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Journée nationale du Paysan : Le manque de financements plombe la pratique de l’agriculture

Publié le jeudi 23 avril 2015 à 02h08min

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Journée nationale du Paysan : Le manque de financements plombe la pratique de l’agriculture

La 18e édition de la journée nationale du paysan(JNP) se tient du 23 au 24 avril 2015 dans la Boucle du Mouhoun à Dédougou sous le thème : « Accroitre la productivité des exploitations agricoles familiales pour l’atteinte de la souveraineté alimentaire au Burkina Faso ». Les Editions Lefaso.net a pour l’occasion réalisé une interview avec Nonyeza Bonzi, Président de la Chambre régionale d’agriculture (CRA) de la région de la Boucle du Mouhoun, et Président de l’Union des groupements pour la commercialisation des produits agricoles (UGCPA) de la Boucle du Mouhoun. Il est par ailleurs le Vice-Président du Comité d’organisation régionale de la JNP. En homme averti des questions agricoles, Monsieur Bonzi décortique les difficultés qui minent l’activité agricole dans la Boucle du Mouhoun, au Burkina et en Afrique. Il lance un SOS pour le fleuve Mouhoun.

Lefaso.net : Dédougou abrite pour la deuxième fois la journée nationale du paysan (JNP) après 1998, en tant que Président de la chambre régionale d’agriculture quels sont les sentiments qui vous animent ?
Nonyeza Bonzi :
Nous avons des sentiments de joie et cela s’explique pour nous parce que la région de la Boucle du Mouhoun est surnommée grenier du Burkina. Après avoir organisé la JNP de 1998, la 18ème édition se tient encore dans notre région. En tout cas, je pense que c’est une opportunité pour les producteurs de cette région d’être fiers d’abriter cette JNP. Ça serait l’occasion encore pour qu’ils puissent à travers leurs productions et leurs produits démontrer à l’opinion nationale le rang qu’ils occupent au niveau du pays en termes de production. Donc avoir cette opportunité doit forcements réconforter les acteurs au niveau de la région

Lefaso.net : Quelles sont aujourd’hui les difficultés qui minent l’activité agricole dans la région ?
Nonyeza Bonzi :
Au niveau de la région voire dans tout le Burkina et en Afrique de façon générale, si on doit vraiment être franc et si on se réfère à notre thème de cette année, aujourd’hui la difficulté principale des exploitations agricoles c’est l’accès aux crédits. En effet, tous les produits que les institutions financières présentent aux acteurs sur le terrain, jusque-là, il n’y a vraiment pas un produit qui est adapté à la réalité de la production agricole. Puisque que le crédit est généralement accordé pour 12 mois. Alors qu’une production commence d’abord du semi jusqu’à la commercialisation. Une période qui équivaut en moyenne à 18 mois. Tandis que tous les produits et crédits proposés sont autour d’une année. Ça fait qu’aujourd’hui quoiqu’on dise même si le producteur arrive à accéder à un crédit, ce crédit lui revient à la dernière minute très chère. Et donc la vraie difficulté est vraiment à ce niveau. Deuxièmement, on sait qu’aujourd’hui de plus en plus avec les effets des changements climatiques, il faut que les producteurs dans leurs exploitations fassent un certain nombre d’aménagements. Le crédit étant cher, l’accessibilité étant compliquée, les gens se content donc aujourd’hui d’utiliser les moyens dont ils disposent. Et dès qu’il y a quelques calamités, ça complique la situation. Et pire encore, ces institutions tiennent ça comme élément de risque pour ne pas accompagner les agriculteurs. Voilà un peu la grosse difficulté qui bloque vraiment l’émergence des exploitations familiales les empêchant de devenir des micros entreprises performantes.

Lefaso.net : Toujours dans la même logique des difficultés, en plus de la présidence de la CRA, vous êtes également le Président de l’Union des groupements de commercialisation des produits agricoles (UGCPA) de la Boucle du Mouhoun. A ce niveau, ne rencontrez-vous pas des difficultés d’écoulement des produits agricoles ?
Nonyeza Bonzi :
Bien sûr parce que la question de l’écoulement constitue aujourd’hui également l’un des véritables problèmes au niveau des exploitations agricoles. Hormis le coton qui est dans un système où avant que le producteur ne produit, il sait à combien il va vendre, toutes les autres spéculations ne sont pas dans cette logique. Pire pour une année, le producteur peut peut-être faire une bonne campagne de commercialisation. Mais peut-être deux ou trois ans encore, il va être là. Les économies qu’il avait pu dégager sur la campagne de commercialisation réussie, il est obligé de perdre tout et de reprendre vraiment à zéro. Aujourd’hui notre cri de cœur envers les autorités et les différents partenaires c’est de vraiment réfléchir à un dispositif où il va avoir un mécanisme du prix minimum garanti des productions dans les différentes régions du pays. Une fois que ce prix minimum garanti sera déterminé, les gens aussi feront les investissements en fonction de ça. Mais si c’est vraiment pour jouer à la loterie pendant que c’est la même production qui est source de sécurité alimentaire ou de souveraineté alimentaire je pense qu’il y a cas même un problème.

