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Smarty, prix Découvertes RFI 2013 : « Des problèmes, j’en ai déjà assez eu dans ma carrière … Aujourd’hui je préfère me placer plus sur la borne positive »

Publié le vendredi 21 février 2014 à 01h02min

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Smarty, prix Découvertes RFI 2013 : « Des problèmes, j’en ai déjà assez eu dans ma carrière … Aujourd’hui je préfère me placer plus sur la borne positive »

Smarty, le rappeur burkinabè, prix Découvertes RFI 2013, était récemment en France pour la promotion de son album Afrikan Kouleurs. On l’a surtout vu sur les grands plateaux de radios et télés françaises. Rentré au pays il y a de cela quelques jours, il aborde dans cet entretien son séjour à Paris et ses projets. La situation socio-politique actuelle, le problème avec son staff managérial concernant son dernier album n’ont pas été occultés par l’artiste.

Lefaso.net : vous venez de rentrer de Paris, comment s’est passé le voyage ?

Smarty : Le voyage s’est très bien passé par la grâce de Dieu. J’ai été invité par la cellule de communication des Prix Découvertes RFI pour éventuellement faire la promotion dans les médias au niveau de la France et rencontrer les professionnels de la musique dans le sens d’apporter un petit plus à ma carrière. C’est-à-dire rentrer dans le circuit professionnel en France, essayer de vendre au mieux Afrikan Kouleurs et éventuellement les créations futures.

Lefaso.net : En quoi a surtout constitué votre séjour ?

J’ai fait plein de radios, plein de télés. J’ai fait la radio Nova, j’ai fait la radio Générations qui est la plus grosse radio écoutée en ce moment au niveau du hip hop à Paris. J’ai fait Africa N°1, j’ai fait Canal +, j’ai fait le journal de France 24, 3A Télésud, j’ai été sur des médias qui émettent aussi sur le net. C’était vraiment un programme assez chargé. J’ai pratiquement un peu touché à tout, j’ai rencontré comme je l’ai dit, des professionnels de la musique. On espère que ça va porter son fruit.

Lefaso.net : Qu’est-ce que le prix Découvertes RFI vous a apporté ?

Déjà en termes de visibilité, je pense que c’est quelque chose qu’on ne peut pas négliger, en termes d’opportunités. En termes de tournées aussi, parce que je retourne très bientôt pour la date du 7 avril au New Morning à Paris. Occasion pour moi d’inviter tous les burkinabè à faire le déplacement parce que le concert va être ouvert. Après on va pour une tournée de deux mois, du 1er mai au 4 juillet. C’est une tournée qui va nous amener dans presque tous les instituts français d’Afrique. Je pense donc qu’en termes d’apports, ça t’apporte quelque chose en termes de visibilités, de démarches professionnelles. On ne peut pas quantifier, je pense que seul le futur dira véritablement la portée de ce prix-là mais je ne vais jamais arrêter de citer des exemples comme Tiken, comme Amadou et Mariam, comme Salif Keita ; des personnes qui sont passées par là.

Pour moi, c’est donc nécessaire pour un artiste qui a des ambitions de pouvoir profiter de cette opportunité pour pouvoir engranger beaucoup d’acquis en termes de carrière, pour pouvoir aussi aller au délà de tout ce qu’on souhaite, c’est-à-dire dire, arriver au stade des grands comme les Magic System, comme Tiken Jah Fakoly. En tout, c’est une opportunité, c’est une brèche qui est ouverte et qui porte véritablement la carrière de nous autre artistes africains.

Lefaso.net : Dans l’album Afrikan Kouleurs, on remarque qu’il y a plusieurs colorations. La question que certains se posent, est-ce que Smarty est toujours rappeur ?

