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Juste Nansi, directeur de IRC Burkina : « Il faut passer à une approche de service pour favoriser l’accès à l’eau potable et à l’assainissement »

Publié le mardi 24 février 2015 à 19h57min

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Juste Nansi, directeur de IRC Burkina : « Il faut passer à une approche de service pour favoriser l’accès à l’eau potable et à l’assainissement »

Juste Hermann Nansi est le directeur pays du Centre international pour l’eau et l’assainissement (IRC), organisation non gouvernementale néerlandaise. Rencontré en marge du forum national de l’eau, Nansi se prononce dans cet entretien sur la vision de son organisation pour le développement du secteur de l’eau et de l’assainissement ; et sa participation audit forum.

Lefaso.net : Parlez-nous de IRC et de sa contribution pour ce deuxième forum national de l’eau ?

Herman Juste Nansi : IRC est un centre d’expertise qui développe et promeut des solutions pour améliorer les services d’eau et d’assainissement, notamment en zone rural et semi-urbaine. Nous travaillons au Burkina Faso depuis une vingtaine d’années, nous avons installé un bureau opérationnel sur place depuis trois ans. Nous travaillons au niveau communal à accompagner des collectivités à organiser et gérer leurs services d’eau et d’assainissement. Nous accompagnons aussi les autorités nationales aussi au niveau de la coordination et du pilotage du secteur de l’eau et de l’assainissement. A la différence de la plupart des autres intervenants qui essaient de construire directement des infrastructures, nous nous essayons de compléter ce que ces différentes organisations font en nous attardant davantage sur comment organiser et gérer les services. Et ce n’est pas une question simple parce que si vous achetez une voiture et qu’il n’y a pas de chauffeur ou si vous ne savez pas conduire, la voiture ne bougera pas. Il en est de même dans le secteur de l’eau. Si vous construisez une pompe ou si vous réalisez une latrine, la latrine ne va pas fonctionner toute seule, elle ne va pas rendre le service pour laquelle elle est construite. De la même manière, la pompe ne va pas fournir de l’eau s’il n’y a pas quelqu’un qui s’occupe de l’entretenir, de la réparer si elle tombe en panne. C’est à ces questions qu’IRC s’intéresse. Et nous sommes particulièrement heureux de participer à ce deuxième forum national de l’eau pour lequel nous avons accompagné le gouvernement, le ministère en charge de l’eau depuis le début du processus. Je suis assez fier de voir aujourd’hui et d’entendre les différentes personnalités se prononcer sur le thème. Thème que nous avons proposé et qui a été adopté, à savoir celui de l’accès permanent pour tous à l’eau et à l’assainissement à l’horizon 2030 pour le Burkina. Pour nous, une chose est de partager cet objectif et l’autre, c’est de faire en sorte que cet objectif soit atteint. En retournant un peu dans le passé, on se rend bien compte qu’on s’était engagé à diminuer de moitié le nombre de ceux qui n’avaient pas accès à l’eau et à l’assainissement. On n’y est pas arrivé. Ce qui fait qu’aujourd’hui ce qui nous intéresse davantage dans ce nouvel engagement qu’on prend de fournir l’eau et l’assainissement pour tous ; c’est comment on s’y prend, comment on procède pour réussir. Nous pensons que c’est de ces questions que nous devrions discuter. En cela l’élément du thème qui parle de solutions concrètes et d’engagements des parties prenantes est un élément essentiel. Nous pensons que le premier acteur qui est interpellé sur l’efficacité et les performances dans la gestion des services d’eau, c’est l’Etat. L’eau est un service public, l’assainissement et l’hygiène sont des services publics, ils relèvent de la responsabilité première de l’Etat. C’est un droit pour les citoyens de vivre dans un environnement sain et d’avoir accès à l’eau potable. Nous pensons fondamentalement que l’Etat doit réexaminer, repenser ses modalités d’organisation, de gestion du secteur, de développement des services. Je me réjouis d’entendre qu’il faut passer d’une approche d’infrastructure à une approche de service. Cela fait partie des discours que IRC tient et défend depuis plusieurs années. Parce qu’on avait trop pensé ce secteur comme s’il suffisait de faire des travaux pour que les problèmes soient réglés. Il faut radicalement se mettre dans une logique de développer des services, de veiller à la qualité des services qui sont fournis aux populations. Par exemple ce qui vous réjouit, ce n’est pas qu’il y ait une pompe au village, mais c’est de s’assurer que votre tante, votre oncle, votre sœur, votre cousine ont de l’eau à cette pompe à chaque fois qu’ils y vont. C’est ça la différence entre l’approche infrastructure qui se contentera seulement de vérifier s’il y a une pompe et l’approche service qui s’assurera qu’à chaque fois que votre sœur, votre tante va au point d’eau, qu’elle arrive à avoir la quantité et la qualité d’eau dont elle a besoin. L’approche service permet aussi de s’assurera que ce point d’eau se trouve à une distance qui permet aux habitants de satisfaire leurs besoins. Voilà un peu les éléments que nous défendons et qui justifient notre participation à ce forum et notre contribution au secteur de l’eau.

