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Retour de l’Histoire et Paix ébranlée au Proche-Orient

Publié le mercredi 9 juillet 2014 à 21h19min

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Retour de l’Histoire et Paix ébranlée au Proche-Orient

Depuis la Chute du Mur de Berlin en 1989, la paix et la sécurité internationales ont rarement été mises à rude épreuve à ce point au Proche-Orient. La récente création d’un « Califat » du Nord de la Syrie (Alep) à Diyala dans l’Est irakien avec à sa tête, comme « émir » des croyants musulmans, Abou Bakr Al-Baghdadi, un dissident d’Al Quaeda, constitue en soi un évènement majeur. Comment en est-on arrivé là ?

Les horribles attentats terroristes du 11 Septembre 2001 qui ont conduit les néoconservateurs américains à chasser Saddam Hussein du pouvoir, sont la raison majeure de ce que certains perçoivent déjà comme un retour de l’histoire. Retour de l’histoire par rapport au vécu de l’Empire Ottoman avant sa chute en 1920. Retour de l’histoire en contradiction flagrante avec la fin argumentée par le politologue Francis Fukuyama sur la fin de l’histoire. Or donc, la démocratie libérale peut avoir vaincu les régimes communistes fondés sur le centralisme démocratique comme principe moteur, mais ce « califat » nous ramène à 1923 (fin définitive de l’Empire ottoman et proclamation de la République de Turquie) porté par une idéologie résiliente qui affirme et soutient sui generis le rejet de la démocratie libérale. La proclamation du « calife » est un appel : « Musulmans…, rejetez la démocratie, la laïcité, le nationalisme et les autres ordures de l’Occident. Revenez à votre religion ». Les terroristes de Boko Haram partagent le même crédo et pour les mêmes raisons menacent l’Afrique de l’Ouest.

Renouveau idéologique ou avortement de la démocratie libérale

Ainsi, au plan idéologique, la création de ce « califat » relance l’histoire en l’ancrant alternativement sur la Chari’a i.e. sur d’autres valeurs, us et coutumes et pratiques. Celles-ci prétendent régenter l’histoire de ces peuples mais aussi rendre justice à ceux-ci comme si la démocratie libérale en ces espaces avait nié et tentait de vidanger les vécus sociaux de ces peuples. Qu’on ne s’y méprenne guère dans l’exacte mesure où il ne s’agit point de programme émancipatoire pour la personne humaine. D’abord, cette proclamation porte sur la réaffirmation nette du retour au socle civilisationnel islamique, sans ouverture ni sur la modernité occidentale, ni sur la culture des droits de la personne en branle en Occident depuis la Magna Carta de 1215 ou plus près de nous avec la US Bill of Rights de 1791 ou la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et du citoyen de 1789. Pas plus qu’elle veuille s’enrichir d’autres valeurs vécues par d’autres peuples musulmans contenues par exemple dans la Charte de Kurukan Fuga de 1240 de l’Empire du Mali qui prescrit la liberté de religion tout en proclamant l’Islam, religion officielle par le Mansa Soundjata Kéita.

On peut donc conclure que la proclamation de ce « calife » est limitée aux groupes sociaux de cette région, à une géographie, enfermée dans une géopolitique et, in fine, particularise le message d’essence universelle de l’Islam. Ensuite, elle réduit l’arabité au nationalisme, non pas pour réaffirmer la quintessence de l’universalité du message de l’Islam mais plutôt, pour absolutiser le sunnisme comme seule et unique pratique authentique et fidèle au Saint Coran. Cette proclamation venant d’un ancien terroriste d’Al Qaeda, est finalement une contraposition ferme à la variance Chi’ite de la religion musulmane. Elle ne proclame pas un rassemblement. Elle est prisonnière d’une singularité.

Retour de l’hégémonie sunnite et négation

Elle réaffirme le retour du culte sunnite par la négation de toute autre pratique musulmane. L’Islam des Lumières qui féconda pendant des siècles l’Espagne et l’Afrique de l’Ouest en autorisant, tolérance religieuse oblige, la liberté de religion, a fortiori celle des rites, est déclaré irrecevable. C’est pourquoi, tout en méconnaissant et méprisant le caractère foncièrement universel de l’Islam –qui assume le degré de culture, de civilisation des peuples- elle postule un califat particulier, surdéterminé par le sunnisme et belliqueux inutilement à l’endroit d’autres musulmans de rites différents. Ce retour de l’histoire est alors le retour des batailles des rites de la même religion, du même Saint Coran et ce, dans un contexte géopolitique en gestation et dont l’évolution est imprévisible.

