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Ludovic BAKYONO, démissionnaire du CDP et membre du MPP : « Nous sommes débordés par les demandes d’adhésion »

Publié le samedi 1er février 2014 à 01h28min

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Ludovic BAKYONO, démissionnaire du CDP et membre du MPP : « Nous sommes débordés par les demandes d’adhésion »

Il était, jusqu’aux récentes démissions de cadres du CDP, le responsable des secteurs structurés au Kadiogo. Il milite désormais au sein du Mouvement du peuple pour le progrès, le MPP. Dans les lignes qui suivent Ludovic BAKYONO affirme que la dynamique de changement est résolument en marche au Burkina pour un après-COMPAORE apaisé.

Lefaso.net : Depuis un certain temps nous assistons à une vague de démissions du CDP, comment expliquez- vous cette situation ?

Ludovic BAKYONO : Je dirais que c’est une dynamique normale dans la mesure où cela répond à une évolution du niveau des contradictions qui n’ont pas pu trouver de solutions depuis le 5e congrès ordinaire du CDP en mars 2012.

De quelles contradictions parlez-vous ?

Il faut noter que ce congrès tenu sous le signe de la cohésion et de l’unité et qui était celui de l’ouverture a été mal orchestré car on a foulé aux pieds les principes fondateurs du CDP. Les questions de copinage ont pris le dessus sur le militantisme des vrais militants, ce qui a créé un malaise profond dont les plaies n’ont pas été soignées depuis.

Les faits les plus concrets et les plus graves sont d’abord la cooptation hors congrès de membres du Bureau politique national (BPN) au sein des militants de la FEDAP-BC et cela sans en rendre compte au BPN et ensuite l’introduction d’un quota de membres de la FEDAP- BC lors du renouvellement des structures du CDP dans le Kadiogo et le Houet.

Vous confirmez la mainmise de la FEDAP-BC, appelée « OPA » par certains ?

Moi j’affirme que le CDP a été phagocyté par la FEDAP-BC maintenant que d’autres appellent cette réalité OPA, ça je ne peux pas leur nier la liberté de dire ce qu’ils pensent.

Comment cela a-t-il pu se faire aussi facilement en apparence ?

On nous a simplement fait croire qu’il fallait faire l’ouverture du CDP à toutes les entités qui soutiennent le camarade Président Blaise COMPAORE et c’est le 5ème congrès qui en a donné le ton. C’est le congrès qui valide la composition du Bureau Politique National (BPN) et la liste des membres dudit BPN a été lue et donc rendue publique.

Cependant il nous a été donné de constater que des cooptations continuaient à se faire hors congrès sur la simple base de l’appartenance à la FEDAP-BC, pensez- vous que cela soit normal ?

Je vous réponds rapidement non puisque les textes du parti n’ont pas prévu ce type de cooptation hors congrès à moins que le Secrétariat exécutif National (SEN) ne soit au-dessus du congrès, chose impensable et impossible. A l’une des sessions du BPN, un membre en la personne du Camarade OUOBA Bindi - si ma mémoire est bonne - a même posé la question de savoir le nombre exact des membres du BPN et il n’a pas reçu de réponse. C’est seulement après la parution de la liste des 75 démissionnaires que nous avons appris que le BPN était composé de 600 membres.

Vous voulez dire que la vague des démissions a une origine qui ne date pas d’aujourd’hui ?

Cela ne fait l’ombre d’aucun doute que pour les lecteurs avisés de la politique au Burkina Faso, au-delà des points politiques soulevés plus haut et la mauvaise gestion d’un certain nombre de questions de fond les conditions étaient réunies pour que les militants qui ne se retrouvaient plus dans cette mal gouvernance interne du parti trouvent un cadre d’expression en dehors du CDP.

Mais les démissionnaires dans leur écrit remettent en cause le Sénat et la révision de l’article 37 alors qu’ils ont contribué à faire adopter ces mêmes lois...

