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Ana Maria Rovira, Ambassadeur de Cuba au Burkina : « Conversation téléphonique entre Castro et Obama, c’est historique ! »

Publié le dimanche 21 décembre 2014 à 23h37min

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Ana Maria Rovira, Ambassadeur de Cuba au Burkina : « Conversation téléphonique entre Castro et Obama, c’est historique ! »

Dans une allocution à l’attention du peuple cubain, le président Raoul Castro a annoncé un rapprochement entre son pays et les Etats-Unis, deux pays voisins entrés en conflit latent sur fond d’embargo depuis 1961. Pour en savoir davantage, nous avons eu un entretien avec Ana Maria Rovira, l’Ambassadeur du Cuba dans notre pays. Avec Mme Rovira assistée du deuxième Secrétaire de l’Ambassade, Abel Torres Guerra, il a également été question de l’implication cubaine dans la riposte à la maladie à virus Ebola. Entretien sans langue de bois, à lire !

Lefaso.net : Le Cuba est sous embargo international avec une prégnance américaine depuis 1961. Pourquoi, selon vous, cet embargo ?
Ana Maria Rovira :
C’est parce que nous avons fait une révolution socialiste. C’est ça !

Comment expliquez-vous le maintien de cet embargo jusqu’à 53 ans maintenant ?

Avec l’avènement de la révolution socialiste, le gouvernement des Etats-Unis a décidé d’étrangler économiquement et financièrement Cuba. Mais, il s’est rendu compte que sur les plans politique et idéologique, ce n’était pas possible. Alors, les autorités américaines ont décidé de faire un blocus contre Cuba pour étrangler la révolution et pour faire en sorte que le peuple cubain souffre.

Quelles ont été les conséquences majeures de cet embargo ?

Les conséquences de cet embargo sont très fortes, et c’est dans tous les domaines. Elles sont liées aux relations que Cuba devrait avoir les Etats-Unis. Mais, il faut aussi dire que ce blocus est extraterritorial, avec des ramifications très fortes sur les plans économique, commercial et financier, avec le monde entier.
Et chaque année, à l’Assemblée générale des Nations-Unies, Cuba présente un rapport sur l’incidence économique de cet embargo sur son peuple. En octobre passé, 187 pays ont voté contre ce blocus. Seuls deux pays, Etats-Unis et Israël ont voté pour son maintien.
Je voudrais saisir cette magnifique occasion pour remercier les autorités burkinabè, le peuple burkinabè, qui nous ont toujours soutenus dans cette bataille, en votant pour la levée de cet embargo.

Comme vous le dites, les Etats-Unis continuent de s’opposer à la levée de cet embargo. N’est-ce pas aussi une défaillance démocratique que reproche le pays de Barack Obama au Cuba ?

On peut nous reprocher tout. Mais c’est illogique, c’est injustifié et c’est un banal prétexte. Parce que chaque pays a un gouvernement qui fait la politique que son peuple veut. La politique qui se pratique dans notre pays, c’est la politique que le peuple cubain veut ; ce n’est pas la politique que les autorités américaines veulent.
Les Etats-Unis veulent faire une ingérence ; et nous, nous sommes contre l’ingérence dans la politique de notre pays. Etant que pays indépendant, souverain, nous n’accepterons pas une ingérence dans la politique du Cubain.

Dans une allocution à la nation cubaine le 17 décembre 2014 à l’issue d’une conversation avec son homologue américain, le président Raoul Castro annoncé que des avancées notables seront effectives sur des sujets d’intérêts pour les peuples cubains et américains. De quels sujets d’intérêt s’agit-il ?

