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Vallée du Sourou : du pain 100% burkinabè

Publié le lundi 14 mars 2005 à 07h05min

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Le vendredi 11 mars 2005 à Di, dans le Sourou, Salif Diallo, ministre d’Etat chargé de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques a récolté symboliquement (à la moissonneuse-batteuse) du blé dont la relance de la culture a fait l’objet, la veille, d’un atelier à Niassan. A cette occasion, on a dégusté du pain 100% burkinabè.

Ce matin-là à Niassan, une bourgade samo située à une soixantaine de kilomètres de Tougan, le chef-lieu de la province du Sourou, le pain avait un goût particulier. Il avait ce goût exquis, presqu’indicible de la première nuit qu’on passe chez soi, fût-ce un "voilà-moi" (1), après avoir erré de célibatérium en célibatérium ou s’être encroûté dans la maison paternelle. Il y avait de quoi, car c’était du pain de chez nous, fabriqué avec de la farine de froment de chez nous, sur la base de blé produit chez nous. C’est la nouvelle aventure de Salif Diallo, le ministre d’Etat chargé de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques, qui tire sa source de deux constats simples.

Primo : Le Burkina importe bon an mal an entre 35 000 et 40 000 tonnes de farine de froment et d’autres dérivés du blé par an, ce qui représente 10 à 15 milliards de francs CFA annuels ; un chiffre qui va passer à 40 - 50 milliards à l’horizon 2005. Toute chose qui grève notre balance commerciale. Deuxio : Des recherches entreprises dès 1928 et qui ont connu un coup d’accélérateur dans les années 70 ont clairement établi qu’il était possible de produire du blé dans notre pays, principalement dans la Vallée du Sourou, où les conditions agro-climatiques sont propices.

Pour cultiver du blé, il faut en effet remplir un certain nombre de conditions, dont l’irrigation par aspersion, qui revient deux fois moins cher que l’irrigation gravitaire ; l’utilisation de sols ferrugineux bien travaillés et de semoirs ; l’utilisation d’au moins 300 kilogrammes d’engrais à l’hectare, etc. De l’exposé fait jeudi soir par le Dr Jacob Sanou (2), il ressort également que la période propice pour le blé, qui est une culture non pluviale, est la saison sèche fraîche, précisément de novembre à mars.

Un programme en deux phases

Puisqu’il est donc possible de cultiver du blé ici au Faso, malgré l’expérience malheureuse de Somdia, qui a tourné court pour diverses raisons, les autorités burkinabè ont conçu le programme blé, qui s’exécutera en deux phases. Une phase pilote avec un objectif de 1000 tonnes de blé sur 350 hectares, objet de la cérémonie de récolte de vendredi dernier à Di, toujours dans le Sourou, et rendue possible grâce au soutien technique et financier du Maroc, qui a offert 100 tonnes de semences au Burkina, lesquels vont produire les 1000 tonnes de blé dont il est question plus haut.

C’est une partie de cette production qui a été envoyée au groupe Hajjar pour la transformation en farine de froment et la fabrication du pain 100% burkinabè que nous avons dégusté vendredi. "C’est le meilleur pain que j’aie jamais mangé" , a lâché Salif Diallo, qui parle de "pain de l’espoir, de la colère et de la révolte", qu’on devrait consommer avec fierté.

Loye Victorien, laborantin au groupe Hajjar, est certes moins emporté et moins militant, mais son avis de technicien est tout aussi concluant : "Il est évident que des blés de variétés différentes ne vont pas donner les mêmes résultats, mais ça ne veut pas dire que ce pain-là n’est pas aussi bon que celui que nous avons l’habitude de fabriquer. Seulement, comme c’est la première fois que nous travaillons en boulangerie avec ce blé, il y a de petits tirs qu’on pourra rectifier... Au toucher, certains aspects de la croûte me révèlent par exemple que la pâte utilisée pour faire ce pain est très ferme. Ce qui veut dire qu’elle a besoin de beaucoup d’hydratation au pétrin, mais ce sont des problèmes mineurs...".

