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Laurence Ilboudo/Marshal, secrétaire nationale à l’Organisation du MPP : « L’Ex-Majorité en quittant la Commission de réconciliation nationale sait bien que la politique de la chaise vide ne l’arrange pas »

Publié le jeudi 30 avril 2015 à 00h56min

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Laurence Ilboudo/Marshal, secrétaire nationale à l’Organisation du MPP : « L’Ex-Majorité en quittant la Commission de réconciliation nationale sait bien que la politique de la chaise vide ne l’arrange pas »

Elle est secrétaire nationale à l’organisation du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Femme d’affaires, cette mère de six enfants, s’est trouvée un intérêt à faire la politique. Sa mission : lutter pour l’amélioration des conditions de vie des couches défavorisées du Burkia Faso. Discrète mais efficace, selon ses compagnons politiques, Laurence Ilboudo/Marshal, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, donne dans cette interview, sa lecture de l’actualité nationale de ces dernières semaines.

Lefaso.net : Vous êtes une femme d’affaire qui, aujourd’hui a décidé de s’engager en politique. Qu’est-ce qui vous a motivée ?

Laurence Ilboudo/Marshal : Je suis une femme d’affaires. Et de femme d’affaires à femme politique, il y a un gros écart. Mais on va souvent en politique pour défendre une cause. Je suis rentrée en politique parce que j’étais opposée à la modification de l’article 37 et la mise en place du Sénat.

De fil en aiguille, on trouve d’autres combats à mener. Je me suis donc rendue compte qu’on avait beaucoup à faire. Les femmes représentent près de 52% de la population burkinabè mais elles ne sont pas suffisamment prises en compte dans la gouvernance. Il existe certes des politiques en leur faveur mais elles ne sont pas toutes correctement appliquées. Je me bats donc pour qu’on les applique. C’est aussi le cas des personnes vivant avec un handicap. Nous avons constaté qu’il n’existe pas de structures d’accompagnement et je pense que je serai très volontaire pour mener le combat au profit de ces couches défavorisées.

Pour revenir à l’actualité, l’ex-majorité, soutenue par la NAFA et l’UBN, a décidé de se retirer des travaux de la Commission de réconciliation nationale pour protester contre le nouveau Code électoral. Quelles sont encore les chances pour la réconciliation ?

L’ex-Majorité quitte aujourd’hui la Commission de réconciliation nationale. Ces partis ont fait 27 ans au pouvoir et ils savent bien que la politique de la chaise vide n’arrange pas celui qui la pratique. Si en connaissant cela, ils veulent malgré tout la mettre en pratique, je n’ai pas de commentaire à faire. Mais en politique, vaut mieux être acteur que spectateur.

Avant cette démission, les mêmes partis avaient quitté le Conseil national de la transition (CNT). N’est-ce pas un signe qu’il existe un malaise au plan national ?
Je ne le pense pas. En rappel, les partis ont annoncé qu’ils quittaient le CNT mais leurs représentants ont refusé de démissionner. Il y a déjà une différence de vision entre les partis et leurs représentants. Cela doit apprendre aux hommes politiques que la démocratie ne veut pas dire unanimité.

Nous pouvons ne pas être d’accord sur quelque chose. C’est la démocratie parce qu’elle implique l’existence d’une majorité et d’une minorité. La volonté de la majorité l’emporte sur celle de la minorité. L’ex-majorité est actuellement minoritaire. Ces partis doivent accepter leur situation de minorité et travailler à être majoritaires. Ils ont aujourd’hui un rôle à jouer dans la classe politique : travailler à redevenir majoritaires.
Mais ils estiment être victimes d’injustice…

Il y a à peine 7 mois, c’est l’ex-opposition qui était victime. Et vouloir jouer aux martyrs aujourd’hui ne va pas les arranger. L’opposition, pendant 27 ans, a compris que le rôle de martyr n’arrange jamais quelqu’un. C’est d’ailleurs ce que disait un grand homme : « Un esclave qui ne lutte pas pour sa liberté mérite ses chaines ».

