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Abel Somé (SCADD) : "Au Burkina, l’accent n’est pas assez mis sur l’industrialisation"

Publié le jeudi 9 janvier 2014 à 14h26min

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Abel Somé (SCADD) :

Dans un entretien accordé à "Jeune Afrique", Abel Somé, secrétaire exécutif du Secrétariat technique national de la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD) dresse un premier bilan de la nouvelle politique de développement du Burkina Faso et évoque les enjeux de la révision prévue pour 2015.

Adopté en Conseil des ministres en décembre 2010, la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD) donne une orientation stratégique à la politique de développement burkinabè dans le cadre du projet à long terme "Burkina 2025". Une première révision de ses objectifs est prévue en 2015.

Augmentation du financement de l’État, priorité sur le secteur secondaire... Abel Somé, secrétaire exécutif du Secrétariat technique national de la SCADD a évoqué pour Jeune Afrique les différents points qui devraient être retravaillés de manière à optimiser cette stratégie qui connaît, pour l’instant, des difficultés dans sa réalisation.

Jeune Afrique : À un an de sa révision, peut-on déjà ébaucher un premier bilan de la SCADD ?

Abel Somé : La SCADD a pour objectif principal de réaliser un taux de croissance réel du PIB égal à 10 %. En 2011, nous étions à 5 %, en 2012 à 9 %. Par ailleurs, nous suivons aussi un programme de réalisation des Objectifs du millénaires de développement (OMD) qui concerne principalement les secteurs de l’éducation et de la santé. Pour l’instant, nous sommes autour de 60 % de réalisation sur ce qui est programmé pour la période 2011-2015.

Chaque année, nous faisons un bilan de ce qui a été fait sur la base de 30 mesures prioritaires. Les résultats de 2013 seront établis en juin 2014 mais je peux d’ores et déjà vous dire que 7 mesures sur 30 avaient été réalisées fin septembre.

Deux de ces mesures - l’une concernant la mise en place des cartes scolaires régionales du primaire et du secondaire, et l’autre la stratégie d’intrants et d’équipement sur le secteur agricole - sont impossibles à réaliser. Pour les 21 mesures restantes, nous avons bon espoir d’en avoir concrétisé au moins 15 à la fin de l’année 2013.

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?

Globalement, les difficultés se situent au niveau de l’administration : lourdeur dans les procédures de passation de marché, capacités insuffisantes en termes de ressources humaines, matérielles et financières. Le gouvernement a pris des décisions pour aplanir ces difficultés d’ici à 2014. Il s’agit notamment d’une allocation budgétaire de l’État destinée à limiter les recherches de financement extérieur.

Pourquoi une révision de la SCADD en 2015. Sait-on déjà ce qui va changer ?

Dans le cadre de sa stratégie par cycles quinquennaux, le gouvernement va redéfinir les objectifs pour les 5 ans qui vont suivre après avoir fait un bilan du premier cycle 2011-2015. Pour appuyer cette révision, nous allons faire une évaluation indépendante à partir de janvier 2014. Je ne peux donc rien vous dire sur ce qui va changer tant que cette évaluation ne sera pas faite.

Selon votre expertise personnelle, quels sont les points qu’il faudrait améliorer ?

Aujourd’hui, le gouvernement a décidé que le moteur du développement doit être agricole. Pour moi, on devrait glisser plus explicitement vers l’industrialisation qui devrait être l’axe fort de la politique de développement du pays. L’accent n’est pas assez mis sur le secteur secondaire, c’est pourtant celui dans lequel on peut créer le plus d’emplois.

Va t-il y avoir des modifications sur le plan des financements ?

Je pense qu’on va opter pour une mobilisation beaucoup plus importante des fonds internes. Aujourd’hui 63,3 % des fonds proviennent du budget de l’État. On va peut-être passer à 70 %, ce qui demandera beaucoup plus d’efforts de la part de l’État. Pour le reste, on garde les mêmes bailleurs de fonds : Banque Mondiale, Union Européenne, sans oublier les conventions bilatérales avec la France, le Danemark etc.

La SCADD a été mise en place sous la présidence de Blaise Compaoré. Que se passera t-il s’il n’est pas réélu ?

C’est une bonne question. La Scadd est l’outil opérationnel qui permet de valider les options que le président Blaise Compaoré a proposé dans le programme sur lequel il s’est fait élire.

En cas d’alternance en 2015, le nouveau gouvernement peut décider de simplement s’aligner sur le programme du président élu qui sera alors le seul référentiel.