Le général Raoul Castro, président du Cuba, a eu une conversation téléphonique de plus de 45 minutes avec le président Obama. Ils ont abordé différents thèmes qui affectent les relations bilatérales entre la République de Cuba et les Etats-Unis. Cela est historique ! C’est la première fois.
Mais de tout temps, notre gouvernement a toujours manifesté sa volonté d’établir un dialogue diplomatique respectueux, sans conditionnement avec les Etats-Unis. Et ceci, pour améliorer les relations entre les deux pays, pour avoir des relations normales. Cuba n’a jamais fait d’agressions contre les Etats-Unis. Ce sont eux, les Etats-Unis, qui ont perpétré des agressions militaires, des actes de sabotage contre Cuba. Ce sont les autorités américaines qui empêchent les touristes, les hommes de culture, les commerçants américains de venir à Cuba. C’est donc à eux qu’il appartient de poser les premiers pas vers la normalisation des relations.
Mais ce dont il faut se réjouir aujourd’hui, c’est le retour à Cuba, des trois derniers cubains, Gerardo, Ramón et Antonio, emprisonnés aux Etats-Unis pendant 17 ans. Le président Raoul a reconnu que cela est un pas important. Il a aussi réaffirmé sa volonté à continuer le dialogue pour arriver à faire lever le blocus économique, financier et commercial, imposé à Cuba. C’est cela le plus important. C’est vrai, pour arriver à cela, c’est un peu compliqué parce que c’est une loi aux Etats-Unis qui a consacré ce blocus. Mais le président Obama a la possibilité de rendre flexible l’application de cette loi.

Dans cette même allocution, le président Raoul a tenu à remercier le Pape François. Qu’est-ce que le Pape a fait pour le dénouement tant attendu ?

Il y a des choses en diplomatie, qu’il faut faire silencieusement. Et le Vatican, historiquement, a fait ce travail diplomatique. Le Pape a participé, avec ses ambassadeurs, ses bureaux de relations internationales, et a aussi activé la médiation du gouvernement canadien. Le Pape a donc travaillé à faciliter le rétablissement du dialogue entre Cuba et les Etats-Unis. Et c’est pour cela, le président Raoul a tenu à le remercier, ainsi que le gouvernement du Canada.

Vous dites que ce sont les Etats-Unis qui agressent le Cuba ; mais on sait aussi que Cuba a emprisonné des américains accusés d’espionnage. Pourquoi cela ? N’est-ce pas là, un acte d’agression aussi ?

Ces espions sont déjà rentrés aux Etats-Unis. Ils ont été emprisonnés parce qu’ils ont fait un travail d’espionnage reconnu.

Quand on sait que le président Barack Obama n’a pas la majorité au Congrès pour faire changer la loi américaine relative à ce blocus, n’est-ce pas trop tôt de penser que la conversation entre les deux présidents, cubain et américain, marque le début du processus de levée dudit blocus ?

On est au début ; c’est un premier pas. La suite, on sait que ça demande beaucoup de concertations, de négociations. On ne peut donc pas dire que la levée du blocus sera demain ou après-demain.
Obama a promis d’établir une flexibilité dans l’application de cette loi de blocus. Mais comme ce blocus relève de la politique extérieure des Etats-Unis, pour le lever, le Congrès doit voter une loi dans ce sens. Ce qui peut être difficile actuellement. Mais déjà, on sait que la majorité du peuple américain est favorable à la levée de ce blocus, donc au changement de la politique extérieure américaine à l’égard du Cuba.

Si le président Barack Obama peut rendre flexible l’application de la loi relative au blocus, que doit faire le président Raoul Castro aussi pour donner plus de chances à la nouvelle dynamique de rapprochement ?

Nous, on n’a pas imposé de blocus sur les Etats-Unis. Ce sont les Etats-Unis qui ont imposé le blocus sur nous. Nous attendons ce que les Etats-Unis vont proposer. Ce sont les Etats-Unis qui doivent changer leur politique envers Cuba. Cuba n’a pas de politique spécifique vis-à-vis des Etats-Unis. Cuba a une politique extérieure orientée vers le monde entier. Or, les Etats-Unis ont une politique spécifique de blocus sur Cuba.
A partir de notre propre analyse de la situation et de notre processus de construction révolutionnaire, nous avons opéré des changements pour améliorer la vie de notre peuple. Mais ce ne sont pas des changements qui concernent spécifiquement nos relations avec les Etats-Unis qui se sont d’ailleurs rendu compte aujourd’hui que leur politique vis-à-vis de Cuba est inefficace.
Le président Raoul a relevé qu’il y a de profondes différences entre les deux pays. Malgré tout ça, on doit coexister. Et on peut trouver la voie d’établir des relations diplomatiques. Aucun pays dans ce monde n’est égal à l’autre ; il y a toujours des différences. Mais, il faut parfois mettre de côté ces différences et travailler à avoir des relations normales. Je crois qu’aujourd’hui, il y a cette volonté d’établir des relations avec les deux peuples.