Lefaso.net : Qu’est-ce que vous, agriculteurs, espérez de la 18e Journée nationale du paysans ?
Nonyeza Bonzi :
Nous savons très bien que notre pays est en train de traverser une période de transition où le gouvernement ne peut pas tout faire. Mais il y a un certain nombre de secteurs qu’ils ont jugé prioritaires sur lesquels il faut vraiment maintenir le cap. Et nous pensons qu’au niveau de la production agricole surtout céréalière, pour assurer la sécurité alimentaire du pays, les autorités de la transition doivent y réfléchir. Elles doivent faire de sorte que la campagne qu’on va démarrer soit une campagne qui va voir la réalisation concrète du minimum d’action qu’elles vont juger vraiment nécessaire pour qu’on puisse booster la production. En effet, on s’est rendu compte que les discours dépassent un peu souvent les actions sur le terrain. Chose qui crée des conflits sur le terrain parce que tenir un discours dans une radio ou une télévision veut dire que vous voulez sensibiliser l’opinion. Les producteurs dans leurs exploitations suivent ces messages. Par la suite concrètement les gens ne voient rien. Donc aujourd’hui, on pense qu’avec la JNP qui va se tenir, il faut un changement de comportement. Cela d’ailleurs été traduit dans toutes les rencontres qu’on a organisées notamment les forums, l’atelier d’appropriation de la JNP, les forums régionaux. On a tenu à dire qu’il ne faut pas que les gens soient là à proposer des tonnes des problèmes qui ne peuvent même pas être résolus à moins de 10 ans. Nous avons demandé aux gens de vraiment aller dans les priorités surtout ce qui concerne la campagne 2015-2016. Il s’agit de voir qu’est-ce que les producteurs jugent utile pour cette campagne 2015-2016 dans leur région. On n’est plus là vraiment à faire une longue liste de préoccupations et dire aux autorités de la transition de trouver la solution. Il s’agit pour chaque région d’aller vraiment à l’essentiel. On pose le problème sur les aspects qu’on juge urgents et nécessaires dans notre région. Puis on va aussi écouter les autorités. Que les producteurs ne viennent pas donner une longue liste de préoccupations et que les autorités aussi les quelques préoccupations qu’ils vont poser qu’elles les prennent aussi en compte et essayer d’accompagner pour qu’on puisse avancer dans notre pays.

Lefaso.net : Dans la région de la Boucle du Mouhoun quelles sont les priorités urgentes qui se dégagent ?
Nonyeza Bonzi :
Dans la région de la Boucle du Mouhoun, en fonction de tous les secteurs d’activités, il y a un certain nombre de préoccupations qui doivent être encore bien raffinées pour poser le problème de façon claire. Mais, nous savons tous que c’est le fleuve Mouhoun qui est la ressource en eau dont la région dispose. Tous nos aménagements tournent au tour du fleuve Mouhoun. Est ce qu’il faut rester à observer jusqu’au jour où le fleuve Mouhoun va vraiment être beaucoup plus ensablé avant de chercher une solution ? Nous trouvons que non. Les autorités doivent d’ores et déjà faire appliquer un certain nombre de textes qui existent pour protéger cette ressource au profit de tous les acteurs. L’eau comme les gens ont l’habitude de le dire c’est la vie. Et aujourd’hui compte tenu des changements climatiques pour vraiment maitriser la production, il faut que la ressource en eau soit disponible à tout moment. Donc, la ressource que vous avez c’est de faire de telles sortes que cette ressource-là ne vous échappe pas. Dans notre cas, ce n’est pas seulement les riverains qui sont au tour du fleuve seulement qui bénéficient mais si les gens respectent un certain nombre de principes ça va être profitable à tout le monde. C’est un exemple des préoccupations au niveau de la région de la boucle du Mouhoun.
Lefaso.net : Quel point faites-vous de l’organisation ?
Nonyeza Bonzi :
On sera au rendez-vous. Pour ce qui concerne l’organisation pratique sur le terrain, on est prêt. A la date d’aujourd’hui je pense qu’à notre niveau on est suffisamment prêt pour accueillir la Journée nationale du paysan.

Lefaso.net : Quelles seront les grandes étapes de la journée nationale du paysan ?
Nonyeza Bonzi :
L’accueil des producteurs va se passer le 22 avril. Le 23 matin c’est l’ouverture officielle du forum et des trois ateliers sous sectoriels notamment agriculture, ressources animales et puis environnement. Et le 24, c’est la cérémonie proprement dite et avec l’ouverture de la foire agro-sylvo-pastorale faunique et halieutique. Et le samedi 25, ce sont les rencontres directes et échanges avec son excellence monsieur le Président du Faso.

Lefaso.net : Quel appel avez- vous à l’endroit des agriculteurs, des populations de la Boucle du Mouhoun quant à leur mobilisation au tour de la JNP ?
Nonyeza Bonzi :
Le message que j’ai à lancer à l’endroit des producteurs de la boucle du Mouhoun c’est de faire en sorte que cette fête soit une réussite pour tout le monde. D’abord c’est un cadre pour valoriser le métier d’agriculteur. Et étant nombreux au niveau de région, je pense que c’est un créneau sur lequel ils doivent manifester leur adhésion pour témoigner aussi aux autorités que leur activité leur tient à cœur. Ils doivent signifier à ceux qui les défendent jour et nuit, qu’ils les soutiennent. Une fois que cette mobilisation est constatée sur le terrain, je pense que les autorités aussi verront bien ce qu’il faut faire afin que les populations puissent vivre à l’aise. C’est une occasion pour nous de montrer effectivement que la Boucle du Mouhoun est la région la plus grande en termes de province et aussi en termes de production. Donc si on voit que la population qui est dans cette région est beaucoup plus engagée, je pense que cela va encore nous ouvrir plus de portes pour avancer. C’est pour ça que j’invite tous les producteurs et productrices à tout faire pour faire le déplacement pour voir comment cette cérémonie va se dérouler. Cela va leur permettre de connaitre les propositions et les engagements que les uns et les autres prendront pour faire avancer la production agricole. Pour ce qui concerne la population de Dédougou nous l’invitons à être courtoise avec les participants, à accueillir les gens de la façon qu’il faut

Propos recueillis par Ibrahima TRAORE
Lefaso.net

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