et partout ailleurs.

R.O. : Oui, mais j’ai dit tantôt qu’on peut en faire une bonne chose. Parce que ce n’était pas comme cela au Burkina Faso et même dans les pays voisins.

Au Mali par exemple, il y a des périodes où le chef de l’Etat rencontre la presse, les hauts dirigeants pour comprendre comment le pays est géré. Ici, le président Blaise Compaoré aujourd’hui s’est toujours mis au-dessus du peuple burkinabè. C’est sa nature. Il n’a jamais accepté le contact direct. Ce sont ses collaborateurs qui vont et viennent. Mais il a fini par comprendre que s’il ne le fait pas, finalement cela va être un problème pour lui, parce qu’en réalité, Blaise Compaoré n’est pas très connu. Je ne parle pas du président du Faso que tout le monde connaît. Mais l’individu Blaise Compaoré est très éloigné des populations. Vous ne pouvez pas le cerner davantage. Il rencontre les gens pour s’ouvrir davantage, pour qu’on l’écoute, pour que les échanges soient directs ; mais ce n’est pas une première ailleurs. Chez nous, ça l’est et je dis que c’est un bon début pour lui d’aller à la base pour comprendre. Il y a des chefs d’Etat qui prennent des bains de foule ; c’est-à-dire qu’ils peuvent aller au marché, dans les services. Mais le président Blaise Compaoré, ce n’est pas sa tasse de thé, ce n’est pas son tempérament. Et pour une fois qu’il le fait, c’est une bonne chose, il faut l’encourager.

S. : Pour avoir manifesté sur la voie publique, 500 élèves policiers ont été renvoyés. Avant eux, des étudiants ont connu le même sort. Quelle lecture faites-vous de ces deux situations ?

R.O. : Ma position a été très claire. Nous avons d’ailleurs produit une déclaration sur la question. J’aurais toujours été ministre d’Etat au gouvernement que cette décision n’aurait jamais été prise. Je vous fais la confidence. Au moment de la crise, l’ENSK était dans la même situation. Et il y a des ministères décideurs qui ont décidé de renvoyer purement et simplement ces élèves étudiants professeurs. J’ai été celui qui a dit qu’il n’en était pas question. Et ça ne s’est pas fait. C’est-à-dire qu’il y a des contextes, et je l’ai répété, où si vous voulez appliquer la même rigueur à tout le monde, la moitié du gouvernement ne serait même pas là et d’autres seraient même jetés en prison. Il est vrai qu’il faut la discipline, la rigueur. Mais tout de même, que celui qui n’a jamais pêché jette la pierre à l’autre. On pourrait peut-être dire que vous n’avez pas respecté la discipline, que c’est un avertissement ferme ; voilà comment ça fonctionne dans la maison. Les policiers n’ont pas le droit de manifester et si vous avez des doléances vous les posez à qui de droit et nous examinons. C’est une faute qui a été commise, on pouvait pardonner et donner un avertissement, un tout dernier. Mais rapidement prendre une décision pour dire que tout le monde est renvoyé, on en parle plus... Mais, 500 élèves policiers, c’est l’espoir des 500 familles qui part en fumée ; parce que ces 500 familles multipliées par le père, la mère, les amis, tout le monde pensait que ces élèves à la sortie allaient apporter un plus à la famille. Donc, c’est cinq cents personnes multipliées par dix, je dirai cinq mille personnes mécontentes. C’est une période très difficile pour la nation où on a besoin de pardon, de consensus, de vraiment se souder pour que la nation aille de l’avant. Je crois que ce n’est pas une très bonne chose et cela je le répéterai toujours.

S. : Est-ce que votre action va se limiter à une simple déclaration ?

R.O. : Non ! Aujourd’hui par exemple, j’ai encore l’occasion de dire que ce n’est pas une bonne chose, que ce n’est pas trop tard. J’ai encore lu hier (lundi 21 mars) la déclaration du ministre de la Sécurité qui disait « pas question de les reprendre ». Mais je voudrais vous rappeler quels sont les problèmes que nous avons réglés entre 1998-1999 jusqu’en 2002. Ce sont ces genres de problèmes : la réhabilitation. Cela a coûté près de douze milliards de FCFA. Le Fonds d’indemnisation des personnes victimes de violence en politique, près de cinq milliards. Tout ça, ce sont des injustices qui ont été commises à certains moments et curieusement comme l’expérience ne sert pas toujours, on revient aux mêmes méthodes. Et comme nous l’avons dit, les élections arrivent, si nous sommes victorieux, nous allons revenir sur toutes ces questions. Si nous ne sommes pas victorieux, nous en reparlerons un jour parce qu’il faudra réparer certaines injustices.

Il ne s’agit pas de simples déclarations mais je dis que ce n’est pas une bonne chose. Si notre modeste voix peut faire entendre raison aux dirigeants pour leur faire comprendre que par ces temps de pardon où eux-mêmes ont eu à demander pardon pour les actes qu’ils ont posés et que maintenant ils ne veulent pas pardonner aux autres, je crains fort qu’à un moment donné, eux-mêmes ne soient pas pardonnés.

S. : Il y a eu récemment des affrontements entre éleveurs et agriculteurs, des populations d’un village de Kampti et des gendarmes. Est-ce qu’on peut dire qu’il y a un malaise social au Burkina Faso ?

R.O. : Absolument ! D’abord, lorsqu’il y a beaucoup de braquages, c’est que la vie devient dure. Lorsque vous voyez des bandits qui écument les régions, c’est que la vie est dure. Il n’y a pas assez de boulot pour tout le monde et il y en a qui choisissent la facilité : prendre une arme et aller braquer son voisin. En plus de cela, vous voyez ce qui ce passe dans les régions. Si on y prend garde, le Burkina Faso lui-même ne sera pas à l’abri de certains maux que nous dénonçons et qui se passent dans certains pays voisins. Je ne suis pas un sociologue, ni un psychologue, mais j’ai beaucoup de craintes pour l’avenir parce que tout cela peut déboucher sur des choses terribles pour notre pays.

S. : Faites un diagnostic et proposez quelque chose...

R.O. : Oui ! mais je ne suis pas en campagne, je vous fais un constat et c’est vrai que nous aurons des propositions à un moment donné ; mais je dis : la philosophie de notre parti par exemple est paix, non-violence, tolérance, unité. Donc, notre rôle est de faire en sorte que la paix règne au Burkina Faso, même dans la conquête du pouvoir, faire en sorte qu’il n’y ait pas de violence au Burkina Faso. Pour nous, c’est une priorité. Il faut dialoguer, discuter, créer des plus-values pour que les gens trouvent du boulot, ne pas rejeter les jeunes dans la rue encore, ne pas chasser les élèves et étudiants, etc. Tout cela pose des problèmes sociaux. Mais est-ce que ceux qui gèrent aujourd’hui le comprennent très bien ? Est-ce que ce n’est pas pour cela que le chef de l’Etat a lui-même éprouvé le besoin de rencontrer les gens pour les entendre ? Sinon, les rapports sont faits chaque jour que Dieu fait. Donc, il y a un problème au Burkina Faso. Ce n’est pas moi qui vous l’apprends. Quand chez vous à la maison votre épouse commence à dire, l’argent de la popote ne suffit pas, les problèmes sont nombreux : Maintenant lorsque vous ne pouvez pas, vous ne pouvez pas. Ça fait comme ce qu’on connaît au Niger. Aujourd’hui (22 mars 2005) c’est villes mortes au Niger. L’autre jour, c’était tout le monde dans la rue avec des casses. Et cela, le peuple a tout à fait raison. Lorsque il y a injustice, forcément celle-ci conduit à des dérapages et à mon avis, c’est ce qui va causer un problème au Burkina Faso dans les jours à venir.

S. : A vous entendre ce sont les fondements culturels de notre société qui sont en passe d’être ébranlés ?

R.O. : Triste ! très triste. Avant les problèmes se résolvaient dans la discussion, la négociation. Et petit à petit je sens une régression ou bien le rejet de certaines valeurs, parce que pour arriver dans un village, ne pas être écouté, utiliser des armes, tirer sur des populations qui elles-mêmes s’entre-tuent, c’est qu’il y a un problème. Avant, la famille, c’était un tout. Une négociation, la discussion, on finissait toujours par s’entendre. Maintenant, les gens ne s’entendent plus, ils s’entre-tuent. Les militaires et les gendarmes arrivent sans prévenir, ils n’arrivent pas à se faire entendre et on se tire dessus. Ce sont des Burkinabè qui meurent, ce sont les forces de l’ordre qui sont blessées. C’est pour cela que je dis qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Il faut revenir à certaines valeurs. Ces gens qui sont morts par exemple, ils ont des parents, ils ont une région, ils sont soutenus et quel que soit alpha, c’est une perte énorme. Alors je ne sais pas, peut-être qu’il faut revenir à des valeurs traditionnelles ; demander aux autorités coutumières et religieuses d’intercéder, d’essayer d’éduquer la population, de former, d’informer et d’utiliser certains canaux pour expliciter que la vie humaine est très importante, que l’éleveur qui vient chez vous pour le pâturage pense qu’il est dans son bon droit, l’agriculteur qui voit son champ en train d’être détruit commence aussi à penser qu’il est dans son bon droit. Je crois que gouverner, c’est prévoir et il appartient à l’Etat lui-même d’essayer d’amener le citoyen à comprendre que les gens doivent vivre ensemble, qu’ils doivent tout faire pour éviter les conflits armés. Tous les conflits se règlent toujours sous l’arbre à palabre. Comment aujourd’hui en Afrique, plus particulièrement au Burkina Faso, on ne peut pas régler nos problèmes sous l’arbre à palabre ? Ce n’est pas possible. Même quand on tuait quelqu’un, le problème trouvait solution sous l’arbre à palabre. Aujourd’hui c’est la Kalach, le fusils. Pour ce qui est arrivé dans ce village de Kampti, il faut y trouver des solutions pour que ça ne se repère plus. Ce n’est pas la première fois : dans le Gourma, ça s’est passé, dans la Comoé également. Et petit-à-petit, ça fait tache d’huile ; les gens sont tentés de résoudre leurs problèmes par la force. Quand ils ne peuvent le faire, ce sont les forces de l’ordre qui arrivent et qui également utilisent la méthode forte.

S. : Quelle politique de la terre vous proposez ?

R.O. Une politique de la terre ? Nous avons proposé une révision de la RAF. Au moment venu, quand nous allons présenter officiellement notre programme, nous allons en parler. Vous comprendrez que nous sommes en précampagne.

S. : Mais vous avez une tribune ?

R.O. : Non, faire des propositions pour que les autres s’en servent ? C’est le cas de nos micro-pojets que nous voyons exécutés dans certains endroits. Quand le débat sera ouvert, nous le ferons. Sinon nous préconisons la relecture de la RAF parce qu’il y a des choses qui ne vont pas bien. Si pour les éleveurs il y a des couloirs de transhumance bien tracés, clairs et nets, il n’y aurait pas de conflit. Mais chaque fois on dit qu’on est en train de préparer, qu’on va faire des couloirs de transhumance et finalement les bêtes se retrouvent dans les champs des paysans. Chacun devrait avoir sa petite parcelle au Burkina Faso pour vivre. Certainement qu’on en reparlera.

S. : L’actualité au plan national est marquée par la naissance de partis politiques. Selon vous, est-ce des partis de trop ou l’expression totale de la démocratie ? Et comment avez-vous accueilli la naissance du Rassemblement des Masses (RDM) dans votre province d’origine ?