Ce « califat » de 2014 rappelle le contexte difficile et complexe de paix et de sécurité collective, régionale et internationale similaire à celui de 1914. Un futur complexe et imprévisible qui demande, pourtant, une prompte organisation de la paix avec de nouveaux acteurs embourbés dans de vieilles querelles indépendantistes comme celle des Kurdes dispersés entre Syrie, Iran, Irak et Turquie, des rivalités de leadership sunnite/chi’ite, de course au leadership régional entre l’Iran remis en selle avec l’invasion américaine de l’Irak de 2003 et l’Arabie Saoudite, elle-même mise en ballotage par le Qatar, l’effondrement des Etats laïcs, alliés objectifs de l’Occident, fondés par les partis Ba’as tant en Irak qu’en Syrie et dont le ciment était l’Arabité inspirée de Nasser, les Israéliens souhaitant l’indépendance des Kurdes d’Irak et craintifs que la Jordanie, déversoir naturel des Palestiniens en difficulté, ne se fragilise davantage.

Avec la nouvelle donne d’un « califat » sunnite conservateur et opposé à l’Occident, identifié comme son ennemi mortel de même que les Etats amis de celui-ci, les enjeux de paix et de sécurité d’Israël sont d’actualité. Organiser la paix est devenu un soudain impératif puisqu’elle est ébranlée dans cette région.

Tout le monde réalise alors que les néoconservateurs qui ont envahi l’Irak ont commis, avec le recul, un péché : celui du manque de vison stratégique et géopolitique à long terme et comme performance, si c’en est, la ruine de la démocratie libérale représentative et le bradage de la sécurité de tous. C’est le même péché que leurs amis néolibéraux d’Europe ont commis en détruisant la Lybie et, dévastés par la crise financière de 2008, se montrent incapables de payer la lourde facture sécuritaire dans les pays du Sahel qui subissent le contrecoup. Aujourd’hui, l’Italie qui n’a pas apprécié cette intervention militaire en Lybie savait que tôt ou tard, elle payerait le prix fort en immigrants illégaux. Nous y sommes.

Au plan politique

La prise de pouvoir par les Chiites sous le leadership sectaire de Nouri al-Maliki en Irak à la chute de Saddam Hussein a fracturé la suprématie de la majorité Sunnite mais aussi conduit à une guerre civile d’abord pour ensuite aboutir au démantèlement actif de l’Irak, Etat unitaire. Aujourd’hui, la guerre en Afghanistan, la guerre civile en Syrie, le réveil des Kurds avec l’appel au référendum d’indépendance du Président Massoud Barzani, les résurgences irrédentistes à venir avec d’autres communautés kurdes d’Iran, de Syrie, de Turquie, les désillusions du Printemps Arabe et la destruction de la Lybie avec des conséquences terribles pour les Sahélo-Sahariens, montrent à l’envi que les risques que les politiciens d’Occident font courir à la paix et à la sécurité internationales sont trop élevés.

Les Franklin Delano Roosevelt, Winston Churchill et de Gaule manquent désespéremment. ça prend des leaders visionnaires de cette trempe pour sortir l’Occident dominateur du monde et de ce fait même le monde, des difficultés amoncelées depuis le passage des néoconservateurs au pouvoir aux Etats-Unis à partir de 2003. Certes les problèmes économiques et d’emploi des jeunes expliquent ce virement des jeunes à l’extrémisme religieux, mais seulement partiellement car les choix irresponsables de certains décideurs neocons sont à l’origine de ces développements apparemment incontrôlables et déterminant des alliances contrenatures. Imaginez un tant soit peu que la Syrie laïque des al-Assad, comme Etat reconnu, eût été ajoutée à ce capharnaüm, avec quelles conséquences pour le Liban.

Le retour de l’histoire doit coïncider avec celui de la sagesse. Ma certitude reste qu’il faut sculpter avec sagesse, une bonne compréhension mutuelle entre l’Arabie Saoudite et l’Iran pour résorber ces foyers de tension et, ultimement, se donner ensuite les moyens de promouvoir les valeurs de paix et de coopération, de sécurité collective et de liberté, bref un nouveau socle de valeurs plurielles et de principes pour organiser la paix.

C’est à ce prix que le leadership mondial pourra circonscrire pour cette région et subséquemment pour le reste du monde, les conséquences désastreuses, tant du vide sécuritaire que les méfaits des régimes autoritaires ou théocratiques. Seulement alors, nous ne serons plus interloqués par la réponse inquiète du dramaturge Bertold Brecht qui, horrifié par la guerre, écrit en 1939 dans Mère courage et ses enfants : Savez-vous quelle est la difficulté avec la paix ? L’absence d’organisation.

