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Aboubakar Zida dit Sidnaaba : "Que les politiciens me laissent tranquille !"

Publié le mercredi 9 février 2005 à 08h07min

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Depuis six ans, et chaque matin, l’émission "Sonré" de Savane FM fait exploser l’audimat. Cette revue de presse en mooré est la trouvaille et le produit d’un surdoué de la radio, Aboubakar Zida dit Sidnaaba.

Cet autodidacte (il n’a jamais fait un jour d’école) dévoile, dans cette interview, les secrets du succès de l’émission. Mais, les prédateurs de la liberté de la presse sont à l’affût et ne manquent pas de l’intimider. Sidnaaba en profite pour les mettre en garde.

Le Pays : Comment expliquez-vous le succès de la revue de presse en mooré ?

Aboubakar Zida dit Sidnaaba : L’émission "Sonré" a dépassé toutes nos espérances et comblé nos attentes. Au départ, en mai 1999, à l’époque où nous élaborions la grille de programme, Abissi Charlemagne et moi avons voulu d’une émission-phare. Finalement, nous avons opté pour "Sonré" (l’aube). Il s’agit pour nous d’informer les auditeurs sur l’actualité nationale et internationale. L’information est devenue une nourriture pour certains. Quand ils ne l’écoutent pas, ils sont malades. C’est la denrée la plus consommée.

Je voudrais préciser que le choix de la langue mooré n’est pas discriminatoire. Nous l’avons fait en tenant compte de la langue la plus parlée au Kadiogo, c’est-à-dire le mooré. Une fois la grille élaborée, il fallait donc passer à la phase pratique. Du fait de mon expérience dans d’autres stations, je n’ai pas eu de difficulté à lancer l’émission le 10 octobre 1999.

Depuis cette date, l’émission est diffusée sans discontinuer. N’avez-vous pas eu tout de même des moments de frayeurs ?

Je vais vous faire une confidence. Il y a eu des moments où le conseil de rédaction a suggéré l’arrêt de l’émission. J’ai toujours répondu que l’émission ne peut être interrompue qu’en cas de faute grave reconnue par le CSI, mais que les intimidations ne nous arrêteront pas.

Vous faites donc l’objet de pressions ?

C’est notre lot quotidien. Même des personnalités insoupçonnables nous ont intimidé.

Et quelles sont vos satisfactions ?

Nous avons une satisfaction morale de voir que la population est désormais bien informée. Aujourd’hui , ce sont les vieilles qui informent leurs petits-fils sur l’actualité. Par exemple, un ministre nous a dit qu’il a été surpris, en arrivant au village, de constater que tout le monde était informé de ses mouvements et même de son prochain voyage. Cela, grâce à la radio. Nous avons donc atteint notre objectif qui est de mettre les auditeurs (lettrés et illettrés) sur le même niveau d’information.

Cette satisfaction morale suffit-elle ?

C’est vrai, nous avons besoin de soutien. Mais, à défaut, nous sommes obligés de nous battre. Cependant, on peut demander à l’Etat d’aider les radios privées à tenir le coup en leur accordant certains marchés publicitaires ou de communication. Nous sommes des radios commerciales qui n’ont pas de soutien. Il n’est donc pas normal que l’Etat favorise d’autres radios à notre détriment. A ce rythme, nous risquons de fermer. Certaines entreprises d’Etat ont cependant commencé à nous solliciter. C’est un bon début. Si l’on veut que les entreprises privées se développent, il faut leur permettre de travailler.

Pour qui roule Sidnaaba ?

Sidnaaba roule pour Dieu. Ceux qui n’en sont pas convaincus peuvent se renseigner. Certains croient que nous sommes à la solde de certains responsables politiques. Je ne suis contre aucun politicien de ce pays. La plupart d’entre eux même sont des amis. Mais je ne roule pour personne. La preuve, nous reprenons les articles sans distinction, même s’ils s’attaquent à des personnes que nous connaissons.

Pourquoi votre émission fait-elle peur alors qu’il ne s’agit que d’une revue de presse ?

Je donne raison aux illettrés qui pensent que c’est Sidnaaba qui est l’auteur des articles. Mais les intellectuels savent bien que Sidnaaba ne fait que relayer une information. Mais si le sujet ne fait pas leur affaire, c’est Sidnaaba l’ennemi. Alors que nous citons la source avec le nom de la publication et même celui du journaliste.

Souvent, je suis étonné que des gens m’appellent sur des articles que je compte reprendre. Ainsi, un jour, un maire m’a appelé de l’intérieur du pays, vers 2h du matin pour me prévenir qu’un article a été publié sur lui dans la presse et qu’il est diffamatoire... Au lieu d’empêcher le journal de publier les articles, c’est à moi qu’on s’en prend.

Avec toutes ces tracasseries, que diriez-vous aux hommes politiques ?

Je voudrais demander aux hommes politiques de me laisser travailler. Je le leur demande , au nom de Dieu. Je fais tout pour être impartial dans l’activité que je mène, et si un article s’attaque à quelqu’un, qu’il ne nous en tienne pas rigueur en croyant que nous sommes contre lui.

Il ne m’est pas interdit de faire de la politique. Mais je n’en veux pas ; j’insiste donc, une fois pour toutes, que Sidnaaba n’est pas un homme politique. Si j’ai besoin de faire de la politique, j’irai prendre une carte de parti. Je ne veux pas qu’on me pousse à faire comme Alpha Blondy qui a dû aller prendre la carte du RDR pour avoir la paix. Qu’on me laisse tranquille.

Propos recueillis par Mahorou KANAZOE
Le Pays

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