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Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (28)

Publié le mardi 6 janvier 2015 à 01h31min

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Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (28)

C’est un exercice convenu. Pour Michel Kafando, cela a été une première. C’est, sans doute aussi, une dernière. Le Président de la Transition, Président du Faso, Président du Conseil des ministres, vient de prononcer son message de Nouvel An. Dans le contexte qui est aujourd’hui celui du Burkina Faso, cet exercice ne peut pas passer inaperçu. D’autant qu’il n’y a que deux mois seulement que Blaise Compaoré a été contraint, sous la pression de la rue, de céder le pouvoir.

Deux mois seulement et, pourtant, l’impression dominante est que la nouvelle équipe en place est là depuis bien plus longtemps. Mais Kafando ne s’est pas attardé sur les jours passés, évoquant seulement « la prise de conscience d’un peuple révolté [et] d’une jeunesse désorientée abandonnée à elle-même et qui cherche toujours ses repères ».

« Et qui cherche toujours ses repères ». Ces quelques mots valent leur pesant d’or deux mois après les événements des 30-31 octobre 2014. Car le Burkina Faso éprouve bien des difficultés (mais pouvait-il en être autrement ?) a mener sereinement une transition dont la durée maximale a été fixée, d’emblée, à douze mois. Tout le monde veut tout, tout de suite ; et son contraire. La justice mais aussi des jugements expéditifs à caractère populiste ; l’emploi mais aussi la casse des entreprises et la stigmatisation des investisseurs ; la bonne gouvernance mais aussi la liquidation totale de l’administration en place sans se soucier de la compétence des uns et des autres… Le gouvernement a, depuis plusieurs jours, « trêve des confiseurs » oblige, levé le pied pour ce qui est de mettre de l’huile sur le feu des revendications. Pas de surenchères ; surtout, moins de déclarations intempestives, prématurées, mal orchestrées...

Kafando a donc entrepris, dans son message de Nouvel An, de remettre les pendules à l’heure. Près de 15 % de son discours a été l’occasion d’une prise de position ferme : « N’en déplaise à ceux qui ont la critique facile, à ceux qui pensent que l’on peut déboulonner, en un laps de temps, un régime enraciné depuis 27 ans dans les tréfonds de l’histoire. La Transition poursuit avec détermination la mission que le peuple lui a confiée : une mission de redressement ; une mission de reconstruction ; une mission de consolidation de la démocratie. Mais qu’il soit bien entendu, et que cela soit clair, il n’y aura pas de place pour les contestations injustifiées, parce qu’on se dit que c’est dans l’air du temps. Pour ceux qui s’agitent à tort et à travers, croyant intimider le gouvernement, nous ne sommes pas dupes de leurs manœuvres et, surtout, nous savons que les mêmes qui sont prompts à la dénonciation, à la délation, voire au sabotage, sont ceux-là qui mangeaient, il n’y a pas longtemps encore, au râtelier du régime déchu. Nous avons pris l’engagement de conduire le pays vers une démocratie modèle, et pour donner l’exemple nous-mêmes, nous évitons les méthodes dures et arbitraires de gouvernement. Mais si ce comportement doit être interprété par certains comme un signe de faiblesse, alors, sans état d’âme, nous prendrons nos responsabilités ».
« Redressement », « reconstruction », « consolidation »… c’est certain désormais : la transition ne sera pas une révolution. Pas « d’agitation » stérile, pas de « contestations injustifiées ». Le gouvernement est même déterminé à utiliser, « sans état d’âme », des « méthodes dures et arbitraires ».

« Arbitraires » ? C’est dire que l’exaspération est désormais forte du côté de Kosyam. Il est vrai qu’il ne se passe pas un jour sans surenchère et que les réseaux sociaux bruissent en permanence de rumeurs sur les uns et les autres, autant de prétextes pour « s’insurger » sous la conduite du « balai citoyen » qui a gagné ses galons de Karcher en chef les 30-31 octobre 2014. Le ministre des Infrastructures, du Désenclavement et des Transports, Moumouni Dieguimdé, en fait la difficile expérience actuellement. Ex-directeur général de l’Agence nationale de l’aviation civile (ANAC), se présentant comme un « consultant en aéronautique », il est accusé par des membres du personnel du ministère et certains médias de divers méfaits : « absence de diplômes, emprisonnement aux Etats-Unis, immatriculation frauduleuse d’aéronefs pour le Hadj 2010, passation de marchés de gré à gré ».

