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Danse macabre autour d’une démocratie à l’article de la mort : L’article 37 serait-il celui qui va tuer la démocratie au Burkina ?

Publié le vendredi 4 juillet 2014 à 18h19min

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Danse macabre autour d’une démocratie à l’article de la mort : L’article 37 serait-il celui qui va tuer la démocratie au Burkina ?

Ces derniers temps tout le monde l’évoque ; certains pour dire qu’il faut le modifier pour permettre à Blaise Compaoré de briguer un énième mandat, d’autres pour opposer leur refus à toute modification. Au vu des positions de plus en plus radicales des uns et des autres sur la question, on est en droit de craindre qu’il ne soit la pomme de discorde qui va entrainer le pays vers une crise à l’issue incertaine.

Aujourd’hui c’est presqu’une lapalissade de dire que la démocratie burkinabè est à la croisée des chemins. Elle l’est du fait d’une classe politique victime de ses propres turpitudes. D’abord les partis favorables au pouvoir de Blaise Compaoré qui n’ont d’yeux que pour ce dernier au point de vouloir en faire leur Dieu. Et pour cela, ils sont prêts à tout pour le reconduire à la tête du pays pour l’éternité en appelant à un referendum qui sautera la limitation des mandats.

Ensuite il y a les partis de l’opposition qui appellent à la nécessaire alternance et qui disent haut et fort que la course de BC à la présidence s’arrête en 2015. Ces derniers se sont singularisés pendant longtemps pour certains par leur compagnonnage coupable avec le pouvoir, pour d’autres par des querelles de clochers qui ont contribué à détourner l’intérêt que les électeurs nourrissaient à leur égard. Toutes choses qui ont contribué au recul de la démocratie favorisé par les intrigues d’un pouvoir sangsue qui n’en demandait pas mieux pour étendre ses tentacules et dicter sa loi.

Depuis un certain temps on assiste à une véritable danse macabre autour de notre démocratie tant les dangers supposés ou réel ne manquent pas. Quand, d’un côté, un responsable de parti dit que « Blaise Compaoré partira en 2015 par la voie démocratique ou par tout autre moyen », de l’autre côté, on lui fait savoir que ce sont eux « qui ont les armes ». Bref, tous les ingrédients sont en train d’être réunis pour faire le requiem de la démocratie et ouvrir une période d’incertitude pour le peuple burkinabé : Sorciers de tout acabit, chanteurs de louanges et danseurs émérites, arènes recto verso, agneaux du sacrifice et un grand malade qui attend l’extrême onction : la démocratie. Pourtant de chaque côté, on jure la main sur le cœur que l’on défend les intérêts des burkinabé.

Une sagesse bien burkinabè qui nous rappelle qu’à vouloir tirer chacun la calebasse de son côté, celle-ci finit par se rompre. Sans jouer les oiseaux de mauvais augures, on a sérieusement de raisons de penser que c’est ce qui arrivera à notre démocratie et à la paix sociale tant chantée et vantée partout, si les uns et les autres s’entêtent à s’arc-bouter sur leurs positions respectives. Peut-être que c’est le dessein de ceux qui tirent les ficelles dans l’ombre, mais c’est la dernière chose que le burkinabé qui lutte déjà pour exister souhaiterait.

La classe politique burkinabè qui n’est pas la plus intelligente d’Afrique créera les mêmes causes qui produiront les mêmes effets qu’en Côte-D’ivoire, en Centrafrique et j’en passe. C’est-à dire qu’ils sacrifieront les intérêts du peuple sur l’autel de leurs ambitions personnelles.

La politique qui, ailleurs, se donne pour missions le développement du pays et le bien-être des populations, se transforme en Afrique en une malédiction et en un fléau qui dévorent les africains.

Sans trop juger ni préjuger, on sait que quelque part, des gens nourrissent le funeste dessein de voir le pays sombrer pour leur permettre d’atteindre je ne sais quels objectifs (l’Histoire récente du Burkina a révélé que certains profitent des crises pour se faire une place au soleil ou revenir au devant de la scène).

Pourquoi ne pas respecter la constitution en l’état, qui limite le mandat présidentiel à deux ans ? En convoquant le CCRP, le principe était que seuls les points ayant fait l’objet de consensus seraient adoptés ; tout le monde est d’avis aujourd’hui que s’il y a une chose qui ne fait l’objet de consensus à l’échelle nationale c’est bien la révision de cet article. Alors pourquoi s’entêter « à foncer dans le mur » au risque de remettre en cause la stabilité du pays ? Le pompier de chez les autres est-il devenu pyromane chez lui ? Quand on a été élu à hauteur d’homme, on doit pouvoir transcender les bassesses des hommes et se montrer à la hauteur de ses responsabilités.

Un des scénarii brochés par le groupe de « médiateurs autosaisis » est l’irruption de la grande muette sur la scène politique pour rétablir l’ordre troublé par les politiques ; et on imagine la suite. Quand un militaire dit qu’il prend ses responsabilités ça veut dire que désormais c’est sa loi qui marche ; adieu la démocratie. La dernière fois que ça nous est arrivé, c’était en 1966 et depuis on a plus eu de président civil. C’est cela que vous voulez non ? Et après on s’en mordra les doigts de n’avoir pas réfléchi plus tôt aux conséquences d’un tel bras de fer. Quelqu’un dira que « c’est l’apprentissage de la démocratie ». Et tout apprentissage est douloureux. Sauf que cela fait plus de 50 ans que nous apprenons. Pauvre Afrique !

Le pouvoir a toujours tenté les hommes et quand on le conquiert, il faut être de ceux qui savent s’élever au-dessus de l’histoire pour le quitter et laisser d’autres concitoyens apporter leur expérience. C’est pour cela que les peuples civilisés ont codifié sa conquête et sa gestion. Le Burkina Faso s’est fait l’honneur d’être parmi ces nations civilisées en se munissant d’une constitution qui régit la vie politique. Mais que vaut une constitution si à tout bout de champs elle est mutilée pour assouvir le dessein d’un individu ou d’un clan ? De la poudre aux yeux ? Un texte juste pour la forme qu’on peut modeler à sa guise ?

STOP ! Arrêtons cette danse macabre ! La récréation est terminée donnons sa chance à la démocratie.

Raogo OUEDRAOGO
Ouahigouya

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