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Bienvenue en absurdie

Publié le vendredi 11 avril 2014 à 00h00min

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Impolie qui exige et s’invite, la plume du poète rend visite
Aux deux ou trois petites choses sans importance
Ces écumes ballottées par la main de la lingère
Ces farines de l’instant qui suffisent à irriter les narines
Vifs éclairs débusquant le sinistre et l’invraisemblable
Crachats démontrant le oui et le non, émondant le douloureux peut-être
Cet entre-deux qui oblige, ces compromis non négociés qui blessent
Nulle trace de ces brisures, dans un discours sur l’état de la nation

Trois fois rien
Un tout petit peu de tout à la volée, une graine, puis deux, puis trois

Bien vrai, au regard du passant
Les écumes peuvent paraître belles et absurdes
Absurdes parce qu’elles n’ont aucune raison d’être là
Belles parce qu’elles coiffent et ornent les agitations

Trois fois rien
De chaque instant qui malaxe et de chaque jour qui détraque

L’amertume s’accroupit patiemment dans l’œil de la servante houspillée
Houspillée sans raison, simplement parce que la madame le veut
Ignorée, détestée, réveillée à coups de pied au ventre
La bonne conscience possédante proclame que c’est une ingrate
Bien vrai, reproche vivant, elle gratte l’inconscient et le sur-moi
Présence indigne souillant et nettoyant la maisonnée
Petite merde indispensable, voulue et vilipendée, sage et secrète
Moi l’enfant d’autrui, autrui qu’on détruit dans la tête de son enfant
Par vos mots, faux-semblants qui perforent les cachettes
En toute bonne foi, sans prendre garde, parce que c’est comme ça
Toutes choses comprises et acceptées, anormalement normales

Trois fois rien
Deux doigts en hauteur de misères quotidiennes

L’oreille qui tend une main fébrile à la vitrine indigne
Ignore le minimum du savoir-vivre qui festoie
Le sourcil percute l’affamé commettant le sacrilège d’être là,
Pourquoi reste-t-il là, à déranger ce succulent poulet-bicyclette ?
A-t-il besoin de venir énerver cette bière transpirante à point ?
Franchement, pour ce que l’existence lui a donné !

Trois fois rien
Jamais de quoi remplir la main
Toujours une demi-dose, retourne donc au village !

Et qui pour dire que nos villages nous ont été volés ?
Qui pour expliquer nos quartiers violentés, morcelés, distribués ?
Et qui croira les dires de nos bras insolites privés de champs ?
Ta grandiose bâtisse se tient solidement sur la terre de mes aïeuls
Ta zone résidentielle insulte nos héritages
Immense symbole de la dépossession et de ma soumission
Comment pourrais-tu comprendre ces ridicules récriminations ?
Comprendre ma révolte contre moi-même, le soliloque puéril
Cette rage souterraine contre les diktats des ancêtres
Nous tenant mutilés et impuissants devant les décrets pirates
Reste mon refus d’applaudir, d’ôter mon bonnet sur ton passage
Un semblant d’estime, un résidu de dignité que je m’accorde
Céder toujours un peu et trouver à s’entendre avec soi-même

Trois fois rien
Et voilà que je m’incline devant des gens de peu

Dignité, le mot est lâché, qui prétend franchir les barrières
Dignité de l’unique et honneur du nom
Ce sont là choses graves trouant les nuitées
Une personne qui n’est rien ni personne, perd matin et soir
Le fils de personne maudit le sort et se rêve mutin

Trois fois rien
Une grosse indignation que nul ne veut voir
Au fil des journées que traîne la divine providence

Quoi, l’enfant de la rue, petit voleur parce qu’on le dit,
Coupable d’exister, et réputé incapable de tendresse
Inutile pour lui-même, à tout moment difficile et inconvenant partout
Conçu par une fornication distraite, né pour rien, élevé à saute-mouton
Vivotant avec un seul repère, l’hypothétique prochain repas
Et qui ose demander respect, on aura tout vu !
Petit voleur tenant la portière à grand voleur,
Le front bas espérant une piécette, voilà l’ordre normal des hiérarchies !

Trois fois rien
Un assemblage de petites choses qui noue les entrailles
Comprendront-ils enfin les grandes gerçures des petites gens ?

