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Mgr Philippe Ouédraogo : « Nous avons un devoir d’accompagnement envers les hommes politiques »

Publié le vendredi 31 janvier 2014 à 00h45min

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Mgr Philippe Ouédraogo : « Nous avons un devoir d’accompagnement envers les hommes politiques »

C’est le 22 février prochain que Mgr Philippe Ouédraogo, archevêque métropolitain de Ouagadougou, sera officiellement créé cardinal au Vatican, avec 15 autres heureux élus dont un ivoirien. Pour célébrer l’événement à sa juste mesure l’Eglise catholique a décidé de reportage le pèlerinage au sanctuaire de Yagma d’un mois (au 2 mars) et d’en faire un pèlerinage nationale. Dans cet entretien, celui qui a appris son élévation au rang de cardinal par le coup de file d’un journaliste revient ici sur le sens et la mission de cardinal et ses enjeux socio-politiques.

Comment la nomination vous est-elle parvenue et comment l’avez-vous accueillie ?

J’étais à mes activités ordinaires de pasteur d’Eglise particulière en ce dimanche 12 janvier 2014 au sanctuaire de Yagma dans la Basilique Notre Dame, avec les catéchistes de l’Archidiocèse qui assurent la formation des catéchumènes et l’animation des communautés chrétiennes. Dans l’Archidiocèse de Ouagadougou, nous comptons 370 catéchistes titulaires, 320 catéchistes volontaires et 2600 papas et mamans catéchistes.

J’ai célébré l’Eucharistie et assuré une causerie avec eux. Je rentrais à l’archevêché pour m’apprêter à effecteur un voyage sur Bobo-Dioulasso où commençait, le lendemain même, l’Assemblée Plénière de la Conférence Episcopale Burkina-Niger (CEBN). Chemin faisant, Roberto, un journaliste de Rome me téléphone pour me féliciter pour ma nomination, ce à quoi j’ai répondu : « ne vous êtes vous pas trompé d’adresse ? « Et lui de confirmer qu’il venait de l’entendre de la bouche du Saint Père à l’Angélus de ce dimanche midi ».

C’est dire donc ma surprise et mon étonnement devant cette nomination que j’accueille comme une sollicitude du successeur de Pierre, le pape François, à l’égard de l’Eglise Famille de Dieu au Burkina Faso, et aussi de l’Afrique. Et ma personne n’est rien d’autre qu’un instrument quelconque de cette bienveillance du Siège Apostolique.

Le saint Père a adressé une lettre à chaque Cardinal élu. Quel est l’essentiel de cette lettre ?

Le Pape est vraiment un Pasteur. Il a bien voulu manifester à chaque Cardinal élu sa proximité et sa prière par une lettre personnelle de grande teneur évangélique. Il nous rappelle essentiellement que « le Cardinalat n’est pas une promotion, ni un honneur, ni une décoration. C’est simplement un service qui exige d’élargir le regard et le cœur… de regarder plus loin et d’aimer plus universellement avec une plus grande intensité. »

En outre le Saint Père nous livre le secret pour s’acquitter d’une telle mission : chaque cardinal doit mettre tout en œuvre pour revêtir les « vertus et les sentiments du Seigneur Jésus, en se faisant serviteur dans l’abaissement et l’humilité, dans l’esprit évangélique d’austérité, de sobriété et de pauvreté… »

Je reste très reconnaissant au saint Père qui nous ramène à l’essentiel pour la fécondité de la charge cardinalice. Je chemine depuis des années dans la spiritualité de la Fraternité Sacerdotale Jésus Caritas (Charles de Foucauld) et je me retrouve parfaitement dans cette perspective. Priez pour moi afin que je puisse être un « amoureux passionné » de Jésus-Christ, un pasteur dévoué, désintéressé et généreux selon son cœur, un coopérateur indéfectible du Successeur de Pierre.

Le Saint Père fait la part belle aux Eglises du Sud plus qu’à celles du Nord. Quelle lecture faites-vous de cette démarche du Souverain Pontife ?

Oui ! Nous constatons que sur seize (16) Cardinaux électeurs nommés, neuf (9) sont du Sud (cinq sud-américains, deux asiatiques, deux africains). Pourquoi le Saint Père a-t-il ainsi disposé les nominations ? Est-ce par souci d’équilibrage dans le sens de la catholicité/ universalité ? Est-ce parce que les Eglises particulières du Sud constituent un « poumon spirituel » de l’Eglise et de l’humanité (vitalité, vocations sacerdotales et religieuses, pratique religieuse) ?
Ce qui est certain, on ne saurait exagérer en reconnaissant l’initiative du Pape, heureuse et encourageante pour les Eglises particulières du Sud. Nous rendons grâce au Seigneur et exprimons notre sincère et filiale gratitude au Père de l’Eglise Universelle pour sa sollicitude apostolique.