R.O. : J’ai plusieurs commentaires, spécifiquement deux. D’abord la prolifération des partis politiques. J’ai même dit à ce propos qu’il n’y a pas cent six (106) projets de société. Un parti naît, il se réclame du libéralisme ou alors du socialisme, etc. Donc, il n’y a pas cent six projets de société. Mais en même temps vous avez une constitution qui dit que le multipartisme est intégral. Si vous demandez mon sentiment personnel, étant farouchement démocrate, je pense qu’il y a de grandes démocraties qui n’ont pas cinq ou six partis et ça fonctionne. Au Burkina Faso, on commence à atteindre la centaine de partis. Pour être bien introduit dans beaucoup de milieux, je sais qu’il y a des partis qui ont juste le récépissé et qui ont même eu la chance de participer à une élection. Ils sont éligibles au financement public des partis politiques alors qu’ils ne fonctionnent pas. Est-ce que vraiment ceux qui disent qu’ils faut limiter les partis politiques n’ont pas finalement raison ? Est-ce qu’il faut rester à un multipartisme intégral dans lequel chacun crée un parti ? A mon avis, lorsqu’un parti existe, et ne répond plus à vos aspirations, vous devez en chercher un autre parmi la vingtaine qui existent et qui répondent à vos aspirations. Malheureusement ce n’est pas le cas. Peut-être qu’il faut ramener le débat sur la place publique pour que les gens en discutent. Quant au parti qui s’est créé à Yako, le RDM, je constate simplement qu’il se réclame aussi de la mouvance présidentielle. A mon avis, au lieu de disperser les forces, il vaut mieux être du CDP, du parti au pouvoir. C’est mon sentiment personnel. Peut-être qu’on a besoin de la quantité pour qu’au moment des comptes, on relève que tel parti soutient telle personne. Sinon en principe, si c’est pour la même cause, il est bon de faciliter la tâche à celui qui commande tout cela car il va falloir qu’il finance à gauche et à droite. Si c’est le même parti, c’est plus facile à gérer. Mais comme la constitution l’autorise, chacun fait ce qu’il veut. Mais je dis qu’il n’y a pas trente-six projets de société, ni trente-six courants politiques dans le monde. Nous ne sommes pas seuls d’ailleurs. Au Congo Démocratique ils ont près d’une centaine de partis politiques ; au Cameroun également. Mais qu’est-ce que cela règle ? Les problèmes de développement restent toujours les mêmes.

S. : Votre parti est né malgré l’existence d’autres formations politiques des Verts.

R.O. : Oui ! Ma réponse est simple. Les autres formations politiques des Verts, c’est moi qui les ai créées. C’est-à-dire que lorsque vous adhérez à un parti c’est que cela répond à vos aspirations. Nous avons créé notre parti depuis 1991 pour la conquête du pouvoir d’Etat comme tous les autres d’ailleurs. Nous y sommes parce que cela répond à ces objectifs-là. Mais lorsque le parti dans lequel vous êtes décidé tout simplement de laisser tomber l’objectif premier de la conquête du pouvoir pour aller accompagner quelqu’un d’autre... Il n’y avait pas un autre mouvement écologiste. Il n’y avait que les Verts du Burkina. Et à partir du moment où les Verts du Burkina ont décidé d’aller soutenir la mouvance présidentielle, où pouvions-nous aller, nous écologistes ? Pour que l’écologie politique ne meure pas au Burkina, nous avons créé le Rassemblement des Ecologistes du Burkina (RDEB) comme la loi l’autorise et nous nous battons pour tenter de fédérer tous ceux qui se réclament de l’Environnement, de l’Ecologie. Mais s’il y avait en 2002 un mouvement écologiste de l’opposition, qui travaillait pour la conquête du pouvoir, en ce moment-là, nous aurions pu aller dans ce parti.

S. : N’est-ce pas vous-même qui avez prêté le flanc en allant au gouvernement ? Plus généralement est-ce que vous pensez que la politique est sous-tendue par des questions alimentaires en Afrique ?

R.O. : Absolument ! La question alimentaire est très importante. Maintenant, je crois qu’il ne faut pas non plus travestir l’histoire. Vous êtes un acteur burkinabè, vous savez dans quelles conditions nous sommes allés au gouvernement. Ce que je regrette au Burkina, c’est la malhonnêteté intellectuelle de certaines personnes. Peut-être que si nous n’étions pas allés au gouvernement, nous ne serions peut-être pas assis ici aujourd’hui en train de disserter. Parce qu’à ce moment précis de l’histoire de notre pays, il y avait de grands problèmes. Vous savez très bien que c’est sur la base du diagnostic du Collège de Sages que le gouvernement d’ouverture a été demandé avec pour seul objectif, la résolution des problèmes qui se posent à la nation. Moi, je crois que tout patriote, tout démocrate, au-delà même de la lutte pour la conquête du pouvoir doit savoir que c’est l’intérêt du Burkina Faso qui compte. Et c’est comme cela que nous avons vu le problème. Maintenant, au gouvernement, nous avons rempli une mission. Je ne sais pas si cela a été une réussite mais je constate tout simplement qu’après notre mission, la situation s’est calmée. On ne voyait plus de gens dans la rue pour casser, brûler et qui voulaient que tout le monde se frappe. Je pense qu’on a apporté notre modeste contribution. Il nous appartient maintenant, à partir du moment où, le gouvernement d’ouverture a rempli sa mission, de retourner d’où nous venons et de continuer la lutte pour la conquête du pouvoir. Maintenant vous avez des camarades qui se sont rapprochés du pouvoir, et qui y restent parce que c’est intéressant. Ce n’est pas une première ; même dans d’autres pays on l’a vu. C’était une infime minorité, pas plus de cinq personnes qui voulaient soutenir la mouvance présidentielle. Malheureusement pour moi, ministre d’Etat, président de la commission nationale pour la Réconciliation, je ne voulais pas donner l’image de quelqu’un qui se bat pour des problèmes de leadership. Voici des gens qui demandent pardon et qui se battent pour des problèmes de leadership. J’ai dit aux camarades que ce n’était pas la peine. Puisqu’ils ont demandé de convoquer un congrès, mettez ces quelques camarades en minorité car en aucun cas les militants des Verts du Burkina ne souhaitaient aller dans une quelconque mouvance présidentielle. Cela n’a rien à voir avec des cadres qui ont des postes et qui veulent les sauvegarder. Si on convoquait le congrès, ils seraient mis en minorité et le problème était fini. Ceux qui sont à la base de cette cabale et qui sont à un niveau très haut, avec des moyens de manipulation, pouvaient encore utiliser ces moyens comme ils l’ont d’ailleurs fait pour nous dénigrer. Et quelque part à New York par exemple, on dira que Ram se bat pour un problème de place. Voilà pourquoi j’ai démissionné tout simplement avec la plupart des militants d’ailleurs, pour créer le RDEB. Maintenant l’acte que j’ai posé m’a été très profitable plus tard. Quand je vais à l’extérieur, le thème récurrent que je dois traiter surtout avec les écologistes, porte sur les « Verts et la gestion du pouvoir d’Etat ». Je l’ai fait aux Etats-Unis, au Kenya face au P7 (Sommet des pauvres). Donc, il faut que j’explique comment on peut se rapprocher du pouvoir, remplir une mission et puis ne pas succomber à la tentation du ministre d’Etat, président de la Commission nationale de la Réconciliation, croyez-vous qu’on pouvait me chasser du gouvernement comme cela ? C’était ma propre volonté. On a dirigé le pouvoir à un certain niveau et le ministre d’Etat est le 3e personnage de l’exécutif. Nous avons une grande responsabilité et ce n’est pas tout qu’on peut dire ; sinon je ne vois pas vraiment comment un ministre d’Etat qui veut collaborer peut partir.

Donc, nous avions une échéance, une mission et nous l’avons remplie. Depuis que je me suis installé définitivement au Burkina Faso en 1991, c’est le fauteuil du président du Faso que je convoite. En aucun cas je ne peux aller soutenir le président en place. Ce n’est pas possible et le président Blaise Compaoré le sait très bien. Je suis venu pour être président du Faso, je me bats pour le devenir. J’ai un programme de société. Lorsque des propositions m’ont été faites après les législatives de 2002, j’ai dit qu’il n’en était pas question. Je serai candidat s’il plaît à Dieu aux prochaines élections présidentielles. Ce qui est mauvais ici au Burkina comme ailleurs, c’est la question alimentaire. Pourquoi la plupart des cadres forcent la porte du parti au pouvoir ? Vous croyez que c’est parce qu’ils aiment le parti au pouvoir ? Ou que le parti au pouvoir a un projet de société qui peut convaincre tout le monde ? Non ! C’est pour la sécurité alimentaire, la sécurité des postes. Il y a des gens qui certainement ont des convictions mais d’autres, non. Je vous donne un exemple. Ce matin (22 mars) quelqu’un vient de m’appeler d’une province pour me dire qu’il a trouvé un de ses frères qui va s’occuper du parti écologiste désormais parce que les choses deviennent compliquées. Il lui faut en tant que fonctionnaire se mettre de côté et le frère va diriger. C’est une démocratie qui fait peur. C’est pourquoi, les cadres ne sont pas constants dans leur démarche ; mais en même temps il faut être indulgent parce que si vous vous faites chasser aujourd’hui, étant dans l’opposition, je ne peux pas vous donner un poste. Vous avez une femme, des enfants et comme les autres d’en face n’ont pitié de personne, ils vous mettent à la rue. C’est pour cela que nous sommes un peu indulgents, sinon en réalité ce n’est pas une bonne manière de faire et je crois que le cadre gagnerait plutôt à s’amender pour savoir, (c’est vrai que c’est dur) qu’il faut inscrire son action dans la durée. Parce que le pouvoir en face, qu’il le veuille ou pas va partir un jour. C’est une question de temps. Il faut bien que d’autres prennent la relève et ceux qui vont prendre la relève, c’est ceux qui se sont beaucoup battus des années durant, qui ont pu être constants dans leurs démarches, qui peuvent offrir quelque chose aux populations. Alors donc à mon avis je ne suis pas censeur, je n’ai pas de morale à faire à qui que ce soit. Le constat personnel que je fais, c’est la déception, ceux qui se rapprochent un peu du pouvoir succombent à la facilité.

S. : Vous ne pouvez tout de même pas nier que la croissance économique est effective au Faso.

R.O. : La première question a été de comprendre ma position par rapport à l’acte que pose le président du Faso. C’est-à-dire le dialogue. J’ai apprécié. J’ai dit que c’était une très bonne chose : prendre le pouls de la cité. C’est un acte alors positif parce que les gens ne lui disent pas souvent la vérité. La croissance dont vous parlez, c’est bien, mais cela c’est sur papier. Je veux être objectif et ce n’est pas de la démagogie. Vous avez une dame à côté de vous et même une famille à la maison, cette croissance sert-elle dans le panier de la ménagère comme disent les syndicats, Non ! La croissance que nous souhaitons est celle qui permet à chaque Burkinabè de se débrouiller.

C’est-à-dire un salaire qui colle un peu à la réalité. Même si on dit que c’est 7%, 10% de croissance, aucun Burkinabè en dehors de l’élite ne peut y croire parce que quand il sort avec son véhicule, le carburant devient un problème ; quand il prend sa moto, c’est la même chose. Ce sont des récriminations tous les jours. Où est alors la croissance ? Cela veut dire alors que c’est une croissance pour le moment un peu fictive aux yeux des populations. Quand on regarde, on dit qu’il y a une plus-value et que les choses vont de mieux en mieux ; on ne mange pas la croissance.

S. : Faut-il attendre que la croissance se consolide ?

R.O. : Il y a eu des augmentations de salaires, le gouvernement a pris sur lui de faire des augmentations à droite et à gauche ; mais ce n’est pas « arrivé ». Tous les travailleurs disent que ça ne va pas et qu’ils réclament 25% de taux d’augmentation. Celui qui est aux 1200 logements doit pouvoir aussi dans sa petite cité vivre tranquille avec son petit salaire, se débrouiller avec sa famille. Mais lorsque ce n’est pas le cas, votre croissance ne veut rien dire. C’est cent contre cinq. Ça ne peut pas marcher. La croissance, c’est lorsque les gens ont un pouvoir d’achat qui leur permet d’acheter, de faire des plus-values, d’exporter pour certaines personnes. Tout cela stimule la croissance. Mais lorsque quelqu’un ne peut pas acheter, parce que son salaire est petit, où est votre croissance ? Quand vous accédez au pouvoir, quel est votre rôle ? On ne va pas dire aux gens de ne pas faire des enfants parce qu’on veut contrôler la démographie. On sensibilise les gens pour dire attention, la démographie est galopante. Mais en même temps, allez trouver le paysan qui est à Falangoutou pour lui dire qu’en ville on a dit que si tu fais encore beaucoup d’enfants, tu vas voir.