Je crois qu’il est important de noter une chose très importante ; les démissionnaires sont à féliciter par ce que qu’ils ont respecté la collégialité des mesures défendues par le CDP jusqu’à la date de leur démission. Ce sont de vrais démocrates par ce qu’ils ont respecté les principes du parti en se soumettant aux décisions même s’ils avaient défendu des positions contraires. C’est cela aussi le respect des principes organisationnels fondateurs. Pensez-vous qu’il serait responsable qu’un militant digne de ce nom sorte d’un congrès où il a été décidé de la révision de l’article 37 et de clamer sous tous les toits que le congrès a décidé de la révision de l’article 37 et que personnellement lui est contre. En 2009 lorsque le congrès du CDP optait pour la mise en place du Sénat et la révision de l’article 37 il faut noter que les différentes forces politiques étaient appelées à discuter dans le cadre du Conseil consultatif pour les reformes (CCRP) où le principe de travail était que seules les mesures consensuelles seraient mises en œuvre et les mesures non consensuelles laissées en suspens. En outre il n’y avait pas encore eu le Printemps Arabe même si des prémisses étaient déjà visibles et la fronde anti-Sénat et anti révision de l’article 37 à l’intérieur du pays n’était pas aussi audible qu’elle l’est aujourd’hui. Le contexte a changé et c’est le message que les démissionnaires ont voulu faire entendre au sein du parti mais malheureusement le contingent des « FEDABCistes » ne l’entend pas de cette oreille. La seule solution était de quitter d’une manière galante et civilisée le CDP et c’est ce qui a conduit à cette vague de démissions qui continueront de défrayer la chronique.

Vous voulez dire que les démissions vont continuer ?

Permettez- moi de vous affirmer que ce n’est que le début du commencement car ce n’est que le premier épisode du premier scénario de notre plan A. Les nombreux militants des marchés et yars, du secteur informel, des secteurs structurés, de l’exécutif et du parlement qui ont déjà signé les fiches de démission non publiées sont la preuve que la crise est réelle et profonde. Entre une allégeance sous pression et une adhésion naturelle aux idéaux des démissionnaires il faut que chacun fasse son analyse.

Selon vos anciens camarades, tout ceci serait un non-événement…

Je ne sais pas de quel dictionnaire ces responsables tiennent ils la définition du groupe de mots « non évènement » à moins que ce ne soit un néologisme comme tout évolue, même la langue. Moi, je ne vais pas m’engager dans une polémique de définitions mais je fais juste un constat ;

- depuis la parution de la première liste de 75 noms sur le net les réseaux sociaux connaissent une ferveur particulièrement grande,
- depuis la date du 6 janvier les journaux sans distinction s’achètent comme des cacahuètes,
- on a obligé les députés, les responsables des structures du CDP et les maires CDP à signer des lettres d’allégeance dont ils n’ont pas eu le temps ni l’occasion de lire le contenu (une première sous la 4e République),
- Des missions subites sont déployées pour installer les structures du parti à grand renfort de publicité,
- On met la pression sur les gouverneurs et les hauts commissaires à dénoncer les responsables de l’administration qui sont proches des idéaux des démissionnaires,
Si c’est cela un « non-évènement », alors là, quelque chose m’échappe.

Les responsables Roch, Salif Simon sont traités d’ingrats, qu’en dites-vous ?

L’ingratitude est, je crois, la non reconnaissance à sa juste valeur d’un service rendu mais quand on est dans un cas où on se doit réciproquement peut- on parler d’ingratitude ?
Au lendemain du 15 octobre ces mêmes ingrats dont vous parlez ont bravé vents et marées pour justifier et vendre l’image de la rectification afin de la faire accepter de tous malgré un contexte national et international très hostile. Aujourd’hui, il est vrai qu’on peut effectivement affirmer que Blaise COMPAORE a fait de Roch, Salif et Simon ce qu’ils sont devenus mais lorsqu’on part du 15 octobre 1987 à nos jours, je crois qu’on peut dire sans l’ombre d’un doute que leur engagement, leur loyauté et leur fidélité a fortement contribué à faire de Blaise COMPAORE ce qu’il est devenu aujourd’hui.

Comment appréciez-vous le ton du discours qui a cours actuellement ?

Pour moi, il est nul et pas digne d’une hauteur d’esprit. La colère et les injures c’est l’arme des faibles qui sont en manque d’arguments. Pour moi, tout militant est utile à quelque chose et cela peu importe sa place dans la classification hiérarchique du parti, la base sans le sommet, c’est nul, et le sommet sans la base c’est nul. C’est parce que chaque partie de la bâtisse tient bien en place que la pyramide est solide. 117 membres d’un bureau politique et pas des moindres quittent une formation politique et on veut nous faire croire que c’est un non évènement. La séparation est un fardeau toujours lourd à porter mais en politique ou dans le mouvement associatif c’est librement qu’on adhère et c’est librement qu’on démissionne puisque cela est prévu par les textes comme un droit inaliénable de chaque adhérent. Il faut donc respecter le droit des démissionnaires de quitter puisqu’ ils ne partagent plus les manières de faire.

Le samedi 25 janvier 2014 les démissionnaires du CDP ont tenu l’assemblée générale constitutive de leur parti, le Mouvement du peuple pour le Changement (MPP), comment avez-vous vécu ces moments ?

