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Le karité, le nouvel or des femmes rurales

Publié le mercredi 30 mars 2005 à 07h51min

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S’il existe une activité qui occupe grandement les femmes rurales du Burkina Faso et leur procure des revenus substantiels, c’est bien le karité et ses dérivés.

Considéré dans ce pays d’Afrique de l’ouest comme ’’l’or des femmes’’ le karité occupe quelque 400.000 femmes burkinabé, à travers des groupements féminins, associations ou petites entreprises familiales.

Le karité est un arbre de la savane qui pousse en Afrique équatoriale et dont la graine renferme une substance grasse, comestible après traitement et utilisée dans la fabrication des cosmétiques (beurre de karité).

Le karité constitue la troisième ressource pourvoyeuse de devises du Burkina Faso après le coton et le bétail. Selon l’Institut national de la statistique et de la démographie, l’exportation des amandes de karité a généré près de 12 millions de dollars, en 2003.

Les activités autour du karité ont contribué à réduire la pauvreté des femmes, ces dernières années, selon des spécialistes de l’économie agricole.

Au Burkina Faso, 45,3 pour cent des 12 millions d’habitants du pays vivent en dessous du seuil de pauvreté, avec moins d’un dollar par jour, selon le Rapport 2004 sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement.

Avec une production nationale estimée à plus de 80.000 tonnes par an, selon le ministère de l’Agriculture, cette matière grasse constitue, pour les femmes burkinabé des zones rurales, une source de revenus substantiels leur permettant d’améliorer leurs conditions de vie.

Ecrasées et traitées, les noix de l’arbre à karité produisent une graisse végétale de couleur jaune pâle et légèrement granuleuse, après un long processus de traitement traditionnel et de cuisson dont les femmes ont le secret : c’est le beurre de karité. Aujourd’hui, les femmes disposent d’équipements plus performants et moins fatigants.

Utilisé depuis des temps anciens comme ingrédient dans la préparation de la nourriture locale et du savon traditionnel, le beurre de karité est également un produit d’exportation précieux, entrant dans la fabrication du chocolat et des cosmétiques.

L’entrée en vigueur de la directive 2000/36, relative aux produits de cacao et de chocolat destinés à l’alimentation humaine, est en application depuis août 2003 dans toute l’Union européenne, où 40.000 à 60.000 tonnes de karité sont utilisées annuellement dans la confiserie et la chocolaterie.

Selon l’Organisation internationale du cacao, l’application de la directive se traduirait par un manque à gagner de 780 millions de dollars à l’horizon 2006 pour les pays producteurs de cacao - soit une baisse de la production mondiale de 50.000 tonnes et une baisse des prix de huit pour cent.

Mais, tous les pays ACP (Afrique Caraïbes Pacifique) ne se trouvent pas dans la même situation : si la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, est durement touchée par la directive, par contre, elle ouvre un nouveau marché aux femmes, principales productrices de karité, notamment dans des pays sahéliens comme le Burkina Faso et le Mali.

Les associations et groupements commercialisent le beurre de karité, produit en grande quantité (20 tonnes par mois au minimum) et les dérivés du karité : savon de lessive, savon de toilette, pommade...

Marcelline Ouédraogo, qui est la coordonnatrice de l’Association Songtaaba-Yalgré (ASY), un groupement féminin modèle dans la filière karité, explique à IPS que ’’L’ASY est une organisation professionnelle, créée en 1998 ; elle regroupe plus de 2.000 femmes dans 30 groupements féminins, avec 800 femmes dans le projet karité biologique’’. Le credo de son association est ’’une femme, un revenu’’.

Aicha Diallo commercialise les amandes de karité depuis une dizaine d’années. Même si elle est satisfaite de ses revenus qui, selon elle, lui permettent de scolariser ses trois enfants, Diallo estime qu’on peut faire mieux.

’’Le karité pouvait donner une grande richesse aux femmes si les prix d’achat étaient importants, mais malheureusement ce n’est pas le cas. Les commerçants exploitent trop les paysans’’, déclare Diallo à IPS.

Les femmes vendent le kilo de karité ’’entre 200 et 300 francs CFA (entre quatre et six cents US) à des acheteurs qui le revendront à 700 FCFA (environ 1,4 dollar) sur le marché international’’, indique Diallo. ’’Entre 500 et 600 FCFA (entre un et 1,2 dollar) le kilo, serait raisonnable et très bénéfique pour les femmes’’, ajoute-t-elle.

