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Accession à l’Indépendance du Burkina : 54e après, les jeunes ont des regards mitigés

Publié le mercredi 6 août 2014 à 07h36min

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Accession à l’Indépendance du Burkina : 54e  après, les jeunes ont des regards mitigés

Le 5 août 1960, la Haute-Volta, aujourd’hui, Burkina Faso, proclamait son accession à l’Indépendance sous le slogan « vive l’indépendance ! ». Une nouvelle ère venait de s’ouvrir pour le pays avec, en sus, la « liberté de pensée et d’actions ». En clair, cela signifie qu’à partir de cette date, les Burkinabè doivent se prendre en charge ; tout penser et tout construire (économiquement, financièrement, militairement, politiquement, etc.). Cela voudrait aussi dire que le pays et ses habitants doivent se porter encore plus mieux. Plus d’un demi-siècle après, quels regards les Burkinabè dans leur ensemble, les jeunes en particulier, ont de l’indépendance qui, à la proclamation, a suscité enthousiasme et espoir ? Analyses de jeunes burkinabè dans la capitale, en cette journée commémorative …

Aimé Ouédraogo : « Il nous appartient de travailler à nous libérer du joug colonial »

L’indépendance demeure, jusqu’à ce jour, formelle. Car, si sur le papier on est indépendant, ce n’est pas le cas dans la réalité. Un pays qui, chaque année, doit faire recours à l’extérieur pour le financement de son budget ne peut pas s’affirmer réellement indépendant. Et puis, la plupart des décisions politiques sont prises en fonction de la Métropole. Sur le plan de la production alimentaire, le Burkina continue toujours d’importer qu’il en exporte. On ne peut donc pas dire qu’on est indépendant. L’indépendance est donc donnée sur papier mais sur le terrain, il nous appartient de travailler à nous libérer du joug colonial. Jusqu’à ce jour, on traîne toujours les pas et l’Occident continue toujours à imprimer sa domination. Seulement, la domination a changé de forme ; on utilise des Burkinabè eux-mêmes pour assujettir des Burkinabè. L’indépendance reste donc à conquérir davantage, en éduquant la population ; lui faire comprendre que la vraie indépendance passe par le travail.

Robert Ringawendé : « C’est d’abord au niveau individuel »

Elle est simplement formelle au Burkina. Elle ne nous permet pas de nous réaliser. Parce que, lorsqu’on dit qu’un pays est indépendant, il doit être capable d’assumer certaines tâches. Même sans l’autonomie financière, on doit avoir l’autonomie de nos décisions. Actuellement où nous parlons, les Présidents africains sont aux Etats-Unis autour du Président américain. Cela montre, si besoin est encore, notre dépendance ; ce sont des signes que nous ne sommes pas indépendants. Si les pays africains étaient indépendants, ils n’auraient pas eu besoin de se lever pour y aller trouver des voies de la bonne marche de leur pays ; ils devraient être à mesure de prendre de grandes décisions à partir du continent. Les décisions politiques viennent d’ailleurs et même les discours importants sont dictés et suivis par le colonisateur. Il faut donc travailler à éduquer le peuple et lui faire savoir que c’est l’effort qui doit payer. Il faut le sensibiliser à s’auto prendre en charge et ne pas tout attendre de l’extérieur et de l’Etat. L’indépendance, c’est d’abord au niveau individuel. Si chacun arrive à s’auto suffire et à ne pas compter sur l’extérieur ou l’Etat, vous verrez que notre indépendance va être réelle.

Jean-Baptiste, étudiant : « Notre dépendance est palpable »

Pendant la proclamation des Indépendances, les Africains étaient contents. Ils ne savaient pas que cela allait être un ‘’folklore’’. Aujourd’hui, notre dépendance est palpable. Sur le plan économique, l’Afrique ne peut pas décoller, parce que les pays colonisateurs n’ont pas travaillé à créer les conditions même d’une Afrique véritablement indépendante. Ils ont fait de sorte à construire de véritables industries hors du continent, soumettant, du coup, les pays africains à une dépendance économique. Sur le plan politique, les décisions viennent toujours de la Métropole. Puisqu’aucun président ne peut accéder au pouvoir tant qu’il n’a pas l’aval de la Métropole. Et ce, en dépit du choix du peuple concerné. Donc, l’indépendance n’est qu’un leurre, jusqu’à ce jour.

Marie Ouédraogo, étudiante : « C’est l’occident qui finance nos élections »

Prenons simplement l’aspect des élections ; vous constaterez que l’Occident a toujours une influence sur les élections qui sont organisées sur le continent. C’est l’occident qui finance nos élections et nos budgets. Sur le plan de l’exploitation minière, on dit que le Burkina est un grand producteur d’or mais on ne voit pas les retombées. Les sociétés occidentales viennent exploiter et imposent leurs conditions aux dirigeants. Donc, les ressources que nous avons sous notre sous-sol et notre sol ne nous appartiennent même pas, puisqu’elles servent de richesses à l’Occident.

