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La liberté et la vérité : Deux valeurs qu’ont en partage, la justice et la presse

Publié le jeudi 27 février 2014 à 23h47min

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La liberté et  la vérité : Deux  valeurs qu’ont en partage, la justice et la presse

« Justice et Médias : quelles valeurs communes ? », c’est sous ce thème central que le Conseil supérieur de la communication (CSC) a organisé un panel le mardi 25 février 2014 à Ouagadougou. Des débats – du moins sur ce thème central - auxquels ont assisté la présidente du CSC et le ministre de la Justice après la cérémonie d’ouverture, il est ressorti que les valeurs partagées par la justice et la presse, ce sont bien la liberté et la vérité.

En rappel, c’est surtout dans le contexte des procès de l’ère révolutionnaire que les journalistes ont pris goût au traitement de l’information judiciaire dans notre pays. Et depuis, leur intérêt pour la connaissance et la diffusion de l’information judiciaire ne faiblit pas. Ils fréquentent le milieu de la justice. Mieux, ils font des investigations relativement à des affaires soumises à la justice. Toutes choses qui ont forgé une certaine obligation de collaboration justice-médias.

Mais par ces temps qui courent, le constat est sans appel : des procès entre acteurs de la justice et médias avec à la clef, condamnation de journalistes. Ce qui, à long terme pourrait exposer les deux institutions au raidissement de leurs relations déjà teintées de méfiance. Or, médias et justice – ayant chacun un véritable pouvoir - sont appelés à collaborer dans l’intérêt de la société.

Sans doute parce qu’attaché à l’effectivité d’une telle collaboration, le CSC s’est décidé dans le sens du rapprochement entre les deux acteurs, médias et justice. En effet, précise la présidente du CSC, Béatrice Damiba, « au CSC nous sommes mus par le souci constant de contribuer à assainir les relations entre les médias et les autres acteurs de la vie nationale ». Et son Directeur de cabinet, le magistrat Arnaud Ouédraogo de préciser, « nous nous sommes dit qu’il faut que les gens se parlent ». D’où le présent panel qui a réuni présidents de juridiction, responsables de média ainsi que d’autres personnalités, autour du thème central « Justice et Médias : quelles valeurs communes ? ». Un thème qui a été disséqué en sous thèmes et rendu digeste par des communicateurs dont l’éloquence et la pertinence du message forcent l’admiration.

Le journaliste d’investigation, le concurrent du juge

Avant de répondre à la question des valeurs partagées que pose le thème central sur lequel il a exposé, le Directeur de cabinet de la présidente du CSC, Arnaud Ouédraogo, a relevé que justice et médias forment un couple. Mais un couple souvent confronté à « une incompatibilité d’humeur » tenant au temps et à la parole. Pour lui en effet, tandis que le juge « marche d’un pas lent », le journaliste lui, « marche d’un pas pressé ». De même, poursuit-il, « le journaliste parle, le juge se tait ou se réserve » ; avec la précision, « La parole du journaliste est d’argent, le silence du juge est d’or ». Se trouvent ainsi opposés l’obligation de réserve du juge et le droit à l’information porté par le journaliste. Et dans l’exercice de ce droit, le journaliste, surtout le journaliste d’investigation, tout en revendiquant pour lui le droit à la protection de ses sources, n’entend pas s’incliner devant le bouclier de la réserve qu’est le juge. Au contraire, il s’affiche en véritable concurrent du juge. Et l’explication en est, selon Arnaud Ouédraogo, que « le journaliste d’investigation ouvre sa propre enquête, interroge présumés auteurs, victimes, témoins et experts ». Et d’ajouter, « Quand il ne parvient pas à recueillir l’information à la source, il se donne les moyens d’y accéder à travers les fuites ».

Entre le juge et le journaliste se trouve donc érigé un obstacle tenant au langage. Et pour que les deux se comprennent, il faut, selon Arnaud Ouédraogo, qu’ils « enjambent » cet obstacle.

