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Football burkinabè : La vision du DTN Jean Macagno

Publié le jeudi 10 mars 2005 à 10h33min

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Jusqu’à une date récente directeur du centre de formation du Racing Club de Lens (France) avec tout le volet recherche, détection, formation des jeunes, Jean Macagno est la personne en laquelle Seydou Diakité et son équipe de la Fédération burkinabè de football (FBF) ont placé leur confiance pour conduire la Direction technique nationale (DTN).

Il a assumé des responsabilités dans le milieu du football français. Au niveau de la Fédération française de football, il a été Conseiller technique départemental, régional, puis a donné un coup de main aux sélections nationales. Jean Macagno a participé à la formation des cadres à Clairefontaine, encadré des jeunes, les seniors, de même que les juniors féminins français, et travaillé au niveau des clubs. C’est cet homme, qui a accepté d’échanger avec nous sur le football burkinabè.

"Le Pays" : Comment doit-on comprendre ces différentes rencontres entre la Direction technique nationale et les dirigeants de clubs et entraîneurs des clubs de 2e division ?

Jean Macagno : Cela fait partie de mes missions, de rencontrer les personnes qui sont responsables du football au plus haut niveau dans le pays. Cela commence par la première division et ceux qui ont en charge la gestion de ce football, dont les présidents des clubs et les personnes avec lesquelles ils travaillent, ainsi que les secrétaires généraux. Nous avons des messages à faire passer et nous leur avons fait savoir ce que nous voulons faire.

En ce qui concerne les entraîneurs de deuxième division, ce sont des journées d’informations indispensables pour eux. Le championnat de D2 venant de commencer, il était souhaitable de rencontrer les acteurs techniques de ce niveau, pour leur faire une petite présentation d’une planification de saison et faire le point pour connaître leurs besoins ou savoir ce qui marche bien ou pas. Pour les entraîneurs de première division, ce sera en fin mars. Au niveau des acteurs de ces réunions, nous avons un retour favorable par rapport aux échanges qui se sont déroulés. J’en veux pour preuve la ponctualité, d’une part et d’autre part le nombre impressionnant des participants.

C’est visiblement la première grande action de la Direction technique ! Pourquoi maintenant alors que vous êtes au Burkina depuis des mois ?

La première grande action ; oui et non parce que nous avons déjà conduit des choses dans l’aide qu’on peut apporter à l’encadrement des équipes nationales. D’un côté, il y a eu les phases éliminatoires de la CAN juniors auxquelles nous avons participé avec les entraîneurs Sidiki Diarra et Joseph Kaboré "Sap", contre le Nigeria. Le Nigeria a d’ailleurs gagné cette CAN de fort belle manière, sans être à aucun moment accroché. Il y a eu la préparation des éliminatoires de la CAN cadets avec les résultats que vous connaissez, c’est-à-dire l’élimination du Cameroun et du Burundi avec une équipe des Etalons consistante. Au début, nous avons travaillé avec Jacques Yaméogo, qui, malheureusement pour des raisons médicales, a dû décrocher.

Ensuite avec Pihouri Webonga, il a fallu élaborer un programme de préparation dans lequel les joueurs sont impliqués actuellement. Il y a eu des relations avec la Ligue nationale de football pour l’établissement du calendrier du championnat de première et deuxième divisions. Nous avons travaillé sur une politique technique nationale, mais le problème, selon le président de la FBF, Seydou Diakité, c’est qu’il fallait attendre les exigences mises en place pour la phase des élections. Maintenant que Seydou Diakité est élu et que nous sommes en route pour quatre années, nous faisons démarrer les actions qui avaient été préparées.

La collaboration a-t-elle été sans nuages avec les encadrements techniques des différentes sélections, quand on sait que ce n’est pas toujours évident ?

C’est un problème qui doit être placé au deuxième plan. On peut avoir des divergences de vues avec des personnes qui ont des responsabilités, mais il faut travailler ensemble pour obtenir des résultats, et l’important est que cela soit obtenu par le football burkinabè, quel que soit son échelon de représentation. Là-dessus, une Direction technique nationale est présente pour impulser une dynamique au niveau du football et assurer son développement dans le pays.

Elle est là surtout pour travailler dans le moyen, voire le long terme. Un sélectionneur ou un responsable d’équipe travaille forcément dans le court terme, où il y a l’atteinte d’objectifs fixés, par exemple la qualification à la CAN, ensuite la participation à la phase finale et la mission s’arrête. Une direction technique avec ses entraîneurs nationaux doit assurer cette pérennité et le faire dans la meilleure des ambiances.

