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Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (5)

Publié le mardi 25 novembre 2014 à 10h25min

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Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (5)

République du Faso, République des egos ? Le Burkina Faso a un président de la transition et un premier ministre. Il lui manque encore un Conseil national de transition (CNT) et, bien sûr, un gouvernement. On nous promettait tout cela pour, au plus tard, la fin de la semaine dernière. La semaine s’est achevée ; le week-end également. Et nous sommes toujours dans l’attente de ces nominations.

C’est qu’il était plus facile de se mettre d’accord sur le nom d’un président du Faso avec un CDD d’un an seulement et sur celui d’un premier ministre qui, immanquablement, était Isaac Zida compte tenu de la désignation de Michel Kafando à la présidence du Faso, un Kafondo présenté comme « le » candidat des militaires jusqu’alors au pouvoir. Zida à la primature n’a été une surprise pour personne, et surtout pas pour lui, du fait du rôle joué par le RSP, dont il était le numéro deux, au lendemain de l’insurrection populaire. Dans le contexte actuel, encore particulièrement volatil, il est le garant de la situation sécuritaire dans la capitale et dans le pays.

Entre Kafondo et Zida les choses se passent plutôt bien jusqu’à présent. Avant-hier, vendredi 21 novembre 2014, la passation de charges entre l’un et l’autre a été l’occasion d’une grandiose mais sobre cérémonie à laquelle ont participé les chefs d’Etat de la région : Bénin, Ghana, Mauritanie, Niger, Mali, Sénégal, le Togo étant représenté par son premier ministre, Anthème Seleagodji Ahoomey Zinu, et la Côte d’Ivoire et le Nigeria par leurs ministres des Affaires étrangères : Charles Koffi Diby et Nurudeen Mohammed. Zida, chef d’Etat sortant, a eu l’honneur d’accueillir tout ce beau monde.

Pas de désordre, tous les « démocrates » d’Afrique de l’Ouest (nouveaux élus qui exécutent leur premier ou leur deuxième mandat) étaient là ; rien que des civils à l’exception du général mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz*, ex-putschiste mais président de l’UA et ennemi intime de Blaise Compaoré. On notera que, à l’exception du Mali, les pays pour lesquels le président du Faso avait été médiateur, ont fait l’impasse totale (Guinée, membre de la Cédéao, et Guinée Bissau, membre de la Cédéao et de l’UEMOA) ou partielle (Togo, Côte d’Ivoire). Faure Gnassingbé, dont l’accession au pouvoir ne résulte pas d’une élection « démocratique », ne s’est pas déplacé. Même chose pour Alassane D. Ouattara qui, ayant hébergé Compaoré à la suite de sa démission, aurait sans doute suscité une bronca populaire.

On notera que, parmi les pays représentés à Ouagadougou, si Faure Gnassingbé (2005) et Thomas Boni Yayi (2006) font figure d’anciens, les « petits jeunes » sont nombreux : Mohamed Ould Abdel Aziz (2009), Goodluck Jonathan et Alassane D. Ouattara (2010), Mahamadou Issoufou (2011), John Dramani Mahama et Macky Sall (2012), Ibrahim Boubacar Keïta (2013). La chute de Compaoré fait donc du bloc Afrique de l’Ouest le plus jeune, politiquement, de tout le continent, le seul président en place depuis plus de dix ans étant le Gambien Yaya Jammeh (1996)**. Rien à voir avec l’Afrique centrale peuplée de dinosaures ; tandis que l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe ne sont pas, globalement, mieux lotis.

Ironie de l’histoire, Michel Kafando, 72 ans, va être à la fois le plus jeune chef d’Etat en fonction au sein de la Cédéao et de l’UEMOA et, dans le même temps, le plus âgé ! Le Burkina Faso sera aussi le seul pays de la région dont le chef du gouvernement est un officier supérieur.