Fabrice Bako, étudiant en Anglais : « Toujours obligés de tendre la main à l’extérieur »

De mon point de vue, l’indépendance n’est pas une réalité. Je vous prends un exemple simple : aujourd’hui, c’est une date importante dans l’histoire de notre pays. Mais, depuis le matin, quand j’observe les gens, je constate qu’il n’y a rien d’exceptionnel. Chacun vaque à ses occupations et le 5 août ne semble intéresser personne. La commémoration semble ne pas être ancrée dans les mœurs. Or, c’est avant-tout un acte patriotique, je me dis. On peut mettre cette ‘’morosité’’ sur le fait que la fête elle-même a été ramenée au 11 décembre. Qu’à cela ne tienne, aujourd’hui, symboliquement, on devrait sentir la date. Notre indépendance n’est qu’un leurre, en ce sens que nous sommes toujours obligés de tendre la main à l’extérieur pour toutes nos initiatives ; même pour construire un goudron de 2 mètres. On dit aussi que le Burkina est un grand producteur d’or mais on ne voit pas les résultats, tout simplement parce que ce sont les sociétés occidentales qui exploitent et font une mainmise sur nos ressources. Résultat ? Ces sociétés ne nous laissent que des miettes. C’est vrai qu’on a un Président qui nous dirige mais a-t-il vraiment les mains libres pour diriger comme il le faut ? Il reste encore beaucoup à faire.

Mohamed Saré : « Les Burkinabè considèrent cette journée comme tous les autres »

Il n’y a pas eu de changement. Dans les normes, aujourd’hui, tout Burkinabè devait rester à la maison pour suivre la télévision ou célébrer un peu la date pour marquer l’indépendance. Mais on constate que les Burkinabè considèrent cette journée comme tous les autres. Dans certains pays, lorsqu’on dit indépendance, les populations célèbrent, chacun à sa manière. Parce qu’indépendance veut dire liberté individuelle. Tout Burkinabè devait se vêtir aujourd’hui des couleurs nationales. Je ne sais pas si ce sont les autorités qui ne mettent pas l’accent pour sensibiliser les populations mais je pense qu’avant la célébration, il devait y avoir des publicités dans la presse, à la télé et pour rappeler aux populations que nous sommes à l’approche d’une grande date. Ce sont des Burkinabè qui ont bataillé dur pour obtenir cette indépendance et il faut faire en sorte qu’elle soit une date qui apporte quelque chose au pays. Mais hélas, jusque-là, ce n’est pas le cas. L’indépendance n’existe pas. Sur plusieurs plans, cela se vit. Je prends l’exemple du crash d’Air Algérie survenu le 24 juillet dernier (paix à l’âme des disparus). Je ne sais pas si ce sont les militaires burkinabè qui ont fait la découverte de l’épave, mais vers la fin on a vu que l’affaire a été confiée aux Français qui ont même envoyé des experts sur le terrain pour faire des analyses et ramener des éléments en Europe, etc. Encore, on nous dit qu’on est indépendant alors qu’ils ont toujours des bases militaires chez nous ; cela veut dire quoi ? Aussi, je constate que lorsqu’un président est élu dans un pays de l’Afrique francophone, il doit toujours se rendre à l’Elysée. Pourquoi même ? Je ne comprends pas pourquoi il doit se rendre là-bas. Il va faire quoi là-bas ? Ils n’ont qu’à laisser nos présidents nous diriger. La Patrie ou la mort, nous vaincrons !

Jean Michel Tion, étudiant en droit : « Nous devons regarder les autres fêter leur indépendance »

Indépendance. Notre indépendance. Dans notre dictionnaire, le mot « indépendance » ne devrait pas exister. Qui dit indépendance implique indépendances économique, politique, sociale etc. Or, avec ce qu’on voit de nos jours dans nos pays, surtout dans les pays dit francophones, nous ne sommes vraiment pas indépendants. Normalement, nous devons regarder les autres fêter leur indépendance et nous, à côté, en train de constater les faits, parce que nous ne sommes pas indépendants. L’indépendance ne s’obtient pas en étant couché sur un canapé. Or, nous avons acquis notre indépendance sur un canapé. L’indépendance s’acquiert de force en étant indépendant économiquement. Aujourd’hui, nous citons avec plaisir les pays asiatiques comme modèles de développement. Mais on oublie qu’ils ont arraché leur indépendance. A partir du moment où nous n’avons pas arraché la nôtre, nous ne devons pas, normalement, décréter le 5 août comme chômé ; on devrait prendre ce jour pour encore travailler plus pour acquérir l’indépendance qu’il nous faut.

Réalisé par Oumar L. OUEDRAOGO

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Vos commentaires

  • Le 5 août 2014 à 22:03, par J. VERGES En réponse à : Accession à l’Indépendance du Burkina : 54e après, les jeunes ont des regards mitigés

    Il faux reconnaître le caractère très controversé de la question. tout dépend de ce qu’on entend par indépendance. l’indépendance c’est pas l’autarcie ou l’isolationnisme. tous les pays ont des déficits budgétaires qu’ils règlent par des apports budgétaires ou en dépendant d’autres pays. L’indépendance est avant tout un état d’esprit : savoir qu’on a des limites et travailler en complémentarité avec les autres peuples du monde à la conquête de la liberté et du progrès.