Cela dit, je pense que quelque soit le gouvernement, ses objectifs ne pourront pas beaucoup différer de ce qui est prévu dans le cadre de la SCADD. Tahirou Barry, Président du Parti de Renaissance Nationale [parti d’opposition fondé par Laurent Bado, NDLR] a reconnu, lors d’une émission télévisée à laquelle je participais, qu’il avait l’impression que c’était "son programme".

http://economie.jeuneafrique.com/regions/afrique-subsaharienne/21051-abel-some-scadd-qune-alternance-en-2015-ne-modifierait-pas-la-strategie-de-croissance-du-burkina-fasoq.html

PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE MARECZKO, À OUAGADOUGOU

Jeune Afrique

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Vos commentaires

  • Le 7 janvier 2014 à 12:31, par Watt En réponse à : Abel Somé (SCADD) : "Au Burkina, l’accent n’est pas assez mis sur l’industrialisation"

    Le prof a peut être raison pour le secteur secondaire pour l’emploi mais je penche plutôt sur le secteur tertiaire, celui des services, est aussi promoteur d’emploi. Notre pays a de nombreux désavantages pour le développement de l’industrie (enclave, Énergie très chère, peu d’infrastructures...),

    • Le 9 janvier 2014 à 18:27 En réponse à : Abel Somé (SCADD) : "Au Burkina, l’accent n’est pas assez mis sur l’industrialisation"

      Si en dépit de la forte croissance enregistrée ces dernières années par le Burkina, la pauvreté ne dominu pas, c’est justement parce que cette parce que cette croissance n’est pas de qualité. Elle ne génère pas suffisamment d’emploi pour la population active, autrement dit elle n’est pas inclusive. Le président a dit une fois qu’il veut faire du Burkina un pays de service. On ne fait cette option dans un pays ou près de 70% des adultes n’est instruit, ou se trouve la main d’œuvre qualifiée qui va soutenir cette politique ? Le salue viendrai effectivement du secondaire qui pourra éventuellement générer des emplois qui n’exigent pas une haute qualification pour la plus part, donc accessible à la majeure partie des jeunes qui sont généralement pas très qualifies (CEP, BEPC, BAC,CAP, BTS etc). Bien sur que pour que cela marche il faut agir sur les coûts des facteurs de productions, notamment l’énergie et autres. Donc Abel, il faudra convaincre les autorités.

  • Le 7 janvier 2014 à 12:49, par Depuis Berlin En réponse à : Abel Somé (SCADD) : "Au Burkina, l’accent n’est pas assez mis sur l’industrialisation"

    Fier de toi mon frère, tu es un bon technicien, qui a les pieds sur terre !

  • Le 7 janvier 2014 à 13:31, par Ecoeuré En réponse à : Abel Somé (SCADD) : "Au Burkina, l’accent n’est pas assez mis sur l’industrialisation"

    Bien dit M. Somé. En réalité, on ne peut pas se développer sans la mise en oeuvre de politiques industrielles bien ciblées (agro-industrielles notamment) qui tireront du coup la croissance agricole par le biais de l’élargissement de la demande en intrants. Mais cela ne peut se faire sans la remise en cause de la libéralisation des importations....

  • Le 7 janvier 2014 à 13:43, par Ecoeuré En réponse à : Abel Somé (SCADD) : "Au Burkina, l’accent n’est pas assez mis sur l’industrialisation"

    Attention Mr Watt, vous vous inscrivez dans la rhétorique ambiante néolibérale. Les avantages comparatifs sont dynamiques et se construisent par des politiques actives. Toutes les nations développées et plus récemment les pays asiatiques sont passés par cette voix. D’ailleurs, un modèle de développement basé sur les services n’est pas soutenable compte tenu de la contrainte extérieure. Nous sommes malheureusement sur ce chemin et tôt ou tard nous connaîtrons une crise de la balance des paiements.

  • Le 7 janvier 2014 à 14:17 En réponse à : Abel Somé (SCADD) : "Au Burkina, l’accent n’est pas assez mis sur l’industrialisation"

    Je supporte totalement le point de vue du professeur.
    L’industrie est un secteur productif avec certaines "propriétés" stratégiques (contrairement au secteur des services, excepté certains segments) ; et la plupart des pays développés sont passés par l’industrialisation.
    Il y a certainement des obstacles mais si les Japonais s’étaient découragés face aux obstacles qu’ils ont du surmontés, ils ne seraient pas ou ils sont actuellement. Ayons confiance aux Burkinabé.

