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Pascal Tapsoba, coordonnateur général par intérim du mouvement « ça suffit » : « Il n’y a pas deux mouvements ça suffit »

Publié le mardi 6 janvier 2015 à 01h32min

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Pascal Tapsoba, coordonnateur général par intérim du mouvement « ça suffit » : « Il n’y a pas deux mouvements ça suffit »

Nous avons reçu l’actuel coordonnateur général par intérim du mouvement « ça suffit », Pascal Tapsoba venu nous entretenir sur les dernières évolutions de la crise que traverse l’organisation de la société civile. Il n’y a pas deux mouvements « ça suffit », l’ancien coordonnateur général, Aziz Sana a été exclu, nous allons continuer d’exister et nous allons recadrer nos objectifs pour d’autres batailles, nous dit en substance l’intérimaire. Il nous informe par ailleurs que des plaintes ont été déposées au CNT, au conseil constitutionnel et au MATDS contre l’ancien coordonnateur pour usage de faux. Entretien réalisé aux dernières heures de 2014.

Lefaso.net : Quels étaient les objectifs du Mouvement « ça suffit » à sa création ?
Pascal Tapsoba :
Le Mouvement à sa création avait six objectifs. La lutte contre la mal gouvernance, l’injustice, la vie chère, la lutte pour la démocratie, les libertés, et la cause de la jeunesse. Mais au regard du contexte dans lequel le mouvement est né (modification de l’article 37 et mise en place du sénat), on a axé notre lutte sur ces deux faits en nous associant à l’opposition politique d’alors et aux autres organisations. Aujourd’hui on peut dire que le bilan est positif, on ne parle plus de sénat ni de référendum, le pouvoir de Blaise Compaoré est tombé, maintenant nous allons réorienter notre lutte vers nos objectifs initiaux.

Le mouvement a-t-il encore droit de citer, quand on sait que la donne a changé ?
On a effectivement entendu l’ancien coordonnateur dire que le mouvement n’a plus de raison d’être. Mais nous allons continuer. Notre objectif n’était pas seulement d’empêcher la modification de l’article 37 et la mise en place du sénat. Nous ne nous battions pas non plus pour une histoire de CNT (Ndlr. Conseil national de transition). Ce n’est pas parce que la transition et le CNT sont en marche qu’on doit laisser tomber la lutte. Nous continuerons à lutter pour la cause de la jeunesse, pour la formation, l’emploi. Nous allons peser de notre poids pour que notre gouvernement prenne à bras le corps, le problème de la jeunesse. En plus, la quête de la démocratie est une lutte permanente et le mouvement va toujours s’inscrire dans cette dynamique.

Dans quel contexte assurez-vous l’intérim du mouvement ?
L’ancien coordonnateur du mouvement n’assure plus cette fonction, sa place est vacante depuis. Lors de la présentation de notre bilan, les membres du bureau ont demandé que je tienne la coordination générale jusqu’à l’assemblée générale en fin mars qui verra la mise en place d’un nouveau bureau. Le mouvement « ça suffit ». est unique et il reste solidaire en son sein. Il n’y a pas deux mouvements « ça suffit ». L’ancien coordonnateur général, Aziz Sana a été exclu du mouvement, la procédure d’exclusion de l’ancien Chargé à la formation politique, Alexis Bazié est en cours.

Le mouvement « ça suffit » a-t-il un récépissé ? Celui que vous avez qualifié d’ancien coordonnateur a entrepris des démarches dans ce sens…
On a appris que le camarde Aziz Sana a introduit une demande de récépissé, nous qualifions cela d’usage de faux. Il a utilisé nos textes pour créer un autre mouvement, un autre bureau. Le vrai mouvement existe pourtant. On ne pouvait pas avoir de récépissé pendant le régime de Blaise Compaoré. On a déposé une demande de récépissé qui a été rejetée par l’ancien SG du MATDS. Il nous avait dit à l’époque que le nom de notre mouvement était excessif, et agressif.
Puisque nous n’avons pas de récépissé, Aziz Sana quand il était en procédure disciplinaire, a entamé des démarches pour avoir le récépissé pendant qu’il était contesté dans le mouvement. Il a entamé cette demande avant même son exclusion du mouvement. Nous avons interpellé le ministre de l’administration territoriale pour attirer son attention sur les faits et lui expliquer ce qui se passait réellement. On a aussi déposé une plaine au niveau du CNT puis au conseil constitutionnel.

Quel genre de plainte ?

Nous avons lancé une procédure disciplinaire à l’encontre d’Aziz Sana qui n’a pas répondu. Nous avons ainsi cité un certain nombre de faits qui ont conduit à l’exclusion totale du mouvement. Nous avons déposé ces faits au CNT qui lui sont reprochés avec la signature de 48 membres, à l’issue d’une assemblée générale tenue le 1er décembre 2014.

Aziz Sana se réclame toujours du mouvement « ça suffit ». Vous estimez que le rapport de force vous est favorable ?

On le rappelle, il n’y a pas deux camps, personne n’est contre la personne de Aziz Sana. Il n’a pas seulement respecté nos textes et il y a eu des évènements qui se sont passés depuis janvier 2014. On peut citer entre autres les accointances politiques, des financements qu’on a appris au nom du mouvement… il y a donc beaucoup de faits qui ont conduit à l’exclusion de sa personne. Ce n’est donc pas une histoire de CNT. On ne s’attendait pas à avoir gain de cause après la lutte, nous avons lutté par conviction.