Lui, il continue à faire ses enfants. La planification, c’est le rôle du gouvernement qui sait qu’en 2005 il y aura 12 millions, 13 millions d’habitants, qu’il y aura un taux de 3% de croissance démographique. La planification est fonction de tout cela. Lorsque vous construisez une route, vous ne le faites pas pour deux ans seulement ; mais c’est pour dix, quinze ans. Il appartient alors au gouvernement de faire une bonne planification puisqu’il connaît déjà le taux de croissance démographique qui tourne autour de 3% ; 4,5%. Alors on ne va pas accuser le gouvernement de tous les péchés d’Israël ; mais en même temps, il y a le côté positif et le côté négatif. Tantôt, un de vos confrères a parlé de la paix sociale et dans le même laps de temps, vous évoquez les questions de violences qui sont perpétrées dans les villages, le banditisme. Tous ces problèmes font partie de ce qu’on appelle la paix sociale.

Celle que nous voulons est une paix sociale durable. Nous avons résolu la question il y a quatre, cinq ans. Déjà, les mêmes problèmes reviennent. Le manque d’emplois est un danger pour la paix sociale ; la pauvreté, la misère, l’injustice, l’impunité. Tous ces facteurs peuvent conduire à une instabilité politique, à une violation de la paix sociale. Maintenant, il appartient à tout un chacun d’apporter sa modeste contribution. Et ceux qui ont la charge de la gestion du pays ont la plus grande responsabilité. Dans les actes qu’ils posent tous les jours, ils doivent penser qu’ils peuvent mettre à mal la paix sociale. Tout est question de temps. L’histoire rattrape toujours les gens quel que soit le temps que cela va prendre. Chacun doit faire en sorte que ça dure.

S. : Ces paroles sont le lot de tous les opposants et on se rend compte que c’est pure démagogie une fois qu’ils parviennent au pouvoir.

R.O. : Je suis tout à fait d’accord avec vous. Malheureusement ou heureusement les écologistes ne sont pas des démagogues. Nous avons dit, c’est un autre courant politique, il est nouveau et on a notre façon de concevoir la politique. Partout où nous passons, nous ne faisons pas de la démagogie. Si nous arrivons quelque part on nous dit qu’il y a des problèmes d’eau, ceci, cela. Nous, nous ne pouvons pas construire des forages car nous ne sommes pas au pouvoir. On nous dit, « donnez-nous des maillots, des ballons ». Je réponds, « on peut vous donner des maillots mais on ne peut pas vous donner des ballons ». Mais en même temps lorsque personnellement je prends la parole, lorsque je fais le diagnostic, je sais de quoi je parle. En réalité, la vraie opposition est celle qui n’est pas complaisante ; mais c’est celle aussi qui est objective. Lorsque l’acte positif est posé, il faut avoir le courage et l’honnêteté de le reconnaître. Lorsqu’il est négatif, il ne faut pas tourner autour du pot, il faut le dénoncer sans complaisance. J’ai également dit que lorsque j’étais simple opposant, et que je n’avais jamais participé à la gestion du pouvoir, je racontais du n’importe quoi. Mais après avoir fait un tour au gouvernement, je sais de quoi je parle. Je suis tout à fait d’accord avec vous. C’est pour cela que lorsqu’on fait beaucoup de démagogie, et que vous parvenez au pouvoir, vous ne durez pas. Vous promettez, promettez des ponts et des ponts et vous ne pouvez les réaliser. Et les populations se sentent grugées.

A ce niveau-là, je suis tout à fait d’accord. Mais les gens font de la politique, ils s’arrangent parce qu’ils veulent le pouvoir, chacun dit ce qu’il veut dire, les autres font pareil. Des fois ils vous montrent du bleu et vous disent que c’est du blanc. Il appartient aux populations de faire la part des choses. Ce sont les populations elles-mêmes qui peuvent constater si on leur raconte des histoires ou si c’est la vérité.

Les gens ne sont plus dupes ; cela fait quand même plusieurs échéances électorales au Burkina Faso. A partir du moment où il y a eu plusieurs élections, les gens commencent à comprendre. Même ceux qui gèrent, viennent tromper parfois et lorsqu’ils veulent revenir, cela pose un problème. L’opposant qui raconte sa vie, parle, mais n’a jamais mis une brique quelque part. L’écologie est différente des autres courants politiques. Lorsque vous dites que vous réaliserez ceci ou cela à votre accession au pouvoir, vous pouvez commencer avant votre prise de pouvoir.

Ce que dit d’ailleurs notre programme. Si vous commencez, quand vous serez au pouvoir, on pourra alors dire, « Ah ! Il avait commencé ». Mais vous ne commencez rien. Il y a quelques années, j’ai fait une déclaration qui m’a valu une volée de bois verts. Les amis de l’opposition ont été estomaqués. C’est dans les années 1996-1997 que j’ai dit qu’il y a deux partis qui travaillent au Burkina Faso : celui au pouvoir et les écologistes. Le parti au pouvoir, parce qu’il est au pouvoir est obligé de faire quelque chose. Les écologistes parce que non seulement on reboise, on répare des forages, tout cela dans la limite de nos moyens. Alors les amis de l’opposition m’ont dit que je faisais la part belle au parti au pouvoir. Mais c’est la réalité ! Un opposant peut poser des actes positifs. Ce qu’il dit, il faut qu’il le démontre, comment il commence, sinon quand ce sera son tour, ce n’est pas sûr et certain qu’il fasse quelque chose à cause de son manque d’expérience.

S. : Comment avez-vous accueilli le report des élections ?

R.O. : Cela fait partie de la stratégie du pouvoir en place. En 2000, il y a eu des élections municipales. Tout le monde savait très bien qu’en 2005, il y aura les élections municipales. On attend, on épuise le temps et lorsqu’il reste quelques mois, on dit qu’il n’y a pas d’argent pour organiser les élections municipales. Vous comprenez très bien que s’il s’agissait de problèmes de textes, j’allais comprendre ; mais baser l’argumentaire sur des questions d’argent, à mon avis c’est trop léger. Et le parti au pouvoir le sait très bien. Parce qu’en son sein, il y a des analystes. Il y a des gens là-bas dont le rôle est de dire toujours comment on peut gagner ? Quand eux aussi ils analysent, ils voient qu’actuellement toutes les mairies ont des problèmes : affaire de parcelles, de détournements et parfois ils ont la main lourde pour chasser. Et tous ceux qu’on chasse, ne sont pas de l’opposition. Ce sont des maires, des conseillers municipaux du parti au pouvoir. Il y a des mairies qui ne fonctionnent pas bien jusqu’aujourd’hui parce que ça ne va pas. Si on organise des municipales dans ces conditions, il se pourrait que le parti au pouvoir laisse des plumes. Et si c’est le cas, ceux qui sont censés mobiliser à la base, comment vont-ils faire aux élections présidentielles ? Je ne suis pas dupe. Je suis d’avis avec tous ceux qui pensent que c’est une contorsion intellectuelle.

On trouve l’argent pour faire autre chose. Pourquoi ne peut-on pas trouver de l’argent pour approfondir notre démocratie ? Ce n’est pas un argument qui tient la route. Si c’était des problèmes de textes, législatifs, on peut dire que la décentralisation n’est pas au point, nous devons attendre. C’est pour cela que je dis que le gouvernement communique mal. Au lieu de parler d’argent, il devrait plutôt parler de la décentralisation parce qu’il y a des textes sur cette décentralisation qui ne sont pas totalement adoptés et mis en œuvre puisqu’on sait qu’il y aura des élections communales, départementales. On peut dire qu’on va combiner tout cela parce que le temps est court.

S. : Par rapport à cela, est-ce que vous, les responsables des partis politiques, seriez prêts à financer ?

R.O. : La démocratie a un coût. Nous avons choisi le pluralisme politique au Burkina Faso. Ici c’est l’Etat qui organise les élections, ce ne sont pas les partis politiques. Il appartient à l’Etat d’assumer ses responsabilités. Si on me demande de combler un GAP où pourrais-je avoir des milliards pour le faire.

Objectivement, c’est l’Etat ; maintenant s’il n’a pas d’argent, ce sont les partenaires qui de tout temps nous ont aidés à organiser les élections qui seront sollicités. Aucune élection n’a été faite sans apport extérieur. Ce qui d’ailleurs est une sorte de dépendance. Nous avons dit, l’Etat doit prendre sur lui de mobiliser les fonds nécessaires pour les questions de souveraineté nationale.

L’élection en est une. S’il n’a pas d’argent, il le demande aux partenaires. Vous verrez très bien lorsqu’on sera en février, on dira que des partenaires nous ont aidés pour organiser les élections. Je suis bien placé pour débattre de la question ; mais je dis que je ne peux pas avoir de l’argent ou un parti politique du Burkina n’a pas l’argent nécessaire pour organiser des élections qui coûtent cinq à six milliards.

S. : Comment appréciez-vous l’organisation de la JNP ? Etait-ce une nécessité ou une contorsion intellectuelle ?

R.O. : Non ! Une nécessité. Là, on revient encore sur des points saillants. La JNP n’a rien à voir avec les questions de politique politicienne, d’intérêt personnel, etc. Il s’agit de la vie de douze, treize millions de personnes. Nous avons fait le diagnostic de la situation, disséqué tous les problèmes du Burkina Faso. Mais un problème non résolu est un problème qui revient toujours. Alors, voyez l’histoire politique du Burkina Faso : quelques Etats de droit, plusieurs Etats d’exception avec leur lot de morts, d’injustices, etc. Si on laisse tout cela, je vous assure que nous ne serons plus là mais nos enfants seront tentés de résoudre ces questions-là et il n’y aura jamais de paix au Burkina Faso. Ce sera une spirale de violence et je crois que le Collège de sages a été inspiré en disant : ne faisons pas la politique de l’autruche, regardons les problèmes en face et tentons de les résoudre. Qu’on le veuille ou non, les Burkinabè vont vivre ensemble ; résolvons les contradictions qui se posent à nous d’une manière ou d’une autre. La Journée nationale de Pardon était une véritable nécessité. Elle n’a pas résolu tous les problèmes mais vous constatez qu’après le 30 mars 2001, le climat social est devenu plus serein. Il ne s’agit pas là de Blaise Compaoré, du CDP, c’est l’ensemble de la Nation. Je serai toujours partant alors, que j’ai vécu beaucoup d’injustices, d’arbitraire, on a essayé de salir mon image, mais si demain, le Burkina Faso avait des problèmes je serai le premier à contribuer.

S. : Etes-vous content de votre bilan ?

R.O. : Non ! Je ne juge pas mon action. Mais je sais qu’au moment où j’entrais au gouvernement, le pays était dans une grave crise, les gens étaient dans la rue, ça chauffait. Peut-être qu’on n’aurait même pas pu s’asseoir ce matin pour bavarder. Mais lorsqu’on y allait, on a apporté une petite potion qui n’était pas magique mais qui fut efficace avec l’aide des autorités coutumières et religieuses, des personnes ressources. Si on n’était pas passé par cette potion magique, si tout le monde n’avait pas participé, que serions-nous devenus ? Peut-être que ce serait pire que chez les voisins parce que le Burkinabè est encore plus méchant que le voisin. Ce n’est pas que je suis content de mon bilan mais modestement, nous avons apporté notre contribution et c’est aux gens d’apprécier.

S. : Le Togo depuis le décès du président Eyadéma vit des moments difficiles au plan politique. Comment voyez-vous l’issue de l’élection présidentielle dans ce pays ?