Quelles sont les principales actions menées par IRC au Burkina Faso depuis l’ouverture le 17 septembre 2012 de son bureau de Ouaga ?

Depuis qu’on a ouvert notre bureau du Burkina, nous avons travaillé dans la région du Sahel sur les questions de l’eau à l’échelle de huit communes que nous avons accompagnées à repenser et à réfléchir sur comment prendre en charge la gestion de leurs services d’eau. Au moment où nous avons démarré avec ces communes, la seule chose qu’elles maîtrisaient, c’était le nombre de points d’eau qu’il leur fallait pour combler le gap et atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). C’est très juste, mais ce n’est pas suffisant. Parce que toute la population reconnaissait que les points d’eau existants ne fonctionnaient pas de façon satisfaisante. Nous avons donc accompagné les communes à commencer à comprendre ces problèmes, à comprendre les modes de gestion mis en place et les difficultés auxquelles sont confrontées ces mécanismes de gestion, et progressivement à développer des solutions pour les régler. Nous sommes en train de boucler, le projet va prendre fin au cours du mois de juin 2015. Nous sommes contents aujourd’hui de voir qu’au moins à l’échelle des communes où nous avons travaillé, il y a cette capacité à prendre en charge et à suivre la gestion. Prendre en charge et suivre, parce que c’est l’absence du suivi qui faisait que personne n’avait conscience des problèmes. Une fois qu’on a pris conscience des problèmes, il faut pouvoir les régler. Nous avons démarré en juin dernier au niveau de six communes de la région de l’est un processus similaire sur les questions d’assainissement. Nous bénéficions là d’un soutien de l’Union européenne (UE) pour un projet de quatre ans. On a le soutien de l’UE pour réaliser autour de 15 000 latrines. Les 15 000 latrines couvriront à peine les besoins de 160 000 habitants alors que nous avons près de trois millions de personnes qui résident dans cette région. Il faut réfléchir sur les solutions par rapport à cette situation. On sait que l’Etat n’aura jamais les moyens de subventionner tout le monde pour avoir la latrine chez lui. Disons-nous la vérité, avec la bonne volonté cela ne suivra pas, surtout avec le taux de 3% de croissance démographique chaque année. Cela signifie que tous les ans, on aura toujours de l’argent à y injecter. Est-ce qu’il n’y a pas un moyen que ceux qui sont un peu plus nantis, les ressortissants de ces zones viennent en appui à leurs parents au village pour s’équiper. Cela viendra en complément à ce que l’Etat aura pu apporter. Nous accompagnons donc ces communes pour qu’elles arrivent à combiner ces deux solutions-là pour que l’expérience se poursuive à la fin du projet. Sinon, ce qui arrive généralement, c’est qu’à la fin du projet, il n’y a plus d’argent, de subventions, il n’y a plus de latrines, il n’y a plus de développement. Et pourtant les problèmes sont là et doivent être pris en charge. Des gens, comme vous et moi, pouvons quand même prendre au moins une famille à l’échelle de nos villages. Si on essayait à chaque fois de le faire, cela contribuerait à avancer. Comme le disait un très célèbre président, on ne peut quand même pas aller supplier les Blancs pour avoir de l’argent pour manger et en plus les supplier pour chier. Prenons une part de responsabilité dans la recherche de solutions à ces problèmes. Et nous pensons que ces solutions doivent être adoptées au niveau national, on ne peut pas se contenter de les expérimenter à l’échelle locale, mais il faut les prendre en compte au niveau national. Cela fait partie des solutions que nous allons pousser dans le cadre de ce forum.

Propos recueillis par Grégoire B. Bazié
Lefaso.net

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