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Violence sexuelle faite aux enfants : les actes sont de plus en plus pervers

Publié le jeudi 3 février 2005 à 09h19min

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Dans cette interview, le Dr Marie Berthe Ouédraogo, diplômée de pédiatrie préventive et chargée de programme protection à l’UNICEF nous fait le bilan des actions 2004 de lutte contre la violence sexuelle faite aux enfants. Elle nous parle également des actions de grandes envergures pour 2005 et l’apport combien indispensable des associations pour lutter contre ce phénomène.

Sidwaya (S) : Quel est le bilan des actions menées par l’UNICEF dans la lutte contre la violence sexuelle faite aux enfants courant 2004 ?

Dr Marie Berthe Ouédraogo (M.B.O.) : En 2004, l’UNICEF a renforcé les actions entreprises depuis 2001 dans le cadre de la lutte contre la violence sexuelle faite aux enfants. Le nombre d’enfants victimes a, en fait augmenté. Aussi, notre institution a contribué surtout à une prise en charge de plus en plus intégrée des victimes. C’est-à-dire s’occuper de l’enfant sur tous les plans (scolaire, psychologique, médical...). En 2004, les agressions contre les enfants ont été portées à la connaissance du public grâce aux médias qui ont rendu le phénomène visible. En effet, après toutes les activités menées dans le cadre de la caravane de presse, nous avons été à plusieurs reprises interpellés.

Le revers de la médaille, c’est que nous ne parvenons pas à répondre à toutes les sollicitations compte tenu de la faiblesse de nos ressources.

Un autre acquis en 2004 a été l’élaboration d’un plan d’action national de lutte contre la violence sexuelle faite aux enfants. Nous y avons financièrement et techniquement contribué. Ce projet "expérimental" exécuté à travers des associations partenaires de l’UNICEF (l’Association solidarité jeunes, la Fondation cardinale...) a produit des résultats qui ont permis d’alimenter de façon concrète, réaliste et réalisable, le programme national pour la lutte contre le fléau. L’UNICEF est satisfait d’avoir posé des actes concrets. Cependant, nous sommes insatisfaits compte tenu du fait que malgré les actions de sensibilisation, il y a toujours une indifférence des populations d’une manière générale quant aux violences subies par les jeunes filles. Nous avons eu le courage de poser le problème, mais on se rend compte que les actes sont davantage pervers. C’est très décourageant. Imaginez le cas de ce bébé d’environ deux ans qui a été drogué et violé.

S. : Est-ce que des actions de grandes envergures sont prévues en 2005 par l’UNICEF pour renforcer la lutte contre le phénomène ?

M.B.O. : Nous allons reconduire cette année la caravane de presse. Nous espérons que l’apport des médias permettra d’enregistrer de très bons résultats. En outre, nous avons l’intention de mettre en place un réseau de communicateurs pour intensifier la sensibilisation. Il faut trouver urgemment des solutions aux agressions sexuelles faites aux enfants. De telles pratiques ne devraient pas avoir lieu au Burkina Faso, pays des Hommes intègres. En 2004 par exemple, il a été constaté que les enfants victimes de travail étaient d’abord tous des élèves de l’école coranique. Ceux-ci ont été ensuite formés à braquer des véhicules. Ce qui est très déplorable. Il faut qu’on arrête le massacre des enfants. Cette année, nous allons travailler à consolider nos acquis en attendant la réaction du gouvernement par rapport au plan d’action qui doit être adopté.

S. : Les victimes de violence sexuelle ont-elles posé plainte ?

M.B.O. : Bien sûr. Il y a 21 dossiers présentement en justice et cela depuis 2001. Je profite de votre journal pour interpeller encore le ministère de la Justice. Je sais qu’il y a une procédure à suivre et qu’on n’agit pas urgemment comme les sapeurs-pompiers. Cependant, je pense que les cas de viol de 2001-2002 devraient maintenant commencer à être jugés. Je suis désolée de voir que la justice n’a toujours pas réagi par rapport à ces dossiers alors que j’ai été plusieurs fois interpellée par le procureur général sur des cas d’agressions sexuelles d’enfants.

S. : Etes-vous satisfaite des actions menées par les associations dans le cadre de la lutte contre ce fléau ?

M.B.O. : Les associations exécutent des programmes que nous avons arrêté de commun accord. Je profite féliciter en toute franchise "l’Association solidarité jeunes" pour son courage. Elle a été membre de l’équipe d’investigation en 2001 et elle a laissé parler son cœur en prenant en charge des filles victimes d’abus sexuels. C’est grâce à leur action de catalyseur que nous en sommes là aujourd’hui. Le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale (MASSN) en charge du problème s’est impliqué par la suite. Vraiment je salue sa ténacité, son dévouement et son engagement pour la prise en charge de ces victimes et surtout pour les actions de prévention qu’elle mène.

Après la justice, je voudrais également interpeller les communicateurs avec lesquels il est prévu plusieurs activités qui malheureusement tardent à se réaliser. On sait que chacun a ses possibilités, ses problèmes et programmes mais on souhaiterait que l’accent soit mis sur des actions pouvant permettre la protection des enfants de façon générale et surtout ceux victimes de violence sexuelle.

S. : Sur le plan psychologique, qu’est-ce qui est fait pour aider ces enfants souvent traumatisés suite aux viols et autres ?

M.B.O. : Heureusement, le président de "l’Association solidarité jeunes" est un psychologue qui travaille avec un autre psychologue, membre de l’Association. A Bobo-Dioulasso également, il existe des psychologues qui s’occupent des enfants victimes. Heureusement que les enfants sont psychologiquement pris en charge sinon il leur serait très difficile de tenir le coup.

S. : Quelles sont vos attentes vis-à-vis du gouvernement ?

M.B.O. : Nous avons déjà interpellé le gouvernement à plusieurs reprises. Nous avons fait un plaidoyer pour notre plan d’action national. Nous avons pendant longtemps approché le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale avant de pouvoir procéder finalement à la restitution de l’étude de 2001. Une étude qui a été déterminante pour toute la suite du processus. Toutes nos activités entrant dans ce cadre ont été médiatisées, mais nous avons pris le soin de garder l’identité des victimes en vue de les protéger. Donc nous avons joué notre rôle de plaidoyer, principale stratégie de l’UNICEF. Les consciences ont été interpellées et de nos jours nous sommes satisfaits d’avoir un plan d’action national de lutte contre la violence faite aux enfants. Il a été validé et se trouve présentement au Secrétariat général du gouvernement. Et nous allons continuer à plaider pour son adoption. Une fois que celui-ci sera adopté, les partenaires financiers et techniques vont s’atteler à son financement.

Car il ne faudra pas l’adopter pour la forme. Il faut que les enfants victimes soient pris en charge, il faut combattre ce phénomène et agir dans la prévention. Ainsi, l’idéal serait de sensibiliser les filles et les parents qui doivent rester vigilants. Ceux-ci doivent éviter de faire confiance à tout le monde car les stratégies utilisées par les malfaiteurs sont nombreuses. Il faudra également travailler à dédramatiser le sujet "sexe" qui est jusqu’alors tabou. Que ce soit les leaders coutumiers et religieux, les populations, tout le monde doit s’impliquer dans la sensibilisation.

L’information doit passer tant auprès des enfants, premières victimes, des parents, victimes secondaires et auprès de la communauté.

Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA
Aïssata BANGRE
Sidwaya

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