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Nathalie Somé, présidente du CSC : « Tout me laisse croire que le CSC qui se veut une institution forte, présente le visage d’une force tranquille »

Publié le lundi 1er juin 2015 à 03h05min

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Nathalie Somé, présidente du CSC : « Tout me laisse croire que le CSC qui se veut une institution forte, présente le visage d’une force tranquille »

La mesure de suspension des émissions interactives a été officiellement levée ce vendredi 29 mai par le Conseil Supérieur de la Communication, après la signature d’un document de cadrage et d’une charte. A cette occasion, nous avons rencontré la présidente du CSC, Madame Nathalie Somé, pour faire le bilan de ces trois semaines tumultueuses.

Comment va Madame la présidente du CSC ?

Je vais bien par la grâce de Dieu. Un peu fatiguée par huit mois de travail acharné depuis notre installation le 12 septembre 2014, sinon dans l’ensemble je me porte bien.

C’est quoi le travail acharné ?

Le travail acharné, c’est le défi de la régulation de la communication sociale dans un contexte nouveau. Quand nous disons contexte nouveau, nous parlons certes de la transition politique, mais aussi de celui de la mise en œuvre de la loi organique 015 du 14 mai 2013 qui fixe désormais les règles de régulation de la communication au Burkina. Commenter la loi, serait fastidieux, mais je voudrais juste prendre un seul aspect de cette loi qui a mobilisé beaucoup de notre énergie pendant six mois pour étayer mon propos, il s’agit de la permanence des conseillers. La permanence signifie que les conseillers font désormais partie de l’administration du CSC. C’est donc toute activité antérieure cessante pour chaque conseiller. Cette permanence suppose l’accueil et l’installation des conseillers sur la base d’un dispositif matériel, administratif, juridique et même financier qui n’existait pas, que nous avons travaillé à mettre en place.

Il s’est agi pour nous de trouver d’abord un bâtiment, de l’aménager avec les commodités de travail requises pour accueillir les conseillers, ensuite de prendre les textes qui organisent le travail du collège et biens d’autres aspects. Et vous savez que ce genre de choses n’incombe pas uniquement au CSC. Le CSC peut initier le processus mais l’aboutissement peut dépendre d’une autre structure et cela nécessite beaucoup de suivi. Avant que les conseillers n’entament leurs travaux il a fallu les familiariser avec les notions de régulation à travers l’organisation d’un séminaire initiatique.

J’ai parlé tantôt du contexte de transition. La transition a aussi augmenté notre charge de travail comme d’ailleurs c’est le cas pour beaucoup de structures de l’Etat. La transition n’étant pas un fleuve tranquille, mais un navire dans des vagues souvent agitées, nous avons vite défini nos priorités en matière de communication pour une transition réussie. Ainsi, nous nous sommes investis dans une vaste campagne de communication apaisée pour une cohésion sociale à travers des formations notamment la formation des animateurs d’émissions interactives, la réalisation et la diffusion de microprogrammes, des conférences publiques sur la cohésion sociale. Nos actions ont concerné les 13 régions du pays pour ne pas dire les 45 provinces du Burkina.

A cela il faut ajouter la réorganisation des services. La régulation de la communication est un défi permanent qui exige de l’anticipation et de l’adaptation à l’évolution très rapide du secteur de la communication. En cela nous avons jugé que l’organigramme du CSC qui date de vingt (20) ans avait besoin de retouches et nous nous sommes dotés d’un nouvel organigramme pour mieux conduire nos ambitions qui se résument à faire du CSC, un CSC de proximité, un CSC de référence dans la sous-région.

Un énorme travail de balisage a déjà été fait par mes prédécesseurs (FOFANA, TIAO et DAMIBA) à qui je rends hommage. La continuité dans l’innovation se construira autour d’un plan stratégique 2015-2020.
Je dirai enfin que le travail acharné, c’est la passionnante question des émissions interactives qui a connu un dénouement heureux.

L’adoption du document de cadrage et de la charte des promoteurs sur les émissions interactives ont en effet eu lieu ce 29 mai, mais en l’absence de certains promoteurs de médias qui obéissaient en cela au mot d’ordre de boycott lancé lors du sit-in du 27 mai. Comment réagissez-vous à leur absence ? La charte s’appliquera-t-elle à eux ?

La charte va s’appliquer à tous les promoteurs de médias audiovisuels concernés par les émissions d’expression directe. La charte se veut générale ; c’est à l’image de la charte des journalistes burkinabè qui est aujourd’hui un texte de référence en matière de déontologie et qui s’applique à tous les médias sans aucune référence aux auteurs ou au principe de l’adhésion.