La liberté et la vérité, les deux boussoles du juge et du journaliste

En attendant qu’ils fassent ce bond, le magistrat Arnaud Ouédraogo invite à retenir que le juge et le journaliste représentent deux horloges différentes, tiennent deux discours différents, mais partagent deux valeurs que sont la liberté et la vérité. En effet, précise-t-il, « la liberté, première boussole du juge et du journaliste ; la vérité, seconde boussole du juge et du journaliste ». Deux valeurs qui, pour lui, constituent les réponses à la question que pose le thème du panel. A la liberté, Me Prospère Farama, dans sa communication sur le sous-thème « Les délits de presse » - nous y reviendrons – a ajouté l’honneur, comme deuxième valeur à laquelle tient aussi bien la justice que la presse.

Autant le journaliste tient à sa liberté, le juge n’entend pas transiger sur la sienne. Mais, alors que la vérité journalistique est une vérité sans appel - même s’il y a le droit de réponse – la vérité judiciaire elle, peut faire l’objet d’appel jusqu’à épuisement des voies de recours. C’est du moins, qu’a indiqué Arnaud Ouédraogo avec la précision, « L’équilibre au journaliste, la balance au juge ».

En dépit de cette réalité, justice et médias doivent apprendre à se connaître car, et selon le Directeur de cabinet de la présidente du CSC, « Les médias restent des partenaires irremplaçables pour la justice qui doit garder ses portes ouvertes au-delà des journées portes ouvertes ». Toutefois, les deux institutions ne doivent « jamais entreprendre de se confondre ».

Les médias doivent être au centre de la gouvernance de la justice

Et pour lui, le communicateur du jour, « les médias sont dans leur rôle lorsqu’ils rappellent au juge les attentes de la société en dénonçant les dysfonctionnements, la corruption, les lenteurs, et l’impunité ». Il faut, dit-il, « que le chien de garde empêche le gardien du temple de sombrer dans un profond sommeil ». Il faut également, poursuit-il, que les journalistes « rappellent à la société son devoir en lui présentant sa justice telle qu’elle est ». Au finish, devra se trouver établi, un climat que décrit Arnaud Ouédraogo en ces termes : « Pas d’entente cordiale ni d’inimitié tranchée, seulement un regard sur des valeurs communes que sont la liberté et la vérité ». Et son point de vue à lui, c’est que « Les médias doivent être au centre de la gouvernance de la justice ».

Dans ce sens, le magistrat Arnaud Ouédraogo préconise, « Plutôt que de s’accrocher désespérément au bouclier de la réserve, quoique justifié pour repousser les sollicitations pressantes des médias, la justice gagnerait durablement à bâtir une stratégie de communication qui prenne en compte ses propres contraintes tout en saisissant les meilleures opportunités qu’offrent les médias ». Sinon, prévient-il, « la justice risquerait de s’enfermer dans une permanente communication de crise, offrant aux citoyens de ne la connaître que sous le prisme grossissant du crime et des dossiers pendants ».

Ce panel a également été l’occasion et pour l’Inspectrice générale des services judiciaires, Honorine Méda, de livrer une communication sur le sous-thème « Les règles du traitement de l’information relative aux affaires judiciaires » et pour le Juriste, enseignant à l’ENAM, Abdoul Karim Sango de se pencher sur le sous-thème « Les rôles du juge et du régulateur des médias dans l’activité de la presse ». Des communications hautement pédagogiques sur lesquelles nous reviendrons.

Fulbert Paré

Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 28 février 2014 à 08:51, par Anita Manour En réponse à : La liberté et la vérité : Deux valeurs qu’ont en partage, la justice et la presse

    nous souhaitons que cette rencontre soit celle qui permettra au journaliste et au juge de travailler sincèrement sur la voie de vérité et de la justice. une vérité qui ouvre les voies d’une justice pour tous. et pour que tout ceci soit une réalité il faut qu’il y ait de la transparence et l’indépendance de part et d’autre.

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