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Equilibre de l’information : 3 questions au président du CSI

Publié le vendredi 11 février 2005 à 09h22min

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"La question de l’équilibre de l’information", tel est l’objet de la lettre ouverte dont teneur suit que FRADES, entendez Fraternité pour le développement économique et social, a adressé au président du Conseil supérieur de l’information.

Excellence monsieur le Président,

Le Bureau exécutif national de FRADES a l’honneur de vous présenter ses compliments pour l’effort que vous ne cessez de déployer pour un équilibre de l’information dans un pays où les pesanteurs socioculturelles et les effets de la pauvreté font rage. FRADES fait partie des personnes qui suivent attentivement vos actions qui ont permis aux minorités d’avoir un minimum d’accès aux tribunes des médias, à savoir la presse écrite et la presse audiovisuelle.

Ces actions, conjuguées à d’autres en provenance du pouvoir, des forces d’opposition, de la société civile et de la presse, ont permis à notre représentation nationale d’être judicieusement polychrome et d’encourager des Burkinabé, notamment les jeunes qui ont l’ambition de participer à la gestion des affaires de l’Etat. Ces efforts méritent donc d’être encouragés pour permettre d’élargir et d’approfondir la démocratie, gage de stabilité et de développement durable.

Parmi les facteurs de progrès, les questions de l’indépendance de la presse, et de l’équilibre de l’information occupent une position centrale. C’est pourquoi, pour apporter sa contribution à cette question, FRADES a effectué une étude au niveau de la presse écrite, car comme disent les latins « scripta manent, verba volant » (les écrits restent, les paroles s’envolent).

Une partie de plaisir

Cette étude a révélé que la richesse des contenus des différents journaux n’a d’égale que leur variété : des rubriques pédagogiques ; des reportages d’intérêt qui prouvent que les leaders socio-politiques dans un esprit de saine émulation ont pris d’assaut les villes et les villages du Burkina par des activités et des réalisations d’ordre économique et social, des opinions multiples et multiformes ; etc.

Bref, nous assistons au printemps de la presse à telle enseigne que lire les journaux constituent une partie de plaisir. Les articles sont également d’une certaine mesure respectant suffisamment la vie privée des femmes et des hommes publics. Au niveau des opinions émises par les organes de presse, l’étude les a sériées en deux groupes ; d’un côté, celles émises par les journaux eux-mêmes et de l’autre celles provenant d’auteurs extérieurs dont l’essentiel est formé de responsables de structures politiques et / ou de la société civile.

En ce qui concerne les opinions propres des organes, l’étude a pu répertorier les cibles des différentes critiques d’une part selon l’axe républicain et constitutionnel et d’autre part selon l’axe politique. Ainsi, sur le premier axe, pendant que vingt, vingt-cinq et dix pour cent des critiques vont respectivement à l’Exécutif, au pouvoir judiciaire et à la société civile, quarante-cinq pour cent d’entre elles sont adressées au pouvoir législatif et aux assemblées élues.

Il convient toutefois de préciser qu’il apparaît des amalgames entre le Judiciaire et l’Exécutif, compte tenu de la confusion qui règne entre ceux qui sont chargés de dire le droit et leur tutelle administrative au sein du gouvernement.

Esprit de critique et esprit critique

Sur l’autre axe, l’opposition écope de soixante-cinq pour cent pendant que la majorité qui gouverne de trente-cinq pour cent des critiques. Nous parlons bien des critiques issues des médias, sans égard aux critiques en principe partisanes des personnes physiques ou morales politiques. Or, on peut grosso modo discriminer les critiques en deux catégories : les critiques utiles et les critiques stériles.

Les critiques stériles sont celles qui se font dans la rue, dans les bars et / ou celles adressées à des personnes qui n’ont pas ou qui ont peu de pouvoir de décision. Par exemple, dans un car, la critique sur la manière de conduire qui a pour cible un passager ou le contrôleur des billets est une critique stérile. Dans ce cas, la bonne critique est celle qui s’adresse au conducteur du car. Les hommes et les femmes qui s’adonnent à cette activité sont habités par l’esprit de critique.

Par contre, les critiques adressées de façon idoine à des personnes ayant un pouvoir de décision sont des critiques utiles. Les hommes et les femmes qui les expriment sans aigreur et sans état d’âme sont animés par l’esprit critique. Par conséquent, en se référant aux résultats ci-dessus indiqués, l’on peut dire que les critiques des médias dans leur ensemble, même fondées, nous semblent peu efficaces et peu opérationnelles dans la mesure où elles sont principalement adressées à des responsables des partis politiques d’opposition aux élus.