Autre chose, comment avez-vous vécu les derniers instants du régime déchu ?
Depuis la grande mobilisation du 28 octobre, il y avait des signes qui montraient que le régime allait tomber. Nous avons mené la lutter aux côtés d’autres mouvements et de l’opposition politique. Le 30 depuis 7h, nous étions sur le terrain. Aux environs de la BECEAO, les militaires en faction avaient braqué les armes sur les manifestants, quand ils ont baissé les armes, nous y avons vu un bon signe. Nous avons su que les militaires étaient de notre côté et qu’ils ne tireraient pas sur nous, cela nous a motivé. C’est ainsi que nous avons pu progresser jusqu’à l’assemblée nationale.

Que s’est-il passé à l’assemblée nationale, on a cru entendre que vous avez aidé à exfiltrer certains leaders politiques ?
Il y a des gens qui ont commencé à casser une fois à l’assemblée nationale, mais nous nous sommes occupés de l’exfiltration des députés de l’opposition pour les mettre en sécurité. Quand nous sommes entrés à l’assemblée nationale, on a cherché les loges. J’ai croisé le Poé Naaba (Ndlr. Justin Compaoré à l’état civil, ancien député sous la bannière de l’Union pour le changement et le progrès) et je lui demandé de venir pour qu’on le sorte pour mettre en sécurité. Il nous a dit de voir dans les loges fermées à clé parce qu‘il y avait des dames cachées et qui ne voulaient pas sortir. On a insisté et on a pu les sortir pour les envoyer à la direction générale des douanes en face pour les mettre en sécurité, ceci avec l’aide des camarades du mouvement et des militants d’autres mouvements.

Comment appréciez-vous le déroulement de la transition ?
Au regard des problèmes qu’il faut résoudre, le temps passé est peu pour avoir des résultats tangibles. Le régime déchu qui était en place depuis 27 ans a laissé d’énormes problèmes et ce n’est pas facile aux autorités actuelles de les résoudre en une année. Tout ne va pas bien, mais il y a des efforts qui sont faits.
Mais à mon humble avis, beaucoup de travail attend les ministres et l’ensemble des organes. Il y a trop problèmes. Quand on prend au niveau du ministère de l’habitat et de l’urbanisme, il y a le problème de parcelle. Certains citoyens ne peuvent pas avoir une seule pendant que d’autres ont 50 et plus. Il faut que la transition travaille sur ces problèmes. Il faut simplement intégrer un système informatique crédible, un système d’archivage informatique pour éviter les détournements de parcelles.
De façon générale il faut informatiser l’administration. Cela va beaucoup limiter les fraudes sur plusieurs dossiers, la corruption, tout chose qui va favoriser la transparence tout en nous empêchant de retomber dans les mêmes travers du régime anti-démocratique déchu. Il y a des centaines de milliers de fonctionnaires fictifs qui continuent de toucher leurs salaires. Sans un système informatique crédible, on ne pourra jamais les détecter.

Certains ministres sont jusque que là contestés, des organisations de la société civile se sont prononcées, quelle est la position du mouvement « ça suffit » ?
Pour le moment, on n’a pas assez d’éléments pour donner notre point de vue. Nous savons seulement que la charte de la transition dit qu’aucun membre du gouvernement ne peut être de mauvaise moralité. S’il est vrai que les faits qui sont reprochés au ministre sont avérés, s’il reste dans le gouvernement, il va se poser un problème de crédibilité.

Les travailleurs du ministère ont animé une conférence de presse, le ministre en a fait autant, n’avez-vous toujours pas assez d’éléments pour avoir une position ?
Il ne faut pas seulement voir les conférences de presse, mais les preuves. On a vu sur internet, des papiers qui attestent qu’il a fait la prison. Il avait d’abord dit qu’il avait seulement été arrêté, après je pense qu’il a accepté le fait d’avoir été enfermé. Mais on attend et nous voulons seulement que la transition soit crédible, et qu’elle tienne compte de la charte.

Quelles sont les perspectives du mouvement dans les jours et mois à venir ?
Nous avons des dossiers en instance au niveau du conseil constitutionnel et du MATDS. Nous déplorons la lenteur dans le traitement de ces dossiers. Compte tenu de l’urgence, ces problèmes devraient être résolus depuis le début du mois de décembre 2014. Cette lenteur constitue pour un blocage parce qu’il y a des activités qui sont prévues. Nous avons des ONG qui veulent nous aider, nous avons des formations en vue, mais avec les dossiers en instance, nous ne pouvons pas faire grand-chose.
Dès que ces problèmes sont résolus, nous allons recentrer nos objectifs sur la cause de la jeunesse, lui permettre de bénéficier de formations politiques et professionnelles. La jeunesse sera au centre de nos actions en 2015, mais nous allons continuer aussi à veiller sur les organes de la transition jusqu’aux élections.
Nous n’oublierons pas de réclamer la justice au niveau des crimes de sang et économique commis par l’ancien régime, sans quoi il y aura un gout n’inachevé.

Un dernier mot…
Au nom du mouvement, je voulais saluer la mémoire de ceux qui ont perdu la vie suite à l’insurrection populaire et tous ceux qui ont été assassinés bien avant (Nobert Zongo, Thomas Sankara) et qui nous ont transmis des valeurs d’intégrité. Ce sont toutes ces valeurs qui nous ont permis au peuple de triompher du régime déchu.
A l’ensemble du peuple burkinabè, je présente des vœux de santé et de paix. Nous demandons à la population de toujours œuvrer pour la paix et nous espérons que 2015 sera une année qui verra le Burkina Faso décoller.

Réalisé par Tiga Cheick Sawadogo
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