R.O. : Je ne vais pas revenir sur tout ce qui s’est passé depuis la mort du président Eyadéma. Paix à son âme ! Je souhaite tout simplement que la paix revienne dans ce pays, que des élections véritablement transparentes soient organisées ; mais je suis sceptique à ce niveau car même l’Union européenne aurait pu envoyer des observateurs parce que le temps est trop court. Vous avez en face une nomenklatura qui est là depuis trente ans, qui a ses repères, ses rouages, tout ce qu’il faut. Le RPT peut gagner les élections, donc Faure Gnassingbé peut-être élu président. Mais est-ce que les problèmes seront résolus pour autant ? Sauf si le RPT gagne et que Faure se révèle être un grand président, c’est-à-dire quelqu’un qui peut fédérer, qui est vraiment démocrate, qui malgré son âge peut jouer au père de la Nation pour organiser une réconciliation nationale, pour jouer le jeu de la démocratie, réviser un peu cette constitution pour qu’elle colle au temps. Pour ce qui est arrivé au Togo, c’est seulement un commentaire parce que nous sommes dans la même situation mais on ne le sait pas.

Quelqu’un est président depuis quinze, vingt ans et éprouve le besoin de tripatouiller la Constitution et voici les hypocrites en face, c’est-à-dire la Communauté internationale, l’Union européenne, l’Union africaine, la CEDEAO. Mieux vaut prévenir que guérir. Au moment où le président Eyadéma faisait modifier la Constitution, il était de bon aloi que ces gens-là disent qu’il y a l’illégalité et qu’il n’est plus seul dans le pays. Cet article qui limite le mandat présidentiel, il faut le laisser en l’état. C’est cela l’alternance de fait qui permet le changement. L’opposition a parlé, les ONG ont parlé mais la Communauté internationale est restée sourde. Au contraire, les Chirac l’ont soutenu et aujourd’hui le président est décédé.

Les gens retripatouillent la Constitution et vous vous élevez contre cela. Mais elle l’a été déjà et c’est à ce moment précis qu’il fallait mettre de l’ordre. Peut-être qu’on va aborder la question de la Centrafrique, c’est le même cas de figure. Comme le mal est fait, il ne s’agit plus de taper sur le blessé, il faut trouver des solutions, contrôler les élections. Le Togo est malade et il faut le soigner avec l’apport de tous : partis politiques, société civile, la Communauté internationale, chacun doit faire en sorte que ces élections se déroulent dans de bonnes conditions, transparentes et soient équitables. Celui qui va gagner, que ce soit Faure Gnassingbé ou quelqu’un de l’opposition, qu’il n’y ait pas d’esprit de haine, de règlements de comptes. Il y a l’instinct de survie. Quand vous voyez le RPT s’agiter vous sentez que c’est l’instinct de survie. Cela est dû à des problèmes qui se sont accumulés au fil des années. Or ceux qui sont au pouvoir croient que c’est le bon ton d’essayer de gagner du temps. Ils ne font que déplacer les problèmes qui vont resurgir d’un moment à l’autre. Pour caricaturer, je dirai, que l’on se trouve dans la situation de quelqu’un qui prend un crédit chez un usurier et qui slalome maintenant dans les six mètres parce qu’il ne peut plus passer devant lui. La date arrive, les intérêts augmentent. Il court et puis un jour à un carrefour, il croise le propriétaire qui lui dit : « Mon argent et ses intérêts ». Donc, les chefs d’Etat africains qui tripatouillent croient qu’ils sont en sécurité à la présidence.

Si le RPT ne joue pas l’option de la transparence et veut poursuivre avec le gros bras, le problème ne sera pas résolu.

S. : La Côte d’Ivoire depuis plusieurs années est en crise. Quelles suggestions auriez-vous faites si on vous sollicitait pour un règlement de la crise ?

R.O. : La Côte d’Ivoire, c’est un cas particulier parce que c’est ma deuxième patrie. J’y ai ma famille, mes amis, mes promotionnaires, mon village. A propos de ce qui est arrivé en Côte d’Ivoire, j’ai été le premier à tirer la sonnette d’alarme en 2002. J’étais à Abidjan quand la presse est venue m’entretenir sur beaucoup de questions y compris le malaise social qui y régnait. Je me souviens très bien, c’était l’INTER et SOIR INFO. Le journal est sorti le 6 septembre 2002 et j’ai dit dans le journal : « Que Blaise Compaoré et Laurent Gbagbo règlent leurs problèmes s’ils en ont ; sinon les deux pays vont connaître un danger ». Et c’est ce que j’avais dit dans l’interview. Ce que j’ai vu, le constat que j’ai fait m’amenait à dire qu’ici y aurait beaucoup de problèmes. Lorsque je suis revenu ici, j’ai interpellé les deux présidents pour leur dire de discuter. Malheureusement cela n’a pas été fait et le 19 septembre vous avez vu ce qui est arrivé. Comme pour le Togo, je crois qu’il ne faut pas trop insister sur les responsables mais il faut régler le problème dès maintenant sinon on va connaître encore beaucoup de morts. Or, les morts, on ne peut pas les réveiller et c’est la perte la plus grande qu’on puisse avoir dans ce monde. J’ai dit celui qui doit lâcher du lest, c’est le président Gbagbo. C’est lui le président, le père de la Nation.

Comme on dit à l’Eglise ? que Gbagbo dise seulement une parole et la Côte d’Ivoire sera guérie. Et il sait de quelle parole il s’agit. Moi, pour apporter ma modeste contribution, j’ai demandé à rencontrer Gbagbo ces temps-ci. La demande d’audience a été déposée auprès de l’ambassade de la Côte d’Ivoire au Burkina Faso. Je voudrai lui dire de vive voix ce que je pense de la situation. A l’époque je l’avais dit. Tous les candidats potentiels à l’élection doivent pouvoir y participer. La parole appartient au peuple ivoirien. On veut que tout le monde soit candidat suivant l’esprit de Marcousis. Mais pour le moment, c’est le président Gbagbo qui est sur le trône et a tout pour lui : l’argent, l’administration, une position favorable. Il va à la compétition comme tout le monde. Et celui qui aura gagné, a gagné. La pomme de discorde, c’est la question électorale.

S. : Mais en Côte d’Ivoire aussi il y a l’instinct de survie.

R.O. : Oui ! Mais il faut qu’on mette l’intérêt de la Nation avant toutes ces questions d’intérêt personnel. Sinon, la vie de douze millions de personnes vaut mieux qu’un strapontin présidentiel, un portefeuille, de l’argent. C’est mon analyse en tant qu’écologiste. Peut-être que c’est l’instinct de survie, mais l’élection est une compétition, il faut créer les conditions et on verra très bien. Je suis concerné par la crise ivoirienne et j’ai la même peine que le président Gbagbo. Nous sommes liés par l’histoire. Il faut résoudre le problème de la Côte d’Ivoire pour que la paix revienne dans ce pays. Je souhaite que le bon sens revienne.

S. : Et la question de la Centrafrique ?

R.O. : Il y a un seul qui a eu le courage intellectuel de tirer la sonnette d’alarme ; c’est Konaré. Voici M. Bozizé qui arrive par les armes, prend le pouvoir. Et là, la communauté internationale comme toujours, gesticule pendant quelques jours et prend acte du forfait. Patassé, bon ou mauvais président, il était quand même le président élu. Bozizé vient pour mettre de l’ordre comme l’autre balayeur. Il met de l’ordre et dit après qu’il est candidat. Seul le président de l’Union africaine a rejeté cette candidature. Mais depuis lui, on n’en parle plus, comme s’il y avait eu maintenant une sorte d’arrangement. Au moment où je vous parle, les résultats ne sont pas encore connus parce qu’il y a des tracasseries. Lui, il pensait que les choses allaient être faciles. Il aurait fallu que Bozizé soit un grand homme comme ATT.

Mais il a plutôt joué comme Robert Guéi. Vous ne pouvez pas être à la fois juge et partie. Voici le scénario que j’avais voulu personnellement pour ce pays. Bozizé arrive, met de l’ordre. Il crée les conditions d’une vraie démocratie, balise partout pour que les élections soient transparentes pour tout le monde. Et après il se retire. S’il avait fait cela, il allait sortir grandi ; et si un jour ça ne va plus on va dire que Bozizé était mieux et aux prochaines élections on va le réclamer. Il y a des exemples, Kérékou et ATT l’ont fait. La question de la Centrafrique nous ramène à la situation en Côte d’Ivoire au temps de Robert Guéi.

S. : L’opposition parle de fraudes ?

R.O. : C’est possible. Objectivement il y a la fraude. Maintenant il faut nuancer. Lorsqu’on dit qu’il y a la fraude, ça dépend des échecs. L’opposition peut en rajouter pour préparer sa défaite, argumenter. Aucune élection n’a jamais été transparente sous nos tropiques. Il y a beaucoup de paramètres et aujourd’hui on parle d’informatisations. Il y a des gens au Burkina qui sont fiers de vous dire qu’ils ont voté quinze fois.

S. : Cela semble invraisemblable ?

R.O. : Je ne raconte pas d’histoires. Il y a un spot qui passe ces jours-ci à la télévision nationale. Et ce fameux spot dit que maintenant il n’y aura pas de fraudes parce qu’il y a eu avant beaucoup « d’imperfections » qu’on va enlever maintenant. Donc, cela veut dire que toutes les élections qui ont été organisées au Burkina Faso sont de fausses élections. C’est de cette façon que je l’ai compris puisque c’est la CENI elle-même qui le dit. C’est difficile en Afrique. Actuellement, il y a un cas que nous vivons. Il y a des gens qui marchent et disent qu’il faut que le président Compaoré soit candidat. Au lieu d’aller au siège du parti au pouvoir pour y rencontrer les responsables, ils rencontrent l’administration. Si vous êtes juge et partie, où est la transparence dans les élections. Donc l’opposition peut en rajouter mais, je vous dis que la fraude existe bel et bien. Les gens font de faux documents et essaient de voter plusieurs fois. Parfois, vous voyez un enfant de 17 ans qui vient avec un papier et dit qu’il est majeur et va voter. Et on le laisse voter. Alors, il y a beaucoup de problèmes de la sorte. Même si parfois, on constate que l’opposition en rajoute c’est clair et net. Quand on a fini les présidentielles de 98, j’ai eu 6,61% des suffrages exprimés. Peut-être certains parmi nous étaient à l’interview et on m’a demandé ce que j’en pense. J’ai répondu oui, j’accepte mon score. Mais j’ai dit qu’il y a beaucoup d’imperfections que je vais répertorier sous forme de mémorandum au gouvernement. Cela était adressé toujours dans ma façon de voir, de construire. J’aurai pu sortir pour dire qu’on a fait ça, on a fait ceci. Non, j’ai dit au gouvernement à l’époque ce que nous avons vu comme actes délictueux. Corrigez. Et je peux aller plus loin. Même les élections de 2005, informatisées ou pas, si vous n’êtes pas vigilant, il y aura toujours des problèmes.

S. : Vous venez de claquer la porte de « Alternance 2005 », ce regroupement de partis dont l’objectif est de remporter l’élection présidentielle de 2005. Pourquoi ce revirement ?

R.O. : Non, ce n’est pas un revirement. Nous venons de parler de transparence tout à l’heure. Dans chaque acte qu’on doit poser, il y a des critères. Ces critères doivent être objectifs et respectés jusqu’au bout. Ce sont les règles du jeu. Alors, notre parti a pris acte. Je suis un farouche partisan de l’alternance politique. Parce que j’estime que pour la paix sociale, pour le bien de la démocratie et pour l’avenir de notre pays, il faut qu’il y ait une alternance ici en 2005. Evidemment, nous appelons cela, « Alternance politique positive 2005 ». Je ne voudrais pas dire et commenter des choses qui puissent affaiblir l’opposition. Sinon, je suis victime d’injustice. Je ne voudrais pas aller plus loin mais peut-être parmi les critères, je peux vous en citer deux. Le critère principal est la représentativité. La représentativité s’entend être un député. Et le comité de médiation est parti sur la base des résultats de 2002. Lorsque vous regardez ces résultats, j’étais élu, issu d’une liste de coalition. Nous avons eu 5 députés pour avoir totalisé 76 000 voix. Ceux qui ont gagné, combien de députés ont-ils eus ? Mis à part, par exemple, l’UNDD, les autres partis ont 1, 2 ou 3 députés. Alors, comment les gens ont-ils tranché ?

