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Protection des droits de l’enfant : les élèves-maîtres de Dori, désormais « armés » pour la défense !

Publié le lundi 1er décembre 2014 à 00h38min

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Protection des droits de l’enfant : les élèves-maîtres de Dori, désormais « armés » pour la défense !

« Violences faites aux enfants en milieu familial : prévenir, repérer et agir ». C’est sur ce thème qu’est commémoré, du 0 7 novembre au 06 décembre 2014, le 25ème anniversaire de la Convention relative aux droits des enfants. Une opportunité pour les acteurs de dresser le bilan et évaluer ce qui est fait et pourrait être fait, notamment en matière d’innovations pour plus d’efficience. C’est dans cette dynamique que le Focus des organisations pour la réalisation de la convention relative aux droits de l’enfant (FORCE), a, dans sa série d’activités au programme de cette commémoration, outillé les futurs enseignants de l’Ecole nationale des enseignants du Primaire (ENEP) de Dori, région du Sahel. C’était ce vendredi, 27 novembre dans une atmosphère de grande mobilisation.

En misant sur le monde des enseignants, le FORCE (Focus des organisations pour la réalisation de la convention relative aux droits de l’enfant) opte pour plus d’efficience au regard de la place de ces futurs enseignants au sein des communautés dans l’exercice de leur fonction. Composé de Christian Children’s fund of Canada (CCFC), Christian Relief and Developpent Organisation (CREDO), du Centre Italien d’Aide à l’Enfance (CIAI), du Fonds de lutte contre la traite et les pires formes de travail des enfants (Fonds enfants), de Plan Burkina, de Save the Children et de Terre des Hommes Lausanne (Tdh), le FORCE, officiellement reconnu en 2010, bénéficie de l’assistance technique de l’Etat avec le Secrétariat permanent du Conseil national pour l’enfance en qualité d’observateur. L’École jouant un rôle fondamental dans le processus de développement harmonieux de la société en général, les organisateurs ne pouvaient trouver meilleurs bras armés que ces élèves-maîtres. Chaque enseignant étant un futur relai important en termes d’auditoire. En matière de défense des droits de l’enfant, on relève que malgré les avancées globales notées ces dernières années, de nombreux enfants restent encore à la traîne quant au respect des droits qui leur sont dus pour leur épanouissement. Selon Aimé Ouédraogo, chef de projet adjoint du système de protection de l’enfance de l’ONG Terre des hommes (Tdh) Lausanne et point focal du FORCE, s’adossant sur les chiffres 2013 de l’INSD, les enfants de moins de 18 ans sont estimés à 54,6% de la population burkinabè. Un taux qui, affirme-t-il, interpelle la responsabilité des adultes vis-à-vis de ces enfants pour leur mieux-être à travers la protection de leurs droits. L’ampleur du phénomène de la violence à l’égard des enfants au Burkina et la gravité de son impact sur le développement de l’enfant et la cohésion sociétale sont tels que, souligne M. Ouédraogo, la lutte devient une priorité gouvernementale et, partant, de tous les acteurs et partenaires au développement. L’activité de plaidoyer envers ces futurs enseignants s’inscrit donc dans cette vision de réponse efficace dans la défense des droits de l’enfant sur le terrain. Elle s’est incarnée par deux communications données par des spécialistes du domaine. La charge est revenue à Evariste Dabiré, spécialiste des droits de l’homme, d’entretenir en premier, les futurs éducateurs sur la nécessité du respect des droits des enfants pour leur épanouissement. Il axe son intervention sur deux (2) grandes parties : les généralités sur les droits de l’enfant et l’aperçu sur les droits de l’enfant au Burkina (implications, conséquences et conduite à tenir).

La marche vers la mise en place du dispositif de protection

Historiquement, introduit Evariste Dabiré, les droits reconnus à l’enfant n’ont pas toujours fait l’objet d’un accord commun au 20ème siècle. Il en veut pour illustration, la position de Philippe Meirieu (activiste français des mouvements d’Education populaire, ndlr) pour qui, « le seul véritable droit de l’enfant est le droit d’être éduqué, à recevoir une éducation que seuls les adultes éduqués eux-mêmes, peuvent lui donner ». La « Convention relative aux droits de l’enfant » adoptée le 20 novembre 1989 est donc le premier instrument juridique international ayant force obligatoire qui énonce toute la panoplie de droits. Selon l’article 1er de cette convention, l’enfant est tout être âgé de moins de 18 ans. « La majorité civile relevant de la législation de chaque Etat, on peut noter que l’article 149 de la loi n°028/AN du 13 mai 2008 portant Code du travail au Burkina Faso définit l’enfant comme toute personne ayant moins de 18 ans », précise le communicateur Evariste Dabiré. La Convention prescrit des principes directeurs de la non-discrimination, de l’intérêt supérieur de l’enfant, du droit à la survie et au développement ainsi que celui du respect de l’opinion de l’enfant. Le texte international reconnaît non seulement des droits à l’enfant mais également des devoirs. Ainsi, on note les droits civils (droits à la vie, à la nationalité, à la vie privée, etc.), les droits économiques (sécurité sociale, niveau de vie suffisant et assistance matérielle…), les droits politiques (liberté d’association et de réunion, de pensée, de conscience et de religion, etc.), les droits sociaux (nutrition, santé, protection contre l’exploitation sexuelle, protection contre la drogue...) et les droits culturels (éducation, information appropriée, etc.). A contrario, l’enfant a autant de devoirs parmi lesquels, le devoir pour l’enfant de respecter les droits des autres en l’occurrence, ceux des parents. Dans la deuxième partie de son exposé, M. Dabiré a d’abord soulevé les implications de la Convention qui sont entre autres, le nécessaire engagement de toutes structures ; qu’elles soient publiques ou privées. « Il est vrai que l’Etat burkinabè pour le cas d’espèce est le premier responsable de la garantie et du respect de la Convention mais les principes directeurs qui en découlent appellent à la contribution de tous. L’implication des cellules familiales ainsi que d’autres composantes de la société s’avère indispensable au respect des droits de l’enfant. C’est d’ailleurs une constante dans la tradition africaine où l’éducation d’un enfant appartient à ses parents, à ses voisins, à tous ceux qui croisent l’enfant comme le stipule l’article 9 de la Charte du Kurukan Fuga de 1236 ‘’l’éducation des enfants incombe à l’ensemble de la société. La puissance paternelle appartient par conséquent à tous’’ », a développé M. Dabiré. Le non-respect des droits plonge l’enfant dans une situation « préjudiciable » qui se traduit par un mélange de sentiments de tristesse, de souffrance morale et physique. A l’en croire, parmi les facteurs nuisibles à l’enfant, le divorce. Même par consentement mutuel, le divorce peut être une source de violence pour l’enfant. Et ce, indépendamment du fait même qu’il doit satisfaire au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est pourquoi, encourage-t-il l’engagement de tous, des personnes physiques et morales (publiques comme privées), dans la lutte contre les violences faites aux enfants.