Les faits s’étant passés, pour certains, aux Etats-Unis (où Dieguimdé dit avoir vécu « 7 à 8 ans »), leur preuve est délicate. D’autant plus que Dieguimdé, qui se présente comme un fils de chef mossi de la région d’Aboisso, dans le Sud-Est de la Côte d’Ivoire, où il est né, n’est pas le plus connu des membres du gouvernement : dans la liste des ministres son nom était d’ailleurs mal orthographié : Guiguemdé au lieu de Dieguimdé.

La pression est tellement forte que le dimanche 28 décembre 2014, Dieguimdé a dû se justifier lors d’une conférence de presse au Building Lamizana qui s’est éternisée plus de deux heures. Sans convaincre ses interlocuteurs. Il est vrai qu’en matière de communication, il est difficile de faire pire : « Je ne suis pas un homme pur, propre et sain, je suis l’homme le plus humain possible avec tout son potentiel et toutes ses difficultés ». « Je n’ai pas fait la prison, j’ai été arrêté, c’est tout, et après, relâché […] Même si d’aventure j’étais condamné à quatre mois, est-ce un crime de nature à me handicaper à vie ? […] Nelson Mandela a été condamné en Afrique du Sud, Juppé a été condamné en France ».

La référence à Mandela pour des affaires de malversation est la plus anachronique dans cette opération de communication ! Ses connexions (qu’il ne nie pas d’ailleurs et sur lesquelles il s’étend longuement puisque c’est la source de ses problèmes) avec Foutanga « Babani » Sissoko, pour lequel il a travaillé comme « consultant en aéronautique », ne plaident pas en sa faveur. Sissoko a été un milliardaire malien (on le dit aujourd’hui ruiné) impliqué dans toutes sortes d’escroqueries aux Etats-Unis et au Moyen-Orient (son nom est même cité dans l’enquête sur le financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy par Kadhafi) et qui s’est illustré dans la création de la compagnie aérienne Air Dabia (du nom de son village natal, dans la région de Kayes), basée en Gambie, qui a accumulé les aéronefs et les dettes pour ne jamais vraiment décoller.

Cette affaire* et quelques autres ont valu à Sissoko d’être arrêté par Interpol, emprisonné à Genève puis en Floride. Dans cette affaire, Dieguimdé fait référence, comme témoin de moralité, au Togolais Pascal Bodjona. Ce tout puissant ex-ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale, de la décentralisation et des collectivités locales, porte-parole du gouvernement (2007-2012), proche de Blaise Compaoré, croupit en prison dans l’affaire dite de : « l’escroquerie internationale »… !

« L’affaire Dieguimdé » est bien plus dommageable pour l’équipe actuellement en place que « l’affaire Adama Sagnon » qui, nommé ministre de la Culture et du Tourisme, n’avait pu prendre ses fonctions pour un passé de magistrat qui n’était plus dans l’air du temps. Mais à ce moment-là, la transition se mettait en place. Et ses approximations et autres balbutiements étaient concevables. Cela ne l’est plus, pour les Burkinabè, concernant Dieguimdé, d’autant plus que le ministre est aussi mis en cause pour sa gestion présente, notamment dans la passation de marchés de gré à gré qui concerneraient, par ailleurs, le « confort » (le ministre évoque des raisons sécuritaires) du Président de la Transition, Président du Faso, Président du Conseil des ministres et de son Premier ministre. Du même coup, c’est toute la moralité de la transition qui se trouve remise en question alors qu’elle était le fondement affirmé de la « charte de la transition ».

* Au sujet de cette affaire et de celle de Jeffrey Outlaw, qu’évoque également Moumouni Dienguimdé, il faut lire le papier du regretté Assou Massou dans Jeune Afrique du 3 novembre 1998, titré : « Babani Sissoko. Le crash du milliardaire ».

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 6 janvier 2015 à 03:41, par Cocu de mOn Q En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (28)

    Bejot, je ne suis pas sur que vous parlez de mon pays, le Burkina Faso. Ce n’est pas vrai que "Tout le monde veut tout, tout de suite ; et son contraire. La justice mais aussi des jugements expéditifs à caractère populiste ; l’emploi mais aussi la casse des entreprises et la stigmatisation des investisseurs ; la bonne gouvernance mais aussi la liquidation totale de l’administration en place sans se soucier de la compétence des uns et des autres…"
    Soyez un tout petit peu professionnel meme si vous avez perdu vos entrees et vos sacs d’ argent a Kosyam. Vous mangiez des saletes, c’est l’ argent d’ un pays pauvre trop endette que vous avaler sans vous poser des questions. Vous devriiez etre rouge de honte.