Avec l’apparition de la maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest, Cuba a manifesté son soutien aux pays affectés. Que peut-on retenir des initiatives entrant dans le cadre de ce soutien ?

Depuis les premiers moments de sa révolution, Cuba a toujours manifesté sa solidarité avec les peuples frères africains. Dans ce sens, nous faisons des appuis dans le domaine de la santé. A ce jour, on a plus de 4 000 médecins qui travaillent dans des pays africains.
Et quand cette terrible maladie à virus Ebola a commencé, Cuba a préparé un groupe de professionnels de la santé, infirmiers et médecins, pour aider à la combattre. Il y a 460 médecins qui travaillent dans des pays comme Libéria, Siera-Léone, Guinée-Conakry, pour lutter contre Ebola.
Au Liberia, nos personnels de santé travaillent en coordination avec leurs homologues américains. Nous allons faire de tout notre possible, pour aider nos frères africains à combattre cette mortelle maladie.

Qu’en est-il de votre soutien au Burkina Faso qui s’active depuis un certain temps dans la prévention de cette maladie ?

Au Burkina Faso, on a 27 médecins qui travaillent dans cinq régions. Tous ces médecins sont préparés à la prévention et à la détection des cas de maladie à virus Ebola. Ils échangent avec leurs collègues Burkinabè à qui ils transmettent leurs connaissances et expériences par rapport à la question spécifique d’Ebola.

Et quelles sont ces régions du Burkina où exercent des médecins cubains ?

Je dois préciser que ces médecins travaillent ici avant l’apparition de la maladie à virus Ebola. Ils sont venus conformément à deux accords signés entre le Cuba et le Burkina Faso. Il y’en a à Ouagadougou, à l’hôpital Yalgado et à l’hôpital Blaise Compaoré. Il y’en a à Banfora, à Bobo-Dioulasso, à Koudougou, et à Ouahigouya. Ils sont remplacés après trois ans de service.
Dans ce contexte de maladie à virus Ebola, on a reçu deux professeurs de l’Institut cubain de médecine tropicale qui sont venus former, dans le cadre d’un séminaire de trois jours, les médecins cubains en service ici.

En plus des ressources humaines, peut-on s’attendre à de la logistique du Cuba ?

Nous, on n’a pas de matériels. Nous avons des moyens humains ; et nous pensons que c’est le plus important. Si vous avez du matériel et que vous n’avez pas de ressources humaines appropriées, ça ne sert pas.
Le Cuba entretient une coordination multilatérale avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la Croix internationale en matière de santé. C’est dans ce cadre que dès les premiers moments de la maladie à virus Ebola, Cuba a été parmi les premiers pays à répondre à l’appel de l’OMS et du Secrétaire de l’ONU pour faire face à cette maladie. Toute la collaboration que Cuba entretient dans le cadre de la lutte contre cette maladie se fait en concertation avec l’OMS et les pays nécessiteux. Cuba sera toujours prêt à aider les pays africains à lutter contre cette maladie.

La promptitude de Cuba en termes de disponibilité de ressources humaines en matière de santé, n’est-elle pas due au fait que ces ressources humaines sont perçues comme constitutives de facteur diplomatique ?

Non, ce n’est pas la diplomatie ; c’est humain. C’est la solidarité humaine qui guide cette action. L’objectif de Cuba dans le monde entier en matière de santé, c’est de soigner les populations. Nous envoyons nos médecins parfois à des endroits où des médecins d’autres pays ne peuvent aller. A la fin, il y a bien sûr un motif de satisfaction, de remerciement à l’endroit du gouvernement cubain. Mais ce que Cuba fait dans le domaine sanitaire, n’a pas un objectif diplomatique. Ces médecins ne sont pas là à des fins diplomatiques, ni pour faire la politique, encore moins pour avoir de l’argent. Parfois, nos médecins vont dans des pays, comme Afghanistan, avec lesquels Cuba n’entretient pas de relations diplomatiques.
C’est vrai, il y a au départ, la volonté politique de Cuba de manifester sa solidarité avec les pays amis et frères, mais ces médecins n’ont rien à voir avec la diplomatie. Ils s’occupent seulement de soigner les populations.
Au Cuba, on continue de former spécifiquement des médecins pour ensuite les envoyer dans des pays affectés par la maladie à virus Ebola. Déjà, beaucoup de pays de l’Amérique Latine et des Caraïbes ont reçu nos médecins spécialistes pour former sur la prévention contre Ebola.
Je rappelle qu’aux Etats-Unis, quand il y a eu l’ouragan Katrina, une équipe de médecins cubains dotée des meilleures dispositions, est allée soigner les victimes sur place.

