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"Le secteur privé est désormais le moteur de la croissance..."

Publié le jeudi 10 mars 2005 à 10h54min

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Dans cette interview réalisée à la veille des IXe assises du Forum Francophone des Affaires tenues à Ouagadougou les 3 et 4 mars derniers, le Premier Ministre Paramanga Ernest YONLI dépeint la santé de l’économie burkinabè.

Tout naturellement le Premier Ministre Paramanga Ernest YONLI a profité de l’occasion pour présenter les opportunités d’affaires au Burkina Faso.
C’est un homme de conviction que nous avons eu en face de nous et vous le constaterez certainement avec nous, le propos est riche d’informations et d’enseignements.

Comment se porte l’économie du Burkina Faso ?

Son Excellence Monsieur Paramanga Ernest YONLI (SEM E.P.Y) : On peut dire qu’elle se porte bien ; parce que si nous considérons les fondamentaux de l’économie, nous pensons qu’ils sont pratiquement tous au vert. Qu’il s’agisse de l’inflation, du taux de croissance des secteurs prioritaires comme l’agriculture, du tertiaire, comme le sous-secteur des transports, nous avons des niveaux de croissance relativement bons. De manière globale, pour avoir une illustration plus concrète, nous pouvons nous référer à l’année 2004 qui vient de s’écouler. Nous avons enregistré un taux de croissance un peu au-dessus de 4%, autour de 4,1%. Bien sûr ce taux de croissance est en deçà de ce que nous avons enregistré en 2003 qui était un taux exceptionnel parce qu’il a atteint pratiquement 8%. Néanmoins le taux de croissance de 4,1% en 2004 est satisfaisant si l’on considère deux éléments essentiels à savoir que le résultat de la campagne agricole 2003-2004 a été presque à la limite de la déception. Cela pour deux raisons principales : la faiblesse des précipitations, leur mauvaise répartition dans le temps et dans l’espace, d’une part, et d’autre part, l’attaque accridienne qui a pratiquement réduit à néant les efforts d’une grande partie des productions de notre pays, notamment celles du Nord.
Ces deux éléments-là ont donc poussé à une baisse de la production agricole de pratiquement 15%. Comme tout le monde le sait, l’agriculture est le secteur principal, le secteur qui porte l’économie du Burkina Faso, donc c’est le secteur qui porte aussi la croissance. Quand l’agriculture ne va pas, au Burkina, l’économie ne va pas. Nous avons eu aussi un second facteur défavorable en 2004 qui a été la hausse vertigineuse des prix des hydrocarbures, toute chose qui a contribué à élever, de façon inconsidérée, le coût de production des différentes entreprises aussi bien commerciales que manufacturières. Notamment l’élévation du coût des transports de marchandises.

Voilà les deux raisons principales qui expliquent la baisse du taux de croissance ; mais nous pouvons être satisfait d’une façon générale parce que, nous pensons que 4,1% avec tous les facteurs défavorables que je viens d’évoquer, est relativement bon. Il y a une autre raison supplémentaire, pour dire que ce taux de croissance de 4,1% est relativement bon ; si nous le comparons à l’ensemble du taux de croissance de la zone UEMOA, il se situe au moins au niveau de la moyenne de l’ensemble des pays de l’UEMOA, ce qui est une bonne chose. Si nous regardons l’ensemble des critères de convergence, par exemple toujours au niveau de l’UEMOA, la plupart des critères de premières lignes ont été pratiquement respectés au Burkina Faso en 2004. Donc, je peux dire, de façon précise, que nous aurions souhaité avoir un résultat qui se situe dans la lignée de 2003, cela n’a pas été le cas, mais nous pouvons être satisfait du taux de croissance de 2004, relativement aux facteurs défavorables que je viens d’évoquer.

Excellence, du 3 au 5 mai se tiennent à Ouagadougou les IXes Assises du Forum Francophone des Affaires (FFA). Que représente pour vous cette structure et qu’attendez-vous de ces assises dont le thème est « Investir dans les zones de l’UEMOA et de la CEMAC » ?

SE M. P.E.Y : Je voudrais commencer par me féliciter de la tenue du 9e forum Francophone des affaires. Parce qu’habituellement, c’est une instance qui se tient en même temps que la conférence des chefs d’Etat de la Francophonie. Pour le cas présent concernant le Sommet de la Francophonie qui s’est tenu dans notre pays au mois de novembre 2004, les dirigeants du FFA ont voulu décaler leurs instances pour permettre une grande ouverture sur le pays d’accueil notamment le Burkina Faso. Ce qui est une très bonne chose parce que cela permet au moment du Forum, une concentration d’attention de l’ensemble des investisseurs et, de l’ensemble de toutes les personnes qui s’intéressent au monde des affaires dans la communauté francophone.

Donc, je pense que d’un point de vue médiatique et d’un point de vue de la visibilité et du meilleur rayonnement du Burkina Faso, c’était une bonne chose de tenir ces assises à un moment décalé, mais aussi et surtout de pouvoir profiter de la présence de beaucoup de médias, parce que si vous remarquez, cela coïncide aussi avec la semaine du FESPACO, ce qui est une bonne chose.

