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Discours de Laurent Gbagbo à la nation ivoirienne : La paix, mais comment ?

Publié le lundi 1er décembre 2003 à 11h27min

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Un appel à la paix sans au préalable un examen des conditions pour ce faire. Voilà comment on peut résumer le discours à la Nation prononcé par le président ivoirien le 27 novembre 2003.

Tout en se déclarant résolument pour la paix qu’il appelle de tous ses vœux, Laurent Gbagbo ne s’est pas départi de l’attitude sibylline qui est la sienne depuis le déclenchement de la crise, laissant une fois encore les observateurs dans l’expectative.

On ne fera pas grief au président ivoirien, de n’avoir pas, avec tous les hommes de bonne volonté, souhaité que la paix revienne dans son pays, et de se poser en rassembleur de la Nation ivoirienne. D’entrée, il a en effet déclaré qu’il avait "compris" ses concitoyens, qui lui avaient demandé "de préserver les institutions de la république et notre dignité collective mais de garder en même temps toutes les chances à la paix". Un ton diplomatique, nouveau par sa teneur mais qui, par la suite demeurera dans les lieux communs, les confusions à dessein et surtout, l’absence de gages de sa bonne foi et de sa volonté d’aller à la paix.

Le chaud et le froid

Si Gbagbo s’est dit convaincu que la "cause essentielle" de cette guerre était le "refus de la démocratie", il n’a pas "touché" aux questions essentielles dont la résolution permettra le retour de cette démocratie en Côte d’Ivoire. Celles-ci qui se résument à la libre circulation des personnes, au droit de résidence et d’établissement dans les pays de la CEDEAO, au code de la nationalité, à l’article 35 de la constitution, à l’identification de la population du pays, au domaine foncier rural... ont été abordées, sans que le président ne prenne des engagements forts pour leur résolution. En appelant ses compatriotes à accepter l’actuel pouvoir, qui est la résultante, faut-il le rappeler de la démocratie tronquée qui a cours en Côte d’Ivoire depuis 1993, c’est un satisfecit qu’il décerne à cette démocratie de façade.

"C’est la nature et l’histoire qui en ont décidé ainsi", clame-t-il, avant d’ajouter "qu’aucun de nos groupes ethniques n’est assez important au plan démographique pour imposer sa suprématie par la loi du plus grand nombre". A l’exercice, et nonobstant le fait que son groupe ethnique n’est pas le plus important, on se rend compte que c’est ce que celui-ci est en train de faire à l’heure actuelle.

Pour preuve, au moment même où il prononçait son discours, des affrontements sanglants (sept morts dont un gendarme) opposaient les autochtones bétés aux allogènes et "Ivoiriens non bétés" dans la boucle du cacao à Gagnoa. Motif de ces affrontements, les premiers voulaient déposséder les seconds de leurs plantations de café-cacao. Malgré la volonté affichée donc, le discours politique, par son ambiguïté et ses partis-pris, ne permet pas le retour d’une démocratie apaisée dans le pays. Un parti-pris que Gbagbo entretient en continuant de traiter les Forces nouvelles de "rebelles" qu’il appelle à rejoindre le gouvernement sans condition.

Alors que les "rebelles" ne sauraient aucunement accepter ce marché de dupes, au regard du sort subi par tous ceux qui, à Abidjan et à travers le pays, sont soupçonnés d’être leurs sympathisants. Gbagbo a donc raison d’affirmer que le pays est dans "l’impasse" parce que le consensus minimum est rompu entre les protagonistes. Au lieu de travailler à rétablir ce consensus par l’application du "remède" marcoussissien, il a préféré "plané", tout en réaffirmant la légalité et la légitimité de son pouvoir.

Mieux, à ses "jeunes patriotes" qui le portent, à bout de bras de manière vindicative depuis des mois, il "promet" du travail, et la "reconnaissance de la Nation". Une palme à l’intolérance en somme. Quant aux "rebelles" injonction leur est faite de "désarmer", avant que leur "cas" ne soit examiné ! C’est sa "priorité" qui est loin d’être celle du camp d’en-face qui se méfie d’un pouvoir qui ne cesse de lui faire des "enfants dans le dos". Et, lorsque Gbagbo chute en déclarant que "la guerre n’est pas encore terminée" et qu’il "reste un dernier pas" à franchir, il laisse la porte ouverte à toutes les hypothèses.

En résumé, le président ivoirien a soufflé le chaud et le froid en appelant à la paix, sans piper mot sur l’application effective du "remède" de Linas-Marcoussis. La rencontre des Forces nouvelles qui se tenait hier à Korhogho, permettra de savoir s’il a été entendu par la classe politique dans son ensemble.

On peut en douter, car en définitive Gbagbo n’a cédé en rien et sur rien. Il faudra donc repasser.

Boubacar SY
Sidwaya

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