N’était-ce pas pour susciter des démarches de levée du blocus qui pèse sur Cuba ?

Non, non ! C’est un sentiment humain. Pour nous, l’Homme, c’est le plus important. C’est pour cela que l’éducation, la santé, sont totalement gratuits au Cuba. L’essentiel de notre révolution réside dans la préoccupation pour l’Homme. Cuba est dans une dynamique d’internationalisme pur et simple ; on n’attend rien des Etats auxquels nous apportons une assistance en matière de santé.

Entretien réalisé par Fulbert Paré
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 22 décembre 2014 à 17:51, par socro En réponse à : Ana Maria Rovira, Ambassadeur de Cuba au Burkina : « Conversation téléphonique entre Castro et Obama, c’est historique ! »

    Merci au peuple cubain pour ce soutien. Que Dieu fasse que le peuple américain revoit sa politique extérieure vis-à-vis du peuple cubain

  • Le 22 décembre 2014 à 19:51, par SOME En réponse à : Ana Maria Rovira, Ambassadeur de Cuba au Burkina : « Conversation téléphonique entre Castro et Obama, c’est historique ! »

    "En octobre passé, 187 pays ont voté contre ce blocus. Seuls deux pays, Etats-Unis et Israël ont voté pour son maintien."
    vous vous imaginez ? seulement 2 pays sur 187 dans tout le monde entier ! comment seulement 2 pays s’imposent aux autres et font ce qu’ils veulent...Et on vient me parler de democratie !

    "Parce que chaque pays a un gouvernement qui fait la politique que son peuple veut."
    quelle belle lecon dans le BA BA de la politique ! c’est ca le socialisme

    "La politique qui se pratique dans notre pays, c’est la politique que le peuple cubain veut ; ce n’est pas la politique que les autorités américaines veulent.
    Les Etats-Unis veulent faire une ingérence ; et nous, nous sommes contre l’ingérence dans la politique de notre pays. Etant que pays indépendant, souverain, nous n’accepterons pas une ingérence dans la politique du Cubain"
    que dire de plus sinon que les africains feraient mieux de le pratiquer. Evidemment on comprend pourquoi un Thomas sankara fut eliminé par des africains eux memes.

    "Nous, on n’a pas de matériels. Nous avons des moyens humains ; et nous pensons que c’est le plus important. Si vous avez du matériel et que vous n’avez pas de ressources humaines appropriées, ça ne sert pas."
    en voici ce qu’appelle avoir de la vision ! si cuba n’avait été là l’appartheid nous dominerait toujours et mandela seerait mort en prison. Il faut le dire : Cuba a eu ses fils morts pour l’afrique que des africains aidant pour l’independn ce des africains. A la palace de medecins les americains ont envoyé des militaires comme si un soldat pouvait arreter le virus qu’ils ont introduit expres. Ce n’est pas moi qui delibre mais les autorites liberiennes et sierra leonnaise et des scientifiques americains eux memes

    "Je rappelle qu’aux Etats-Unis, quand il y a eu l’ouragan Katrina, une équipe de médecins cubains dotée des meilleures dispositions, est allée soigner les victimes sur place." Quelle hypocrisie de la part des americains Heureiusement obama a fini par prendre son courage a deux mains ! feliciatations a lui.
    "Pour nous, l’Homme, c’est le plus important. C’est pour cela que l’éducation, la santé, sont totalement gratuits au Cuba. L’essentiel de notre révolution réside dans la préoccupation pour l’Homme"
    j’ajouterai une idee jamais publicitée et pour cause : M Jimmy Carter ancien president des etats unis a dit qu’il y a une chose que les africains doivent comprendre : s’ils veulent s’en sortir : suivre l’exemple de Cuba. excusez du peu !
    Bravo à M Paré qui a posé des questions logiques et de facon objective en dehors des lieux communs etc. pour des reponses tout aussi franches et directes ! comme d’habitude pour cuba
    PATRIA O MUERTE VENCEREMOS
    LA PATRIE OU LA MORT NOUS VAINCRONS !
    SOME

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