Cette date restera à jamais gravée dans les mémoires et dans les annales de la politique du Burkina Faso comme une date historique. Il vous souviendra que des milliers de citoyens ont librement pris d’assaut la maison du peuple pour affirmer leur soutien aux démissionnaires malgré le grand renfort de campagne d’intoxication pour les discréditer aux yeux de l’opinion. Une mobilisation populaire qui n’a pas nécessité des distributions d’espèces sonnantes et trébuchantes, de mise à disposition de cars et j’en passe. S’il y a bien quelqu’un qui aurait voulu vivre ce moment-là c’est bien Norbert ZONGO qui l’appelait de tous ses vœux. Je lisais ce rappel historique dans la presse qui a bien voulu relayer le fait qu’il avait dit entre autre que :

- Les contradictions congénitales au sein du parti majoritaire conduiraient à une inévitable implosion du CDP tôt ou tard,

- La vraie opposition crédible qui portera des changements notables au Burkina Faso naîtra du CDP et du CDP seul,

- Roch Marc Christian KABORE ne trouvera son salut politique qu’en dehors du CDP par la création de son propre parti…

L’histoire est en train de lui donner raison comme un prophète des temps nouveaux. Un fait marquant à noter c’est véritablement que des milliers de citoyens qui ne s’intéressaient pas à la politique ont subitement trouvé le motif de s’engager et pas n’ importe où mais au MPP. Chaque jour, ce sont des milliers de citoyens qui rejoignent les rangs du MPP. Les indicateurs qui pourront vous permettre de vérifier cela, dans un futur proche, ce sera le taux de participation aux futures élections et les inscriptions qui se feront plus massives sur les listes électorales.

D’aucuns trouvent que la composition de votre Bureau Exécutif National (BEN) ne fait pas la part belle aux jeunes et aux femmes...

Je crois qu’à cela la raison est toute simple, la composition du BEN c’est juste une équipe légère et provisoire qui a été proposée pour les besoins de la demande du récépissé du parti auprès des autorités compétentes. Ce qu’on peut ajouter, c’est que sur les 117 démissionnaires il n y a que 7 jeunes dont 4 ont été retenus dans le BEN ce qui fait un taux de 57,14 % et ça ce n’est pas rien. En outre, dès la désignation du camarade Mossé Abdoulaye à la tête de la jeunesse du MPP, il a immédiatement convoqué une rencontre le dimanche 26 janvier avec tous les 7 jeunes pour planifier la stratégie de mobilisation de la jeunesse au sein du MPP. Cela vient confirmer que c’est moins la pléthore des effectifs des jeunes qui importe mais plutôt la manière dont nous comptons assurer la promotion véritable de la jeunesse. Il en est de même des femmes. La donnée la plus importante à prendre en compte dans cette composition c’est que, d’une part, il n y a pas de parachutage comme c’est la règle au CDP et, d’autre part, que la composition a été consensuelle et les 117 démissionnaires s’identifient au BEN. Toutefois, pour vous rassurer sur la bonne foi du groupe, attendez de voir la composition qui sera issue du tout prochain premier congrès du parti.

Que pensez-vous du Front Républicain ?

Je crois qu’ils sont dans leur rôle, c’est la période des récoltes de leur café cacao. Permettez à ces chasseurs de primes d’en profiter au maximum car c’est la toute dernière récolte. C’est sur le terrain qu’on verra qui fait quoi, qu’on saura qui est qui. Et qu’on verra ce que chacun vaut réellement.

Vous étiez responsable des secteurs structurés au sein du CDP ; en quoi consistait exactement votre tâche et avez-vous les mêmes responsabilités au sein du MPP ?

Les secteurs structurés se définissent comme le cadre d’expression des militantes et militants travailleurs du parti dans les secteurs du public, du parapublic et du privé. Et donc il s’agissait pour les autres membres de la coordination et moi de coordonner l’action de ces camardes organisés. Il faut dire qu’au sein du MPP les camarades m’ont renouvelé leur confiance pour accompagner la mobilisation des travailleurs du public, du parapublic et du privé et je peux vous assurer que tout se passe très bien.

Que peut-on retenir en termes de perspectives à votre niveau ?

Le seul message que j’ai à donner c’est remercier les milliers de burkinabé qui ont fait confiance au MPP en s’inscrivant massivement sur les listes d’adhésion. Le mouvement pour le changement véritable est en marche au Burkina Faso et j’invite tous les burkinabé de l’intérieur et de l’extérieur à accompagner cette dynamique de transition apaisée telle que souhaitée par les sages du Burkina.

Interview réalisée par Juvénal SOME.

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