Le comité de médiation s’est retrouvé et a décidé ce qui en est sorti. De toute façon, tout a été fait pour m’écarter. Ils ont dit que Ram a été élu par 76 000 voix mais comme c’était sur une liste de coalition de 5 partis, ils ont divisé ce nombre par 5. Donc, sans consultation aucune, ni rien du tout, puisque personne n’était au niveau du comité de médiation, ils ont enlevé mes voix qu’ils ont divisé par 5. Mais comment peut-on dire, je suis député, j’étais sur une liste qui a eu cinq députés. Donc, il y a 76 000 voix. C’est sur cette base car il n’a jamais été dit qu’on va diviser mes voix par cinq.

Deuxième critère, la question des relations internationales. Sur cette question, je suis imbattable parce que, je suis connu dans le monde entier, dans le courant écologiste mondial, je suis présent dans les cinq continents à travers les fédérations que nous avons mises en place. Il y a la fédération des partis Verts d’Afrique, d’Asie, d’Amérique, d’Océanie et d’Europe. Et je fais partie du réseau mondial. Cela veut dire que lorsqu’un acte est posé en Australie, en Tasmanie, je suis au courant puisque nous correspondons tous les jours. J’ai mon ami John qui est au parlement en Tasmanie. J’ai même dans mes relations un prix Nobel de la paix. Qui au Burkina Faso a son ami prix Nobel de la paix ? (rires). Alors, lorsque le comité de médiation a constaté que Ram est imbattable sur ce plan, les membres ont affirmé qu’on ne peut pas vérifier les relations des uns et des autres. Donc tout le monde a le même nombre de points. Alors, je ne voudrais pas affaiblir l’opposition parce que l’adversaire, pour moi, n’est pas l’opposition. C’est le pouvoir en place qui est mon adversaire aujourd’hui. Nous avons dit dans notre déclaration que nous prenons acte. Mais, nous allons travailler avec les candidats et les partis qui souhaitent que les élections se tiennent dans la transparence et l’équité. Le moment viendra peut-être où on en parlera car je suis victime d’injustice. Quant aux autres critères, ils ne sont pas importants parce qu’il s’agit de la motivation. Or c’est le changement que nous souhaitons tous pour le développement du Burkina. Ensuite, c’est intégrer la plate-forme minimale de l’opposition dans votre programme. Nous avons accepté cela, puisqu’il ne remet pas en cause notre programme qui est l’alternance politique positive au Burkina Faso. Nous clamons tout haut la paix, la non violence, sans haine, sans rancœur, ni esprit de revanche ou de règlement de compte. Nous ne voulons pas de cela. Donc, lorsque vous prenez en compte tous les critères précités, sur la question par exemple du candidat à l’élection présidentielle de 1998, nos représentants se sont fait avoir comme des bleus, ils ont donné cinq petits points. Pour dire qu’il est vrai qu’il a été candidat en 1998, et pour cela on va lui donner cinq points.

Et lorsqu’ils ont totalisé, il se trouve que c’est Ram Ouédraogo qui a 52 points. Ils ont divisé les 76 000 voix par 5. Il faut la transparence dans tous les actes que nous posons, parce que lorsqu’on veut diriger un pays, il faut être déjà honnête et surtout lorsque vous reprochez beaucoup de choses au pouvoir. Le comité de médiation avait, dit-on, été ou est impartial. Donc, ils ont choisi des partis qui ne devaient pas compétir à cette élection présidentielle. Curieusement lorsque le comité a sorti les résultats on constate que les mêmes partis du comité de médiation soutenaient encore les candidats. On remarquait que tel candidat est soutenu par tel nombre de partis politiques. Et ces mêmes partis faisaient partie du comité de médiation donc juge et partie en même temps. Il faut laisser cela de côté puisque cela n’entrave en rien notre candidature. Notre parti étant souverain, notre congrès a investi son candidat. Maintenant, nous allons travailler avec l’ensemble de l’opposition y compris, « Alternance 2005 ». Dans leur déclaration, ils ne nous fustigent pas beaucoup. Ils sont un peu plus conciliants. Si on arrive au cas de figure où Ram Ouédraogo est, par exemple, troisième dans un deuxième tour, que vont-ils faire ? Ils vont négocier avec Ram Ouédraogo. Si je suis comme eux, à qui je vais donner mes voix ? Tout comme je pourrais avoir aussi besoin d’eux à un moment donné. Il faut être prudent en politique. Par contre, je demande à certains d’entre eux, en politique tout comme ailleurs, il faut beaucoup d’humilité et de modestie.

Personne ne sait ce qui se passera demain. Certains sont vigilants et se taisent. Si je veux sortir ce que j’ai vu, entendu et su, eux-mêmes auront beaucoup de problèmes. Le coordonnateur d’Alternance 2005 le sait très bien. Je rappelle qu’il m’a rendu une visite le même jour à 17 h à mon bureau. Il sait de quoi je parle.

S. : Il aurait été question de votre cursus...

R.O. : D’après vous, croyez-vous que ce sont les scientifiques, les littéraires ou les savants qui dirigent notre pays ? Je ne veux pas insister sur le fait d’être avocat ou politique, moi, j’ai fait l’école de la vie. Dans mon domaine, je suis un gestionnaire des métiers et des arts connu dans le monde entier. J’échange avec des chefs d’Etat, je donne des conférences à l’Union européenne, etc. Ce n’est pas la peine de se tordre la cheville. La constitution du Burkina Faso dit que chaque Burkinabè qui se sent de capacité physique, morale et intellectuelle peut prétendre à la magistrature suprême. Cela me fait penser au début de ma carrière politique. Lorsque j’ai mis les pieds au Burkina beaucoup, des camarades sont d’ailleurs là. On a dit voici un musicien qui veut être président. Un musicien est un acteur de développement comme tous les autres. Mieux, un musicien est un créateur. Il est encore plus humaniste que ceux qui commettent des gaffes tous les jours sous prétexte qu’ils ont des doctorats et autres. Donc, cette question à mon avis ne tient pas la route. Concernant le cursus, j’ai été le 3e personnage de l’exécutif au Burkina Faso. Croyez-vous qu’on nomme quelqu’un ministre d’Etat pour résoudre les problèmes de la Nation s’il n’a pas de capacité physique, intellectuelle, morale ? Je suis un communicateur, un homme de relations publiques. Alors, je ne voudrais pas parler par rapport à ceux que vous avez nommés : avocats, intellectuels, etc. Actuellement, est-ce que je traîne des casseroles ? Avocat ou pas, je n’ai pas de problèmes. Je ne suis pas poursuivi pour quoi que ce soit. Je suis propre. Ce n’est pas parce qu’on a rien à dire qu’on ne parle pas. Je me sens à l’aise dans tous les milieux. Que ce soit en économie, en droit, etc., je suis outillé. J’ai voulu devenir avocat. Même si je ne suis pas allé jusqu’au bout, j’ai encore d’autres atouts. J’ai fait l’école de la vie. Par exemple, quand le pays était en crise, je suis allé défendre le Burkina dans beaucoup d’endroits. Au parlement européen, français, j’y étais. D’ailleurs, on en a largement parlé dans la presse ici. Ceux qui, dit-on, sont des avocats ou des « polytechniciens » ont tenté de dépeindre le Burkina comme une sorte de goulag. C’est moi qui suis allé avec mes capacités intellectuelles pour rencontrer les hauts dirigeants de ce monde pour leur dire que le Burkina Faso n’est certes pas la démocratie qu’on aurait souhaité mais en attendant ce n’est pas mal. J’ai une responsabilité morale vis-à-vis de la nation burkinabè. J’ai conduit le processus de réconciliation nationale. Ce processus a abouti à ce qu’on sait. Il a même permis à l’opposition de participer aux législatives de 2002. Il y a des choses que je ne peux pas faire ni dire. Je suis tenu par cette responsabilité. Donc étant le précurseur du pardon, étant celui qui a travaillé pour que cette Journée de pardon se tienne au Burkina Faso, croyez-vous que j’userai d’un certain radicalisme pour mettre la paix sociale en difficulté ? Je veux être le plus objectif possible. Je suis sans complaisance en même temps je suis responsable. C’est pour cela que nous clamons toujours l’alternance politique positive au Burkina Faso quel que soit Alpha. Dans notre lutte pour la conquête du pouvoir, il faut bannir la violence et l’instabilité. Nos slogans sont la paix, la non violence. Je suis bien placé pour parler des haines et des rancœurs que les uns et les autres ont accumulées. J’ai fréquenté tous les milieux. Le pouvoir lorsque j’étais au gouvernement, l’opposition, j’y suis. Je sais ce que les uns et les autres pensent. Je crois que mon rôle est de continuer le travail que j’ai eu auparavant, c’est-à-dire la réconciliation nationale d’une manière ou d’une autre. C’est même pour cela que je suis très dur envers le pouvoir pour dire qu’il doit respecter intégralement la constitution pour ne pas mettre la paix sociale aussi en danger. C’est possible que l’on dise que Ram est un peu modéré. Pour eux, je ne veux pas qu’on règle les comptes. Effectivement je ne veux pas qu’on règle les comptes au Burkina Faso.

S. : Quelles sont les chances de l’opposition à la présidentielle de 2005 ?

R.O. : L’opposition a beaucoup de chances. Elle a beaucoup de chance parce que si nous étions dans le cas de figure du Togo, j’allais dire que l’opposition n’a aucune chance. Un scrutin à un tour est un suicide. Il suffit d’un demi-point et le parti au pouvoir passe immédiatement. Dans un scrutin à deux tours, il est vrai qu’il ne faut pas trop de candidatures, mais en même temps aussi, il faut disperser les voix pour ne pas que le candidat du parti au pouvoir rafle tout. Lorsqu’il rafle tout, souvent ce n’est pas clair. Parce qu’on ne peut pas dire que 51% de Burkinabè ont dit tout d’un coup « nous sommes avec lui ». Les partis politiques, petits soient-ils, ont aussi leurs militants. Donc en essayant de glaner de gauche à droite et de ratisser un peu, on arrive toujours à un deuxième tour la plupart du temps. Mais lorsque ce sont 2 ou 3 candidats c’est peu mais 4, 5, 6 maximum, c’est jouable. D’autant plus que le Burkina a beaucoup de problèmes qu’il essaie de résoudre aussi. Ceux qui sont là ont leur bilan et chacun apprécie à sa manière. Toujours est-il que le peuple aussi continue de souffrir toujours. Peut-être que s’il a un programme ou une alternative crédible, il peut choisir ailleurs. En ce moment, il peut y avoir des chances d’un deuxième tour.

S. : Sur le terrain, l’opposition ne semble pas toujours mobiliser les gens...

R.O. : C’est vous qui le dites. Je sors tous les jours. Je suis un homme politique. J’ai déjà fait le 1/3 du Burkina Faso. Mais on ne le publie pas car chacun a sa stratégie. Tous les week-ends que Dieu crées, Ram tourne. Vous appelez mobilisation, la foule que vous voyez agglutiné autour du parti au pouvoir. Un exemple ! Au secteur 29, l’autre jour, des jeunes sont sortis pour appeler à la candidature de Blaise Compaoré. Mon propre beau-frère était parmi ces jeunes. Il était même leur chef. Et quand la télévision est venue pour filmer, certains se sont cachés pour ne pas qu’on découvre leur visage à la télévision. Il ne faut pas se fier à ces grandes foules. Il faut peut-être attendre le 13 novembre pour voir comment les choses vont fonctionner. Il faut reconnaître qu’aujourd’hui, ce n’est pas par amour que les gens suivent le parti au pouvoir. Ce n’est pas leur programme qui est attrayant mais c’est plutôt l’argent, les marchés, les postes. Aux législatives de 2002, il y a eu un effort de la part du peuple qui souhaitait le changement et le pluralisme à l’Assemblée s’est amélioré. Après plusieurs scrutins, le peuple devient mature, la culture démocratique s’installe. Les militants que nous avons par exemple sont constitués de quelques cadres. Mais pourquoi ne vont-ils pas où il y a l’argent ? Il y a encore des hommes intègres au Burkina Faso. Je pense que si on changeait pour voir, on verra. Si celui qui s’installe n’est pas bon, alors on trouvera un autre. C’est aussi cela la démocratie. Les mêmes pendant 10, 20 ou 30 ans, on finit comme le Togo ou ailleurs dans les problèmes. Il y a les militants, il y a la foule, les adhérents, les sympathisants, etc. Donc sur la question, je reste un peu vague.