  • Le 7 janvier 2014 à 14:21, par anta En réponse à : Abel Somé (SCADD) : "Au Burkina, l’accent n’est pas assez mis sur l’industrialisation"

    C’est vrai Docteur.Ici on fait plus de cas des révisions constitutionnelles que de l’industrialisation.

    • Le 9 janvier 2014 à 17:46, par YAWOTO En réponse à : Abel Somé (SCADD) : "Au Burkina, l’accent n’est pas assez mis sur l’industrialisation"

      On ne peut pas avoir une industrialisation quand on tue l’initiative privé par des interférences politiques, c’est ça aussi la réalité de ce régime, aucun investisseurs ne s’aventurerait vu le coût des investissements dans un contexte ou il n’est pas sûr de pouvoir orienter son affaire selon les règles du marché et à sa guise, combien d’usines ont été tué par le politique ? SAVANA, la BIERE DE SOGLI, BRAFASO qui a été repêché etc.

  • Le 7 janvier 2014 à 15:34, par Vision En réponse à : Abel Somé (SCADD) : "Au Burkina, l’accent n’est pas assez mis sur l’industrialisation"

    Voilà qui est bien dit. L’industrie est indispensable pour le développement d’un pays mais il faut que tout le monde le comprenne. C’est une simple ignorance ou manque de volonté politique de la part du gouvernement. Si aujourd’hui certains pays européens sont de grandes puissances c’est parce qu’ils sont industrialisés. On exporte nos produits en état brut, où est la création de la valeur ajoutée ?

  • Le 9 janvier 2014 à 22:55, par MBA En réponse à : Abel Somé (SCADD) : "Au Burkina, l’accent n’est pas assez mis sur l’industrialisation"

    Je l’ai toujours dit et répété, seule l’industrialisation pourra nous faire sortir du sous-développement. Il suffit d’une volonté politique pour que les choses changent. Il faut sortir du schéma classique de développement proposé par les institutions internationales. L’Etat devra mettre en place des mesures incitatives spécifiques pour tout projet industriel. Avec un taux de chômage sans cesse croissant, seule l’industrialisation permettra de créer plus d’emplois et d’absorber le problème de chômage au Burkina Faso.

  • Le 10 janvier 2014 à 07:52 En réponse à : Abel Somé (SCADD) : "Au Burkina, l’accent n’est pas assez mis sur l’industrialisation"

    Avec nos gouvernants actuels, osez mettre l’accent sur l’industrialisation est un voeu pieux. Il suffit de voir tous nos éléphants ou éléphanteaux blancs que l’on peut citer comme Savana à tour de bras, etc. Ne parlons de l’usine de tomates à Loumbila. Et, quand il existe quelques industries, elles sont en train de couler par l’importation frauduleuse à tout va de produits concurrents. Le jour où on veut réellement mettre l’accent sur le secteur secondaire, il faudra résoudre la gangrène de la corruption.Au delà de cela, on se focalise beaucoup trop sur notre chiffre de croissance qui ne veut rien dire. Actuellement, il est tiré par le secteur minier mais qui n’est pas du tout inclusif. Pire, il crée beaucoup de dégâts environnementaux préjudiciable pour nous aujourd’hui et qui compromet le développement durable pour les générations futures. Même si la SCADD met l’accent sur le secteur agricole, les résultats sont pitoyables en terme de production, peu ou pas de valorisation des produits et, surtout, dégradation accélérée de l’environnement.

  • Le 10 janvier 2014 à 13:47, par Ablo En réponse à : Abel Somé (SCADD) : "Au Burkina, l’accent n’est pas assez mis sur l’industrialisation"

    Cher ami,
    Merci pour cette vision que je partage entière. Espérons que les techniciens seront écoutés dans les processus de révision.
    On est ensemble !

  • Le 10 janvier 2014 à 17:33, par naba En réponse à : Abel Somé (SCADD) : "Au Burkina, l’accent n’est pas assez mis sur l’industrialisation"

    Le problème au Burkina c’est qu’on n’a pas une véritable stratégie industrielle, et quand on a un semblant de stratégie, c’est juste pour montrer aux partenaires, sinon aucune application. De plus la stratégie doit être approfondie par filière, ce qui n’est pas fait car on manque de véritables stratèges par filière au niveau étatique.

  • Le 20 janvier 2014 à 17:59, par Noufou En réponse à : Abel Somé (SCADD) : "Au Burkina, l’accent n’est pas assez mis sur l’industrialisation"

    la théorie du vol d’oies sauvages c’est le seule moyen pour nos pays Africain de se développer c’est sur cette base que les pays asiatiques se sont développés .

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