  • Le 6 août 2014 à 02:20, par Hermann En réponse à : Accession à l’Indépendance du Burkina : 54e après, les jeunes ont des regards mitigés

    Je suis tout à fait d’accord avec vous tous. Les independances sont à venir. Le fait même qu’au Burkina les dirigeants ont reporté la celebration de cette date au 11 decembre montre avec acuité le desinteret qu’ont eux meme de cette fameuse independance. Ce report est lié au fait que les paysans sont dans les champs à cause de la saison pluvieuse. Cet argument superficiel est vraiment une honte !!!! Pour une seule journée les paysans ne peuvent pas deposer les daba et houe et la celebrer ? Une seule journée ? Cela sonne faux. Malgré meme le report au 11 decembre à la saison sèche la participation des paysans à la celebration est nulle. Pourquoi ? Ils se sentent pas du tout concerner. Nous ne sommes pas du tout independants. Pourquoi nous n’avons le controle de la money cfa ? Pourquoi nos militaires sont formés par des officiers français principalement ? Pourquoi existent ils des bases militaires françaises ici kamboisin, en cote d’ivoire ?? Pourquoi le groupe français areva ne paye pas les impots et les taxes au Niger ? Les independances restent vraiment à venir. Courage à nous pour ce noble combat !!!!!!!!!

  • Le 6 août 2014 à 09:32, par kaboré ludovic de tanghin ;original, En réponse à : Accession à l’Indépendance du Burkina : 54e après, les jeunes ont des regards mitigés

    Quelle indépendance pour un pays garibou, en manque de démocratie ? mrrrrrrrrrrrrd

  • Le 6 août 2014 à 10:19, par lion d’or En réponse à : Accession à l’Indépendance du Burkina : 54e après, les jeunes ont des regards mitigés

    c’est bien vue cher jeune Etudiant...luttons pour a ce que chaque burkinabé puisse bien savoir ce que c’est la fête de l’indépendance

  • Le 6 août 2014 à 10:32, par DEB En réponse à : Accession à l’Indépendance du Burkina : 54e après, les jeunes ont des regards mitigés

    Ces analyses de ces jeunes étudiants sur notre indépendance Day corrobore parfaitement avec ce qui disait le Président du CNR et du Faso, j’ai nommé le Capitaine Thomas Sankara. Pourtant, tous ces jeunes n’étaient certainement pas nés à la mort du Président Sankara le 15 Octobre 1987. Comme quoi, les faits sont têtus et la vérité ne peut être cachée. En effet, quelque soit la durée de la nuit, le jour se lèvera et la lumière resplendira. Chers jeunes Burkinabè, ils ne vous restent plus qu’à vous joindre à la lutte des patriotes Burkinabè pour une vraie indépendance de notre cher Faso en le débarrassant rapidement des pouvoirs dictatoriaux et rétrogrades installés par le colonisateur pour piller et spolier nos laborieuses populations. Je vous invite donc à une lutte disciplinée et l’indépendance sera un acquis pour nous tous et nos enfants. "An laara, an saara" comme disait l’éminent Professeur Joseph Ki Zerbo.

    • Le 6 août 2014 à 13:23, par YIRMOAGA En réponse à : Accession à l’Indépendance du Burkina : 54e après, les jeunes ont des regards mitigés

      Que voulez-vous ? Si les Français fêtent un 14 juillet, la C.I. un 7 Août, c’est pas notre pays sahélien qui va reporter une journée mémorable pour cause de pluie ou des Paysans au champ ? Et les 4 août qui étaient fêtés avec engouement par toute la population qui sentait une appartenance à l’état en cette époque ? Si la jeunesse, espoir de demain perçoit cette situation, elle fera œuvre utile ? Sinon que même sous LAMIZANA, les 5 août, y’avait une prise d’armes suivie de décoration à la présidence, et le 11 déc, le défilé.Si tout est remis au 11 déc, le 5 août n’a plus son sens ?

    • Le 6 août 2014 à 16:08, par burkintinga En réponse à : Accession à l’Indépendance du Burkina : 54e après, les jeunes ont des regards mitigés

      le seul moment ou le peuple burkinabè s’est senti independant, c’est la periode revolutionnaire, avec le camarade Thomas, paix à son ame.

      • Le 7 août 2014 à 16:50, par toudou En réponse à : Accession à l’Indépendance du Burkina : 54e après, les jeunes ont des regards mitigés

        Demandes à ceux dont les parents ont été fusillés sous prétexte qu’ils étaient des contre révolutionnaires, ou à ceux qu’on a licencié pour "incapacité notoire à suivre le rythme de la révolution" ou pour "propos discourtois vis à vis de le révolution" ce qu’ils pensent de la période du CNR !
        Demandes à l’observateur paalga que les CDR ont brulé sur ordre des 4 leaders de la révolution, ce qu’il pense de la période CNR !
        Demandes à Alidou Ouédraogo et Sagnon Tolé, et à tous ces syndicalistes que le CNR a licencié, contraint à la clandestinité et menaçait chaque jour d’attaquer au lance flammes, ce qu’ils pensent de la période CNR !

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