Jacques Prosper Bazié, décédé le 30 septembre dernier, repose désormais au cimetière de Gounghin. Il y a été inhumé ce jeudi 2 octobre en fin de matinée. Comme à son domicile où les personnalités de tous bords et les personnes anonymes n’ont cessé d’affluer depuis l’annonce du décès, c’est une foule nombreuse de parents, amis, collègues, connaissances, d’autorités dont le ministre Baba Hama, qui a conduit l’illustre disparu à sa dernière demeure. Docteur Jacques Prosper Bazié dont on pleure aujourd’hui la disparition aura consacré sa vie terrestre à plusieurs choses : la famille, les études, le scoutisme, la fonction publique, la littérature, etc. Il a été, comme dira le secrétaire général du ministère de la culture et du Tourisme Jean Claude Dioma, dans son oraison funèbre un « homme aux multiples facettes et talents ». Et il aura marqué, à en croire les différents orateurs à l’enterrement, de ses empreintes tous ces domaines auxquels il s’est intéressé. De lui, Mélégué Maurice Traoré, vieux compagnon du scoutisme burkinabè dira qu’il a été « un acteur original de tous les combats du mouvement », lui qui a été commissaire général des scouts du Burkina en 1994. L’ancien président de l’Assemblée nationale a par ailleurs relevé le rayonnement et la profondeur intellectuelle de l’engagement de Bazié dans le scoutisme. « Le scoutisme fut ta seconde famille. Il le restera à jamais. Tu es parti mais pour nous tu ne seras jamais parti. Merci pour tout ce que tu as donné au scoutisme, à la jeunesse burkinabè ! », a conclu M. Traoré. Dans le domaine de la littérature, Jacques Prosper Bazié, qui aura touché à presque tous les genres (poésie, roman, théâtre, nouvelles, récits historiques), laisse un héritage formidable constitué de plus d’une dizaine de publications. La dernière en date, « Nazi Boni, le Moïse du Bwamu », a été publiée cette année.

« Jacques Prosper Bazié appartient à l’immortalité »

Abordant l’engagement poétique du défunt Bazié, Me Pacéré Titinga lui a rendu un vibrant hommage dans son ouvrage intitulé « L’Anthologie de la poésie francophone du Burkina Faso ».
Morceaux choisis : « Au sein des poètes du Burkina Jacques Prosper Bazié est l’une des figures les plus représentatives du mode d’engagement poétique qui débouche naturellement sur la nécessaire solidarité des peuples opprimés car la conscience de l’écrivain est beaucoup plus étendue que les frontières d’un Etat. Son œuvre poétique respire ainsi les problèmes de l’Afrique d’aujourd’hui, dénonçant sur un ton parfois satirique les maux qui minent ce continent, les ravages des industries de l’armement, le règne de l’argent, l’impuissance des nouveaux pouvoirs africains devant la misère grandissante du peuple. Son œuvre est une interrogation, comment construire une personnalité forte et cohérente qui puisse assumer pleinement ce double lègue de la civilisation et de la colonisation ? Il se fait rebelle pour célébrer les funérailles de la misère, éventrer les cimetières, planter des Hommes sur les espaces, donner du grain à la terre de Babel ». L’après Jacques Prosper Bazié, dira Me Pacéré Titinga, sera supérieur à sa présence physique sur terre. « Il relèvera désormais de l’immortalité. Foi de son peuple, foi de son père spirituel ».

« Un dévoué et humble serviteur de l’Etat »

Jacques Prosper Bazié aura consacré 32 ans de sa vie au service de l’Etat burkinabè. Il a été comme l’a relevé le SG Dioma « un dévoué et humble serviteur de l’Etat ». Il a ainsi successivement assumé les fonctions de :
 Chef de service Production Radiodiffusion en 1982
 Chef de desk Culture et Société à Sidwaya de 1986 à 1988 ;
 Directeur des Arts du Spectacle et des lettres de 1988 à 1990 ;
 Président du Comité National d’Organisation de la Semaine Nationale de la Culture, Bobo 90 ;
 Conseiller Technique du Ministre de la Communication en 1992 ;
 Secrétaire Général du Ministre de la Communication en 1993 ;
 Directeur Général de la Recherche, de la Formation et des Stages en 1994 ;
 Directeur Général de l’Institut des Peuples Noirs en 1997 ;
 Conseiller Culturel à l’ambassade du Burkina Faso à Ottawa au canada de 1999 à 2005
 Conseiller Technique du Ministre de la Culture et du Tourisme depuis 2011
 Membre du Conseil Economique et Social en 2012. Tout cet engagement de Jacques Prosper Bazié au service de l’Etat lui a valu en octobre 2008 la médaille de l’Ordre du Mérite des Arts, des Lettres et de la Communication. Et depuis ce 2 octobre 2014, à titre posthume, il est Chevalier de l’Ordre national.

« Jacques Prosper Bazié a vécu utile »

Dans la famille, les qualités de bon père de Jacques Prosper Bazié ont été relevées par son neveu et « fils » Constant Bazié, avec qui il entretenait des rapports « de complicité » comme dira Jean Hubert Bazié, l’aîné du défunt. En amitié Adolphe Bambara garde de bons souvenirs de Jacques Prosper Bazié. Jacques, confie-t-il « était un homme exceptionnel. Il était tout le temps calme mais plein d’idées de réflexion. Il était profond dans tout ce qu’il fait et dans tout ce qu’il dit ». Et d’ajouter : « Tous les matins aux sessions du Conseil Economique et Social il m’emmenait un sachet de cacahuètes. C’est pourquoi, je lui ai rendu ce sachet pour qu’il voyage avec et qu’il retrouve le Seigneur. Je prierai longtemps pour lui ». Bref, en un ou mille mots, Jacques Prosper Bazié a vécu, comme dit Jean Claude Dioma, « utile ». « Utile pour les siens, utile pour les amis, utile pour les collègues, utile pour son pays ». Il laisse derrière lui une veuve et deux orphelins. Qu’il repose en paix !

Grégoire B. Bazié
Lefaso.net