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Soutenance de thèse : L’abbé Jean-Paulin Ki prêche pour la prise en compte des savoirs locaux dans la protection des écosystèmes

Publié le jeudi 9 avril 2015 à 17h01min

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Soutenance de thèse : L’abbé Jean-Paulin Ki prêche pour la prise en compte des savoirs locaux dans la protection des écosystèmes

« Populations et environnement au Burkina Faso : étude sur la protection des écosystèmes terrestres dans la province du Nayala » ; tel est le sujet de la thèse de doctorat unique en sociologie brillamment défendue par l’abbé Jean-Paulin Ki le 20 mars 2015 à l’Université Cheick Anta Diop de Dakar. Le jury de six membres présidé par le Pr Cheikh Amadou Dieng, avec pour directeur de thèse le Pr Moustapaha Tamba, lui a décerné la mention « Très honorable ».

La province du Nayala qui se situe au Nord-Ouest du Burkina Faso, a une superficie de 3873 km2 avec une population de 163 433 habitants, constitués de paysans à 99%. Les groupes linguistiques qui y vivent sont les Sanan, les Marka, les Mossi, les Gourounsi, les Peulhs, Selon les données des recensements de 1985, 1996 et 2006, la province connaît une forte croissance démographique avec un taux de 2,37%.

Tout comme dans le reste du pays, l’auteur note que le rapport des populations avec l’environnement est essentiellement un rapport d’exploitation et de consommation - parfois même un rapport de gaspillage et de destruction - des ressources naturelles. En effet, les feux de brousse, le braconnage, les défrichements itinérants sur abattis-brûlis, la divagation des animaux, etc. sont autant de pratiques sociales dont les conséquences pour l’environnement sont la dégradation des écosystèmes, et pour la société, la vulnérabilité et les conflits.

Interpellé par cette dynamique des rapports entre populations et environnement, l’auteur s’est interrogé sur comment ces populations concilient les nécessités de survie et la durabilité des écosystèmes.

Au bout de plusieurs années de recherches, il a abouti à des conclusions permettant de mieux comprendre cette problématique. Ainsi, il ressort que les usages sociaux de l’environnement géophysique, au Nayala, les systèmes de production agro-sylvo-pastoraux conditionnent la protection durable des écosystèmes terrestres. En effet, les populations rurales du Nayala ont évolué d’une économie d’autosubsistance de type familial à une économie à mi-chemin entre le moderne et le traditionnel. Dans ces systèmes de production, les espèces végétales, fauniques et les sols sont à la fois assujettis à la destruction et à la protection.

Ensuite, les perceptions et les représentations socioculturelles ont une grande influence sur la protection durable des écosystèmes terrestres. À une époque où la population dans les villages était restreinte, celles-ci se sont construites autour de la nature et de ses ressources comme des biens inépuisables et objets de prédation à volonté dans les limites des interdits religieux. Mais, actuellement, à cause de l’accroissement naturel de la démographie et des phénomènes migratoires, les rapports des populations avec l’espace ainsi que les représentations et les usages ont changé. Par conséquent, les relations sociales autour des ressources naturelles sont devenues plus conflictuelles, les interdits religieux et lois modernes moins respectés.

Il ressort aussi que les différentes crises économiques et la mondialisation ne sont pas sans incidence négative sur la protection des écosystèmes dans la province du Nayala. En effet, la pauvreté engendrée dans un contexte de marché libéral et de vie chère pousse les populations à se rabattre sur les ressources naturelles (ressources fauniques, ligneuses, minérales, …) comme principales sources de revenus. Une telle situation complexifie la lutte en faveur de la protection et même de l’utilisation durable des ressources naturelles.

Le contexte actuel de la décentralisation au Burkina n’est pas non plus sans effet, car, tout en favorisant la protection des écosystèmes terrestres par l’implication et la responsabilisation des populations locales, il complique la gestion des ressources naturelles par l’élaboration de lois non toujours accordées avec les modes de gestion locale et coutumière du foncier rural.

Enfin, la recherche de Jean-Paulin Ki a montré que dans la province du Nayala, les pratiques de protection des écosystèmes terrestres (reboisements, cordons pierreux, création de zones cynégétiques et de forêts villageoises) sont finalement des stratégies d’adaptation aux changements climatiques, de subsistance et de développement durable.

En définitive, cette recherche aura permis de comprendre l’importance des savoirs locaux dans la protection des écosystèmes et qu’il n’y a pas de véritable développement durable sans la coopération des populations locales aux projets de développement initiés par l’État, les ONG et Associations. Soulignant ainsi qu’on ne devrait jamais perdre de vue le lien populations-environnement-développement.

Cyriaque PARE
Lefaso.net

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