Je voulais donc féliciter les organisateurs d’avoir pu tenir à bonne date ces assises-là. Maintenant pour répondre à votre question par rapport au thème, « invertir dans les zones de l’UEMOA et de la CEMAC », je pense que c’est un thème actuel. Vous vous souviendrez que moi-même j’avais déclaré, il n’y a pas très longtemps, au détour d’une mission à l’extérieur que nous devons travailler aujourd’hui de façon résolue à faire connaître les potentialités de notre pays. Je crois que pour favoriser l’attractibilité du Burkina Faso, nous avons besoin de nous ouvrir davantage, et des cadres comme le FFA sont des moments forts pour permettre d’observer, de partager avec l’ensemble des opérateurs économiques de la communauté francophone les avancées du Burkina Faso en matière de conditions d’attractibilité, en matière d’opportunités d’investissements. Toutes choses qui nous permettent de tisser des partenariats entre opérateurs privés j’entends, mais aussi de faire connaître le potentiel et les conditions idéales pour faire des affaires au Burkina Faso.
Cela nous permet de connaître les possibilités d’affaires dans la communauté francophone d’une part, et d’autre part, pour nous aussi, une occasion de faire connaître les avancées que nous avons réalisées en matière de création de conditions idéales pour les affaires. Ainsi, nous pouvons nous assurer de pouvoir attirer des investisseurs nouveaux dans notre pays, à commencer par les hommes d’affaires de l’espace francophone.

Quels sont les atouts dont le Burkina Faso dispose pour intéresser les investisseurs ?

SEM P.E.Y. : Sans prétention aucune, je pourrais dire que le Burkina Faso présente beaucoup d’atouts pour attirer les investisseurs. Je m’en vais vous donner les raisons. Il y a d’abord l’une des conditions qui paraît essentielle, c’est la question de la stabilité. La stabilité politique qui permet effectivement, pour tout investisseur, qu’il soit national ou étranger, de se dire que je ne vais pas injecter de l’argent dans un pays ou demain tout le développement va voler en éclats parce que justement c’est un pays d’instabilité.

C’est-à-dire qu’on n’est pas sûr du lendemain ; même pas du court terme. Alors, si vous ne remplissez pas ce condition-là, vous ne pouvez garantir aucune sorte d’investissement. Pour sa part le Burkina Faso n’est pas dans cette situation ; nous sommes depuis plus d’une dizaine d’années dans un pays stable politiquement, un pays stable du point de vue des institutions, un pays de paix, qui garantit, en tout cas, le bon environnement des affaires. C’est un premier élément : donc la solidité des institutions, la stabilité politique du pays et puis un environnement idéal pour faire des affaires parce que justement, en conformité, par exemple, avec le traité de l’UEMOA. Nous avons travaillé, à faire beaucoup de reformes, notamment dans le domaine juridique.

Parce qu’en matière d’affaires, la sécurité des affaires est une chose importante. Les gens ont besoin de mettre leur argent là où ils sont sûrs que la sécurité est garantie, ou il n’y a pas de risque de perte imprévisible. Il y a des risques prévisibles, mais quand les risques sont des risques que l’on ne peut pas calculer, ça devient presque de l’aventure et aucun investisseur ne va consciemment à l’aventure. Nous avons travaillé à lever les risques qui pourraient nous empêcher d’augmenter notre attractibilité. Une autre raison est que le Burkina Faso est véritablement une zone au cœur de l’Afrique de l’Ouest, et notre position géostratégique est un des facteurs favorables pour attirer des investisseurs dans l’Afrique de l’Ouest en général. Non pas seulement dans l’UEMOA, mais aussi dans les pays de la CEDEAO. Cette position géostratégique est effectivement importante ; elle peut s’appuyer désormais sur une infrastructure routière, de télécommunication et un potentiel de transport suffisamment développé aujourd’hui.

C’est un facteur supplémentaire d’attractibilité pour effectivement attirer des investissements directs étrangers. Enfin, il y a le potentiel de l’économie burkinabè même. Par exemple dans le domaine de l’agriculture, nous avons encore beaucoup de possibilités à offrir. Nous avons encore des capacités de productivité non encore exploitées dans le secteur agricole qui est notre principal secteur. Nous avons un potentiel minier dont je viens d’ailleurs de lancer la semaine dernière un des investissements importants, plus de 50 millions de dollars pour exploiter de l’or. Nous en attendions d’autres types d’investissements, nous avons un potentiel minier qui peut effectivement nous donner des satisfactions. Nous avons aussi le domaine des services. Vous savez que le Burkina Faso est en train de montrer sa capacité à pouvoir gérer au mieux et utiliser ses ressources humaines dans le secteur tertiaire. Je crois que c’est autant de raisons et de potentialités qui peuvent attirer aujourd’hui des investissements directs étrangers au Burkina Faso.

On n’aime pas parler de ses faiblesses, cela est connu. Un mot néanmoins sur les facteurs qui peuvent rebuter les investisseurs et quels sont les efforts de votre gouvernement pour y remédier ?

SEM. P.E.Y : En parlant des faiblesses, tous les analystes le savent et le gouvernement le premier, le principal facteur limitant de la compétitivité de l’économie burkinabè, donc en partie de son attractivité est sur le coût du facteur énergétique. Nous avons l’un des coûts unitaires énergétiques le plus élevé dans la sous-région. Cela est effectivement un grand handicap. C’est le principal handicap. Aujourd’hui le plus important au Burkina Faso est effectivement d’accroître les chances de pouvoir attirer de gros investissements privés. Alors la question est de savoir comment travailler à réduire l’effet de ce facteur limitant. Nous en avons pris conscience, et nous travaillons sur deux grands axes. C’est d’abord acheter l’énergie électrique dans les pays voisins à moindre coût pour pouvoir justement le mettre à la disposition des agents économiques burkinabè à un coût relativement réduit.