Moi je dirai beaucoup plus musicien, artiste sans frontières. Parce que longtemps on nous a poussé le rap dans le retranchement, essayé de mettre des clichés sur ce que c’est que le hip hop. Le hip hop, il est aussi musical. Je ne sais pas à quel critère le rap répond, c’est vrai que nous on a des codes, mais le rap a survécu, a traversé toutes ces années justement parce qu’il ne respectait pas de code. Le rap c’est une musique qui est ouverte, qui accepte les mélanges, et puis c’est ça qui nous a permis d’être là aujourd’hui. Si des gens se demandent si je suis toujours rappeur, je le suis toujours mais j’essaie d’apporter à ce que je sais faire au niveau du rap, un plus pour ne pas être monotone. Ce qui tue un artiste c’est la monotonie. Au niveau de la création, moi je ne me ferme pas pour ne pas être monotone. J’ouvre ma musique, j’ouvre ma culture, j’ouvre ma démarche artistique pour me nourrir de quelque chose. Parce que le monde et ma culture ne s’arrêtent pas qu’à moi et à mon amour pour le rap, il faut que je fasse un pas chaque jour, un pas vers d’autres univers, vers d’autres mondes, d’autres cultures, pour enrichir ma connaissance musicale.

Lefaso.net : Quelles sont vos relations avec les artistes d’ici. Etant là-bas avez-vous été en contact avec des artistes français ?

J’ai de bonnes relations avec les artistes d’ici, je ne pense pas que j’aie un problème particulier avec quelqu’un. Je fais tout pour ne pas en avoir, parce que des problèmes, je pense que j’en ai déjà assez eu dans ma carrière et aujourd’hui je préfère me placer beaucoup plus sur la borne positive. Je ne me mets pas dans une position antagoniste avec X ou Y. Je pense que j’ai de bons rapports avec des artistes d’ici, la preuve est que quand il y’a une fille comme Pamika qui m’appelle pour la soutenir en studio je suis là, quand il y’a des activités qui rassemblent, qui concernent tous les artistes, je fais mon possible pour être là, je fais de mon mieux. Mais vous savez tous que chacun a son staff, chacun a ses démarches, chacun a sa manière de développer sa carrière, à un moment on se retrouve emporté par ses projets personnels, mais ça nous laisse quand même un peu de temps pour revenir travailler, faire des choses ensemble qui vont faire avancer la musique du Burkina Faso.

Avez-vous eu lors de votre séjour parisien des contacts avec des artistes français ?

En France, j’ai rencontré des rappeurs. J’ai rencontré des gars comme Mokobé, j’ai rencontré Passi, Valérie Louri, j’ai rencontré Manu Dibango, j’ai rencontré tonton David. J’ai rencontré assez d’artistes en tout cas, j’ai eu des échanges assez positifs. Comme je le dis, seul le temps dira, et avec le soutien et la grâce de Dieu, les gens verront avec le temps ce qui va être fait.

Lefaso.net : Vous avez tantôt parlé de problèmes, il semblerait que vous ayez eu un problème avec votre staff managérial à la sortie de votre dernier album. Est-ce vrai que vous n’avez rien perçu à l’issue de vos concerts à Bobo et Ouaga ?

Je vous l’ai dit tout à l’heure, j’essaie d’être assez positif en ce moment dans ma vie. J’ai déjà eu tellement de troubles dans ma carrière artistique, que de pouvoir rebondir avec ce prix-là, de pouvoir vivre ce que j’ai vécu avec mon public à Bobo et à Ouaga lors des concerts de remerciement, est ce qu’il y a de sacré pour moi en ce moment. Un staff, ça va, ça vient ; un producteur ça va, ça vient ; un manager ça va, ça vient ; mais ce qui peut partir et ne jamais revenir, c’est un public.

Lefaso.net : Dites-nous, avez-vous perçu quelque chose à l’issue de vos deux concerts vous pouvez nous le dire ?