S. : Comment faire alors pour parvenir à vos fins ?

R.O. : Je vous ai dit tantôt que je ne voudrais pas dire des choses ou faire des choses qui affaiblissent l’opposition. Notre adversaire commun est le parti au pouvoir. Je dis bien le parti au pouvoir parce que je ne connais pas encore son candidat.

Donc l’opposition doit fédérer toutes les forces. Il y aura des concertations entre nous et « Alternance 2005 » et d’autres candidatures qui se préparent. Notre objectif c’est l’alternance politique en 2005. Et nous allons travailler pour qu’elle soit positive, c’est-à-dire sans violence ni haine au Burkina Faso. Notre camp c’est l’opposition et nos adversaires ne se trouvent pas dans l’opposition. Il ne faut pas se tromper d’adversaire.

S. : Vous avez été l’un des précurseurs de la campagne de proximité, du « porte-à-porte. Allez-vous réitérer cette stratégie ?

R.O. : C’est ce que je fais déjà. Ici nous ne sommes pas dans une élection locale. Il ne s’agit pas de : « Je veux être conseiller ou maire ou encore député » mais plutôt d’élections nationales. Il faut qu’on vous connaisse dans le plus petit hameau du Burkina sinon vous ne pourriez rien faire. C’est l’avantage et l’expérience que j’ai sur les autres de l’opposition. Par exemple, en 1998 pendant que vous regardiez la CAN’98, j’étais dans les provinces. Je n’ai pas vu un seul match. J’étais de toutes les batailles.

Parfois je me retrouvais sous un arbre avec 3 ou 4 personnes ou avec une foule. J’ai parcouru les provinces et cela a été très fatiguant pour moi. Cette année pendant que les autres parlent de candidatures, moi j’ai déjà commencé et je poursuis mes tournées. Ceux qui viennent à notre siège voient les programmes de sortie. Il faut donc continuer cette campagne de proximité. Pour cette campagne présidentielle il ne faut pas qu’on regarde la beauté du candidat ou son verbe encore moins ses moyens. Qu’est-ce qu’il propose réellement au peuple burkinabè. Il faut qu’on revienne au programme. C’est ce qui, à mon avis va être déterminant. Si vous parlez pour parler parce que vous avez de l’argent ou que vous êtes joli, cela ne peut pas résoudre les problèmes burkinabè aujourd’hui.

Qu’est-ce que vous comptez faire réellement pour le peuple burkinabè. Et pour cela, il faut pouvoir aller dire aux gens ce que vous pouvez faire pour eux. Donc il faut faire le « porte-à-porte ». Il ne s’agit pas de faire de grands meetings à Ouagadougou ou à Bobo-Dioulasso, pour que les gens vous applaudissent ; l’essentiel c’est de savoir si le peuple comprend votre message. Même si nous allons faire de grand meeting nous allons privilégier le « porte-à-porte ». Il faut, à défaut de visiter les 8 000 villages, que les 45 provinces soient visitées. Il faut que le maximum de départements soient organisés. Parce que cette fois-ci il faut que l’opposition mette un surveillant dans chaque bureau de vote et cela est possible. Il vaut mieux s’entendre que de se bagarrer.

Tout doit se passer dans la transparence. Il faut que tous les bureaux de vote soient contrôlés. Et cela est possible si tout le monde s’accorde à le faire dans l’unité. Concernant notre parti, j’ai souvent la prétention de dire que nous sommes le seul parti qui se réunit au moins une fois par semaine au Burkina Faso. Chaque samedi matin à 9 h, nous avons une Assemblée générale. Et cette AG regroupe les secteurs, les départements, les villages et parfois même des provinces font le déplacement. Elle nous sert de tribune de discussion. Parfois, on fait des journées de formation. A ce niveau-là nous sommes organisés. Nous avons une coordination des femmes, une coordination des jeunes, un comité des anciens, un comité de cadres en dehors bien sûr du bureau politique et du secrétariat exécutif national. A l’extérieur nous faisons partie du courant écologiste mondial. Nous avons un site internet : rdeb.bf. Nous sommes présent dans les 45 provinces. Cela nous a facilité la tâche même si parfois nous sommes obligés de recommencer dans certaines provinces suite à des défections ou des raisons qui leur sont propres.

S. : Qui est en fait Ram Ouédraogo ?

R.O. : Je ne sais comment est-ce que vous voulez que je parle de moi-même. Je suis Ram Ouédraogo. Et comme vous l’avez lu dans ma biographie, je suis éditeur, manager, producteur et imprésario. Je suis né en Côte d’Ivoire à Abgoville. Je suis burkinabè d’origine. Mon village se trouve dans le Passoré (Mia/département de Arbolé). Je suis marié. J’ai des enfants et je suis même grand-père maintenant.

Sur le plan professionnel, j’ai fait beaucoup de métiers et à certains de vos amis ici, j’ai dit que j’ai été une fois promeneur de chiens. Cela est une anecdote parce que j’étais directeur artistique à Paris dans la première Maison d’édition africaine. Alors, dans mes tâches, j’avais une heure précise où je devais faire promener le chien. Il s’appelait July. Lorsqu’il était 17 h, la patronne m’appelait « Ah mon petit Jean (puisqu’elle m’appelait Jean) et July alors » je tournais derrière le parterre de maison et je ramenais July. J’ai été comptable, directeur de société, directeur artistique. Il est vrai que depuis près d’un quart de siècle, j’ai fait le show-biz. J’ai commencé par l’organisation de spectacles. C’est mon ami Jimmy Hyacinthe (paix à son âme) qui m’a mis dans ce coup. A l’époque, en Côte d’Ivoire, dans les années 66 à 70, chaque étudiant avait son groupe musical. Je ne me suis jamais intéressé à la pratique des instruments. Je me suis surtout intéressé à la gestion, à l’organisation et au management. J’ai abandonné mes études de droit en 2e année, je voulais devenir avocat, cela m’a beaucoup servi après dans mon métier de management. Il fallait donner des conseils aux artistes sur la signature des contrats. La carrière était gérée de telle manière que lorsqu’on signe les contrats, il faut bien savoir ce qu’on signe. Cela fait partie de la communication, des relations publiques. Ces activités m’ont ouvert beaucoup de portes en Europe, en Afrique où j’ai fait le tour de tous les pays.

S. : Vous semblez vous complaire avec Ram Ouédraogo alors que vous vous appelez aussi Jean-Baptiste. Pourquoi ?

R.O. : Sur mes papiers, il est écrit Ram Ouédraogo. Cela fait que ceux qui lisent mes documents constatent qu’il y est écrit Ram Ouédraogo. J’ai été baptisé, confirmé et mon prénom c’est Jean-Baptiste.

S. : Vous êtes très effacé à l’Assemblée nationale. Qu’est-ce qui explique une telle tenue ?

R.O. : C’est vous qui le dites. Il faut qu’on vous explique comment on travaille à l’Assemblée pour que les gens comprennent très bien. Parfois, l’on affirme que tel député ne parle pas. L’Assemblée a ses conditions. Il y a la CAGI (Commission des affaires générales et institutionnelles), la CAED (Commission des affaires étrangères et de la défense), la COMFIB qui s’occupe des problèmes de finance. Tous les députés sont inscrits dans la commission de leur choix. Lorsqu’un dossier est affecté à la CAED, celle-ci travaille sur le dossier. Et les députés prenant part à ce travail en commission ne peuvent plus s’expliquer sur le dossier en plénière. Un député peut intervenir dans le cas où l’on aborde un dossier, d’une autre commission. Lorsque nous n’avons pas traité le dossier, nous intervenons. Parfois aussi, il y a un porte-parole pour la discipline du groupe. Par exemple, nous sommes du groupe PDP/PS et apparentés RDEB. Lors de l’adoption du budget, chaque groupe parlementaire doit faire une déclaration. Et c’est au nom du groupe parlementaire que le député peut intervenir.

S. : L’Assemblée nationale dans sa structuration et son fonctionnement actuel est-elle véritablement une institution démocratique ?

R.O. : L’Assemblée nationale a ses règlements. Voulez-vous savoir si l’Assemblée nationale joue pleinement son rôle ? J’avoue que je crains la démocratie. Je crains la démocratie parce qu’il y a une dictature de la démocratie et cela est mauvais. Certains arrivent à l’Assemblée et prennent des textes qui ne sont pas parfois dans l’intérêt des populations mais dans leurs propres intérêts. Ils le prennent tout de même. Vous êtes obligés de suivre puisqu’ils sont majoritaires. C’est ce que j’appelle la dictature de la majorité. Toutefois, les débats sont nourris parce qu’il y a plus d’opposants aujourd’hui à l’Assemblée. Les débats sont corsés et le parti majoritaire fait attention. Vous vous souvenez du dossier des patentes et des vignettes. Mais lorsque tout le monde l’a mis dans le placard, le gouvernement l’a retiré momentanément. Dernièrement dans les discussions avec le chef de l’Etat à Ouaga 2000, on a entendu encore que les maires ont dit de ramener la question. Ils ont reculé parce que tout simplement tout le monde a donné de la voix à l’Assemblée. Mais le drame, c’est qu’une majorité qui se réclame de l’onction populaire, dit que c’est le peuple qui nous a élu et dans ces conditions c’est nous qui décidons. Vous leur avez beau dire que le texte n’est pas bon, ils l’adoptent. Vous avez parlé de la JNP tout à l’heure. Je vais vous donner un exemple. Je suis très à l’aise parce que je l’ai pilotée. Au cours des réformes politiques, l’un des engagements du chef de l’Etat était la poursuite du dialogue avec tous les acteurs de la vie politique nationale y compris la société civile. Lorsque nous avons adopté consensuellement le code électoral, les sages disaient que l’Assemblée telle qu’elle est, n’est pas représentative de la nation. Donc, il faut créer les conditions pour que plusieurs partis accèdent à l’Assemblée. Le débat se passe à l’hémicycle, pas dans la rue d’où ce code électoral que vous avez vu à l’époque. Mais lorsque les résultats ont été promulgués, le parti s’est dit lésé parce que le mode de scrutin au plus fort reste n’est pas bon pour lui car il a failli même perdre les élections dont il faut changer les textes. Ils ont alors adopté le nouveau code électoral. Or, le code électoral avait été adopté pour éviter que la paix sociale soit mise à mal, équilibre les forces en présence, etc. Ils ont changé les textes. Cela, c’est la dictature de la majorité. Ils ne sont pas allés dans le sens souhaité par les sages qui voulaient une Assemblée plurielle. Ils disent plutôt avoir perdu des députés donc il faut revenir à la province qu’à la région. Certains ont mêmes été cyniques pour affirmer que c’est le « tuuk gili » qui les intéresse. Ils veulent tout. C’est pour vous dire que chacun se bat à l’Assemblée, mais c’est en même temps la loi du plus fort.

Et la loi du plus fort, c’est le nombre. De ce fait, ce n’est pas toujours dans le sens des intérêts des populations. Nous regrettons cela. Sinon, si tout le monde est responsable et pense au Burkina, il y a des actes qu’on aurait pu poser. Même au niveau du parti au pouvoir, certains allaient dire à leurs collègues, ce texte n’est pas bon pour le pays, nous ne devons pas le prendre. Et si vous remarquez chez nous, comme le vote est à main levée, aucun député du parti au pouvoir ne dira qu’il est contre. Au contraire, il affirmera qu’il s’abstient pour ne pas lever le doigt. Mais il ne dit pas qu’il soutient l’opposition. Or dans d’autres Assemblées, lorsque quelqu’un n’est pas d’accord, il en discute dans son parti et à l’Assemblée et soit il s’abstient, soit il vote contre. Parce que pour eux, le texte ne va pas dans le sens des intérêts des populations. On le voit en France et même dans certains pays d’Afrique.

S. : Quel est votre modèle politique en Afrique ou ailleurs ?

R.O. : Franchement si je vous dis que j’ai un modèle politique, je mens.