  • Le 6 janvier 2015 à 08:30, par Bejot En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (28)

    trop fort ce Bejot

  • Le 6 janvier 2015 à 11:09, par mombre En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (28)

    Quelle clique que menteurs et de voleurs !

  • Le 6 janvier 2015 à 17:32, par D8D8 En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (28)

    je vous l’avais dit vous allez regrettez amèrement blaise qui vaut mille fois mieux que cette clique de mafieux (zida et compagnies) et de faire valoir Mais il n’est jamais trop tard pour reconnaitre ses erreurs en allant demander pardon à blaise pour qu’il revienne nous sauver de cette bande de vautours sans foi ni loi qui placent leurs coreligionnaires en lieu et place d’hommes et de femmes méritants

  • Le 6 janvier 2015 à 18:23, par Qui est Qui En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (28)

    Chère frère, restons très vigilent avec Michel KAFANDO, car son passage à New York nous a montré qu’el personne il est. Prêt à tout pour c’est propre intérêt.
    Il a fait pleure beaucoup de gens en abusent de son pouvoir. Dieu fera qu’un jour que d’autre personne qui le connait bien en parle.
    Question : Monsieur le président Ministre des Affaires Etrangères.
    Est vous mêles avec une compagnie qui a un contracte avec le Ministère des Affaire étrangères
    pour les envois des containers des Diplomate en fin de mission au Burkina Faso ?
    Votre réponse permettra au Burkinabè de comprendre beaucoup de chose
    Restons les yeux ouverts

  • Le 6 janvier 2015 à 23:00, par Encore Toi ? En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (28)

    D8D8, encore toi ? Ou sont passes les autres vermicelles comme Reciproque Vraie, Gros Bras Mince, Cami et autres fripouilles qui mangeaient dans la main de Blaise ? Blaise ne sera regrette que par les buveurs de sang et affides. Dieu n’est pas Yor... Pendant que Mme vole l’ or, Mr. tue et dort.Tout ca, c’est du passe, c’est histoire- geo maintenant.

  • Le 7 janvier 2015 à 08:44, par Amadoum En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (28)

    Pour ceux parmis vous qui croient encore que le president Compaore sera de retour, j’ai un message clair : cela ne se passera pas. Apres 27 ans au pouvoir, M. Compaore a assez fait pour le pays. Reveillez-vous et acceptez la realite !

    Quant a M. Bejot, nous pouvons continuer a lire ses articles qui, pour leur contenu intellectuel, sont denses et stimulants ; les historiens peuvent s’en servir enormement. Personnellemt, je les trouve interessants, mais M. Bejot a un penchant pour des details sans importance. Que M. Dieguimde soit le fils d’un chef mossi d’Aboisso, une region du Su-Est de la Cote d’Ivoire et qu’il y soit ne, en quoi cela affecte sa moralite. A travers toute mes lectures relatives au cas Dieguimde, nulle part n’ai-je vu cette information qui n’a aucune importance relative a sa moralite mais ajoute une dimension sous regionale et ethnique non-negligeable au debat national. Un autre article peut etre consacre a ce volet de la situation qui prevaut dans notre pays.

    Ces balbutiements dont M. Bejot parle, qu’il fasse un tour a travers le monde et constate les transitions, afin d’apprecier ce qui se passe au Burkina Faso. Apres un pouvoir absolu de longue duree, les peuples ont toujours tout voulu, tout de suite, et son contraire. Nous ne sommes pas une exception. Comme exemples, je cite l’ancienne Yougoslavie, l’Irak, l’Egypte, la Lybie. De par leur nature, ces transitions ne peuvent pas etre douces et lineaires ; elles n’ont pas de feuille de route. Pire, pour la plupart, elles ont ete ou sont catastrophiques, et nous voyons ce que les peuples Lybien et Iraquien vivent quotidiennement.
    Malgre tout ce qui se passe au Burkina Faso aujourd’hui, vous conviendrez avec moi que la situation n’est pas ce que certains, ceux qui ont tout perdu, avaient predit. Certs, des erreurs ont ete et seront faites, certaines plus serieuses que d’autres, mais cela ne doit pas decourager les dirigeants de la transition. Qu’ils se levent chaque jour, demandent l’aide de Dieu et se donnent corps et ame a la difficle tache qui leur est confiee. Avec la grace de Dieu, notre Burkina ira de l’avant.

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