(Moment d’hésitation) : Le souci est que je ne veux pas être dans le scandale. C’est vrai que, soit les concerts dédicaces de Bobo ou de Ouaga, je n’ai rien perçu en termes de cachet, le point m’a été fait assez tardivement. Pour un concert qui a eu lieu en novembre, le point m’a été fait au mois de mars. Mais je vous l’ai dit, je suis dans une démarche assez positive, peut être que le staff a ses raisons que je respecte mais cela ne doit pas entraver le fait que d’autres personnes veuillent travailler avec eux. Il faut être dans la démarche de faire avancer les choses. Moi mon expérience, elle m’est personnelle et je ne veux pas la reporter à tout le monde. Je sais qu’il y a eu des choses positives, il y a eu des choses négatives aussi, mais comme je dis, il faut voir droit devant.

Lefaso.net : Avez-vous un autre staff actuellement au Burkina ?

Bien sûr, aujourd’hui je suis entouré de personnes qui ont véritablement cru en moi, qui n’ont pas cru que Afrikan Kouleurs c’était juste une prise de tête, qui ont su partager avec moi mes objectifs, parce qu’au départ lorsque je rentrais dans ce projet, ça n’a jamais été d’ordre financier. Je n’ai jamais sorti cet album dans le but d’être multi millionnaire. Je voulais juste me faire plaisir, j’avais une ambition, c’est de pouvoir hausser ma carrière au niveau international. Il y’a des personnes qui y ont cru dans les bons moments, comme dans les mauvais moments. Ceux qui sont restés avec moi, avec qui je travaille en ce moment, ce sont des gens qui me sont restés fidèles, qui ont su me supporter au moment où rien n’allait. Donc c’est avec ces personnes-là que je travaille, avec lesquels je suis sure qu’ils auront la force de me dire toujours les choses assez franchement, parce que c’est de ça que j’ai besoin. Je n’ai pas besoin de personnes qui ne pensent uniquement que showbiz. J’ai besoin aussi de fraternité, d’humanité, de personnes qui peuvent véritablement me donner des conseils, qui puissent m’apporter un plus pour agrandir ma carrière que de parler seulement du volet financier qui à mon humble avis, tue souvent la création artistique.

Lefaso.net : Smarty est artiste mais il est avant tout citoyen burkinabè. Quelle est sa lecture de la situation socio-politique actuelle ?

Smarty est citoyen burkinabè mais quand Smarty organise un concert ce sont des milliers de personnes qui sont là. Donc Smarty ne peut pas se permettre de donner des avis à tout hasard sans tenir compte de toutes ces personnes-là qui l’écoutent. Dans mon public, il y’a des gens du parti de l’opposition, il y’a des gens du parti au pouvoir, chacun a ses pensées, chacun a sa position par rapport à la situation actuelle du pays. Je pense qu’en tant que citoyen burkinabè, il faut arriver à faire la part des choses. Ma position a toujours été claire : Il faut prendre de la hauteur, regarder les deux camps en face, que ce soit ceux du parti de l’opposition, ceux du parti pouvoir et mettre l’intérêt du peuple au milieu, entre eux. Pour moi rien ne prime sur la décision du peuple, rien ne prime sur le besoin, l’envie du peuple. Je pense que l’intérêt d’un individu ou l’intérêt d’un groupe que ce soit du parti au pouvoir ou du parti de l’opposition, ne peut pas primer sur la décision d’un peuple. Moi je marche pour le bien du peuple, parce qu’au-delà de tout ce qu’on est en train de dire, il faut que le débat reste sur le terrain politique. Que la solution soit politique et qu’on ne dérive pas dans le déséquilibre que connait aujourd’hui la Centrafrique ou la Cote d’Ivoire. C’est facile de dire que ça ne peut pas arriver au Burkina, ça peut arriver au Burkina. Mais si ça arrive au Burkina, il y’a des gens qui ont les moyens de pouvoir envoyer leurs familles de l’autre côté. Moi je parle de ceux qui n’ont pas les moyens de pouvoir se faire couvrir par des personnes ou qui n’ont pas les moyens pour prendre leur avion pour détaler. C’est la population rurale, entre nous, ceux qui n’ont pas les moyens de pouvoir sortir du pays, c’est à eux moi je pense. Je pense que chacun doit taire son égoïsme, chacun doit taire ses ambitions démesurées et penser qu’à une seule chose, c’est l’intérêt du peuple.

