Nos talons répudient ce sentier que dénoncent les ans
Nos regards se détournent de ce sable pétri de renoncements
La mémoire congédie ces édiles arrachant des francs de sang
Nos soupirs regrettent le dard des ancêtres qu’on dérobe

Nous ne pouvons plus nous contenter de rage
Nous ne pouvons plus déplorer les carnages
Nous ne pouvons plus rêver de rivages
Nous ne pouvons plus souhaiter les naufrages

C’est grand regret de te le dire
Fourbe poignard saignant nos souffles efflanqués
Cimetière haletant des rendez-vous échancrés
Ton repentir tarde à venir

Dire seulement nos déveines
Regarder brûler nos membres
Serrer les poings dans la poche et se taire
Implorer un Dieu querelleur et ravaler sa colère

Les flots du sang versé de la piétaille
Ce temps perdu des héros bernés
Trop de mots troués, trop de fièvre gercée
Plus de dérobades, assez des incantations éthérées

La nécessaire lutte impose d’être impoli
Etre mal élevé ou être bien enseveli
Instaurer à grands coups le désordre
Car l’ordre qui mange ses petits est discorde

Toi, lame émoussée, qui chevauche nos lâchetés
Toi, satané histrion, qui refuse de nous réhabiliter
C’est grand regret de te le dire
Ton repentir tarde à venir

Vois-tu prospérer la couardise de la savane calfeutrée
Devines-tu la vigueur des colères rampantes
Entends-tu les clameurs de ce peuple amicalement muet
Pourquoi resserrer les entraves de la multitude désespérée
Entends-tu les humides ivresses du vide
Les sinistres et dérisoires manducations ont trop duré

C’est grand regret de te le dire
Ton nécessaire repentir tarde à venir
C’est grand regret d’avoir à te le prescrire
Ton inévitable repentir tarde à venir

Nous rejetons le nain qui rit sur la margelle
Car la main qui obstrue demain détruit fibre à fibre
Debout, le genou fracassé, nous brandissons la trique
Parce que ramper, ne pas mourir, végéter,
Attendre, espérer, tendre la sébile
Rire de la ride, la narine contrainte
Ce n’est pas vivre

Sayouba Traoré ; Journaliste, Ecrivain