Cette politique-là est en développement aussi bien avec la Côte d’Ivoire qu’avec le Ghana et je pense qu’elle est en train de produire des effets bénéfiques. Nous allons bientôt entamer l’interconnexion qui est la deuxième tranche avec la Côte d’Ivoire qui reliera Bobo à Ouagadougou. Nous avons bouclé les financements, et le projet va démarrer de sorte qu’en 2006 au plus tard il sera achevé. De la même façon, l’interconnexion avec le Ghana est en cours et toutes les phases opératoires sont pratiquement terminées ; nous allons passé bientôt à la phase de l’exécution.
Nous avons aussi, à l’intérieur, développé des projets bilatéraux pour pouvoir développer l’électricité au niveau rural. Parce que si l’électricité n’est pas le seul facteur du développement économique, il est l’un des facteurs le plus important dans la brochette de facteurs essentiels pour assurer le décollage de l’économie.

Donc, une chose est d’apporter l’énergie, en grande quantité dans les grandes villes, dans les grandes pôles économiques, une autre est de pouvoir faire en sorte que l’électricité soit disponible jusqu’au niveau du dernier consommateur de l’économie burkinabè à savoir dans les villages.
Donc nous avons une politique d’interconnexion avec les pays voisins, et une politique interne qui va permettre d’élargir et de mettre l’électricité à la disposition de tous les Burkinabè. Si nous arrivons à accomplir tous ces différents projets, nous aurons franchi un grand pas et le principal handicap de notre faiblesse au plan de l’attractibilité économique sera franchi.

Quels sont les grands projets économiques pour lesquels vous souhaitez voir les investisseurs taper à votre porte ?

SEM. P.E.Y : Deux projets me tiennent à cœur tout de suite et parce qu’ils sont suffisamment mûrs et qu’il nous reste seulement les moyens financiers et des investisseurs massifs immédiats pour les exécuter. C’est d’abord le projet ZACA qui est un projet « révolutionnaire » parce qu’il s’agit de créer un pôle au cœur de la capitale de notre pays, un pôle économique des affaires avec toute l’administration autour pour pouvoir en faire le porte-étendard de la nouvelle économie burkinabè, si je peux m’exprimer ainsi. Cela est essentiel et actuellement, nous voulons conduire et accélérer l’exécution du démarrage des travaux de gros œuvre, et passer à la phase de viabilisation des parcelles et à celle de la construction.

C’est un projet qui me tient à cœur parce que, c’est comme je le disais, un projet « révolutionnaire » qui va produire des effets d’entraînement suffisamment importants sur l’ensemble de l’économie burkinabè pour justement augmenter le niveau de l’investissement étranger et même développer d’autres pans. Par exemple dans le domaine du commerce cela est véritablement important. De la même façon, nous avons besoin d’une administration moderne et productive qui est en rapport avec la dynamique du secteur privé et cela va de pair avec une zone ou les affaires se font dans le même rythme et, dans les mêmes délais que l’économie mondiale. Nous voulons allier les investissements nouveaux dans la zone commerciale de la ZACA, mais aussi des activités administratives pour qu’il n’y ait pas de perte de production par rapport à cette économie nouvelle que nous voulons bâtir.

Un deuxième projet important, qui colle naturellement avec ce que je viens de dire est que nous avons besoin d’un nouvel aéroport avec des infrastructures modernes et toutes les activités aéronautiques. L’ambition que nous avons avec le projet ZACA est de créer un centre moderne des affaires, qui va être le pôle d’attraction et de développement de la nouvelle économie burkinabè. Nous avons besoin non seulement d’exporter, mais aussi d’importer.

Pour cela, nous avons besoin d’une plate-forme aéroportuaire suffisamment moderne pour pouvoir supporter les flux de transport qui vont se créer par rapport au développement des activités économiques. Donc voilà deux projets importants. Il y a naturellement un 3e projet qui me paraît tout aussi important, c’est celui du développement supplémentaire des infrastructures de transport. Parce que, comme nous sommes un pays enclavé, nous devons d’une part réduire le handicap de l’enclavement mais aussi réduire le handicap de la restriction de notre marché. Et pour cela il faut développer les sociétés d’exportation et d’importation ; donc la liaison ferroviaire que nous voulons ouvrir avec le Ghana, qui est suffisamment avancée nous tient à cœur. Si nous pouvons gagner du temps sur le délai prévu par les études et faire de cette ligne une réalité, je serais un chef de gouvernement heureux. Voilà entre autres projets qui me paraissent prioritaires surtout à court terme.

La mondialisation, l’OMC, les difficultés des accords UE-ACP, le problème du coton etc. N’est-on pas en droit de craindre pour l’avenir des pays tels que le Burkina Faso ou d’organisations sous-régionales telles l’UEMOA et la CEMAC ?

S.E. M. P.E.Y : Les pays africains de façon générale ont pris conscience des enjeux de la mondialisation.
Je vais donner quelques exemples, ne ce serait-ce que deux. D’abord, vous remarquerez que les processus d’intégration sous-régionale, à travers les 5 zones du continent africain sont en train de s’accélérer ou de s’affirmer. Parce que les pays africains et les présidents africains notamment ont compris que les petites économies nationales et les marchés intérieurs ne sont plus des cadres propices pour pouvoir accélérer le développement économique. Ainsi en Afrique de l’Ouest, vous avez vu que l’UEMOA est en train d’avancer de façon résolue vers une intégration parfaite voir carrément vers un marché communautaire qui deviendra le principal marché unique de l’ensemble des 8 pays. Donc l’option c’est d’aller vers des regroupements pour créer des marchés communautaires qui sont le prolongement des marchés intérieurs.