Lefaso.net : Concernant toujours la situation socio-politique du pays, on remarque qu’il y a des artistes qui n’hésitent pas à prendre position, à s’afficher dans un ou l’autre camp. Que pensez-vous de cela ?

Je ne suis pas à même de donner un avis, cela va être prétentieux de ma part. Qui suis-je pour porter un avis sur la position de X ou Y ? Chacun choisit d’être artiste par rapport à quelque chose, chacun choisit une démarche par rapport à quelque chose. Je pense que chacun est animé d’une ambition qui peut être autre par rapport à X ou Y. Je me vois mal entrain de juger tel ou tel artiste par rapport à sa position. J’ai la mienne mais je respecte la position de celui qui est en face de moi. Et cela ne doit pas faire de nous des ennemis mais ça doit faire de nous, des partenaires qui puissent s’asseoir sur la même table, mettre sur la même table nos différences dans l’intérêt du peuple. Chacun est libre de se placer comme il veut, et moi je respecte la position de tout un chacun.

Lefaso.net : Quels sont vos futurs projets ?

Mes futurs projets, c’est espérer qu’autant le prix RFI aura été une opportunité pour moi, j’aimerais quand même que dans le futur ça puisse me permettre d’entrer en maison de disque, de pouvoir tourner un peu partout, d’entrer dans un staff assez professionnel pour pouvoir au mieux vendre la culture de mon pays, et permettre qu’au-delà de ma personne on puisse comprendre qu’il y’a aussi énormément de talents au Burkina Faso. Les objectifs à venir, c’est éventuellement un nouvel album qui Inch’Allah va être en début 2015.

Lefaso.net : La prochaine question devait porter sur ça, donc vous avez déjà commencé à travailler sur un prochain album ? Quelles seront ses colorations ?

Je suis en train de travailler sur un prochain album, on est en train d’éventuellement boucler. On est reparti encore dans le même studio, on est à Seydoni. Là je suis en train de bosser avec les mêmes musiciens, on espère pouvoir sortir en début 2015 et on espère que le projet plaira à ce public là comme ils ont accueilli Afrikan Kouleurs.

Cotés colorations, disons que j’écris au pife, je fais un peu comme je sens, je vais en fait là où le vent me porte. L’important, ce qui doit primer, c’est la musique qualité. Offrir une œuvre de qualité aux burkinabè, à toutes ces personnes-là qui me soutiennent un peu partout dans le monde. Il y aura des featurings, il y’aura des collaborations. On espère faire un bel album.

Lefaso.net : Voulez-vous ajouter un mot à l’endroit de vos fans ?

D’abord je voudrais remercier Lefaso.net pour tout ce que vous faites pour moi, parce qu’en termes de communication, vous m’avez soutenu depuis la sortie de l’album Afrikan Kouleurs. Même pour les concerts, vous avez été présents sans rien attendre. On sent l’impact du site lorsqu’on est à l’extérieur, tout le monde le visite. Que ce soit des personnes étrangères au Burkina, qui ne sont pas forcément des Burkinabè. Tout le monde quand il a envie de savoir ce qui se passe au Burkina Faso. Lefaso.net est l’un des sites les plus crédibles du pays. C’est donc important pour nous en tant qu’artistes de pouvoir être sur ce site-là. Merci pour tous les efforts que vous faites pour faire progresser la culture burkinabè.

Mon dernier mot va également à mes fans. Je les remercie pour leur soutien lors des deux derniers concerts. Merci au public qui n’a cessé de me soutenir, c’est grâce à eux aussi que je suis en train de vivre cette histoire. La tournée va bientôt commencer, on est en préparation d’un album et on espère qu’on saura les faire plaisir et qu’on saura combler leurs attentes. J’ai tenu compte des critiques des uns et des autres pour pouvoir m’améliorer dans le deuxième album et j’espère que par la grâce de Dieu, on fera mieux que ce qui a été fait.

Interview réalisée par Amélie GUE ( Stagiaire)

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