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Théâtre à Bobo-Dioulasso : « Le domaine est en souffrance », selon Moussa Sanou, comédien et directeur artistique de la compagnie Trace théâtre

Publié le vendredi 30 mai 2014 à 00h10min

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Théâtre à Bobo-Dioulasso :  « Le domaine est en souffrance », selon Moussa Sanou, comédien et directeur artistique de la compagnie Trace théâtre

Il déplore le fait qu’il soit aujourd’hui plus connu en Europe que dans son propre pays le Burkina Faso. Lui, c’est Moussa Sanou, comédien et directeur artistique de la compagnie Trace théâtre à Bobo-Dioulasso. Rencontré au mois d’avril 2014 à l’Institut français, il relate dans cette interview la souffrance du théâtre dans une ville dite culturelle.

D’une façon générale, comment se porte le théâtre au Burkina et plus particulièrement à Bobo-Dioulasso ?

De mon point de vue et en toute sincérité, le théâtre souffre véritablement à Bobo-Dioulasso. Son animation a diminué un peu d’intensité depuis une décennie. Me concernant, j’existe beaucoup sur des scènes de théâtre de sensibilisation dans les villages. Mais grâce à des projets de créations artistiques, je suis quelque fois sur des scènes internationales. C’est dommage, ce n’est pas un plaisir pour moi. Ce n’est pas ce que j’ai voulu comme objectif. J’avoue sincèrement que je suis plus connu en France que dans mon propre pays. Ce qui n’est pas intéressant. A Bobo-Dioulasso, le théâtre a eu du mal à se faire un chemin. Les temps ont changé et à cela s’ajoute les difficultés. Il y a 8 ans, nous avions plus de facilités. De nos jours, il y a énormément d’exigences dans ce domaine comme les moyens financiers, les lieux de représentations….

C’est donc dire que le théâtre à Bobo n’évolue plus ?

Je dirai que c’est toujours le statu quo. Il y a certes des leaders qui évoluent positivement en dehors de la ville natale. Je pense ici à Hassane Kouyaté et j’en passe. Je dirai donc que les comédiens de Bobo vivent bien du théâtre.

Pourtant à Ouagadougou, il y a le Centre international de théâtre de Ouagadougou (CITO) qui fait de grandes créations, et ce pratiquement chaque mois. Concrètement qu’est-ce qui ne va pas avec les comédiens de Bobo-Dioulasso. Manquent-ils d’initiatives ?

Ils font ce qu’ils peuvent, car à l’impossible, nul n’est tenu. Il y a un manque véritable de moyens. Et quand on parle de moyens, ce n’est pas forcément financier. Beaucoup d’autres choses entrent en compte. Nous avons par exemple joué un spectacle titré : « Je t’appelle de Paris » à l’Institut Français. Et je suis en train de voir où est-ce qu’on peut encore le jouer ? Je viens de rentrer d’une tournée européenne avec un spectacle intitulé « Une nuit à la présidence ». Le spectacle a été représenté 12 fois à Ouagadougou parce qu’il y avait des salles qui pouvaient l’accueillir. On n’a pas pu venir à Bobo-Dioulasso pour des raisons financières. Mais à part l’IF, il n’y avait aucun autre cadre de représentation de ce spectacle.

En tant que leader dans le théâtre à Bobo-Dioulasso, qu’est-ce que vous faites pour pallier à cette situation peu honorable pour une ville dite culturelle ?

J’ai un peu honte car parfois je m’impute la faute. Parfois je me dis que cela devait arriver ainsi. Je suis comédien depuis 20 ans maintenant et je ne peux jeter la pierre sur le domaine. J’ai eu de l’argent mais je l’ai investi dans l’humanitaire. Je pensais qu’en travaillant avec des gens, et en donnant ce que nous gagnons aux collaborateurs était un moyen de faire évoluer le théâtre. Je comprends que je devais, plutôt, me comporter autrement pour avoir un lieu de représentation théâtrale. Je ne regrette pas pour autant car il n’est pas encore tard…, J’ai en projet et d’ici 6 mois on pourra ouvrir un lieu de représentation dans la ville de Sya.

Après la semaine nationale de la culture (SNC) en 2010, il n’y a plus eu de compétition en théâtre. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Je trouve que c’est une honte nationale. Contrairement aux comédiens qui n’ont pas apprécié que le théâtre soit retiré des compétitions de la SNC, moi j’en étais tout heureux. J’ai applaudis.

Pourquoi alors ?

C’est un domaine qui souffre. De plus en plus, les conditions ne sont pas réunies pour un spectacle en compétition. Depuis que les responsables de la SNC ont raté l’Institut français qui est la seule salle pour les représentations théâtrales pour les compétitions, ils ont improvisé pour le faire dans la salle « Tam Tam » de la radio Bobo. Je ne dirai pas que c’est une catastrophe. Mais moi j’avais honte de ce qu’était devenu le théâtre à Bobo-Dioulasso. C’est donc assez responsable d’attendre le bon moment pour introduire le théâtre dans les compétitions de la semaine nationale de la culture.

Il y a au total combien de troupes de théâtre dans la ville de Sya ? Sont-elles dans les créations classiques ou seulement dans les sensibilisations ?

Je n’en connais que trois à savoir la compagnie Trace théâtre, la troupe Badenya, la troupe Sanyon. Le théâtre forum communément appelé théâtre de sensibilisation domine plus que le classique. Il donne l’opportunité de jouer et fait vivre les compagnies. Je dirai qu’il est d’une importance pour atteindre certaines cibles de la population par rapport à une question de développement donné.

Comment se porte justement votre compagnie Trace théâtre ?

Elle a eu d’énormes difficultés. Je puis dire aujourd’hui qu’elle se porte bien maintenant, parce que nous avons de grands projets, parce que nous en avons réalisé aussi. De plus, il y a toujours eu des hommes et femmes qui croient en cette compagnie et continuent de l’animer. En 20 ans de carrière, elle n’a jamais cessé d’exister, d’émouvoir son public….

Un message particulier à l’endroit des responsables de la culture à Bobo-Dioulasso ?

Je les félicite pour leur action dans le sens de la promotion de la culture. Cependant, l’on ne devient pas artiste sous couvert de quelqu’un d’autre. Il faut donc que les artistes s’engagent encore plus.

Propos recueillis par
Bassératou KINDO

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