S. : Même pas Houphouët Boigny ?

R.O. : Non. En certains de ses aspects oui. Le président Houphouët Boigny (paix à son âme) que je respecte beaucoup a toujours travaillé dans le sens de la paix et du rassemblement. Ce sont des aspects positifs. Mais je n’ai jamais partagé sa longévité au pouvoir. Tous les problèmes que connait la Côte d’Ivoire découlent des 40 années de pouvoir d’Houphouët Boigny. A mon avis, il n’a pas géré tous les problèmes avant de partir. Dans les années 85 à 90, le président Houphouët Boigny pouvait passer la main. Le problème, c’est d’avoir pensé comme d’autres pensent au Burkina Faso aujourd’hui, que si le président Houphouët Boigny n’est plus là, il n’y a plus de pouvoir. D’autres l’ont dit d’ailleurs à un moment donné jusqu’à ce qu’on en arrive aux années 90, il était déjà vieux et affaibli. Qu’est-ce que le pays est devenu aujourd’hui ? Houphouët Boigny est effectivement un homme à admirer parce qu’il a beaucoup fait pour la paix et pour rassembler les gens. Mais la suite vous la connaissez. Si j’avais eu un modèle en Afrique, je n’aurai pas été écologiste mais j’aurai tout simplement choisi d’aller dans un parti classique. Si j’ai choisi l’écologie qui au départ, n’était pas un parti politique, c’étaient des groupes de pressions, des ONG et des associations, mais après il fallait déployer son propre drapeau parce que les politiciens n’ont jamais décidé pour l’intérêt général. Ils pensent à eux-mêmes d’abord quand ils posent des actes. Alors que l’écologie travaille du point de vue de l’intérêt général. Maintenant en Europe ou ailleurs, nous avons des amis tels le commandant Cousteau de la société civile. Nous sommes en phase avec le commandant Cousteau qui est un homme qui risquait sa vie tous les jours pour sauver la planète. C’est ce genre de modèle que je veux incarner. Un de vos collègues m’a demandé la différence entre l’artiste et le politicien. Qu’est-ce qui change du fait que vous ayez pratiqué les deux : le show-biz et la politique. Je lui ai répondu que l’homme du show-biz est un artiste. L’artiste, il est humain, sentimental et il donne le plaisir. Il crée la joie. L’homme politique crée parfois les pleurs parce qu’il sème la mort, la désolation. Dans sa conquête du pouvoir, il tue. Or, l’artiste ne tue pas. Parfois pour quelqu’un qui a des soucis, l’artiste chante des mélodies qui lui font oublier ses soucis. Mais l’homme politique souvent, ce qu’il crée, c’est la mort. C’est le sang qu’il verse.

S. : Vous avez quitté le terrain culturel pour le terrain politique...

R.O. : Dans ma pratique, j’essaie de coller à ma philosophie. Et c’est pour cela d’ailleurs que votre camarade a demandé à savoir si ce n’est pas parce que je suis un peu modéré que les autres ne m’ont pas choisi ? Je ne peux aider à tuer ni à mentir encore moins à voler. Malheureusement pour certains, j’ai eu la chance d’être ce que je suis avant de venir en politique. Pour la petite histoire, lorsque je portais des chaussures de 300 000 francs, 500 000 francs, certains n’avaient même pas de brodequin à se mettre. Oui, puisque mon métier demandait cela. Vous ne pouvez pas aller à Georges V ou chez Maxime ou encore au Palais des Congrès avec un petit boubou burkinabè déchiré derrière. Ce n’est pas possible. Quand je venais ici pour organiser des spectacles pour la première fois en 1985, et c’est une anecdote aussi, je suis allé rendre visite au président Thomas Sankara au Palais. J’avais porté « un lézard chaussure ». On est assis et c’est mon pied seulement que le président regardait tout le temps. Alors, je lui ai dit « camarade président, cette chaussure est un lézard, mais c’est mon métier qui le demande ». Donc, j’ai tenté de me justifier. Lui, austère et moi dans une chaussure de près de 200 000 francs, j’étais même gêné. J’étais obligé de lui dire que le show-biz c’est comme ça. Et ce jour, j’étais avec le petit Issa Sanogo. Nous avons alors discuté sur ces questions. Quand j’ai été nommé ministre, je suis venu avec mes costumes, mes chaussures et j’étais déjà prêt pour la fonction. Pour dire tout simplement que je reste moi-même. Je suis un homme de show-biz, je suis du milieu culturel et artistique. J’ai le sentiment que s’il faut laisser tomber la politique un jour, je le ferai. Comme je l’ai fait en 2002, lorsqu’on me disait que ma place c’est la mouvance présidentielle, parce qu’en tant que ministre d’Etat, ils disent que j’ai fait beaucoup de choses pour mon pays. J’ai dit non. Voilà la raison pour laquelle j’ai quitté les Verts. Si demain vous me demandez de tuer pour rester au pouvoir alors « basta, au revoir ».

S. : Pouvez-vous nous dire comment est-ce que vous êtes arrivé à transformer le dépotoir en « Espace Or », en un espace viable ?

R.O. : Voilà une très bonne question qui va au-delà des aspects politiques et politiciens. Les écologistes sont des acteurs du développement. Je ne suis pas un démagogue. J’ai lancé le mouvement écologiste dès que j’ai mis les pieds au Burkina. Etant acteur du développement, je ne peux pas ne pas donner l’exemple. Concernant « l’Espace Or », à l’époque j’étais avec une culotte, une daba et je creusais les trous. Beaucoup d’entre vous en ont été témoins. Certains de mes amis me traitaient de fou à l’époque. Ils avaient même honte de venir parce que disaient-ils c’était un dépotoir. Je me suis débrouillé, je l’ai fait. Et ce sont les mêmes amis qui venaient s’y réunir plus tard quand l’endroit est devenu plus agréable. Alors, cela a eu un effet d’entraînement. Tous les dépotoirs qui étaient autour ont été aménagés. Le CAMES est venu s’installer, l’université aussi s’est installée derrière. Cela n’a l’air de rien mais c’est une petite contribution de notre part. On peut faire quelque chose même si on n’est pas du pouvoir. Je suis à mon quatrième espace vert aujourd’hui. Il y a 2 à Ouagadougou, 1 dans mon village et 1 à Yalgo. Actuellement, je prépare une plantation de près de 4 hectares et demi dans la région de Saponé.

A partir du mois d’août, entre deux sorties de campagne, j’y serais pour y semer. Il suffit d’un peu de courage. Vous vous souvenez aussi qu’à l’époque nous étions obligés d’aller jusque dans les bas-fonds pour y puiser de l’eau avec des arrosoirs afin d’arroser. Nous avons souffert dans cet endroit.

Dieux merci, après le ministère de l’Environnement nous a soutenu avec un forage. Et c’est ce qui nous a permis de résister. Aujourd’hui, une partie de « l’Espace Or » sert de restaurant universitaire. Vous avez au moins 500 étudiants par jour qui y viennent à midi ou le soir. Je pense qu’on n’a pas œuvré inutilement.

S. : Mais est-ce que la polémique à propos de cet espace est terminée ?

R.O. : Quelle polémique voulez-vous ? Il n’y a pas de polémique. L’espace vert appartient à Ram Ouédraogo. C’était un dépotoir et non un espace vert. En 1994, le ministère de l’Environnement me l’a accordé et je l’ai construit moi-même. J’ai été traité de fou et quand c’est devenu joli, certains s’élèvent contre cela. J’ai prêté certains endroits à mon parti qui se retrouve de temps en temps là-bas. Le RDEB se réunit à l’Espace or, parce qu’il n’a pas un autre siège. Pour les Verts, j’ai fait acheter un terrain à Ouaga 2000 à l’époque pour la construction du siège du parti. Et ce terrain appartient aux Verts aujourd’hui.

Par rapport à l’Espace or, si quelqu’un se sent lésé, nous sommes dans un pays de droit, il peut aller porter plainte contre moi à la justice.

S. : Au temps fort de l’ARDC vous avez en guise de conseil à Blaise Compaoré dit « Il doit partir comme Platini et non comme Maradona ». Diriez-vous aujourd’hui la même chose ?

R.O. : Vous me rappelez des souvenirs et je vous en sais gré.

Ma position à l’époque est celle que j’ai décrite dans le cas du général Bozizé. Le président Compaoré est arrivé au pouvoir par un coup d’Etat le 15 octobre 1987. Blaise Compaoré a dit que c’est un malheureux accident. Nous le concédons. Finalement, il met fin au Front populaire, on passe à l’Etat de droit. On adopte une constitution, en 1991. A l’époque, j’ai affirmé que le président Compaoré gagnerait à organiser des élections transparentes, équitables en se mettant au-dessus du lot pour confirmer que ce qui est arrivé est indépendant de sa volonté. Du fait que nous entrons dans un Etat de droit, il devrait créer les conditions d’une bonne démocratie au Burkina Faso : accepter la conférence nationale souveraine, créer les conditions de la réconciliation, mettre les balises, organiser les élections et remettre le pouvoir. C’est pourquoi j’avais dit à l’époque qu’il peut partir comme Platini pendant qu’il est encore aimé.

Il a résisté et n’a pas accepté. Je ne vous apprends rien, son passif s’est accumulé. Même si je serai le seul ou le dernier à dire que Compaoré ne peut pas être candidat à cette élection présidentielle, je serai ce dernier.

Ma fierté ici est de voir qu’au Burkina Faso trois anciens chefs d’Etat sont élus au protocole. En Afrique, cela est rare. Vous avez le papa Sangoulé, le papa Saye Zerbo, le président Jean-Baptiste qui sont respectés. Des anciens chefs d’Etat que tout le monde consulte et respecte. Je crois qu’il serait bon que le président Compaoré tire les leçons et qu’il bénéficie du statut d’ancien chef d’Etat qu’il a contribué à instaurer. Si ce n’est pas le cas je ne suis pas sûr qu’il pourrait en bénéficier un jour. Pourquoi limite-t-on un mandat présidentiel ? L’article 168 de la Constitution du Burkina affirme que le peuple burkinabè proscrit l’idée de pouvoir personnel. D’où la limitation du mandat à deux. Donc, que vous soyez beau, gentil, riche ou pas, vous n’êtes pas fatigué comme le dit Blaise Compaoré, tout cela n’est pas un problème. Mais le mandat est limité. Quand il est épuisé vous devez partir. Si vous ne pouvez pas vous passer du pouvoir, vous partez et cinq ans après comme la Constitution l’autorise, vous pouvez encore prétendre. Sinon, consécutivement ce n’est pas bon. Je reste sur ma position pour dire et insister que la candidature de Blaise Compaoré même si elle n’est pas encore posée, est un forfait. On ne peut pas se baser seulement sur l’aspect juridique.

S. : Yako, votre province d’origine regorge de grands politiciens Me Sankara, Mme Diendéré, M. Diendéré, M. François Ouédraogo, M. Ernest Nongma et bien d’autres. A quoi devez-vous cette éclosion de politiciens originaires de la même province ?

R.O. : Effectivement c’est une bonne question. Lorsqu’on regarde les présidentiables actuellement vous en avez déjà trois : Ernest Nongma, Me Sankara et Ram Ouédraogo. Je ne saurais l’expliquer parce que je suis rentré au Burkina dans les années 90-92. Au départ,je ne sais pas dans les temps du RDA et autres si le Passoré n’était pas un vivier politique.

Ce que je sais c’est qu’au niveau de l’armée, vous avez des grands cadres de l’armée qui sont de cette province. Je ne sais pas si c’est le hasard ou c’est parce que ce sont des hommes qui aiment la politique. Je ne sais quoi vous dire parce que je n’ai pas étudié la question. En revanche, le constat que je peux faire c’est que nous les hommes politiques du Passoré ne sommes pas des exemples.