Certaines personnes au Burkina Faso pensent que le Pape vous a récompensé parce que vous dénoncez les dérives des hommes politiques. Que leur dites-vous ?

La nomination du saint Père est libre et gratuite. Il ne me semble pas adéquat encore moins évangélique de penser à une récompense quelconque pour services rendus….Le travail de l’évangélisation est gratuit, désintéressé. Dans une perspective évangélique, il n’y a pas de reconnaissance envers le serviteur parce qu’il a fait ce qui lui est demandé. Dans ce sens, je me suis toujours considéré comme un ouvrier, un serviteur quelconque qui essaie de faire au mieux ce qu’il doit faire. Priez pour moi afin que je sois un bon serviteur, un indéfectible coopérateur du Successeur de Saint Pierre.

Pour revenir à la question des hommes politiques, je rappellerai que les pasteurs que nous sommes, avons un devoir d’accompagnement à leur égard. Et dans notre Eglise Famille de Dieu au Burkina Faso, nous le faisons collégialement. Ils sont comme les autres hommes et femmes, des gens qui ont besoin du service pastoral que nous exerçons pour le bien de tous. Il n’y a donc pas un quelconque lien à faire avec cette nomination qui est, comme je l’ai dit tantôt, l’expression de la sollicitude du Saint Père à notre Eglise Famille de Dieu au Burkina Niger.

Le 22 février prochain, vous allez prendre part, aux côtés de vos pairs nouvellement créés cardinaux, au consistoire, qu’est-ce que c’est ? Archevêque vous avez reçu le pallium, cardinal, vous recevrez la pourpre. Quel sens a-t-elle ?

Oui, le 22 février 2014, les nouveaux élus seront constitués cardinaux, membres du collège cardinalice. Le rite d’investiture comporte trois éléments symboliques :
- la remise de l’anneau cardinalice par le Saint Père. En portant cet anneau, nous sommes invités à nous souvenir du témoignage des Apôtres Pierre et Paul et à donner nos vies jusqu’à la mort par le martyr. En outre, nous devons imiter la Vierge Marie, celle qui fut solide dans la foi et l’humble servante du Seigneur.
- l’attribution d’un titre d’une Eglise ou d’un diocèse de Rome pour coopérer étroitement avec le pape au gouvernement de l’Eglise Universelle.
- enfin, la barrette rouge pour signifier que les nouveaux cardinaux sont appelés à un service d’amour : amour de Dieu, amour de l’Eglise, amour du prochain…et cela avec un dévouement absolu jusqu’à l’effusion du sang si cela s’avérait nécessaire.

Ces trois éléments d’investiture des nouveaux cardinaux constituent un appel fort pour un don total de soi à la suite du Christ. Alors priez pour moi et mes pairs pour que nous soyons rendus dignes de la grâce qui nous est faite et que nous puissions offrir totalement nos personnes pour le service de Dieu et des hommes.

Quel message avez-vous à l’endroit des chrétiens du Burkina Faso en ce début d’année 2014.

J’exhorte les fidèles chrétiens du Burkina Faso à accueillir cette nomination avec foi et dans l’action de grâce. Le choix du Saint père est libre. Rendons grâce à Dieu et soyons aussi très reconnaissants envers le Pape François qui a daigné jeter un regard plein de sollicitude sur notre Eglise Famille de Dieu au Burkina Faso.

En outre, reconnaissons que la grande figure du feu Cardinal Paul ZOUNGRANA a probablement frayé le chemin pour la nomination d’un Cardinal au sein de l’épiscopat burkinabè. Rappelons-nous qu’il a été trente cinq années durant, Cardinal de la Sainte Eglise et a, par son œuvre gigantesque au sein de l’Eglise Universelle, contribué à donner de la visibilité à notre Eglise Famille de Dieu.

Aujourd’hui Cardinal, je n’aurai de cesse d’affirmer que je ne suis qu’un « instrument quelconque », par lequel se sont manifestées de façon éminente, la sollicitude et la bienveillance paternelle du Saint Père à l’endroit de notre Eglise particulière, toute chose qui nous incite à aller en « eau profonde » dans le sens de la sainteté et de la mission d’évangélisation de l’Eglise : laïcs, prêtres, évêques de l’Eglise Famille de Dieu au Burkina, la bienveillance du Saint Père envers notre Eglise constitue pour tous et chacun un appel fort à s’engager davantage pour un meilleur service de l’Evangile, dans l’amour de Dieu et du prochain. Cela rejoint parfaitement ma devise épiscopale : « Unis dans l’amour, annonçons Jésus-Christ »

Interview réalisée par l’abbé Joseph KAINDA
Service de la communication, Conférence Episcopale du Burkina/Niger.

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