Or d’un côté, les partis d’opposition sont à la recherche du pouvoir avec des méthodes qui peuvent être critiquées et de l’autre côté les parlementaires, même s’ils votent la loi et contrôlent le gouvernement, n’ont pas d’emprise sur les décisions de ce dernier, eu égard au sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs. On ne fait pas suffisamment cas de la contribution des parlementaires à l’assainissement des finances publiques, à la maîtrise des charges de l’Etat, à l’amélioration des conditions de vie des travailleurs, à la lutte contre l’inflation, à la répartition équilibrée des ressources sur le plan géographique et sur le plan socio-économique, etc.

Sur ce point, Excellence Monsieur le Président, l’étude établit la balance- fort déséquilibrée -entre les résultats atteints par le Parlement (conformes à la Constitution) et les moyens mis à la dispositions des élus. FRADES pense et a toujours pensé que les médias reconnus comme le quatrième pouvoir devraient s’associer davantage aux élus et aux formations politiques de l’opposition pour contrôler et critiquer de façon positive, le pouvoir exécutif qui détient la réalité de la gestion des affaires de notre pays. Dans ces conditions, les efforts des hommes politiques pour exposer leurs opinions doivent être publiés et connus sous réserve que ces opinions ne tombent pas sous le coup de la loi.

A la veille des grandes consultations électorales de 2005, vous conviendrez que les préoccupations de FRADES sont tributaires des enjeux politiques et économiques qui soutendent ces élections. C’est pourquoi le Bureau exécutif national de FRADES s’adresse à vous, Monsieur le Président, pour l’éclairer sur certains points préoccupants ayant trait à l’équilibre de l’information.

Pour être concret et à titre illustratif, l’attention de FRADES a été portée sur un débat riche qui s’est déroulé dans la presse entre deux personnalités de haut vol du monde politique et de la société civile, en l’occurrence entre M. Evariste Konsimbo, président du Cercle d’éveil et Mahama Sawadogo, député et 2e vice-président de l’Assemblée nationale. FRADES tient à féliciter ces deux personnalités connues pour leur franc parler leur participation active aux débats républicains, et pour la manière d’accepter et d’assumer le débat contradictoire. En effet, il convient d’encourager les personnes qui ont choisi de partager leurs connaissances, leurs idées et leurs opinions.

Rappel des faits

1. Dans "Le Pays" n°3305 du mardi 1er février 2005, on découvre en pages 4 et 5 : « le changement politique par l’action syndicale », avec pour signature Evariste Faustin Konsimbo, président du Comité exécutif du Cercle d’éveil.

2. Dans l’Observateur paalga n°6323 du mercredi 02 février 2005, pages 6 et 7, on découvre simultanément :

a- « Renouveau syndical et scrutins de 2005, une chance unique pour mettre les préoccupations du peuple au Centre du débat politique », avec la signature d’Evariste Faustin Konsimbo, président du Comité exécutif du Cercle d’éveil. Cet article a le même contenu que celui du point 1 ci-dessus.

b- « Le changement politique par l’action syndicale est-il possible et souhaitable ?", qui est un article signé par le député Mahama Sawadogo, en réaction à l’article d’Evariste Konsimbo.

3. Dans Sidwaya n°5211 du jeudi 03 février 2005, on lit à la page 3, le même titre, à savoir « Le changement politique par l’action syndicale est-il possible et souhaitable ? »

4. Dans l’édition du week-end du vendredi 04 au dimanche 06 février 2005, l’Observateur n°06325 publie à la page 28 une réponse du « Cercle d’éveil au député Sawadogo Mahama ».

5. Dans "Le Pays" n°3308 du vendredi 04 février 2005, on lit en page 9 : « Une approche de la politique dépassée », qui n’est autre que la même réponse du Cercle d’éveil au député Sawadogo Mahama.

Questions

Monsieur le Président,

Sans chercher à entrer dans ce débat fort intéressant sur l’interaction syndicat- politique, FRADES s’intéresse particulièrement à la forme et la procédure, car en matière de démocratie et des règles républicaines, la question des procédures est aussi pesante que celle du fond. C’est pourquoi, et avec votre permission, FRADES a jugé opportun de vous poser trois questions.

1re question

Monsieur le Président, hormis les cas d’atteinte à la sécurité publique et à la vie privée des personnes, dans quels cas un organe peut-il délibérément décider de ne pas publier un article d’intérêt public ?

2e question

Monsieur le Président, est-il normal qu’un organe accepte de publier une réaction à un article que lui-même n’a pas publié ?

3e question

Monsieur le Président, est-il normal et conforme à l’éthique pour un organe de publier en même temps, le même jour, dans le même journal, un article et une réaction à cet article ? Dans l’espoir d’obtenir des réponses à ces questions, le Bureau exécutif national de FRADES vous prie, Excellence Monsieur le Président, d’accepter l’assurance de sa parfaite considération.

Pour le Bureau exécutif national

Le Président de FRADES,
Cyril Goungounga

Observateur Paalga

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