Un sélectionneur est en place et lorsqu’un deuxième arrive, c’est le rôle de la direction technique nationale de tout faire pour faciliter le travail du successeur à ce niveau. Ensuite, c’est au sélectionneur national de gérer son groupe, prendre ses responsabilités, mettre en place son système de jeu, vérifier l’état de forme et de compétition de chaque joueur au niveau national ou à l’extérieur et constituer la meilleure équipe possible pour défendre les couleurs nationales.

Une certaine opinion rapporte que la DTN veut souvent imposer sa façon de voir quand elle intervient dans la préparation de certaines équipes nationales...

Il faut voir les choses de manière différente. Une Direction technique nationale met en application une politique technique qui comporte des passages obligés auxquels on ne peut pas échapper. Les choses sont mises en place après réflexion, par rapport aux actions à conduire et ensuite elles le sont avec une certaine méthodologie et une certaine rigueur.

Dans un premier temps, lorsqu’on veut mettre ces choses en place, même si on en explique le bien-fondé, il y a forcément des réactions épidermiques par rapport à quelque chose qui doit laisser des traces dans le temps. Il est très important de relater ce qui s’est passé, parce que cela permet de tirer des enseignements pour le futur. Si on a fait une préparation et qu’elle a été payante, il faut travailler dans le même sens et chercher à l’améliorer. Mais si on a mis en place une préparation et qu’on s’est trompé, il faut éviter de recommencer la même chose et pour cela, il s’agit d’être précis, en sachant ce qu’on a fait sur le terrain. En réalité, c’est une habitude de travail à mettre en place.

Quand on donne des idées nouvelles, il y a 10% des gens qui écoutent et adhèrent, 80% sont attentistes et 10% sont systématiquement contre. Pour aller de l’avant, il faut laisser ces derniers tirer eux-mêmes les leçons et revenir à de meilleurs sentiments. Mais il faut travailler avec les 10% qui sont d’accord, convaincre les 80% et à partir de là, cela fait une majorité. Quand les gens travaillent dans la même direction, on a de fortes chances de faire avancer le football du pays.

Comment peut-on comprendre que notre pays participe aux compétitions internationales en cadets et juniors pendant qu’on n’a pas de championnats réguliers dans ces catégories ?

Cela peut très bien se comprendre et s’expliquer. Quand on n’a pas de championnat organisé dans les petites catégories, on laisse des plumes au niveau de la formation tactique de l’individu. En Europe, un jeune footballeur débute à l’âge de sept ou huit ans, voire six ans pour certains et commence à sortir d’un système de préformation à l’âge de quinze, seize ans. Il a pratiquement dix années de football bien structuré avec des éducateurs adaptés à sa catégorie d’âge et suivant son évolution, pas forcément dans le même club. D’un club à un autre, il va nécessairement trouver un éducateur qui a eu une formation et qui est capable de répondre à ses attentes.

Le football n’étant pas structuré dans les petites catégories, des enfants arrivent directement à l’âge de seize ans, dix-sept ans dans la compétition de deuxième division, voire de première division au Burkina. Ils sont donc au contact des seniors. Au sujet maintenant de l’âge réel ou pas, et je ne voudrais pas approfondir le dossier dans ce sens mais si c’était le cas, cela est préjudiciable et regrettable. Il ne faut pas tricher avec les enfants, laisser les choses évoluer et permettre aux acteurs du football de dix-sept ans de pouvoir s’exprimer. Si ce n’est pas le cas, il faut le faire et naturellement les enfants de dix-sept ans joueront avec ceux de leur catégorie d’âge. Et lorsqu’on rencontre les équipes européennes ou d’Amérique du Sud par exemple, un moins de dix-sept ans est un moins de dix-sept ans.

Les éliminatoires de la CAN et de la Coupe du monde 2006 reprennent bientôt. Comment voyez-vous les chances de qualification des Etalons pour avoir suivi tout de même l’équipe ?

Les Etalons ont toutes leurs chances même si des choses se sont produites lors des matchs aller. Il faut savoir que battre le Ghana n’est pas à la portée de n’importe qui mais je me rends compte qu’on a tendance à gagner à domicile et perdre à l’extérieur. Après avoir vu le film du match face à la R.D. Congo, on peut dire qu’à un moment, nous étions près du nul, peut-être même de la victoire. Je dirai aussi qu’il n’y a pas beaucoup d’équipes qui ont mis deux buts à la R.D. Congo chez elle comme le Burkina l’a fait.

