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Célébration du 8 mars : les femmes des actes concrets

Publié le mercredi 9 mars 2005 à 12h07min

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Pas facile d’être femme. Surtout dans les contrées africaines. Les femmes burkinabè ont encore haussé le ton ce 8 mars, pour dénoncer les mauvais traitements dont elles sont victimes.

Cette année, Ziniaré, le fief du président du Faso, a été le théâtre de nouvelles revendications.

"La cause de la femme est universelle". C’est Chantal Compaoré l’épouse du chef de l’Etat qui le dit. Et elle ne mâche pas ses mots : la Journée internationale de la femme est loin d’être du folklore : "C’est un appel pressant, une invitation constante à la réflexion et à la construction". La "tendre moitié" du président du Faso a même décerné une mention spéciale aux femmes burkinabè.

Morceau chois de son discours : "Force stabilisatrice de la famille et des foyers, ferment de la culture du dialogue et de la solidarité, elles ont contribué à faire de notre pays, un espace de paix et de prospérité". Cela "force l’admiration de tous", se réjouit-elle. Mais elle a été vite rappelé à l’ordre par le chef de file des "partenaires techniques et financiers en genre", Han-Maurits Schaapveld : "La durabilité d’une situation de paix ne doit pas être un acquis ; un pays peut être en paix sans que ses habitants ne vivent dans la paix".

Il a alors ouvert une page triste, celle des femmes maltraitées. Pour elles, dit-il, "il n’y a pas de paix, ni de négociation de paix". M. Schaapveld a aussi décoché une petite flèche sur certaines femmes. Car "les hommes aussi sont victimes de violences mais ces violences sont méconnues parce qu’elles sont couvertes par la loi du silence". Le combat doit donc se mener dans une dynamique commune. C’est un gage inéluctable du développement.

A la commémoration du 148e anniversaire de la Journée de la femme, une banderole affichait d’ailleurs cette ambition : "Des hommes du 3e millénaire pour des femmes du 3e millénaire : paix et développement assurés."
Le ministre de la Promotion de la femme, Gisèle Guigma, s’est, elle, présentée en avocate des "femmes meurtries dans leur âme et dans leur chair à cause des conflits qui minent l’Afrique et le monde".

Aujourd’hui, "la vraie libération passe nécessairement par la stabilité économique", dit-elle. Et ce n’est pas tout : "le social est à la femme ce que la famille est à l’individu ; c’est à dire un pilier sur lequel elle se hissera pour prouver son efficacité". La question est alors tombée, pleine de sens : "Comment arriver à faire infléchir une décision et faire entendre sa voix tout en restant à l’écart des pouvoirs de décision ?"

Mais il faut bien que la volonté politique soit au rendez-vous. Le chef de file des partenaires techniques et financiers l’a souligné de vive voix : "le Burkina a signé plusieurs conventions et traités sur les plans national et international. Le vrai défi, c’est de pouvoir traduire cette volonté politique orale en volonté politique concrète".

Le reste de la cérémonie tient en quelques séquences : défilés, chants et danses, une dizaine de décorations, les plantes offertes aux femmes, 18 ambulances offertes par Mégamonde. 13h : déjeuner à la résidence présidentielle de Ziniaré. 18h : réjouissance à la Place du haut-commissariat. Un point, c’est tout. Mais loin du discours officiel des intello, la majorité silencieuse ploie sous le lourd fardeau de la misère. Pour certaines d’entre elles, la Journée de la femme est une vue de l’esprit. Rien de plus. C’est en tout cas la conviction de Azara Sawadogo, 17 ans, élève en classe de 3e. Elle a refusé d’aller au lieu de la manifestation.

Par Hervé D’AFRICK


Racisme, sexisme, misogynie...

"Nous, les femmes, marchons depuis longtemps pour dénoncer et exiger la fin de l’oppression que nous vivons en tant que femmes, pour dire que la domination, l’exploitation, l’égoïsme et la recherche effrénée du profit menant aux injustices, aux guerres, aux conquêtes et aux violences ont une fin.

De nos luttes féministes, de celles qu’ont menées nos aïeules sur tous les continents, sont nés de nouveaux espaces de liberté, pour nous-mêmes, pour nos filles, pour nos fils et pour toutes les petites filles et tous les petits garçons qui, après nous, fouleront ce sol.
Nous bâtissons un monde où la diversité est un atout et où tant l’individualité que la collectivité sont sources de richesses, où les paroles, les chants et les rêves bourgeonnent. Ce monde considère la personne humaine comme une des richesses les plus précieuses. Il y règne l’égalité, la liberté, la solidarité, la justice et la paix. Ce monde, nous avons la force de le créer.

Nous formons plus de la moitié de l’humanité. Nous donnons la vie, travaillons, aimons, créons, militons, nous distrayons. Nous assurons actuellement la majorité des tâches essentielles à la vie et à la continuité de cette humanité. Pourtant, notre place dans la société reste sous-évaluée.

La Marche mondiale des femmes, dont nous faisons partie, identifie le patriarcat comme le système d’oppression des femmes et le capitalisme comme le système d’exploitation d’une immense majorité de femmes et d’hommes par une minorité.