Les dirigeants l’ont compris et les politiques d’intégration sont en train de prendre vraiment un envol. La deuxième chose, je pense que cela est important, nous avons remarqué qu’au niveau de l’Union Africaine, nous avons désormais un programme continental : le NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement économique de l’Afrique). C’est essentiel. C’est la première fois dans l’histoire des peuples africains que les dirigeants eux-mêmes, ont élaboré les grandes lignes du développement économique de l’Afrique après le plan de développement des années 80 qui n’a pas eu de suite.

Mais cette fois-ci, non seulement il y a les lignes directrices du programme, la répartition des responsabilités entre les Etats, mais aussi entre les leaders qui sont chargés de conduire des pans entiers du programme du NEPAD. Ça veut dire tout simplement que l’Afrique veut elle-même désormais opérer ses propres choix et ensuite chercher les moyens pour en faire des réalités. Je crois que c’est pour se prémunir des effets pervers de la mondialisation et c’est une très bonne chose.

Si l’on prend ces éléments, l’on se rend compte qu’il y a une prise de conscience et à côté de la prise de conscience, on est allé même plus loin, on a des propositions, on a un programme et maintenant nous sommes en train de travailler à mobiliser les moyens pour exécuter ce programme. Cela implique aussi dans les relations qui nous lient à d’autres regroupements comme justement les ACP-UE, des changements dans le contenu mais aussi peut-être dans la nature des instruments à mettre en œuvre pour développer au mieux et surtout adapter cette coopération de partenariat à la nouvelle dynamique du développement des pays africains.

Voilà ce que nous sommes en train de faire et l’on peut citer dans ce cadre-là, l’exemple des partenariats économiques entre les ACP et l’UE. L’Union européenne a accepté que les négociations se passent par zone. C’est-à-dire que l’Afrique de l’Ouest pouvait négocier directement, au nom des pays membres de la sous-région parce que le degré de traitement des dossiers par zone étant différent, on ne peut pas attendre que toutes les zones soient prêtes pour pouvoir avancer.

Ça montre la capacité de flexibilité et la nécessité de pouvoir s’adapter à la dynamique des pays africains de vouloir avancer et puis renforcer l’intégration aussi bien sous régionale que continentale. Donc l’Afrique, pour répondre de façon claire à votre question, se donne les moyens à travers son organisation continentale et à travers les instruments sous-régionaux de relever les défis de la mondialisation y compris des questions spécifiques comme celle du coton ou bien celle agricole et surtout de l’accessibilité que les pays africains doivent avoir au niveau des marchés des pays occidentaux.

Aux IXes Assises du FFA, il sera justement question d’intégration. Comment se passe le processus pour l’UEMOA, et le Burkina Faso en tire-t-il réellement profit ?

SEM P.E.Y. : Naturellement le Burkina Faso tire le plus grand profit possible dans le cadre de l’UEMOA. Je voudrais rappeler que le Burkina Faso fait partie des pays qui ont fait le choix de l’intégration de façon résolue. Vous vous souviendrez que le chef de l’Etat son Excellence M. Blaise COMAPORE a été celui-là même qui a organisé à Ouagadougou la signature du Traité constitutif de l’UEMOA. Vous savez qu’on organise pas une telle cérémonie si l’on est pas convaincu du bien-fondé, ça c’est une chose. La deuxième chose, à travers toutes les étapes de la construction de l’UEMOA, le Burkina Faso a montré son adhésion totale et la nécessité de faire en sorte que le processus d’intégration soit quelque chose d’irréversible. Pourquoi ? Pour au moins deux raisons.

La première raison je l’ai dit tantôt, je pense que ça va d’abord de la nature même de la position géographique de notre pays. Nous sommes un pays enclavé, ce qui veut dire que pour importer ou exporter, nous avons besoin de nous ouvrir aux autres pays. Pour cela, il faut non seulement avoir des routes, mais, il faut que les conditions juridiques, les accords de coopération et les rapports économiques avec les autres pays soient codifiés. Donc pour la circulation des biens et des services, nous avons besoin d’un cadre avec tous les pays autour de nous. N’oubliez pas que nous avons 6 pays frontaliers.

Il est important pour le Burkina Faso, c’est quelque chose de stratégique, je pourrais dire même de vital, d’avoir une économie ouverte sur le reste de la sous-région. La deuxième chose, est que, nous sommes un pays avec une main d’œuvre qui s’exporte beaucoup et qui nous donne des satisfactions. Quand vous êtes un pays avec beaucoup de vos compatriotes, hors de vos frontières je pourrais dire sans risque de me tromper au moins un tiers de la population du Burkina Faso se trouve dans la sous-région.

Quand vous êtes un tel pays une vos préoccupations est comment faire pour s’assurer que l’apport économique considérable de ces compatriotes-là va continuer. Il faut que ces populations soient dans des conditions idéales pour travailler et pour en retour dégager des bénéfices et donc faire des transferts pour le pays d’origine. Pour cela, la meilleure façon, c’est d’avoir des accords de coopération, des traités qui garantissent non seulement la vie de ces populations-là dans leur pays d’accueil, qui leur permettent de travailler là-bas pour faire des économies ; mais aussi qui permettent de circuler entre eux-mêmes, d’aller d’un pays à un autre. Voilà les deux premières raisons qui sont liées donc à la nature du Burkina Faso.