Si le Conseil national de transition (CNT) et le gouvernement tardent à être nommés c’est qu’il est particulièrement difficile de se mettre d’accord non seulement sur des noms mais sur quels partis politiques, formations militaires et associations vont être représentés. Dans cette affaire des 30-31 octobre 2014, il y a un perdant évident, Blaise Compaoré, mais un paquet de « vainqueurs » ; ils sont nombreux ceux qui pensent qu’ils ont joué un rôle majeur dans le renversement du régime précédent et qui revendiquent une place notable dans l’organigramme du nouveau pouvoir. Les militaires évoquent des « appétits voraces » ; lefaso.net écrit que « le torchon brûle entre petits partis et grands partis de l’opposition » ; du côté de l’exécutif, Kafando + Zida, devant l’afflux de « candidatures » il n’est pas particulièrement facile de discerner la compétence d’hommes et de femmes qui n’ont jamais exercé une activité gouvernementale.

Dans un changement de gouvernement, en temps ordinaire, il y a toujours un noyau dur qui, sous un régime ou sous un autre, a une expérience des affaires de l’Etat. Là, en ce qui concerne le gouvernement, il n’y aura que des gens totalement neufs. C’est le cas, d’ailleurs, aussi, pour le premier ministre. Il n’est que Kafando qui a connu cette expérience gouvernementale, mais il y a plus de trente ans de cela. C’est dire que le challenge est particulièrement délicat ; d’autant plus que ceux qui seront choisis n’auront qu’un an pour réussir dans le domaine qui sera le leur : remettre en route l’activité politique, économique, diplomatique et sociale dans un contexte détérioré et, plus encore, alors que la campagne pour la présidentielle 2015 va rapidement mobiliser les énergies des uns et des autres.

Dans son discours lors de la passation de charges, le vendredi 21 novembre 2014, en début de soirée, le président du Faso, Michel Kafando, n’a pas caché les difficultés auxquelles son équipe va être confrontée. « Nous revenons de loin », a-t-il affirmé, évoquant une épreuve « tragique et douloureuse » qui aurait pu « mener tout droit au cataclysme ». Il a évoqué également la « psychose », le « traumatisme » d’une population qui a tenu à exprimer son « exaspération sociale face à l’injustice flagrante, au népotisme, à l’impunité et à la corruption ».

Kafando, qui n’avait pas été partie prenante de la « Révolution » de 1983, rappelle cependant que celle de 2014 a le même « idéal » face aux « richesses inexpliquées », aux « privilèges indus », aux « avantages oligarchiques ». Il a même eu des envolées lyriques pour saluer « les martyrs de la révolution » et annoncer son projet de « Panthéon des Martyrs de la Révolution » où entreront « nos valeureux martyrs, en lieu et place des héros qui n’y ont jamais séjourné », autrement dit Thomas Sankara. Dont le nom n’est plus, désormais, tabou puisque Kafando a décidé, « par le fait du prince », que « les investigations pour identifier [son] corps ne seront plus assujetties à une décision de justice, mais seront du ressort du gouvernement ».

Dimanche 23 novembre 2014. 21 h 29, heure de Paris. L’info tombe, répercutée aussitôt par lefaso.net : la composition du premier gouvernement de la transition est enfin connue avec un président « out door » et un premier ministre « in door ». Kafando est, effectivement, président du Faso et ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, tandis que Zida est premier ministre et ministre de la Défense et des Anciens combattants. Pour le reste, à quelques exceptions près, des hommes et de rares femmes dont bien peu ont un nom qui évoque quelque chose. 25 ministres et ministres délégués en plus du chef de l’Etat et du chef de gouvernement (compte tenu du secrétaire général du gouvernement qui a rang de ministre).

Un « gouvernement de mission » nous dit-on. Espérons que ce ne soit pas « mission impossible ».

* A noter que le président mauritanien, président en exercice de l’Union africaine, lors de son intervention à l’occasion de la passation de charges entre le lieutenant-colonel Yacouba Issaac Zida et Michel Kafando, n’a cessé de qualifié Kafando comme « président du Conseil national de la Transition » en lieu et place de « président du Faso » et de saluer les membres de ce Conseil dont… la composition n’a toujours pas été révélée.