Pour cette phase pilote, il aura d’abord fallu réhabiliter partiellement les équipements qui étaient délaissés et qui ont été réparés grâce à l’appui du Royaume chérifien, qui a offert des pneus, des batteries, des moteurs, etc. "Ce qui a encore diminué nos charges", confie Zan Charles Etienne, le directeur général de l’Autorité de mise en valeur du Sourou (AMVS). Au total, cette phase pilote aura nécessité un investissement d’une centaine de millions alors que le blé qui va sortir de terre est évalué à 200-250 millions de nos francs. "Notre compte d’exploitation est donc largement positif", conclut monsieur Zan.

90 % de nos besoins d’ici trois ans

Reste à savoir ce qu’il en sera au cours de la seconde phase du programme, dite de "consolidation", qui va concerner 2 500 hectares. Cette phase vise la production, à l’horizon 2007-2008, de 25 000 à 30 000 tonnes de blé par an dans la Vallée du Sourou, ce qui représente 90% de nos besoins et nous fera économiser 15 milliards de FCFA sur le budget de l’Etat.

Pour cette seconde étape, 25 rampes d’irrigation, dont la commande a déjà été lancée, seront nécessaires. "Pour les 3000 ha, il faut compter un investissement de 1,5 million FCFA/ha, soit un total de 4,5 milliards de nos francs, ce qui n’est rien devant les 15 milliards qui sortent chaque année pour acheter du blé", indique Zan Charles Etienne. C’est donc un tournant important de la politique agricole du Burkina qui est en train d’être amorcé et qui participe également de la lutte contre la pauvreté dans la mesure où le programme blé créera quelque 3 000 emplois permanents en milieu rural et distribuera chaque année 675 millions aux producteurs ruraux.

Chaque paysan aura en _effet 3 ha à surveiller et à entretenir, et au terme de la campagne il aura entre 100 000 et 225 000 francs CFA, ce qui, à n’en pas douter, mettra un peu de beurre sur ses épinards. On cultive donc du blé au Burkina ! Mais le tout n’est pas de produire, encore faut-il commercialiser et s’acheminer, à terme, vers une baisse du prix du pain.

On est d’autant plus enclin à se poser des questions que, bien souvent, ce qui est produit sur place se révèle même parfois plus cher que ce qui est importé. Il n’y a pourtant pas lieu de s’inquiéter si l’on en croit les interlocuteurs, des politiciens aux techniciens en passant par les minotiers, les boulangers. Ces derniers, par la voix de Rimon Hajjar, président du groupe éponyme, ont fait état "de difficultés à importer un produit comme le blé et ses sous-produits à cause de la complexité des problèmes, notamment la variation des prix, les difficultés d’approvisionnement, le transport, etc." et se sont d’avance réjouis de la perspective de disposer du produit à tout moment et à moindre coût.

Actuellement, la tonne de blé rendue à Ouaga va chercher dans les 200 000 francs alors que celle du Sourou pourrait être proposée à 100 000 - 150 000 FCFA. Il ne devrait donc pas y avoir match et on devrait s’acheminer, à terme, vers la baisse du prix du pain et des autres produits dérivés du blé.

Vendredi, à Di, un accord tripartite a d’ailleurs été signé entre l’Etat, les boulangers et les meuniers. Ces derniers se sont ainsi engagés à enlever tout le blé produit en quantité et en qualité à un prix rémunérateur pour les producteurs ; les boulangers, à leur tour, achèteront la farine de froment produite avec le blé du Sourou et comme le prix de la tonne va baisser, ils devront répercuter cette réduction sur le prix du pain. Sur le papier donc, il n’y a aucun problème et il faut espérer que les fruits tiennent la promesse des fleurs.

Salif Diallo a du reste invité les opérateurs économiques à monter des moulins, car les GMB ayant mis la clé sous le paillasson pour les raisons qu’on sait, aujourd’hui il n’y a plus qu’un seul moulin fonctionnel au Burkina, celui du groupe Hajjar ; ce qui, convenons-en, n’est pas sécurisant. Surtout que déjà, on rêve à voix haute de conquérir les marchés de la sous-région (Mali et Niger en l’occurrence), pour écouler notre surplus de farine de froment quand nos besoins domestiques seront couverts.

Notes (1) Maison d’une seule pièce, également appelée "entrer-coucher" (2) Généticien, chef du programme des céréales traditionnelles à l’INERA

Ousséni Ilboudo
Observateur Paalga

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