L’Afrique du Sud est tout de même une nation forte du football africain et nous perdons là-bas par deux buts à zéro. Aux dires du sélectionneur, il n’y avait rien de drôle mais si nous avions remporté le match au Cap-Vert où j’étais et il était jouable. Je suis toujours de nature optimiste, parce que je crois en deux qualités pour une équipe nationale : il faut du sérieux, de la passion et du travail. A ce niveau, le sélectionneur Bernard Simondi est sérieux et passionné et fait du travail. Si vous venez le voir avec le petit groupe d’élite des locaux, les mercredis et jeudis matin, ou si vous l’avez vu avec les Espoirs et les Seniors en Algérie, je ne doute pas que vous reconnaîtrez qu’il applique une méthodologie de laquelle découleront des résultats.

C’est vrai que le 26 mars, contre le Cap-Vert à Ouaga, est un match à quitte ou double. A ce sujet, nous avons besoin de la réponse du public, de voir surtout la tribune dix du stade du 4 août habillée aux couleurs nationales, encourager notre équipe au lieu de la critiquer. Le match des Etalons cadets contre le Burundi est l’image même de ce que doit faire un supporter. A la mi-temps, nous sommes éliminés et rentrons dans les vestiaires sous des insultes. Ce qui n’est pas normal parce que ce sont des enfants à encourager plutôt. Ils sont ensuite capables de renverser la vapeur et gagner 5 buts à 1, en faisant lever les gens dans les tribunes.

Il faut donc un peu de patience parce qu’à un moment, le joueur sur le terrain a besoin d’entendre un bourdonnement positif dans ses oreilles, venant des tribunes, dans le sens de son hymne national plutôt que des critiques. Les injures et autres sont des choses qui déstabilisent le joueur. Personne n’est content de perdre un match et surtout pas l’entraîneur, ni le président de la fédération ou encore le Directeur technique national. Il faut toutes les chances de notre côté pour battre le Cap-Vert ici et après on verra, puisque les autres se rencontrent à ce moment aussi.
Les objectifs à long terme pour la Coupe du monde, c’est plutôt 2010 pour moi.

Comment comptez-vous vous y prendre ?

Il s’agit de travailler, en mettant en place des structures. Je prends un joueur qui a dix-huit ou dix-neuf ans maintenant. Il aura vingt trois ou vingt-quatre en 2010. Cela nous laisse cinq ans de travail avant et à nous de dégager une élite chez les joueurs locaux et pas uniquement ceux de première division mais avec des juniors et des cadets et les faire travailler ensemble. Nous devons prendre du temps et faire un travail en profondeur, précis et sérieux.

On vous sait proche du président de la FBF, Seydou Diakité. Mais peut-on savoir comment les choses se sont passées pour qu’on vous retrouve à la tête de la Direction technique nationale, et combien de temps va durer ce mariage d’amour ?

Je n’en sais rien, puisque je suis un peu comme le sélectionneur national. L’histoire avec Seydou Diakité, c’est une rencontre autour d’idées, de projets. De mon côté, il y a un plaisir de travailler en Afrique où je venais pour le Racing Club de Lens dans le cadre de la détection de jeunes joueurs. Je suis venu au Burkina à l’occasion de la CAN 98 et nous avons eu l’occasion de sympathiser, Seydou Diakité et moi. Il cherchait une personne pour structurer quelque chose à la fédération et surtout son secteur technique. Nous sommes tombés d’accord sur des projets et une méthodologie. Le président de la fédération avait besoin d’un mandat un peu plus long, parce que rien ne se fait dans le court terme. Les présidents de fédération qui marquent leur temps que ce soit Sastre ou Claude Simonet en France, ils sont deux fois réélus.

L’empreinte ne se laisse qu’à partir de huit, dix, douze ans. A leur niveau, c’est un contexte européen où les moyens financiers sont autres, les initiatives peuvent être prises et derrière on a une réponse immédiate de sponsors, de partenaires. Ici, c’est un peu difficile et il faut du temps. Mais quand la direction est donnée, il faut laisser avancer les choses. Des critiques, il y en a de tous côtés et il y en a eu de tout temps.

J’ai trouvé un président de fédération qui a une parole et la respecte. Cela est très important et lorsque Seydou Diakité dit qu’il va dégager les moyens, il fait le maximum dans ce sens. Le football burkinabè prend du costume. J’espère qu’on fera le chemin le plus long possible ensemble, espérant que les actions mises en place laisseront derrière des traces pour que d’autres prennent le relais, à savoir des entraîneurs nationaux, un Directeur technique national burkinabè. C’est mon souhait.

Propos recueillis par Antoine BATTIONO
Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 15 mars 2005 à 17:34, par bado_jacob En réponse à : > Football burkinabè : La vision du DTN Jean Macagno

    Je ne comprend pourqoi notre objectif ne serait pas la coupe du monde 2006 sachant que nous avons battut le ghana deuxième du groupe
    et que le ghana a battut l’afrique du sud 3 buts a 0 nous pouvons
    donc nous qualifier.Je désire que le sélectionneur national et M.macagno y pensent

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