L’article 1er de la « charte des promoteurs de médias audiovisuels pour une bonne conduite des émissions d’expression directe » précise qu’elle « (…) s’applique à tous les promoteurs de médias audiovisuels désireux d’inscrire des émissions d’expression directe dans leur grille des programmes ». Ladite charte définit les règles de conduite des émissions d’expression directe aussi bien au plan technique que juridique. Elle prend en compte les propositions faites par les promoteurs au cours des concertations.

Je tiens à préciser que la charte de bonne conduite est une proposition faite par les promoteurs de médias audiovisuels au cours de nos concertations ; ce n’est pas une invention du CSC. Les promoteurs, à travers l’élaboration et la signature de cette charte, ont voulu non seulement améliorer les règles encadrant la conduite de ces émissions, mais aussi s’engager au respect desdites règles.

La signature de la charte entraine-t-elle ipso facto la levée de la suspension ou y aura-t-il un acte spécifique annonçant cela ?

Comme nous l’avons indiqué dans notre calendrier porté à la connaissance du public depuis le 25 mai 2015, la levée de la suspension était prévue pour le 30 mai après la signature de la charte. La charte a été signée ce 29 mai par les promoteurs. J’ai solennellement annoncé la levée de la suspension au cours de la cérémonie de signature. Un communiqué sera publié à cet effet.

La charte pour nous est un engagement des promoteurs à œuvrer à un meilleur encadrement des émissions d’expression directe. Cet engagement nous conforte dans notre conviction que les promoteurs partagent le souci du CSC qui est d’éviter les dérapages au cours de ces émissions et de promouvoir la liberté d’opinion dans la responsabilité.

Parlant des émissions interactives, est-ce que vous ne pensez pas que les suspendre dans ce contexte, c’était tout de même osé. Vous touchez là à une question de liberté ?

C’est vrai, chacun de nous est jaloux de sa liberté et c’est cela qui rend complexe la question des libertés individuelles. Mais il y a ce célèbre dicton qui dit que « ma liberté s’arrête là où commence celle des autres ». Il est très profond ce dicton, malheureusement on ne s’y attarde pas, sa bonne compréhension nous aurait évité beaucoup d’incompréhensions. Ce dicton rejoint cette pensée du Dalaï Lama que j’aime bien, qui dit que « la faculté de se mettre dans la peau des autres et de réfléchir à la manière dont on agirait à leur place est très utile si on veut apprendre à aimer quelqu’un ».

Ce n’est pas pour vous perdre dans des considérations philosophiques. Ce que je veux dire c’est qu’on nous a fait le reproche d’attenter à la liberté d’expression comme si la liberté voulait dire absence de responsabilité. Il n’y a pas une seule personne au Burkina qui n’ait pas noté que les émissions d’expression directe telles que produites, sont porteuses de préoccupations, même pour ceux qui en raffolent. Les incitations à la haine, à la violence, à l’intolérance, les injures, les informations erronées et mal présentées sont des réalités sur les ondes des radios à travers ces émissions d’expression directe.

Qu’est-ce que la liberté d’expression si elle n’a pas pour fondement la responsabilité qui induit l’analyse, l’anticipation, la consolidation et pour tout dire qui construit pour la postérité. Notre décision de suspendre les émissions interactives pour les recadrer est et demeure une décision responsable même si elle a été difficile à accepter. C’était une mesure conservatoire.

Si tel est le cas pourquoi des conseillers se sont-ils désolidarisés après ?

Vous avez dit après ! Je n’aimerais pas commenter une attitude qui n’est pas mienne. Mais je crois pouvoir comprendre les choses. Vous avez vu la déferlante de réactions qui a suivi la publication de la décision. On nous a pratiquement crucifiés comme Jésus de Nazareth. Le supplice fait partie des responsabilités tout comme le risque. Quand vous voulez bien faire dans une société où la hiérarchisation des valeurs vous laisse sans voix, il faut que Dieu vous donne le courage de David et la sagesse de Salomon pour avancer avec votre conviction que seul l’intérêt général prime sur toute autre chose ; mais aussi que le mieux peut-être l’ennemi du bien.