Je le dis sans fioritures. Quand vous arrivez dans notre chef-lieu, ce sont des charognards qui vous accueillent. Le Passoré n’est pas ce qu’il doit être par rapport à la capacité de ses fils. Lorsque vous rentrez à Yako vous ne sentez pas que Yako est la cité des intellectuels de haut niveau, des grands cadres de l’armée, des riches. Comparativement à Ouahigouya, lorsque vous rentrez dans cette cité, vous sentez que ça bouge un peu. L’économie est florissante. Personnellement je m’occupe de mon département qui est Arbolé. J’y fais ce que je peux. J’ai toujours dit qu’il fallait que les fils du Passoré se rassemblent et au-delà de tout clivage politique pensent au développement. Jusqu’à présent cela n’a pas abouti. Ces temps-ci, je vois des regroupements, des associations, souvent même je suis contacté par des associations. Il y a M. Dominique Diendéré de l’armée qui, à la tête d’une association essaie d’associer le maximum de fils de la région pour travailler ensemble. Si les gens se mettaient ensemble au-delà des clivages politiques pour essayer de travailler, il est sûr qu’on aurait pu faire quelque chose pour le Passoré.

S. : Parmi les 3 candidats, y aura-t-il un président du Faso venant du Passoré ?

R.O. : Cela est possible. Mais s’il y a un président venant du Passoré et qu’au bout de 10 ans, c’est toujours la même chose, cela est grave. Ce sera aux populations d’apprécier.

S. : Vous sentez-vous l’âme d’un grand homme capable de diriger le Burkina ?

R.O. : Je n’ai pas dit que je suis un grand homme. J’ai bien dit que pour un chef d’Etat, il faut avoir des capacités morales, intellectuelles et physiques requises. Ensuite, il faut être quelqu’un d’assez convaincu. Je ne dis pas que je suis un grand homme. Mais je pense que je peux m’essayer d’autant plus qu’à un petit niveau qui n’est pas très éloigné de la présidence du Faso, j’ai apporté ma modeste contribution. J’ai été ministre d’Etat. Lorsqu’il y a eu l’investiture à la Maison du peuple, dans les différentes interventions, une dame citant quelqu’un d’autre a dit que c’est dans les grandes crises que les grands hommes se révèlent. J’étais assis et je riais parce que je me revoyais dans le gouvernement d’ouverture, ministre d’Etat, président de la réconciliation nationale. Dans mon comité de mise en œuvre, j’avais tout ce que le pays compte de responsables importants. J’étais à la tête de 15 ministres. Même l’actuel Premier ministre, qui était ministre de la Fonction publique à l’époque était aussi dans mon comité. Je recevais tous les 15 ministres pour traiter des questions importantes de la nation à un moment où le pays était en danger. C’est à vous d’apprécier le bilan.

Si j’ai pu apporter ma modeste contribution à la gestion du pays en cette période de crise, je ne vois pas comment je ne peux pas gérer le pays. J’ai des avantages. Le métier que j’ai exercé est la gestion des hommes. Comme j’ai géré les hommes, il s’agit là encore de gestion d’hommes. Maintenant cela revient à 10,12 millions de personnes. Ce serait vanité de ma part de dire que je suis un grand homme. Mais si je suis candidat, c’est que j’estime que je peux apporter quelque chose à mon pays.

S. : Vous avez surtout été connu à travers la culture ; aujourd’hui, quel est votre degré d’amour pour cette culture notamment la culture burkinabè ?

R.O. : Il est vrai que je n’ai pas beaucoup de temps. J’ai discuté avec des artistes qui sont venus me voir. Ils disent que je ne m’implique pas assez. C’est vrai. J’ai beaucoup aimé la culture, les arts. La question mérite d’être posé plutôt aux artistes. Ils ne viennent pas souvent profiter de ma petite expérience. Certains viennent, mais ils ne sont pas nombreux. Les gens m’appellent souvent de l’extérieur. Ceux qui sont de passage viennent me voir. Mais franchement je n’accorde pas beaucoup de temps aux artistes. En revanche, dans le programme que j’ai élaboré, il y a un volet très important consacré aux métiers des arts et de la culture dans son ensemble. J’estime que je suis à même de bien comprendre le monde artistique. Je suis à même d’expliquer qu’aujourd’hui les arts sont une industrie qui peut créer des emplois, générer des devises. Dans mon programme, je propose déjà la création d’un complexe artistico-culturel et touristique en dehors de la ville de Ouagadougou. Ce complexe de près d’une centaine d’hectares, va contenir des aires de repos, de détente, un parc floral, un lac artificiel, un studio d’enregistrement. Afin que si quelqu’un quitte les Etats-Unis, que ce soit Michaël Jackson, il dise d’abord je vais me reposer au Burkina Faso. Un artiste important connu mondialement peut arriver au Burkina Faso pour se reposer spécialement ici. Cela nous fait des devises. L’artiste aura un parc, un hôtel, un musée, des salles de conférences et un petit échantillon de la culture burkinabè. Le musée sera représentatif de toute la culture burkinabè. Il ne s’agira pas seulement des artistes musiciens. Les plasticiens, des écrivains en feront partie.

S. : Ne pouvez-vous pas faire ce complexe avant d’être président ?

R.O. : Non, parce que ça coûte cher. Cela ne doit pas être une initiative personnelle. Ce complexe doit être un patrimoine de l’Etat. Il ne doit pas être une propriété personnelle non plus. Il doit être une structure étatique même si dans sa gestion, on va lui donner un caractère personnel et commercial. Sinon je ne pense pas que je puisse trouver 3 ou 4 milliards pour faire quelque chose qui doit rester pour le Burkina. Seul l’Etat peut réaliser ce complexe. Dans la conception et les idées, je suis bien placé pour apporter ma contribution. Si celui qui gagne les élections, sollicite l’exploitation de mon idée, je serai tout à fait heureux. Je mettrait mes compétences à la disposition de cette personne puisque cela est au profit du Burkina Faso. Donc sur le plan de la culture, j’ai encore de la contribution à apporter.

S. : Vous aimez les fleurs et fleurs riment avec amour. Peut-on rapidement en déduire que vous êtes un grand amoureux ?

R.O. : En fait, je suis un sentimental. Je suis végétarien. Je ne fume pas, je ne bois pas. Le végétarien que je suis, fuit déjà quand il voit quelqu’un découper un poulet. Je n’aime pas le sang. Et je pense que dans ce monde en perdition, où il y a beaucoup de violences, beaucoup de rancœurs, de haine, etc., il faut un peu de création. Il y a là le désir que le monde soit beau, qu’il y ait des fleurs partout, que les hommes s’aiment entre eux. C’est un peu utopique mais il faut des fous comme nous autres qui ont ces principes à partager avec l’ami ou le voisin. Je suis beaucoup humaniste puisque ma philosophie c’est la non violence. Donc, je suis un disciple de Gandhi. J’aime ce qui est bien, non violent, tranquille. Malheureusement, le monde ne va pas dans ce sens.

S. : Avez-vous toujours votre carte du TOCSIN ?

R.O. : Non je ne l’ai pas. Mais, j’ai toujours ma carte du MBDHP. J’ai toujours été membre du Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples. J’ai par contre toujours soutenu le TOCSIN dans ses actions. De temps à autre, je rencontre le professeur Albert Ouédraogo. Nous appuyons ce que font les responsables du TOCSIN, car c’est une très bonne chose. Nous travaillons avec beaucoup d’associations. A la fin de l’année 2004, nous avons initié des rencontres au niveau de l’hôpital pédiatrique, de Saint Camille. Mais, nous ne faisons pas beaucoup de publicité autour des actions humanitaires. Parce que je pense que lorsqu’on fait une bonne action, on n’a pas besoin de clamer cela sur tous les toits. En ce moment, ce n’est plus une action mais une sorte de sponsoring. Or, je me veux mécène. Le mécène quand il pose un acte, ce qu’il en tire est la satisfaction morale. Je ne parle pas beaucoup des actes humanitaires lorsqu’on en pose.

S. : Quels sont vos passe-temps favoris ?

R.O. : J’ai deux passe-temps favoris : le jardinage avec les grandes ballades en brousse et le sport. Il est rare que je passe un week-end en ville. Je pratique le sport 3 fois par semaine et mon sport c’est le tennis. J’écoute rarement la musique et sort très peu.

Je suis une sorte de loup solitaire. Parfois je prends une chaise et je vais m’asseoir en brousse pour méditer et faire la lecture. Nous avons beaucoup de documents à lire parce que le domaine de l’écologie est un peu technique.

Les documents proviennent de partout et vous devez lire afin de prendre position par rapport à la biodiversité, à la pollution, aux OGM. 

S. : Le parc animalier de Ziniaré ne vous attire-t-il pas dans vos ballades ?

R.O. : Non. Dans mon programme, j’ai pensé créer dans le complexe artistique un zoo. Le parc animalier est une propriété personnelle du président Blaise Compaoré. J’aurai souhaité qu’il y ait un zoo au Burkina, surtout dans la capitale, pour permettre à tous d’y aller sans contrainte ni aucune autorisation. De temps en temps, je vais me balader au parc Bangr-Weogo parce que c’est public. Le président est quelqu’un qui aime beaucoup les animaux aussi. C’est une bonne chose mais c’est sa propriété privée. Il est écologiste à sa manière et j’espère qu’il votera pour moi. En 1991, malheureusement j’ai retiré ma candidature et il était au Ghana. Lorsque la question lui a été posée, il a dit que s’il devait voter quelqu’un, il choisirait Ram Ouédraogo. Peut-être qu’il avait estimé à l’époque que l’écologie pouvait être quelque chose de bien pour le pays. Après chacun s’est essayé à l’écologie. Dans son programme, des engagements du 2 Juin 1994 on a essayé de coller un peu à l’écologie. Vous aurez beau faire, beau tourner, seule l’écologie va triompher au Burkina Faso. Depuis le mois de mai 2002, je n’ai plus revu Blaise Compaoré jusqu’à ce jour. Je vais chercher à le voir pour quoi faire ? Si par exemple, il y a un problème et qu’il veut me consulter, il peut bien m’appeler. Mais moi je n’ai pas de problème, alors je ne vais pas l’appeler. J’ai piloté la réconciliation nationale après les législatives de 2002, sans salaire et sans rien. Les différents comités estimant que j’avais tous les dossiers me demandant de participer. Ce n’est pas Blaise Compaoré qui m’a demandé cela. C’était ma propre contribution. Je ne suis pas allé le voir parce qu’on à rien à se dire. Mais s’il estime qu’en tant que chef d’Etat, il peut consulter les hommes politiques, (c’est ce que je le reproche d’ailleurs), à Ouaga 2000 lors de ses différentes rencontres, les hommes politiques auront des choses à dire aussi.

S. : Les Etalons à la CAN de football...

R.O. : Si je donne ma réponse, l’on me taxera de porte-malheur. Donc je souhaite qu’ils aillent à la CAN.

S. : D’une manière générale que pensez-vous de la presse ?

R.O. : Voici aussi une très bonne question. Un effort est fait au niveau de la presse. La presse est plurielle. Chacun dit ce qu’il pense et j’observe. Les journalistes sont des citoyens. Parfois certains journalistes oublient que lorsqu’ils écrivent, ils sont journalistes pour tout le peuple. Ils font de petites contorsions pour soutenir tel ou tel candidat. Dans l’ensemble, nous avons évolué avec le processus démocratique. Les journaux sont de plus en plus propres et professionnels. Mais c’est une œuvre à poursuivre au jour le jour. Vous êtes à féliciter même si encore quelques camarades rament à contre courant. Dans l’ensemble, il y a une amélioration par rapport à ce qu’on a connu. A l’époque, les médias d’Etat étaient partisans mais aujourd’hui, on constate que Sidwaya commence à se frayer un chemin qui permet à tous de s’exprimer. Je félicite tous ceux qui travaillent à Sidwaya. Mais souvent ce que je vous reproche, c’est que vous mettez de côté souvent les papiers qui ne plaident pas en faveur du pouvoir. Aussi lorsqu’ils ne vous intéressent pas vous les mettez de côté, alors que l’information est une denrée périssable. Dans l’Etat de droit, il ne s’agit pas souvent de caresser dans le sens du poil. Il faut aussi écouter d’autres sons de cloche. Comme le dit Beaumarchais « Sans la liberté de blâmer, point d’éloges flatteurs ». On ne peut pas à chaque fois vous passer la pommade, il faut aussi accepter les critiques et permettre aux gens de se corriger. Je vous remercie pour le débat franc.

Sidwaya

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