L’opposition, les OCS et bien autres couches sociales ont travaillé pour aboutir à un résultat juste. Et ceux qui sont minoritaires aujourd’hui doivent travailler à faire comprendre aux gens qu’ils avaient raison. J’ai entendu Juliette Bonkoungou (NDLR, porte-parole des partis de l’ex-majorité), dire qu’ils n’avaient pas de pardon à demander à qui que ce soit parce qu’ils défendaient aussi une cause juste. Je ne dis pas qu’elle a tort ou elle a raison. S’ils ont travaillé à s’exprimer, qu’ils continuent à le faire. Car maintenant qu’ils sont minoritaires, ils en ont plus que jamais besoin. Ils ont besoin de convaincre les populations. Pour cela ils doivent s’y mettre. La loi leur demande de s’abstenir de chercher le pouvoir pendant 5 ans. Ce n’est pas trop. C’est vite passé. Lorsqu’on veut comparer les durées d’attente, on se rend que cinq ans ne représentent rien aux côtés de 27 ans.

D’ailleurs, la loi frappe d’inégalité ceux qui ont soutenu le projet de modification de l’article 37. Cela pose quand même un problème lorsqu’on parle d’exclusion…

La loi n’a désigné personne. Elle s’applique à tout le monde. Au moment du dépôt des dossiers de candidature, on va analyser les candidatures au cas par cas. Mais si des gens s’auto-éliminent déjà, ils rendent le travail de la justice encore plus facile. La loi est faite en sorte pour que les gens soient responsables de leurs actes et en premier les hommes politiques.

Il y a une maturité politique qui est née. Il faut désormais rester à l’écoute du peuple. Nos ainés doivent se rendre compte que la jeunesse a compris beaucoup de choses en politique. L’acceptation que son fils a grandi ou que son petit frère est maintenant adulte et qu’il décide de son destin est désormais primordial pour les parents. Il faudra admettre cette réalité afin qu’on puisse avancer.
Que les politiques qui posent des actes suicidaires s’attendent à des sanctions. Le premier vice-président, Salif Diallo l’avait dit au meeting de Koudougou. Il avait dit que c’était suicidaire que de vouloir modifier l’article 37.

Vous avez dit que l’ex-majorité est actuellement minoritaire et qu’elle doit de ce fait accepter sa situation même dans l’élaboration des lois. Est-ce parce que vous êtes d’accord avec ceux qui soutiennent qu’il n’existe de justice des vaincus ?

Nous sommes actuellement sur les mêmes pieds. Ce sont les gens qui s’excluent. Pourtant ils doivent penser égalité. Mais si des gens s’excluent devant la loi parce que leur conscience les gronde, nous ne pouvons pas être la conscience de tout le monde. Ce qui est sûr, des actes ont été posés et leurs auteurs doivent y répondre. Les politiques doivent savoir que plus ne sera comme avant.

On a assisté en début du mois à l’opération « Mains Propres » lancée par le gouvernement qui s’est soldée par l’arrestation de plusieurs caciques de l’ancien régime. Est-ce vraiment le moment pour une telle opération ?

Il n’est jamais tard pour bien faire. Et je pense que les priorités après l’insurrection étaient de garantir la sécurité des personnes et de leurs biens. Mais je pense que tôt ou tard, chacun doit répondre de ses actes. Ça fera réfléchir les nouveaux acteurs politiques qui sont en train de se positionner. Car rien ne sera impuni maintenant.

D’aucuns trouvent cette opération sélective. Est-ce que certaines personnalités qui sont maintenant à l’opposition, ne méritent-elles pas de répondre aussi de leurs actes lorsqu’elles participaient à la gouvernance du Burkina ?

Le MPP a été très clair sur cette question. Nous avons dit que nul n’est au-dessus de la loi. Nous sommes prêts à répondre lorsqu’on va appeler certains de nos militants. Chacun étant acteur de la vie politique, s’il est appelé à rendre compte, il ira le faire.