Mamadou Djibo, Ph.D.
Philosophie

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Vos commentaires

  • Le 9 juillet 2014 à 11:26, par Kôrô Yamyélé En réponse à : Retour de l’Histoire et Paix ébranlée au Proche-Orient

    - Je parle à ce sunnite dont la photo est sur le journal ! Bande de matamores ! En vertu de quoi vous tuez au nom de l’Islam, une réligion de tolérance et de paix ! Espèces d’abrutis, d’analphabètes et de sauvages !!!!

    Par Kôrô Yamyélé

  • Le 9 juillet 2014 à 14:54, par Bolibana En réponse à : Retour de l’Histoire et Paix ébranlée au Proche-Orient

    Oui incontestablement l,occident est responsable de ce que nous vivons aujrdhui comme peur et instabilité.En effet,depuis le dementellement de l,irak Baasiste de Sadam Houssein qui constituait avec la Syrie d,Assad les deux etats arabes laiques de la région face au wahabisme puritain incarne x l,arabie saoudite et les petits emirats du golf ce qui ouvra la voie non seulement a l,emergence d,un islamisme militant mais surtout l,absence d,etat stabilisateur.Heureusement le présidident Obama n,a pas suivi Hollande dans son aventure en Syrie.Quel monde vivrons-nous aujrdhui si les djihadistes prenaient le pouvoir à Damas c.à.d à vol d,oiseau d,Israel et quel enfer pour l,etat tampon libanais,la petite monarchie jordanienne ? avec conséquence sur le proche et moyen orient en général.l,occident se trompe d,ennemi.

  • Le 9 juillet 2014 à 15:54, par la loupe En réponse à : Retour de l’Histoire et Paix ébranlée au Proche-Orient

    Bonsoir. Merci pour interpellation de l’opinion publique sur le phénomène. C’est vrai, des erreur ont été commis de part et d’autre dans le passé mais c’est pas pour autant que les uns et les autres vont résoudre cette erreur par des répliques belliqueuses et guerrière. Honte à tous ceux qui tue, surtout au nom d’une religion. Dieu est infini et bon, il existe dans chacun de nous. Tuer son prochain ou le blesser profondément est comme poignarder Dieu. Et qu’est ce que cet extermine dans la photo pense et compte faire à l’Afrique qui avait bel et bien ses croyances et qui n’est pas prête à abandonner ? Cherchons ensemble à donner ce monde simplement un ordre social inclusif. Bonne chance nous tous !

    • Le 10 juillet 2014 à 10:52, par Anita Manour En réponse à : Retour de l’Histoire et Paix ébranlée au Proche-Orient

      je suis tout à fait d’’accord avec vous Mr le philosophe. mais jusqu’à preuve de contraire, on n’a jamais entendu parlé d’un débat direct entre les occidentaux et ces islamistes. reste à savoir si l’information que nous fournit l’occident vis-à-vis de l’islam et des Arabes est digne et vérité. pour ma part, et la remarque que j’ai pu faire en général, c’est que là où il y a l’Occident en ces lieux, il y a toujours des problèmes la plupart du temps. prenons l’exemple palpable des pays Africains qui se battent tant bien que mal pour sortir de cette impérialisme occidental que d’aucuns n’oseraient pas qualifier de terrorisme occidental, pourtant ça l’est.Si l’on considère que tous les êtres humains naissent libres et égaux en droit et en dignité, pourquoi vouloir imposer sa vision du monde, sa civilisation aux autres ? qu’est-ce que l’esclavage pratiqué par ces occidentaux pendant plus de 400 ans nous a laissé ? Qu’est-ce que la colonisation, le néocolonialisme occidental nous ont laissé ou veulent nous laisser ? Aujourd’hui, nous parlons ou fonctionnons au nom de leur démocratie. qu’est-ce cette démocratie à l ’occidental nous a laissé. j’ai aussi fait une autre remarque : la plupart des races humaines se battent pour conserver leurs cultures faces aux velléités, mais nous, où sommes-nous réellement ? entre trois civilisations étrangères à savoir : mis-occident ( pseudo-démocratie,christianisme) mi-arabe et maintenant mi-nippon. Excusez-moi les termes, mais c’est un point de vu. une dernière question : les nations occidentales sont-elles réellement meilleures que les nations arabes en matière de droit de l’homme ? ex : les Etats-unis et l’Arabie Saoudite. une enquête sincère, comparée dans ces deux pays doivent s’imposer si nous voulons la vraie réponse.

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