Il y a aussi la date de la mesure qui interpelle, puisqu’elle arrive juste quelques jours après le renouvellement de certaines conventions où les promoteurs avaient même été félicités. Cela a fait dire que c’est sous des pressions extérieures que vous avez pris cette mesure…

Pas du tout. Aucune pression extérieure ne nous a amenés à prendre cette mesure plutôt dictée par la réalité du terrain, à savoir que les dérives étaient devenues monnaie courante dans ce genre d’émission. Il fallait agir. Et nous avons agi. Mais, il ne faut pas faire d’amalgame. La suspension des émissions d’expression directe qui ne sont qu’une partie des programmes des médias qui en produisent, ne remet aucunement en cause les félicitations que nous leur adressons. Bien au contraire. Au Burkina nous avons une presse performante, qui fournit d’énormes efforts en termes de professionnalisme. Toutefois, en ce qui concerne les émissions d’expression directe, le problème de fond est que c’est un auditeur inconnu qui alimente le contenu à partir de sources pas toujours fiables au risque de compromettre les fondements de l’éthique et de la déontologie du métier. Pour que cet aspect précis ne ternisse pas la bonne réputation de notre presse tant adulée à travers le monde, le régulateur qu’est le CSC se devait d’agir. Et il a pris ses responsabilités.

Pourquoi n’avoir pas appliqué des sanctions individuelles, en visant les fautifs, au lieu d’une sanction collective ?

L’intention du Collège des Conseillers n’était pas de sanctionner ou de punir les médias. Le Collège a fondé sa décision sur un constat : la mauvaise conduite des émissions interactives dans un contexte très sensible. Quand on parle de mauvaise conduite des émissions interactives, il faut entendre non seulement le défaut de maîtrise de l’antenne par les animateurs, mais aussi l’absence d’équipements appropriés. Compte tenu du contexte et de la montée sans cesse de l’intolérance, le Collège a jugé nécessaire de marquer une halte et de mener une réflexion avec les différents acteurs pour des solutions à même de garantir une bonne conduite de ces émissions.
Les solutions auxquelles nous sommes parvenus avec les promoteurs sont heureuses et vous constaterez les résultats à l’issue du délai transitoire qui leur a été accordé afin de se doter en équipements techniques appropriés pour l’animation des émissions d’expression directe.

Vous avez donc fait adopter un document de cadrage et une charte des promoteurs sur les émissions interactives ; est-ce suffisant pour tourner la page des dérives ?

Je vous mentirai si je vous disais tout de go que c’est désormais fini les dérives sur les émissions interactives. Mais nous sommes optimistes quant à leur meilleure conduite dorénavant. Les griefs portés contre notre décision, c’était qu’on devrait sanctionner les fautifs, comme s’il y en avait qui échappaient totalement aux dérapages. Nous reconnaissons qu’il y en a qui font énormément d’efforts par rapport à d’autres, mais ce n’est pas qu’ils soient exempts d’erreur. Comme l’opinion l’a réclamé avec clameur ainsi que les promoteurs, celles qui se montreraient brebis galeuses n’auront plus d’excuses, et elles seront sanctionnées conformément à la loi, même si l’esprit de notre démarche était d’évoluer ensemble vers zéro sanction.

Certains estiment que la présidente du CSC que vous êtes, sort fragilisée de cet épisode et qu’elle devrait démissionner. Que leur répondez-vous ?

Vous savez, ça peut être le contraire ! On se fortifie à l’épreuve des difficultés de tout genre. Depuis trois semaines, tout me laisse croire que le CSC qui se veut une institution forte, présente le visage d’une force tranquille. La Présidente que je suis, ne peut que s’identifier à cette force tranquille. J’ai une mission à accomplir pour l’intérêt de la nation, j’agis en toute responsabilité pour atteindre les objectifs majeurs de cette mission.

Votre mot de la fin ?

Pour moi tout peuple se dote des institutions qu’il juge capables de porter ses aspirations. Le CSC n’est rien d’autre qu’une institution voulue et codifiée dans la constitution pour aider à la consolidation de la démocratie. Nous agissons simplement dans le cadre des prérogatives dévolues. Nous voulons bâtir une institution forte, toutes proportions gardées, conscient que cela ne rencontre pas l’assentiment de tous. Du reste, la régulation de la communication est une action inclusive, chacun à son niveau doit pouvoir jouer son rôle dans le sens d’une communication apaisée et de la construction du vivre ensemble. C’est pourquoi j’ai cru déceler dans ces semaines d’ébullition, que les actions du CSC ne sont pas connues et comprises. Or quelle que soit notre efficacité si nous ne sommes pas connus, nous ne pourrons pas avancer. Dans nos actions futures, nous allons nous employer à faire mieux connaître le CSC, pour éviter certaines incompréhensions dans l’opinion.

Je voudrais aussi profiter de votre micro pour dire un grand merci au vaillant peuple du Burkina qui a su nous apporter son soutien. Nous sommes là pour servir et nous le ferons dans les prérogatives dévolues.
Merci à votre journal pour l’intérêt porté au CSC et bon vent à vous.

Interview réalisée par Jacques T. BALIMA
Lefaso.net

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