Certains indexent Simon Compaoré, ancien maire de Ouagadougou, dans l’affaire de la réfection de l’hôtel de ville. Est-ce qu’il pourrait répondre un jour ?

Au risque de me répéter, au MPP, et je sais que Simon est notre 2e vice-président, nul n’est au-dessus de la loi. Si un militant du MPP est appelé à rendre compte, il va le faire.

Le Nouveau Code électoral divise actuellement la classe politique burkinabè. Certains voient en lui un facteur d’exclusion. Etes-vous de cet avis ?

Lorsque nous prenons la Constitution, tous les Burkinabè ne peuvent pas devenir président. C’est déjà un cadre pour qu’on ait de meilleurs présidents. Ne devient pas président qui veut mais qui peut. Si on ne se plaint pas des garde-fous qu’on a mis pour avoir de meilleurs présidents, pourquoi se plaindre lorsqu’on ajoute d’autres pour mieux raffiner les critères de choix. Je ne comprends pas cela.

Nous sortons d’une insurrection. C’est comme si on mettait les compteurs à zéro pour recommencer. Mais il faut repartir sur de bonnes bases. Je ne comprends pas leur réaction. Même quand ils contestent la charte. Avant le 31 octobre, tout le monde était averti. Eux y compris. Mais ils ont enfreint à toutes ces règles parce qu’ils pensaient que leur projet allait passer. Et comme le disait le président Thomas Sankara : « c’est un jeu dans un casino. Quand ils gagnaient, il n’y avait pas de problème mais lorsqu’ils ont perdu, ils doivent l’accepter. C’est la règle du jeu ».

Pour les défenseurs de l’exclusion, c’est votre parti le MPP qui influence la transition et de ce fait se sert d’elle pour les empêcher de reconquérir le pouvoir…

On ne peut pas deviner ce que chacun pense pour le corriger. Le MPP est un parti politique. Et le premier objectif d’un parti politique est de conquérir le pouvoir d’Etat. Le MPP travaille à aller à Kossyam en 2015 par les urnes. C’est cela notre objectif. Mais si on fait peur à des gens, on n’y peut rien.

Mais on se rappelle que les premiers soutiens du lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida, lorsqu’il avait pris le pouvoir, venaient de votre parti…

Ce sont des interprétations. Et nous ne pouvons pas empêcher que des gens de mauvaise foi interprètent les choses comme ils veulent. Nous avons soutenu la transition, depuis le début, parce que nous pensons que notre pays a besoin de stabilité pour aller aux élections. Et jusqu’au 11 octobre, la position du MPP a été très claire, nous allons soutenir et accompagner la transition.

On peut le dire sans risque de se tromper que le torchon brûle le MPP, transfuge d’anciens militants du CDP, et leurs camarades restés au CDP….

Le MPP n’a jamais été le transfuge du CDP. Par contre ceux qui sont venus au MPP ont fait une rupture avec la manière dont le pays était géré. En politique, nous sommes des adversaires mais pas des ennemis. Je ne suis pas non plus dans cette dynamique de rentrer dans une lutte fratricide à l’issu de laquelle tout le monde sort perdant. Nous avons un idéal et c’est au peuple burkinabè de choisir qui est en mesure de diriger ce pays. Il faut lui donner cette liberté pour opérer ce choix au 11 octobre.

Vous êtes la fille de George Raymond Marshal qui est proche du CDP alors que vous êtes au MPP. Quelle est la nature de vos relations ?

Je suis la fille de George Raymond Marshal. Parce qu’étant sa fille, il devait me connaitre. Et moi je dois le connaitre. C’est ce qui me fait dire que la classe politique s’enrichit aujourd’hui. Nous avons la liberté de dire ce qu’on pense sans pour autant penser que l’autre est son ennemi.