L’autre raison principale est que notre pays a un marché très exigu et si vous développez quelque chose de classique, si le produit se développe, si nous arrivons à élever ou à développer notre potentiel économique, il va falloir savoir comment nous allons exporter le surplus.
Parce que la consommation nationale ne pourra pas absorber le surplus de nos ambitions économiques. Pour cela, nous avons besoin d’avoir une économie intégrée à la sous-région. Mais surtout d’avoir une économie de la sous-région qui s’ouvre sur le reste du continent.

Et pour cela, l’intégration est le seul moyen qui peut garantir ces conditions-là pour le développement de nos économies et pour l’exportation. Faire en sorte que les marchés s’élargissent et que l’ensemble de l’Afrique puisse être un marché unique pour l’ensemble des produits africains, et que les produits africains ainsi intégrés puissent s’exporter et concurrencer le reste du monde. Voilà un peu pourquoi le Burkina Faso pense que l’UEMOA est une nécessité absolue et que d’ailleurs l’intégration va encore s’affirmer et s’accélérer pour que nous puissions tirer tous les bénéfices que nous devrions en attendre.

A vous écouter ; vous accréditez les thèses de ceux qui disent que le Burkina Faso s’oriente vers une économie de services, au détriment du traditionnel secteur de l’agriculture. Y a-t-il du vrai dans cette assertion ?

SE. M. P.E.Y : Bien sûr qu’il y a du vrai ! Je pense que c’est le résultat d’un combat. Je voudrais commencer par dire qu’il n’y a aucune honte à ce qu’un pays soit un pays de service. Parce que, d’un point de vue économique, chaque pays doit se développer sur la base des avantages comparatifs.

Si aujourd’hui le Burkina Faso se trouvait dans une position où il avait un avantage comparatif certain dans le domaine des services, nous devrions nous enorgueillir et développer cet avantage comparatif.
Ceci étant, à court ou moyen terme, il ne faut pas rêver, le Burkina Faso est un pays essentiellement agricole, maintenant il a des aptitudes prouvées dans les domaines des services. Voilà la vraie culture de l’économie burkinabè. Alors qu’est-ce qu’il faut faire ? Je vous disais plus haut que nous n’avons pas encore exploité l’ensemble du potentiel au niveau de l’agriculture burkinabè. Je peux citer de nombreux exemples pour montrer qu’il y a des réserves de productivité dans le secteur agricole.

Il faut aller puiser dans les solutions idéales pour pouvoir tirer profit de ce potentiel qui existe d’abord dans l’agriculture. Parce que l’agriculture a encore porter pendant de longues années le reste du secteur économique. C’est le développement agricole qui doit pouvoir induire le développement des autres secteurs notamment l’industrie, le commerce. Nous devons continuer à pousser dans l’agriculture, à moderniser l’agriculture, et à avoir des options qui accélèrent la croissance agricole et qui nous permettent de tirer le meilleur potentiel de ce secteur prioritaire. Comme je le disais, nous avons des aptitudes dans les domaines des services, vous venez de rappeler l’organisation des grandes manifestations.

Je voudrais ajouter que le tertiaire c’est aussi par exemple les télécommunications, le transport, et vous aurez remarquez qu’avec la crise ivoirienne, notre pays était devenu carrément le vrai carrefour que nous sommes en droit d’attendre. C’est encore des secteurs du tertiaire que nous pouvons développer pour faire en sorte que ce secteur effectivement soit fort et nous donne des satisfactions au niveau des résultats. Nous devons de façon cohérente tirer le meilleur profit de tous les secteurs porteurs, c’est-à-dire les secteurs de l’agriculture, mais aussi celui des services et notamment, l’ensemble du tertiaire.

Le Burkina Faso est devenu plus que jamais un passage obligé pour certains pays de l’hinterland. Qu’est-ce que cela implique comme charges et inconvénients ?

SEM P.E.Y : C’est vrai que cela implique des coûts importants dans l’immédiat. Pour être plus concret, vous avez remarqué la dégradation accélérée avant terme de la plupart de nos grandes voies d’acheminement des marchandises vers les ports. Cela est dû principalement à la multiplication du trafic, à la surcharge des routes.
Parce que les structures techniques de ces routes n’étaient pas préparées à recevoir des surcharges de cette nature si bien que nous sommes arrivés à une destruction rapide, je dirais que c’est le cas pour 80% de la plupart des principales routes qui ont été empruntées parce que le trafic a été multiplié par 3, voire par 5 ou plus sur certains axes.

Les axes Ouaga - Bobo, Ouaga - Pô, Ouaga - Koupéla-Lomé, ont été complètement esquintés avant terme. C’est un coût énorme. Heureusement, grâce aux bonnes relations que nous avons avec les institutions internationales, grâce aux bons partenariats que nous développons avec certains pays au niveau de la coopération bilatérale, nous sommes aujourd’hui en mesure de dire que nous allons pouvoir remettre ces routes-là en état, et surtout les mettre dans une situation où elles seront capables de supporter un trafic désormais plus important ; Je pense que c’est quelque chose d’essentielle, mais les coûts là.

Maintenant nous avons nos partenaires qui nous aident à amortir ces coûts. La deuxième chose c’est que nous pensons qu’il y a une substitution, et la compétition. Quand il y a ce genre de développement spontané, ce sont les plus compétitifs qui tirent le meilleur profit. Vous aurez remarqué au niveau des transporteurs, ce sont les transporteurs maliens et dans une moindre mesure ghanéens qui ont tiré les meilleurs avantages par rapport à ce développement intensif du trafic routier. Donc ça veut dire que c’est une perte pour nos opérateurs du secteur.