** Les actuels chefs d’Etat sont en place depuis 2006 au Liberia, 2007 en Sierra Leone, 2010 en Guinée, 2011 au Cap Vert, 2014 en Guinée Bissau.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 25 novembre 2014 à 13:14, par Un Biologiste En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (5)

    Est-ce qu’ on ne pouvait pas garantir la securite du peuple sans que Zida ne soit pas aa primature ? Je suis reste sur ma faim. La revolution n’a pas ete volee. Elle a ete confisquee par les hommes - maison de Blaise.C’est ca la realite. Les gens n’ aiment pas que le miroir leur renvoie le vrai reflet de ce qu’ il s sont. Dommage. Les militaires feront toujours les choses militairement. Une chienne ne met pas au monde ds chatons. Vous vouliez quoi ? Quand on invite les termites das sa maison, on a la visite des lezards. Maintenant ils deviennent tous Sankaristes pour endormir la populace. Ah ! Pauvre Sankara. Meme ceux qui ont soutenu a bout de bras l’ officier felon qui t’ a bousille deveinnent aujourd’ hui ton supporter. Que le peuple peut etre dribblable ! Il suffit d’ user de mots. Sans y penser. Comme les femmes que le premier homme trompe en racontant des balivernes. Puis apres la rupture, un second vient raconter ses billevesees. Puis le troisieme vient lui conter fleurette. Le peuple a la psychologie feminine. Je n’ en veux pas aux femmes qui sont aussi intelligentes que les hommes mais en matiere d psychologie, c’est comme ca que les femmes fonctionnent. Comme le peuple. Avec leur cerveau primitif, precambrien, limbique.

  • Le 25 novembre 2014 à 14:00, par segoumousso En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (5)

    La Gambien Yaya Jammeh a fait 20 ans au pouvoir, vivement qu’il parte. Ou sont la jeunesse gambienne, la jeunesse Burkinabe vous soutient dans votre combat de faire sauter le dictateur qui se prend pour un djiin guerisseur de SIDA.
    Parrait qu’il est le plus corrompu et le plus sangunaire profitant d’un petit pays sans ressource pour museler et massacrer toute opposition a son regime. Par dessus tout c’est le mandat illimite qui prevaut en Gambie. Ca risque beaucoup en Gambie.
    A bas Yaya Jammeh....

  • Le 25 novembre 2014 à 14:10, par GARÇON FACILE En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (5)

    YA QUOI MÊME !!! ENCORE VOUS Mr BEJOT, DÉCIDÉMENT HEIN !! TROP C’EST TROP. QUANT EST CE QUE VOUS ALLEZ COMPRENDRE UNE BONNE FOIS POUR TOUTE QUE VOTRE DIEU BLAISE COMPAORÉ À ÉTÉ DÉGAGÉ. S’IL VOUS PLAIT, Mr BEJOT LAISSEZ NOUS AVANCER. LAISSER LE BURKINA TRANQUILLE. ALLEZ VOUS OCCUPER DE LA FRANCE VOTRE PAYS. VRAIMENT VOUS NOUS FATIGUÉ. LISER CECI ET RÉVEILLEZ VOUS DE VOTRE SOMMEIL DE 27 ANS : LA PATRIE OU LA MORT NOUS VAINCRONS. Modérateur, laisse passer si tu aimes ton pays le Burkina Faso de THOMAS SANKARA.

  • Le 25 novembre 2014 à 15:30 En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (5)

    monsieur Béjot
    vous avez mangé à la table de blaise compaoré et son clan ; pardon, cachez-vous pour le moment ; vos analyses à un cent de CFA, le peuple voit clair ! Vous voulez manger à tous les ratelier ?

  • Le 26 novembre 2014 à 09:51, par Faso Biiga En réponse à : Le Burkina Faso de Michel Kafando. Chronique d’une transition « d’exception » (5)

    Mr Béjot

    Pour votre gouverne, apprenez une fois et pour toujours que le Faso est la forme républicaine au Burkina. Lisez bien notre constitution si vous voulez continuer à écrire sur l’histoire de notre chère patrie. Les rapaces venues d’ailleurs et leurs valets locaux n’ont certainement pas encore compris cela. Regardez le sort qui leur a été réservé par les hommes intègres. Leur errance dans le berceau de l’humanité est illustrative de la déchéance morale dont ils ont fait montre.
    Merci d’en tenir compte pour le futur.

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