M. Marshal sait que je suis une femme engagée qui assume ses actes et qui dit ce qu’elle pense. J’ai cette liberté. Je sais que mon père est aussi un homme qui dit ce qu’il pense et je le laisse faire. C’est le peuple burkinabè qui devra choisir qui de nous a raison.

Parlez-vous souvent de la politique ?

Oui mais pas trop. J’occupe un poste de responsabilité dans mon parti. Lui, il est un militant. Il y a des moments qu’on parle de sujets d’ordre général. Je préfère ne pas rentrer dans les détails de ma vie politique. On est assez démocratique pour que chacun puisse dire ce qu’il pense. Et je pense que petit à petit, je vais l’amener à nous.

Après la chute de Blaise Compaoré, certains avaient nourri l’espoir que certains dossiers pendants en Justice allaient connaitre un dénouement. Il s’agit notamment des dossiers Thomas Sankara, Norbert Zongo, Dabo Boukary, etc. Mais visiblement les choses n’avancent pas…
Je ne suis pas d’accord lorsqu’on dit que rien n’avance. Nous avons beaucoup avancé. Qui aurait dit, il y a environ huit mois que la tombe du Capitaine Thomas Sankara serait mise sous scellé.

N’est-ce pas une manière de botter en touche les réclamations des populations ?

Lorsqu’on dirige un pays, il faut souvent prendre le temps pour bien faire les choses. Il ne faut pas vouloir aller vite parce qu’on vous met la pression au risque de bâcler le travail. Et la justice veut que quand on accuse quelqu’un, qu’on lui laisse le temps de préparer sa défense. Les personnes mises en accusation devraient pouvoir préparer leur défense. Ce n’est pas parce qu’on pense que telle personne est coupable qu’il faut tout de suite l’arrêter. On a fait 27 ans pour arriver à cette situation. Nous devons prendre le temps nécessaire pour juger les personnes afin d’éviter que des innocents soient accusés à tort. Il faut aujourd’hui clarifier les dossiers. Et je pense qu’aucun dossier ne va rester sans être clarifié.

Avec ou sans le MPP ?

Le MPP est une force politique. Nous prônons cette vision de tout clarifier parce que le peuple burkinabè a besoin de tout comprendre. Et nous sommes prêts pour aller faire comprendre ces choses.

Les élections d’octobre avancent à grands pas, comment les préparez-vous ?

Comme tout parti politique, nous avons fini de mettre en place nos structures sur toute l’étendue du territoire. Nous sommes actuellement en plein enrôlement, nous suivons nos zones afin d’avoir le maximum de personnes inscrites pour aller aux urnes. Nous appelons nos militants et sympathisants à rester en veille jusqu’au 31 janvier 2016 parce qu’il y a aussi les élections municipales. Les gens se focalisent sur la présidentielle et les législatives qu’ils oublient que nous avons les municipales. Nous nous préparons donc pour toutes ces échéances. Ce n’est pas facile. Mais nous avons des équipes dynamiques, des militants très engagés et je suis sure de notre victoire parce que nous travaillons pour cela.

On reproche également à votre parti de conditionner dès maintenant ses militants à une victoire certaine. Est-ce que vous ne faites pas courir un risque inutile au Burkina ?

Ce sont de mauvais joueurs qui disent cela. Sinon nous avons dit qu’il faut accompagner la transition afin qu’on ait des élections libres, transparentes et apaisées. Il est clair que le MPP acceptera les résultats qui sortiront des urnes parce qu’il y aura tout un accompagnement pour ces élections et je ne pense pas qu’on puisse frauder aujourd’hui dans ces élections si nous laissons la transition faire son travail. Nous accompagnons la transition parce que nous ne voulons pas de résultats contestés.

Plusieurs forces politiques sont actuellement en compétition. Quelles sont les chances de votre parti ?
Au premier Tour !
A un quart de tour ?
Un coup K.O !

Propos recueillis par Jacques Théodore Balima
Lefaso.net

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