Ces systèmes se renforcent mutuellement. Ils s’enracinent et se conjuguent avec le racisme, le sexisme, la misogynie, la xénophobie, l’homophobie, le colonialisme, l’impérialisme, l’esclavagisme, le travail forcé. Ils font le lit des fondamentalismes et intégrismes qui empêchent les femmes et les hommes d’être libres. Ils génèrent la pauvreté, l’exclusion, violent les droits des êtres humains, particulièrement ceux des femmes, et mettent l’humanité et la planète en péril.
Nous rejetons ce monde !"

Source : Charte mondiale des femmes pour l’humanité


LES A COTES DE LA CEREMONIE

* Ouaga-Ziniaré à pied

Un homme d’une quarantaine d’années Boubacar Ouédraogo, a tenu à faire le trajet Ouaga-Ziniaré pour manifester son soutien à la cause des femmes. Il tenait un drapeau aux couleurs nationales et marchait avec fierté. "Je serai à Ziniaré entre 10h et 11h", a-t-il déclaré à des journalistes, au poste de police. Mais on n’a pas su s’il est arrivé à destination avant la fin de la cérémonie.


* Hommes et femmes "collés-serrés"

Les calculs protocolaires ont été faussés. Le nombre d’invités officiels a finalement dépassé le nombre de places prévues. La raison est simple : chaque autorité est venu, en compagnie de son épouse ou de son époux (c’est selon !). Conséquence : on a dû déguerpir certains invités pour installer "mesdames et messieurs les hommes d’en haut en haut". Heureusement qu’après, il y a eu des chaises pour ne pas créer de mécontents.


* "Parle directement à Chantal !"

Lorsque le gouverneur de la région du plateau central, Ruth Yaméogo, est montée au créneau pour prononcer son discours, le maître de cérémonie s’est senti pousser des ailes : "Héée, madame le gouverneur, parle directement à Chantal Compaoré pour qu’elle dise à son époux, Blaise Compaoré, que ça ne va pas du côté des femmes". La première dame, dit-on, est la troisième oreille du chef de l’Etat. Espérons donc que "Chantou" saura prêcher... surtout pas dans le désert. Et que "l’enfant terrible de Ziniaré" prêtera oreille attentive à sa "tendre moitié". Pour que de plus en plus, les femmes "portent la culotte" au même titre que l’homme !


* Ce que la barbe dit tout haut...

Le gouverneur, Ruth Yaméogo, s’est fait arrosée par une salve d’applaudissements lorsque, du haut de sa tribune, elle a lâché un proverbe très évocateur : "Ce que la barbe dit tout haut dans la journée, une tresse le lui a confié la nuit". On a bien compris : l’homme et la femme sont complémentaires. "Franchement là, tu as bien parlé", s’est réjouit de vive voix, une femme dans le public.


* Victime de sa taille

Le chef de file des partenaires techniques et financiers en genre, Hans-Maurits Shaapveld, a été très rigolo. Acte 1 : "Je remercie le protocole d’avoir fait une tribune bien haute. Vous savez, souvent, j’ai été obligé de faire mes discours à côté de la tribune". En fait, l’homme est géant, très géant même. Deux mètres ou peut-être plus ! Acte 2 : "Les hommes sont aussi victimes de violence au foyer mais cela est méconnu car c’est la loi du silence qui, prévaut dans ce cas-là". Le public s’est alors mis à rire. L’orateur a suscité davantage de rires lorsqu’à la fin de son discours, il a déclaré : "En attendant la célébration de la journée des hommes, je souhaite bonne fête à toutes les femmes".


* Un ministère de la promotion de l’homme ?

Le maître de cérémonie a lui aussi été rigolo : "Mesdames et messieurs, en attendant la nomination du ministre de la Promotion de l’homme, je vous invite à écouter le discours du ministre de la Promotion de la femme". Le ministre Gisèle Guirma a alors souri, Chantal Compaoré aussi. Le public, lui, a pouffé de rire.


* Où est la femme samo ?

Le maître de cérémonie a titillé l’épouse du Premier ministre : "Où est passée la femme samo ? Elle ne parlera pas aujourd’hui ; pas en tout cas en territoire mossi !". Et voici la parenté à plaisanterie qui parachute dans la manifestation. En fait, Kadidiatou Yonli, la femme du Premier ministre, est la fille de l’ex-président burkinabè, Saye Zerbo. Un samo pur et dur !


* Des journalistes dans le pétrin

Après la cérémonie d’ouverture, un car qui transportait des journalistes est parti sans crier gare. Il a conduit la coordonnatrice de la commission presse et des femmes venues de Ouaga à la résidence présidentielle de Ziniaré. Là, c’était la grande fête. On a mangé et bu à gogo. Oubliés les journalistes ! Contactée, la dame chargée de la presse a déclaré en substance : "Franchement, tout est bloqué ; c’est vraiment compliqué ; je ne sais quoi faire, mais on va voir".

Mais on n’a pas vu ! Les journalistes ont téléphoné, en vain. La promesse de venir les chercher a été jetée aux oubliettes. Après des heures d’attente, ils ont décidé de rentrer à Ouaga par une compagnie de transport. Ce n’est qu’à la dernière minute qu’un véhicule du ministère est venu les chercher. Quelle poisse !

Le Pays

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