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Alternance 2005 : L’art de souffler sur des moulins à vent

Publié le vendredi 25 mars 2005 à 10h41min

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Alternance 2005 essaie d’exister dans la bourrasque générée par le CDP. Depuis le début de l’année, le parti majoritaire peaufine sa stratégie pour la présidentielle et ses militants occupent le devant de la scène.

Pas facile pour la nouvelle opposition qui a regardé le train traverser deux gares sans y monter ; d’exister, a fortiori de se faire une place au soleil face au CDP. Pour battre donc le candidat CDP, il lui faudra autre chose que de s’attaquer aux électeurs potentiels, ou plus simplement au peuple qui n’a que les périodes de joutes électorales pour se faire entendre.

Ils font partie du peuple et l’élection c’est eux. Pourquoi alors les attaquer avec des mots si durs ? Quelque part cela ne traduit-il pas un manque de sujet politique d’intérêt et partant de programme politique ?

Lors de sa conférence de presse tenue le vendredi dernier, Alternance 2005 disait par la voix d’un de ses ténors : "Les soi-disant marches spontanées des tanties, tontons et autres croûtons sont d’un ridicule et d’une indécence qui dégradent l’image du pays des Hommes intègres" (sic).

Passe encore qu’elle s’en prenne aux "tontons et aux tanties", mais qu’elle se laisse aller à parler de "croûtons" pour une frange de l’électorat est une faute de goût et un manque d’élégance pour des prétendants à la magistrature suprême et pire, un dédain qui ne peut honorer des personnalités publiques, ayant cette chance plutôt rare d’avoir accès aux médias.

En cette année de fièvre électorale, les grand-messes, les rassemblements folkloriques et le flonflon constituent pour l’essentiel, un pan immense du décor. Comment alors denier le droit à une partie importante du peuple de manifester son enthousiasme, son adhésion et son soutien à un homme ? Cela est un mystère entier pour des gens qui veulent son suffrage et qui disent avoir les idées pour l’amener dans leur camp.

C’est son année

On a encore en mémoire, puisque ce n’était que l’année dernière, les primaires du camp démocrate jusqu’aux campagnes des deux candidats George W. Bush et John Kerry. Que de rassemblements bruyants, de meetings bon enfant, de marches pour ou contre, mais le peuple était là au centre de cette échéance importante pour lui.

Aujourd’hui, la fièvre est retombée et le politique dans toute sa dimension pragmatique a repris ses droits. Autant dire que l’avant-élection est un moment qui appartient au peuple, libre d’en faire ce qu’il veut et comme il le veut.

Dire alors comme “Alternance 2005”, que les marques de soutien à la candidature de Blaise Compaoré sont indécentes, relève d’un déficit d’analyse politique et est à la limite une insulte à l’intelligence de ceux commis à cette tâche noble de choisir leur futur président. Ce sont des militants, sympathisants et simples citoyens qui usent du seul moment leur appartenant dans ce grand cirque du jeu politique pour, qui affirmer une conviction, qui se défouler, qui être simplement du décor.

A moins que “Alternance 2005” n’avoue par cette sortie malheureuse son impuissance à arrêter ou contrer l’emballage de la puissante machine électorale CDP. Elle a intérêt à se réveiller et vite.

Cette tare indélébile

La classe politique burkinabè et particulièrement l’opposition, du fait qu’elle use trop facilement de la critique systématique, oublie qu’elle n’est plus sur les bancs de l’université. Elle a un travail colossal à réaliser en vue de se départir de son réflexe estudiantin d’aligner platement les mots pour n’aboutir au bout du compte qu’à un discours choquant et franchement irresponsable.

Cet usage abusif du langage "caniveau" a tantôt été qualifié par un homme du milieu de haineux. En fait, il est le reflet d’une classe politique ne sachant pas qu’elle doit être la garante du triomphe des valeurs républicaines. Elle oublie ainsi de s’inscrire dans l’obligation pédagogique qu’impose son statut, sa place et son rang social.

On aurait compris qu’elle dise son ambition de travailler à avoir à sa cause une bonne partie des soutiens à Blaise Compaoré et qu’elle dégage une stratégie pour ce faire. Au lieu de quoi, c’est une attaque en règle au lance-flammes. Ce "croûton" finit de la discréditer car il prouve qu’elle est plus mue par une envie de revanche que du désir d’infléchir la destinée du peuple burkinabè.

Car même si toutes ces manifestations sont organisées et planifiées par le CDP, elle aurait dû savoir qu’un parti c’est aussi une organisation, une stratégie pour atteindre l’objectif. Spontanées ou pas, commanditées ou pas, ces marches sont la traduction d’un état de fait : Que le candidat Blaise Compaoré rassemble autour de son nom. Ne pas y prendre conscience serait pour “Alternance 2005”, aller droit sur le mur.

Battront-ils campagne sur un même programme de société ?

A moins qu’elle ne veuille rester sur la défensive comme si de rien n’était et comme si cette année électorale ne consistait qu’à mettre en scène la traditionnelle donne en démocratie : le pouvoir gouverne, l’opposition s’oppose. Non, il y a une redistribution des cartes, car tout le monde va à la pêche aux voix. Alternance 2005, tout comme les autres doit "entrer dans ce peuple et le secouer", au lieu de s’en prendre à lui sans ménagement, ce qui est la voie du suicide assuré.

Souleymane KONE
L’Hebdo

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