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La diplomatie française existe. Il y en a même qui l’ont rencontrée (2/2)

Publié le mardi 1er avril 2014 à 16h15min

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La diplomatie française existe. Il y en a même qui l’ont rencontrée (2/2)

Ils sont quatre ambassadeurs de France à avoir pris, hier (mercredi 26 mars 2014), la défense de la politique extérieure de la France (cf. LDD France 0651/Mercredi 26 mars 2014).

François Scheer, 80 ans, ancien ambassadeur au Mozambique, en Algérie, en Allemagne, ancien représentant de la France auprès des Communautés européennes, ancien directeur de cabinet de Simone Veil, présidente du Parlement européen, et de Claude Cheysson, ministre socialiste des Relations extérieures, secrétaire général du ministère des affaires étrangères, recruté comme conseiller diplomatique par le groupe Alcatel avant de rejoindre le groupe Geos (protection, intelligence économique, etc.). Il a été élevé à la dignité d’ambassadeur de France le 16 mars 1993

Loïc Hennekine, 73 ans, ancien directeur de cabinet de Jean-Pierre Chevènement (il était réputé proche du CERES qu’animait alors Chevènement), ancien membre du cabinet de Roland Dumas au Quai d’Orsay, repéré par Jacques Attali il deviendra conseiller diplomatique de François Mitterrand à L’Elysée (1989-1990), ancien ambassadeur à Jakarta, Tokyo, Ottawa, Rome, ancien secrétaire général du ministère des affaires étrangères. Il a été élevé à la dignité d’ambassadeur de France le 7 avril 1999.

Daniel Lequertier, 70 ans, ancien ambassadeur à Santiago, Ankara, Lisbonne, ancien secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères (sous l’autorité de Hennekine). Il a été élevé à la dignité d’ambassadeur de France le 30 mars 2005.

Philippe Faure*, 63 ans, diplomate de carrière, ancien conseiller technique au cabinet de Jean François-Poncet, ministre des Affaires étrangères de Valéry Giscard d’Estaing, avant de rejoindre le secteur privé (il a été notamment président du magazine Gault & Millau). Revenu à la diplomatie, il sera ambassadeur à Mexico (nommé par Hubert Védrine), Rabat, Tokyo, secrétaire général du ministère des affaires étrangères. On le dira « la bête noire » de Nicolas Sarkozy. Il a été élevé à la dignité d’ambassadeur de France le 11 août 2012 et Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, l’a nommé représentant spécial pour le Mexique.

Pour ces quatre-là, la France est aujourd’hui, en matière diplomatique, « une puissance d’initiative et d’entraînement qui accepte de s’engager et assume ses responsabilités ». Ce n’est pas le point de vue du groupe « Les Arvernes » qui, dans Libération (12 mars 2014), ont considéré que « la voix de la France devient de plus en plus inaudible, tandis que s’éparpillent les objectifs prioritaires du Quai d’Orsay, sur fond d’une baisse continue de ses moyens matériels et humains ». Pour ce groupe de personnalités de droite (« droite rance » selon Laurent Mauduit, journaliste à Médiapart), la diplomatie française est « inaudible » sur le Proche-Orient (« et notamment l’Egypte »), « discréditée » sur la Syrie, « effacée sur les autres grands dossiers » (Ukraine, Russie, Soudan). « Les Arvernes » dénoncent une « position attentiste, voire suiviste » loin de la « posture gaullo-mitterrandienne d’indépendance et de grandeur ». Ils comparent le Quai d’Orsay à un « couteau suisse » qui veut « couvrir tous azimuts tous les sujets internationaux (économiques, culturels, entrepreneuriaux, scientifiques…) » mais n’a pas nécessairement de compétence pour cela.