Les droits spécifiques des enfants en conflit avec la loi

« Expérience du Réseau de protection de l’Enfance de Dori (RPE-Dori) et les droits des enfants en conflit avec la loi ». C’est le sujet sur lequel s’est appesanti Cyrille W. Savadogo, substitut du Procureur du tribunal de grande instance de Dori, par ailleurs président du RPE-Dori. Créé 2012, le réseau de protection de l’enfance de Dori (RPE-Dori) se veut une mutualisation des ressources techniques et une mise en lien des pratiques et expériences de différents acteurs de protection des droits de l’enfant. Après avoir présenté ses objectifs, son fonctionnement, le substitut du procureur, Cyrille W. Savadogo, a fait un zoom sur les nombreuses activités à l’actif de l’organisation, parmi lesquelles, les actions de sensibilisation et de plaidoyer, la prise en charge de cas d’enfants en besoin de protection, des formations de leaders communautaires et d’élus locaux. Le deuxième volet de sa communication a porté sur les droits spécifiques des enfants en conflit avec la loi. « L’Enfant en Conflit avec la Loi (ECL) désigne toute personne de moins de 18 ans qui a commis seul ou en réunion une infraction ou qui en est complice ou accusée dans le cadre des assises criminelles. Il s’agit d’un enfant dont les agissements tombent sous le coup de la loi et qui est appelé à faire face au système institutionnel de réparation des torts causés à autrui ou à la société », a détaillé le magistrat. Même en conflit avec la loi, l’enfant a des droits. Ainsi, au niveau procédural, l’enfant a le droit d’être informé (ce pour quoi il est accusé), le droit à la défense, à l’assistance, à la protection (tous les enfants doivent pouvoir entrer en contact avec la justice sans subir de pression ou d’intimidation, ni craindre pour leur vie ou celle de leur famille, surtout ceux qui viennent témoigner), le droit de garder le silence, à la présence d’un parent ou d’un tuteur ainsi que le droit à la vie privée (l’audience se fait généralement à huis clos). Au moment du jugement, il a droit à une justice spéciale qui implique pour chaque Etat partie à la Convention de créer des juridictions spécialisées pour mineurs. « Les Juridictions spécialisées pour mineur sont la juridiction du Juge des Enfants et le Tribunal Pour Enfants. Ces juridictions s’intéressent d’abord et avant tout à l’enfance en conflit avec la loi. Mais, elles ont pour fonction en priorité d’éduquer plutôt que de sanctionner. Elles s’intéressent ensuite à l’enfance en danger et peuvent dans certains cas avoir des compétences civiles », le premier responsable du RPE-Dori, Cyrille W. Savadogo.

Aux droits spécifiques, une institution spéciale !

A en croire le substitut du procureur, au Burkina, l’article 63 de loi d’organisation judiciaire institue une juridiction du juge des enfants au siège de chaque TGI. A ce jour, les juges des enfants ont été nommés seulement à Bobo-Dioulasso et à Ouagadougou. Ce qui ne permet pas, de son avis, un fonctionnement normal de la Justice pour mineurs. Mais, il existe des juges des enfants à Koudougou, Kaya, Ouahigouya, qui sont nommés cumulativement juges des enfants dans lesdits tribunaux. Le Tribunal pour enfant est compétent pour connaître en appel, des décisions rendues par le Juge des Enfants. Sur le volet des sanctions, on retient que dès qu’il a atteint l’âge de la responsabilité pénale, le mineur peut se voir infliger une peine (plus de 13 ans). Pour cela, il faut qu’il ait agi avec discernement. La peine est graduée en fonction de l’âge du mineur. A titre d’exemple, le mineur de moins de 13 ans bénéficie d’une irresponsabilité totale et absolue. Entre 13 et 16 ans, le mineur bénéficie d’une excuse atténuante de minorité. Dans le même esprit, il écope de 10 à 20 ans, s’il encourait la peine de mort.

Oumar L. OUEDRAOGO
Lefaso.net

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