Quoi, la fille perdue sur des sentiers putassiers veut considération ?
La fille d’un autrui dérisoire, mûrie dans un ventre sans saveur
Juchée sur des talons qui enfoncent son cœur à chaque pas
L’entaille labourée avec ardeur pour un billet froissé
Souriant à son diabolique bienfaiteur et contrôlant la nausée
Errance sans ferveur, à la recherche de l’improbable, supputant l’impossible
Boire, chanter, danser, tout en habitant le dégoût de soi-même
Qui incriminer ? Quoi excuser ? Et pourquoi diable se plaindre ?

Trois fois rien
Seulement des jambes endolories par une marche sans fin
Sans fin parce que sans but, devant le lendemain qui se dérobe

Et cet artisan reniflant la poussière et les démissions au bord du chemin ?
Ne me dites pas qu’à l’abri des vitres teintées, vous ne l’avez pas vu ?
Et cet étudiant faussement rebelle, craintif pour l’après bourse ?
Sans doute occupé à intriguer, vous n’avez pas lu son tract brouillon
Et ce fils savant aliénant son cerveau au dernier des enfoirés ?
Là non plus, vous n’avez pas entendu la détresse dans ses diatribes

Trois fois rien
Au service des citadins, ceux qui produisent les ingrédients
Ceux et celles qui donnent l’essentiel ne savent pas ce qu’ils perdent
Ainsi chemine la gastronomie tropicale, acide alchimie sous les ventilateurs

Et ce laboureur harassé, le corps piqueté des trentaines de douleurs ?
Ce nourrisseur, l’estomac confiné aux marges de la journée nationale du paysan
Ces labeurs délaissés lors du repas à la résidence du bien-aimé président
Ce maraîcher ignorant le croquant de la laitue dans l’assiette européanisée
Ce fou empêtré dans ces superstitions, qui décidément ne comprend rien à rien
Au sommet de vos R1, R2, R3 et R4, acquis on ne sait comment
Féfétisés par vos climatiseurs aux grincements suspects
Machines égoïstes : la froidure dense dansante dans le cocon
Et les chaleurs concentrées en nuances sur les têtes dans le carcan général ?

Deux hideux, trois fois rien, trois foireux
Le peu du peu du feu qui se meurt entre deux potences épilées

Oui madame la présidente, la précédente comme la répondante
La présente prépondérante replète, comme la cocufiante confiante incomplète
L’âme maîtresse, la main dure, la lèvre sûre et la langue mûre devant la demande
Vous et vos postérieurs élargis, le pas lourd et la paume moisie
Consacrant une bedaine remplie de prébendes indistinctes

Trois fois rien
Trois forains, hâbleurs impénitents, juteux moissonneurs de nos peurs cathédrales

Oui, Capitaine serre-joint, ministre capitulard de la défonce nationale
Oui et ou bien, Oui et non, peut-être oui, peut-être non, sait-on jamais
Présent mon Général, combinard devant le râle national
La patrie pétrie de l’ire irrationnelle, le parler toujours obscur
Vous debout surtout, le jarret tendu et la cartouche prête, la poudre sèche
Qu’importe si vous raidissez mâle et débandez à la première alerte
Vos femmes et vos deuxième bureau à la peau javelisée, la crinière augmentée
Vous et vos femelles hier seulement salement khadafféisées
Sur le moment cruellement doubaisées, quataréisées et libanéisées
Barricadés derrière les vigiles musculeux et les « siens méchants »
Certainement, vous avez oublié l’odeur bienfaisante de notre bonne terre
Vous ne savez plus recueillir le lent écoulement des suées bienfaisantes

Trois fois rien
De petites choses sans importance, hurlant dans l’indifférence
De toutes petites choses qui, pourtant, ne savent attendre

Sayouba Traoré,
Journaliste, Ecrivain

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Vos commentaires

  • Le 11 avril 2014 à 07:02 En réponse à : Bienvenue en absurdie

    qui est l’auteur ??svp ??

  • Le 11 avril 2014 à 11:57, par TIENFOLA En réponse à : Bienvenue en absurdie

    j’ai pas eu le courage de vous lire. les mots ne servent plus à grandes chose. nous voulons des actes.

    • Le 11 avril 2014 à 15:56 En réponse à : Bienvenue en absurdie

      On peut comprendre la lassitude générale. Mais, parce qu’il y a un mais. L’écrivain agit par ses mots. Le journaliste se déplace et donne la parole aux gens. Et c’est ce que fait le kôro Traoré.

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