« Les Arvernes » reprochent à Fabius de « multiplier les ministres délégués » (ils ont particulièrement une dent contre la « ministre déléguée uniquement chargée de la Francophonie », en l’occurrence Yamina Benguigui, ce qui se comprend) et les « ambassadeurs thématiques, dont le rôle et la mission semblent davantage devoir servir de placards dorés de la République pour d’anciens responsables politiques » (et, là aussi, cela se comprend). Ils invitent donc Fabius à « œuvrer en faveur d’une politique étrangère française plus claire et plus cohérente, qui poursuivrait des objectifs précis avec moins de ministres délégués et de conseillers techniques, plus de moyens matériels et humains sur le terrain, afin de redonner une marge de manœuvre à nos ambassades pour que celles-ci aient les moyens d’agir et portent haut et fort la voix et le message de la France dans le monde ». Une critique de la forme plus que du fond et bien plus du fonctionnement du Quai d’Orsay que du dysfonctionnement de notre politique étrangère qui laisse le lecteur sur sa faim.

Ce n’est pas la première fois que « Les Arvernes », dont les critiques ne se limitent pas à la seule politique étrangère de la France, s’aventurent sur le terrain diplomatique. Ils avaient déjà fustigé le « discours de Dakar » de François Hollande le 14 octobre 2012. Un Hollande qui « s’est glissé, peut-être même sans le savoir, dans les pas de Jacques Foccart et de François Mitterrand, assurant un discours paternaliste comme le premier, et donnant des leçons de gouvernance comme le second ». L’occasion de dénoncer l’absence d’expérience africaine des collaborateurs diplomatiques du chef de l’Etat y compris d’un Fabius « qui, trop heureux de se réfugier derrière le si commode domaine réservé, poursuit avec talent sa carrière d’esthète au Quai d’Orsay ».

L’occasion également de nous jouer la ritournelle désormais habituelle de l’émergence africaine à laquelle la France ne participe pas laissant le terrain libre aux Chinois, aux Indiens, aux Brésiliens. « Les Arvernes » s’étaient emballés pour l’intervention militaire française au Mali, « démonstration que, dans le naufrage du « modèle français », nos forces armées continuent de faire bonne figure » (2 mars 2013). L’opération « Serval », disaient-ils alors, a démontré l’inanité d’une politique européenne de défense, de « rapprochements oiseux avec l’Allemagne ou la Pologne », alors que, selon eux, l’avenir est dans « un véritable partenariat franco-britannique en matière de défense ». C’était aussi, disaient-ils, la fin de l’illusion « d’un monde sans guerre, où le dialogue et la diplomatie, voire « l’apeasement » avec les ennemis de l’Occident, peuvent régler tous les conflits ». C’était enfin l’illustration qu’un pays qui siège comme membre permanent du Conseil de sécurité ne peut pas « redresser ses finances publiques en coupant dans ses dépenses militaires » sans commune mesure avec ses dépenses sociales.

Dans l’actuel contexte politique intérieur français, la question qui se pose est de savoir si le bilan qu’on nous propose est celui de notre diplomatie ou celui de notre ministre des Affaires étrangères. La droite, via « les Arvernes », a engagé l’offensive sans formuler aucune autre proposition concernant la résolution des crises dans laquelle la France s’est engagée. Fabius, dans cette affaire, s’est trouvé des alliés au sein de l’élite du Quai d’Orsay afin de défendre son bilan. Pour rempiler dans le prochain gouvernement ?

Pour quitter les affaires étrangères la tête haute alors qu’on le trouvait, jusqu’à ces dernières semaines, très en retrait ? En visant le ministre des Affaires étrangères, la droite vise-t-elle, selon le principe de précaution, le futur premier ministre ? A gauche, au contraire, vise-t-on à démontrer sa compétence au Quai pour justifier sa nomination à Matignon ? Les jours qui viennent nous le diront.

* Philippe Faure est le fils de Maurice Faure, personnalité majeure du parti radical-socialiste, ancien député puis sénateur du Lot, ancien maire de Cahors, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, ministre de l’Intérieur, ministre des Institutions européennes sous la IVème République, signataire du Traité de Rome pour le compte de la France en 1957. Il sera, peu de temps, Garde
des Sceaux, ministre de la Justice dans le premier gouvernement de Pierre Mauroy en 1981 et ministre d’Etat, ministre
de l’Equipement et du Logement dans le gouvernement de Michel Rocard avant d’être nommé membre du Conseil constitutionnel par François Mitterrand qui le considérait comme « un de [ses] plus vieux compagnons de route ». Maurice Faure est mort, voici quelques jours, le jeudi 6 mars 2014 à l’âge de 92 ans.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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