En partenariat avec l’Agence canadienne pour le développement international, la coopérative Songtaaba s’est lancée depuis peu dans un projet innovateur de production de beurre de karité biologique. En complément de la fabrication traditionnelle de beurre, Songtaaba a développé une filière biologique certifiée. Un travail de longue haleine a été mené avec les femmes des villages, sanctionné aujourd’hui par l’obtention du label germano-canadien, Garantie Bio-Ecocert, qui est accrédité sur la base de la norme ISO Guide/65.

’’Le résultat est positif car cela permet aux collectrices (des noix de karité) et productrices (du beurre de karité) d’avoir un gain important par campagne qui va de 50.000 à 250.000 FCFA (de 100 à 500 dollars environ) en fonction des quantités vendues’’, confie Ouédraogo à IPS.

Dans le souci d’impliquer davantage les femmes dans l’amélioration de leur situation économique, le gouvernement burkinabé a créé, en 1995, le Projet national karité (PNK). Le PNK, dirigé par Fati Bougouma, revendique aujourd’hui plus de 1.340 groupements et intervient dans 22 provinces sur les 45 que compte le pays.

A la question de savoir pourquoi tant de femmes dans la filière, Bougouma affirme ’’qu’il y a beaucoup de femmes dans la filière parce que le karité est l’affaire des femmes. Culturellement, c’est la femme qui est habilitée à traiter des noix et à extraire, de manière artisanale, le beurre’’.

C’est traditionnellement aux femmes que revient le soin de récolter et de fabriquer le beurre de karité, les hommes ne s’occupant généralement que du transport et de la commercialisation, explique-t-elle à IPS.

La société française de cosmétique, Occitane, et l’entreprise danoise Aarhus Oliefabrik A/S (un des leaders mondiaux des huiles végétales et des graisses spécialisées pour les industries de la confiserie et de la boulangerie) sont également des partenaires des productrices burkinabé.

Le Fonds des Nations Unies pour les femmes a négocié un accord entre les producteurs et l’Occitane qui achète maintenant directement à l’Union des groupements Kiswendsida rassemblant une centaine de groupements de femmes productrices burkinabé de karité. En 2002, l’Occitane lui a acheté 60 tonnes de beurre de karité.

’’La réhabilitation de la filière karité a permis de promouvoir les femmes par l’amélioration de leur situation socio-économique et celle de leurs familles. A chaque campagne de collecte et de production, les femmes acquièrent des revenus importants et arrivent à subvenir à leurs besoins sociaux et à s’épanouir’’, déclare Eric Traoré, un chercheur en économie agricole sur la présence féminine dans le secteur karité.

Grâce à l’activité du karité, 14 centres de promotion de la femme ont été attribués à des groupements féminins ainsi que leur équipement en matériel avec plus de 45 presses à karité, 40 moulins mixtes, quatre unités de savonnerie, 11 décortiqueuses et du matériel de maraîchage.

Le vœu de Ouédraogo est que ’’les exportateurs de karité achètent le karité transformé au lieu de la matière première, pour que nous puissions vaincre la pauvreté en obtenant une valeur ajoutée, et créer de l’emploi pour les femmes et pour les jeunes’’.

Des pays industriels comme la Grande-Bretagne, le Danemark, les Pays-Bas, la Belgique, la France et la Suède sont des importateurs des produits de la filière karité du Burkina.

La création d’une usine d’extraction de beurre de karité au cours de cette année pourrait offrir d’importantes opportunités aux femmes d’accroître leurs revenus. Issa Tapsoba, un opérateur économique burkinabé, a décidé de s’investir dans ce secteur en créant la Société d’huilerie et de fabrication de fûts métalliques du Burkina (Hufem-B).

La vocation de l’entreprise, confie son fondateur à IPS, sera ’’d’extraire du beurre de karité en quantité industrielle, et, par la suite, de fabriquer des fûts métalliques qui serviront en partie pour le conditionnement du beurre’’.

Les capacités maximales de production de Hufem-B seront de 60.000 tonnes d’amandes à triturer, dont 27.000 tonnes de beurre seront extraites, selon Tapsoba.

Par Tiego Tiemtoré
IPS (http://www.ipsnews.net)

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