Et qui dit perte agit sur leur capacité à employer, sur leur capacité à faire de bons résultats économiques, donc à gérer leurs charges. ça peut occasionner même des pertes d’emplois pour un certain nombre de citoyens. Ça ce sont des inconvénients.

Mais il y a des avantages et je peux garantir que ces inconvénients sont largement compensés par les avantages d’un point de vue stratégique parce que c’est une ouverture supplémentaire de notre économie sur le reste des pays de la sous-région. Je prends un seul exemple. On n’aurait pas pu exploiter de cette façon, je peux même dire dans les 10 prochaines années, il y n’aurait pas été possible d’exploiter
lesplates-formes de la côte ghanéenne, notamment de Tema, comme elles l’ont été si cette crise et le développement du trafic subséquent ne s’étaient pas produits. Voilà un peu un avantage. C’est l’ouverture plus que grande et plus que proportionnelle de notre économie sur le reste de la sous-région.

Toute chose en retour qui nous permet de développer notre économie par ce trafic, nous devenons une zone de transit, nous développons l’économie de l’entreposage, nous développons l’économie du transit, nous développons l’économie du transport, celle des télécommunications etc. Donc, il y a une nouvelle économie qui se développe grâce justement à cette nouvelle place que le Burkina Faso a occupée de façon, je dirais imprévue, ce qui est une bonne chose. Les avantages dépassent largement les inconvénients et nous allons continuer à en engranger pour transformer ce processus-là en un processus de longue durée avec ses effets bénéfiques sur notre économie.

Quelle appréciation faites-vous du secteur privé national et du dialogue que vous avez institué avec lui à travers la « rencontre gouvernement-secteur privé » ?
SEM P.E.Y : C’est une très bonne question parce qu’elle me permet de dire toute ma satisfaction par rapport au secteur privé. Je voudrais rappeler que depuis 1991, le choix du Burkina Faso d’aller vers une économie de marché, nous avons affirmé et réaffirmé que le secteur privé est désormais le moteur de la croissance.

Je pense que les discours étaient bien, mais nous avons voulu maintenant poser des actes concrets pour faire en sorte que cela soit compris, non seulement des opérateurs eux-mêmes, mais aussi de l’ensemble de l’opinion parce que pour construire une économie on a besoin de mobiliser tous les agents qu’ils soient individuels, ou collectifs dans les entreprises ou les ménages. Ceci étant, la meilleure façon de le faire, c’est de créer un cadre de dialogue ou effectivement le gouvernement qui bien sûr a fait le choix de se désengager progressivement des secteurs concurrentiels et productifs au bénéfice du secteur privé, d’une part et les opérateurs que nous pourrons attirer pour occuper justement ces secteurs, laissés par l’Etat, s’assayent sur la même table pour parler. Echanger sur leurs préoccupations, et imaginer les schémas, les plus profitables pour atteindre le résultat économique souhaité.

C’est pour cela que nous avons instauré un dialogue au moins annuel, mais aussi il y a un dialogue permanent à travers plusieurs séries de rencontres entre des sous groupes et à travers des initiatives pour ouvrir davantage notre économie au monde extérieur. Je pense que le secteur privé m’a donné une grande satisfaction en 2003 notamment avec la grande capacité d’adaptation qu’elle a montrée en amenant notre économie à un taux de croissance de 8% qui est le taux le plus élevé de ces 10 dernières années alors même que tous les analystes disaient que c’était l’année où nous allions connaître les affres économiques, des crises de la sous-région.

Ils ont été capables de s’adapter et de réorienter les débouchés d’approvisionnements et d’exportations, à faire en sorte que nous avons eu un résultat qui dépassait toutes nos attentes. Donc je voudrais dire que nous sommes satisfaits et nous devons continuer parce que le secteur privé a montré sa capacité à pouvoir se substituer à l’Etat pour accélérer notre développement. Il appartient à l’Etat de continuer à développer une politique d’incitation, de stimulation, une politique qui développe et élargit les conditions favorables à ce redéploiement du secteur privé ; mais surtout à une meilleure insertion de notre secteur privé dans l’économie de la sous-région et dans l’économie mondiale.

Dans nos grands centres urbains, on a l’impression que tout le monde est devenu commerçant. Avez-vous, vous aussi cette impression et cela est-il bon ou mauvais à votre avis ?
SEM P.E.Y : C’est vrai que moi-aussi je remarque le développement des petits commerces notamment au niveau des rues, ainsi pratiquement toutes les maisons d’habitation qui donnent sur les grandes rues sont transformées en boutiques. Et partout maintenant quand il y a un regroupement de personnes vous avez toujours des vendeurs ambulants. Je pense qu’on peut expliquer cela par beaucoup de facteurs historiques qui se sont produits tout récemment dans notre pays.

Il y a une question et je pense que c’est au plan structurel-même, l’économie urbaine est en train de se modifier dans notre pays. On pourrait expliquer cela de façon plus longue et de façon plus profonde. Je pense qu’aujourd’hui ce n’est pas le cadre. Mais ce que je peux dire, c’est que cela n’est pas une mauvaise chose. Parce que tout simplement, le reflet de cette tendance au développement du commerce correspond à une demande qui existe véritablement. Aucun commerçant ne va continuer à faire du commerce s’il n’a pas de clients ; tant que vous voyez des commerçants qui continuent à exercer, c’est qu’il y a des clients pour acheter leurs marchandises. Et donc s’il y a de nouveaux commerçants, c’est qu’il y a des demandeurs.

Il y a une interdépendance entre le développement de la ville de Ouagadougou par exemple et le développement du commerce. Ce que je veux dire, il faut que nous fassions en sorte que le secteur structuré puisse supporter et absorber cette économie de type informel. Je m’explique. Nous avons une économie qui produit les recettes de l’Etat et le secteur informel est très difficile à fiscaliser. Paradoxalement comme vous venez de le dire à travers votre question, c’est ce secteur-là, le secteur informel qui donne l’impression de se développer en ville en tout cas, le plus.

Ça veut dire qu’une partie de la richesse nationale qui est créée dans ce secteur-là échappe au contrôle de l’Etat. Et comme l’Etat doit utiliser les recettes pour réaliser le développement dans le domaine social, nous avons intérêt à nous organiser pour que le secteur informel de façon ordonnée, réfléchie, soit intégrer sans contrainte, nous devons essayer de comprendre les fondements de cette économie-là pour pouvoir l’intégrer progressivement dans les schémas d’une économie structurée de façon à ce que tout le monde tire le meilleur avantage de son développement.

Parce qu’il faut le savoir, en tout cas, dans nos pays, c’est entre le petit commerce d’une part et l’économie structurée d’autre part que se développe l’économie de développement des pays émergents à savoir les petites et moyennes entreprises. Je pense que c’est à travers cette vie, cette incitation que le gouvernement doit aller pour pouvoir créer des conditions pour que le développement du petit commerce que nous avons dans l’économie moderne puissent créer et développer de façon plus large une économie de type petites et moyennes entreprises.

M. le Premier ministre, on vous a vu récemment à Genève puis au Canada avec d’importantes délégations d’opérateurs économiques. Opération de charme ponctuelle ou éléments d’une politique gouvernementale cohérente et placée dans la durée ?

SE. M. P.E.Y : Je pense que tous les Burkinabè seront unanimes pour reconnaître que c’est pratiquement un choix résolu des plus hautes autorités de ce pays de faire en sorte que le Burkina Faso s’ouvre au monde, notamment que nous puissions faire connaître notre pays, faire connaître son potentiel économique. Je voudrais rappeler tout simplement que le président du Faso au cours de ses missions, que ce soit en Asie ou en Europe, et à chaque fois que cela a été possible, a toujours voulu amener des opérateurs économiques de notre pays pour effectivement les mettre en contact avec les opérateurs de ces pays qu’il visite.

De la même façon et c’est dans cette vision qu’il faut inscrire les missions que j’ai effectué à Genève et au Canada parce que nous pensons que véritablement il faut faire en sorte que le potentiel du Burkina Faso soit connu. Nous avons parlé tout à l’heure des investissements directs étrangers, et j’ai montré comment nous avons un potentiel à vendre, j’ai montré comment les initiatives du gouvernement que ce soit au plan juridique, que ce soit au plan fiscal institutionnel, prend des mesuresde nature à créer des conditions favorables pour attirer des investisseurs étrangers ; alors la logique commande que nous fassions connaître les potentialités, ces conditions-là pour pouvoir donc attirer les investisseurs étrangers.

C’est pour ça, que la meilleure façon de le faire, c’est de sortir, faire le tour du monde pour dire à nos amis, voilà ce que vous pouvez trouver au Burkina Faso comme avantages, voilà comment vous pouvez placer votre argent en tirant le meilleur profit. C’est nous qui devons le faire parce que sinon, personne ne le fera à notre place. Voilà l’esprit et la vision dans laquelle s’inscrivent ces différentes missions et ces sorties accompagnées d’opérateurs économiques pour faire connaître le potentiel économique de notre pays.

Quels bilans faites-vous de ces sorties et quelles sont les perspectives en ce domaine ?

SEM P.E.Y : Je vais commencer par le bilan pour dire que nous sommes relativement satisfaits par rapport aux effets produits par les visites. Je commence par le Forum Francophone des Affaires dont nous venons de parler et qui devait se tenir en novembre en marge du Sommet. Nous avons voulu qu’il se tienne en mars parce que les opérateurs ont voulu donner beaucoup plus de visibilité. Parce que justement ils pensent, et ils ont été convaincus à travers les contacts que nous-mêmes nous avons développés à Genève et au Canada, ils ont pensé que c’était plus avantageux pour eux, mais aussi pour faire plaisir au Burkina Faso que nous soyons le point de mire à un moment donné de l’ensemble de la communauté francophone des affaires. Ça c’est un résultat important et c’est pour cela que je les félicite pour avoir tenu à bonne date ces assises-là.

De la même façon, je pense que vous pouvez poser la question aux opérateurs privés eux-mêmes, je crois que le partenariat d’affaire qu’ils ont noué, que ce soit au Canada ou en Suisse, est en train de se développer et d’entraîner d’autres contacts pour plus de partenariat plus important qui n’était même pas soupçonné au début de la sortie et qui sont aujourd’hui des réalités. La dynamique est enclenchée et le bilan produit les effets d’entraînement de façon à faire connaître notre pays, son économie et de faire en sorte que les gens viennent investir ici. Maintenant pour ce qui est des perspectives, je pense que nous allons continuer en direction de l’Europe et de l’Asie.

En 2005 nous allons faire l’effort pour peut-être faire une sortie de ce type en Asie où il y a beaucoup d’expériences qui nous intéressent notamment en Asie du Sud-est. De la même façon en Europe aussi nous n’avons pas fini et je pense que beaucoup de pays de ce continent ont des contacts aujourd’hui et développent des rapports commerciaux avec le Burkina Faso. Il faut que nous fassions des choix d’aller expliquer encore une fois à ces pays qui s’intéressent au Burkina qu’ils ont bien choisi de s’intéresser à notre pays et que véritablement il y a un potentiel à développer et qu’ils peuvent venir investir en toute sécurité.

Le Burkina Faso vient d’être admis à l’AGOA. Quels sentiments cela suscite-t-il en vous et que va faire votre gouvernement pour que le pays en tire le maximum de profit ?

SEM P.E.Y : Je voudrais commencer par dire que c’est une fierté, le fait que le Burkina puisse aujourd’hui faire partie de l’AGOA. Fierté parce que si l’on regarde dans un passé récent, les relations avec les Etats-Unis n’étaient pas très bonnes. Mais je dis bien un passé récent, de la même façon, les conditions édictées pour faire partie de l’AGOA, notamment les conditions de bonne gouvernance économique et politique, étaient des conditions qui soi-disant n’étaient pas remplies au Burkina Faso.

Donc je pense, en si peu de temps, nous avons pu rétablir une confiance remarquable au plan politique et diplomatique avec les Etats-Unis d’une part, ça c’est une chose, ça ne suffit pas pour être éligible à l’AGOA, mais d’autre part, nous avons produit des résultats au plan de la gouvernance économique, de la gouvernance politique et au plan de la gestion des affaires de l’Etat, et notre contribution aux efforts de développement par exemple économique de l’intégration, mais aussi aux efforts de paix dans la sous-région.

Donc, c’est quelque chose de remarquable. C’est le résultat de plusieurs efforts conjugués de notre peuple de ses dirigeants qui ont été remarqués et salués de cette façon avec notre entrée éclatante à l’AGOA. Il y a donc des raisons d’être fier. Maintenant, nous allons travailler à faire en sorte que le Burkina Faso tire le meilleur profit de notre entrée à l’AGOA et ça c’est une autre paire de manches. Mais je suis sûr que nous allons relever le défi et d’ores et déjà nous n’avons pas perdu le temps. Nous avons déjà fait une grande activité nationale à travers un atelier d’information globale pour dire ce qu’est l’AGOA, comment nous devons participer, quels sont les mécanismes qui sont en jeu et quel est le meilleur profit qu’on peut en tirer. Nous allons continuer pour en tirer tous les avantages rattachés à l’AGOA.

Pour revenir aux crises de la Côte d’Ivoire et du Togo, ne pensez-vous pas que pour être viables les solutions préconisées ici et là doivent impérativement intégrer leurs conséquences sur le Burkina Faso, le Niger et le Mali particulièrement ?

SE. M. P.E.Y : Que, ce soit les protagonistes de la crise ivoirienne ou de la crise togolaise, ou que ce soit les dirigeants de la sous-régions ouest africaine, personne ne pense que l’on peut trouver des solutions à ces crises-là sans associer pleinement d’abord tous les pays de la sous-région, c’est clair.

Donc, ce n’est pas seulement le Burkina Faso, je pense que c’est tous les pays de la sous-région ouest-africaine et cela se justifie tout simplement car l’inter dépendance est telle que, on ne peut pas penser trouver des solutions de façon exclusive. Il faut que tous les pays dans des cadres constitués comme la CEDEAO, l’UEMOA, aient ce désir de résoudre ces problèmes de la Côte d’Ivoire où ceux du Togo et trouver des solutions pertinentes qui ramènent la paix dans ces pays.

Seule donc une solution globale mettra ces pays sur la voie de la démocratie et de la construction économique, afin de créer un environnement sous-régional de stabilité parce que c’est la condition d’abord pour réaliser l’intégration, et faire en sorte que les mouvements de populations et la circulation des biens soient une réalité. Il est indéniable que dans ce cadre-là, le Burkina Faso à sa partition à jouer dans l’ensemble des processus que je viens d’énumérer.
Dans tous les cas, le Burkina Faso n’a jamais ménagé son effort pour pouvoir contribuer à la résolution de ces deux crises-là.

Quelle est la part des investissements extérieurs dans l’économie du Burkina Faso ?

SE. M. P.E.Y : Je dois vous dire tout de go que le Burkina Faso n’était pas une destination des investissements étrangers parce qu’il s’agit de capitaux qui ont besoin d’être placés dans des conditions de sécurité dans la longue durée, mais aussi dans des conditions de rentabilité. Toute chose que le Burkina Faso ne remplissait pas.

Aujourd’hui, on peut dire que nous sommes sur la bonne voie. Nous avons fait beaucoup de choses et je l’ai rappelé aux plans juridique institutionnel, infrastructurel, de la stimulation, de l’élaboration de nouveaux textes législatifs réglementaires des codes miniers, des investissements, du travail, tous ceux-là sont de nouvelles dispositions qui font du Burkina Faso désormais un pays qui peut attirer les investisseurs étrangers. On ne peut pas aller en arrière parce qu’en arrière, on peut dire qu’il n’y avait rien du tout. Je pense que l’on peut commencer à compter à partir de l’année 2000 où nous avons eu des investissements directs pour la bagatelle de 24 à 26 millions de dollars, alors que par exemple en 1985 c’était quelque chose qui ne dépassait pas 3 millions de dollars. Donc en 20 ans nous avons pu passer de 3 millions de dollars d’investissements directs annuels en 1985 et près de la trentaine en 2004. Ça c’est une bonne chose, ce n’est pas suffisant, c’est même insignifiant, mais comme je disais plus haut, c’est d’abord les conditions, donc l’attractivité de notre économie qui va nous apporter les investissements directs étrangers et nous allons continuer à améliorer ces conditions-là.

Retranscription : Frédéric ILBOUDO
L’Opinion

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